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21 avril 2018 6 21 /04 /avril /2018 08:41

Des paysans harcelés par une bande de voleurs qui les pillent régulièrement décident de demander à des samouraïs de les épauler; ils se rendent en ville, et trouvent Kambei, un Ronin qui va les aider à recruter quelques hommes. Kambei trouve 4 autres hommes expérimentés, un jeune aspirant de bonne famille (Katsushiro), et se retrouve flanqué d'un simili samouraï, Kikuchiyo, qui est un clown, mais qui va vite s'avérer un atout de poids. Les sept hommes viennent chez les paysans, et s'installent avec eux pour préparer la défense du village.

Epique, le film de Kurosawa semble tellement classique qu'on en oublie à quel point il est révolutionnaire, tout en incarnant un fascinant confluent des genres du cinéma Japonais. A la tradition des films de Samouraïs et des films de sabre, aux ballets réglés et ultra-esthétiques, Kurosawa substitue insidieusement des combats qui vont devenir de plus en plus brutaux et de plus en plus réalistes au fur et à mesure de la progression de l'action... Il utilise aussi une de ses bottes secrètes, en installant le village dans lequel l'action des deux derniers tiers se situe sous un déluge, qui provoque une boue particulièrement tenace, qui rend les combats, et, j'imagine, le tournage, difficiles... il demande à ses acteurs de faire leurs propres cascades et le résultat, c'est qu'il s'agit de vrais humains qui doivent régir physiquement à de vraies difficultés. A ce titre, la dernière bataille est d'une violence incroyable...

Mais le film, situé dans une période d'incertitude chère à Kurosawa, pointe du doigt une réalité historique en même temps que des données sociales qui ont beaucoup contribué à consolider cet esprit de classe si particulier au Japon: à une époque durant laquelle aucun pouvoir central n'émergeait, le pays était en proie aux querelles permanentes entre clans, et les combattants faisaient la loi. Un paysan, dans ces conditions, n'était pas grand chose, et la survie entrainait parfois de sombres pratiques: c'est le sens de la découverte par les samouraïs chez l'un des paysans d'uniformes de combattants, tués par les paysans afin de se faire un peu d'argent... On retrouve une illustration de ce fait historique aussi bien dans Les contes de la lune vague après la pluie de Mizoguchi, que dans Onibaba, de Shindo... De fait, si les paysans et les mercenaires qu'ils ont engagés fraternisent le temps du combat, la fin laisse les samouraïs, tous indépendants et ne pouvant prétendre retourner dans aucun clan, sur le carreau, alors que les paysans reprennent leur travail comme si le fait d'avoir défendu enfin leur village contre les bandits n'avait été qu'une anecdote, et en effet, les samouraïs survivants partent dans l'indifférence générale. Donc, si le Japon dépeint par Kurosawa est un monde injuste à l'égard des paysans, il jette un regard extrêmement sévère sur eux, qu'il accuse finalement de profiter de tout, y compris de leur classement social indigne...

Le film n'est pas que ce puissant spectacle des combats, et cet ironique commentaire sur le japon ancestral: Les sept samouraïs est comme chacun sait une fête esthétique, de par le sens incroyable de la composition qui se manifeste en permanence, l'utilisation admirable de la profondeur de champ tout du long, des interprétations à couper le souffle, pas forcément discrètes et subtiles, mais le sujet et les personnages le permettent... La mise en scène est un modèle de ce qu'on peut faire en matière d'accumulation intelligente de personnages; la scène d'introduction de Kambei, par exemple, montre le samouraï en action, et va aussi installer dans le champ les deux personnages de Katsushiro, et de Kikuchiyo. Pas un dialogue ne sert à caractériser les uns et les autres, mais Kurosawa nous montre le leader dans ses oeuvres (Il doit se déguiser pour récupérer un enfant kidnappé), l'apprenti déja armé et habillé, mais pour qui tout reste à faire, et le vilain petit canard qui regarde la scène du coin de l'oeil avec son épée trop grande pour lui... La façon dont il utilise les mouvements de foule pour isoler les apparitions de ses personnages est un modèle de mise en scène pertinente...

D'ailleurs ce film est un miracle permanent, qui renvoie au western autant qu'à Shakespeare. Donc, le western a réagi, et 6 ans plus tard, John Sturges a fait un remake, très simplifié, du film, avec Eli Wallach en chef des bandits, et un assortiment de personnage westerniens qui sont très tributaires de certains clichés (Yul Brinner, Steve McQueen, Robert Vaughn, James Coburn...). on lit parfois ça et là chez certains commentateurs que Sturges a fait mieux que Kurosawa en matière de personnages, puisqu'ils sont tous caractérisés dans le western, alors que seuls trois surnagent dans le film japonais: c'est un délire, qui tend à prouver que certains critiques ne voient pas les films dont ils parlent! De plus, Horst Buchholz, qui a la tâche de reprendre les rôles de Kikuchiyo ET Katsushiro, est ridicule, jouant plus mal que mal. Mais de toute façon, avec ses décors sublimes, son scope, sa musique, le film reste un monument de plaisir! un solide film, plus qu'un grand remake...

C'est intéressant de constater que ce sujet revienne au western en voyant combien l'influence des films du genre a pu être importante sur Kurosawa, les Ford en particulier; les scènes de préparation militaire, avec Toshiro Mifune en "sergent instructeur" de fortune, renvoient pour moi à ces scènes dominées par McLaglen en sergent Irlandais dans les films de cavalerie de John Ford... Ca a du amuser Kurosawa, et ce n'était, comme chacun sait, pas la dernière fois que ce curieux retour allait s'opérer.

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Published by Allen john - dans Akira Kurosawa Criterion