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25 janvier 2014 6 25 /01 /janvier /2014 18:52

Il faut revoir ce film de Spike Lee aujourd'hui, plus que jamais, hélas. On avait tiré à boulets rouges sur l'initiative forcément louche d'un metteur en scène Afro-Américain, qu'on accusait de travestir la vérité à l'avantage de sa communauté en faisant de Malcolm Little dit X ce qu'il n'était pas supposé être, soit un martyr. On criait au communautarisme, à la déviance... L'impression étant que seul un homme centriste ou consensuel (King?) puisse sortir du lot de la communauté noire Américaine et être enfin considéré comme un personnage historique dont l'héritage soit incontestable... X était humain, nécessaire: A l'histoire, à l'humanité autant qu'à l'Amérique et aux noirs eux-mêmes. Il gênait parce qu'il embarrassait la mauvaise conscience d'une population blanche fautive, qui a laissé faire des siècles durant; une mauvaise conscience mal polie de l'Amérique, à laquelle on a reproché des provocations et des franchissements peu souhaitables de limites (Sa réaction à l'assassinat de Kennedy est un exemple dans le film), mais qui est montré ici comme un homme imparfait, dans un cheminement erratique mais constamment sincère. Et Lee, qui n'est pas lui-même un musulman, nous montre Malcolm X passer de la drogue et la délinquance à un Islam "arrangé" (La nation de L'islam, un groupe très controversé) à la sauce Américaine, militant de façon talentueuse et mordante pour une Amérique noire, ou un retour à l'Afrique, avant de trouver en un pèlerinage à La Mecque une nouvelle dimension spirituelle à ses croyances, devenant du même coup un vrai Musulman: tolérant, ouvert, aspirant à la paix et la fraternité, pas à l'expression désordonnée de la colère... Qu'il ait été de plus en plus attiré par une réunion de toutes les factions qui militaient pour la cause des noirs au moment de sa mort n'est en aucun cas un mystère. Que mandela soit vu à la fin du film enseignant à des élèves de primaire l'héritage de Malcolm X fait d'autant plus réfléchir maintenant que le grand leader (Incontesté, celui-là) Sud-Africain est décédé... Une bonne fois pour toutes, on saluera la prestation exceptionnelle, habitée de Denzel Washington...

 

Le film fleuve de Lee, son meilleur film haut la main, est passionnant par se sparti-pris et son impeccable cohérence narrative: il laisse la mise en scène épouser la vie de Malcolm au fur et à mesure, de plus en plus austère à mesure qu'on se rapproche de la fin. Il filme avec tendresse le Harlem des années 40, bigarré, mal poli, avec ses Zoot Suits, ses jeunes noirs qui se font défriser les cheveux, et la devanture des clubs ou passent Jimmie Lunceford, Dizzy Gillespie et Sarah Vaughan. Il convoque la Far east Suite de Duke Ellington lors des séquences consacrées aux voyage de Malcolm X en Afrique du nord puis à la mecque, Alabama de Coltrane pour les évocations des répressions musclées à la maison, et s'essaie à une représentation (Peu convaincante) du big band de Lionel hampton; enfin, Terence Blanchard accompagne de son score impeccable le souffle épique du film, qui nous montre finalement un héros Américain, un homme qui a su trouver son intelligence dans la dialectique, en étant jusqu'à la fin le poil à gratter de l'Amérique, celle qui vous met la tête dans le seau pour nous obliger à sentir les trucs pas propres qui y sont restés: bref, Malcolm X était vraiment, lui, ce que les provocateurs de tout poil qui tentent de se faire passer pour des agitateurs nécessaires ne seront jamais: un homme indispensable à son temps. Pas un homme parfait, non, mais un homme dont le chemin parcouru méritait bien ce film étonnant et qui ne ressemble à aucun autre biopic...

 

Et pour finir si ce film est indispensable aujourd'hui c'est bien sur parce que d'une part on n'a pas encore compris dans les pays occidentaux ce que l'Islam est vraiment: le film nous le montre dans ce fameux Pèlerinage... Spike Lee a beau ne pas être Musulman, il ne confond jamais les extrémistes, les terroristes d'une part, et les coyants d'autre part... Et puis, ce film commémoratif venait en un moment qu'on supposait apaisé, longtemps après la fin de la ségrégation..., Mais il montre brièvement en son générique une allusion à l'embarrassante affaire Rodney King, ce jeune noir tabassé à Los Angeles au début des années 90 par des flics blancs. En 1992, c'était de l'actualité récente... Mais on n'a hélas pas beaucoup avancé. Ici non plus, d'ailleurs!

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Published by François Massarelli - dans Spike Lee