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25 juin 2011 6 25 /06 /juin /2011 10:12

Ceci est le deuxième et dernier film de Langdon réalisé par Frank Capra, l'homme qui prétendra toute sa vie avoir "fait" Langdon. Nous n'allons pas revenir ici sur l'histoire, le fait est désormais avéré: immense cinéaste, Capra était aussi un affabulateur de génie, comme d'autres grands: qu'on pense à Walsh, menteur et farceur; Ford qui brouillait les pistes au point de prétendre avoir été cowboy en Arizona; Lang et sa version de sa propre fuite d'Allemagne... Donc, une fois The strong man achevé, Langdon aussi bien que Capra se sont senti pousser des ailes: le film était un succès, leur ambition avait payé, et il pouvaient remettre le couvert; l'ennui était que chacun des deux s'atribuait les mérites de ce qui était avant tout une collaboration, et que la brouille allait se préciser; Langdon était le patron, et à la suite du tournage, il a écarté Capra de son équipe, jugeant le temps venu de prendre sa destinée en mains. Le film devrait s'en ressentir, mais pas du tout: C'est un film tout à fait typique de ce que Langdon pouvait réussir dans ses meilleurs moments, qui revient à des thèmes proches de ses courts métrages, et qui oppose une fois de plus la ville corruptrice à l'Amérique profonde, comme les trois-quarts des films muets Américains semble-t-il, mais dans une bulle burlesque moins caricaturale que dans The strong man.

 

Harry est un grand garçon, qui rêve toute la journée de romance, alimentant ses fantaisies de livres puisés à la bibliothèque locale. Toute sa jeune vie, ses parents l'ont gentiment couvé, persuadés qu'il se marierait automatiquement l'age venu avec la petite voisine, Priscilla (Priscilla Bonner, la jeune aveugle de The strong man). Celle-ci aussi en est persuadée. Un beau jour, les parents décident d'offrir des pantalons à Harry qui se croit enfin adulte, et se précipite sur la première venue: une jeune femme de la ville (Alma Bennett) dont la voiture est en panne, et qui appartient à un gang de trafiquants de drogue par-dessus le marché. Pour se débarrasser de lui, la jeune femme l'embrasse, et part, mais Harry, persuadé qu'il s'agit d'un pacte d'amour, l'attend. Alors que le village s'apprète à célébrer son mariage avec Priscilla, il s'enfuit pour retrouver sa "bien-aimée"...

 

http://366weirdmovies.com/wp-content/uploads/2010/07/long_pants.jpgComme chez Lloyd, le décor rural est assez classique, mais le personnage de Langdon est plus caricatural encore; par contre, les scènes urbaines installent Langdon... en 1927, avec sa corruption, son jazz et sa consommation d'alcool frelaté. La naïveté du personnage se retrouve, tout comme dans les meilleurs courts Sennett, placée au coeur d'un décor d'autant plus criard. Des scènes laissent comme il savait si bien le faire Langdon pousser son style lent et répétitif jusqu'au bout: lorsqu'il a vu la jeune femme en automobile au début, il tourne autour d'elle avec son vélo, faisant tout un tas d'acrobaties plus embarrassantes les unes que les autres. Contrairement à un Charley Chase ou un Harold Lloyd, l'embarras, avec Langdon, est pour le spectateur, pas pour le comédien; c'est ce que lui empruntera Laurel...

 

Pour le reste, il faut noter une cavale rocambolesque en ville avec Langdon qui croit porter sa "fiancée" dans une caisse, alors qu'il s'agit d'un crocodile, et deux scènes frappantes: vers la fin, Harry qui s'est lui-même aveuglé sur les activités délictueuses de sa "petite amie", assiste dans la loge d'un théâtre à un rêglement de comptes, qui l'éclaire une bonne fois pour toutes sur la vraie nature de la femme qu'il aime. Cette scène est volontairement crue, et vue par un Harry au premier plan, de dos; il joue de fait à visage masqué, la scène fonctionnant parfaitement du fait que le comédien est retourné. Une noirceur qui contraste avec la vie doucereuse de sa campagne, et qui explique deux ou http://cache2.allpostersimages.com/p/LRG/37/3723/RSTAF00Z/posters/long-pants-harry-langdon-1927.jpgtrois plans qui servent en quelque sorte de "paliers de décompression" pour le jeune homme lorsqu"il revient à la maison: on le voit l'air hagard errer à travers bois avant de rentrer chez lui, grandi, mais aussi traumatisé. Cette noirceur culmine pourtant à un autre moment de ce film: lorsqu'il s'apprête à se marier, Harry se demande comment se débarrasser de Priscilla, et imagine l'emmener dans les bois pour la tuer d'un coup de révolver, une rêverie qui contraste évidemment avec ses fantaisies du début du film, qui levoient en prince de pacotille conter fleurette à la jeune fille... Mais le plus perturbant, c'est qu'il tente effectivement de mettre son plan à éxécution! Comme si dans True Heart Susie, de Griffith, Bobby harron emmenait Lillian Gish dans le bois pour la tuer, en quelque sorte: ça fait quand même froid dans le dos, même si Harry Langdon étant Harry Langdon, ça ne marchera pas, rassurez-vous.

 

Voilà, ce film est sans doute plus mal fichu que le précédent, moins équilibré. Les partisans de Capra diraient que Langdon a trop contrôlé, les partisans de Langdon seraient d'avis d'imputer ses défauts à Capra; quoi qu'il en soit, le film est de toute façon typique de son auteur, et je parle ici de Langdon, pas de Capra: après trois ans passé à tricoter des films autour de son personnage, entièrement tissés autour de son style de gags, il serait temps qu'on reconnaisse la paternité de ces films, non?

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Published by François Massarelli - dans harry langdon Frank Capra Muet