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6 avril 2013 6 06 /04 /avril /2013 09:10

Après avoir tripatouillé le film noir et joué avec la comédie burlesque et sentimentale, les frères Coen ont beaucoup fait parler d'eux avec Miller's crossing, à juste titre. Le premier de leurs films dans lequel ils mèlent avec brio toute la gamme de leur inventivité et de leur savoir-faire: leur façon d'aborder un genre, de façon à la fois référentielle et déférentielle, de pousser les numéros d'acteurs juste un poil trop loin de manière à souligner sans trop d'effets le pastiche, et de construire un film sur les scènes, chacune d'entre elle étant anthologique. Et de fait, avec l'aide d'un personnage principal revenu de tout qui traverse cette histoire de règlements de compte et de luttes territoriales chez les gangsters de 1929, mieux vaut avoir des scènes auxquelles se raccrocher tant le propos est volontairement compliqué: on songe parfois à The big sleep, et son intrigue sans queue ni tête... qui reviendra de façon inattendue dans The Big Lebowski quelques années plus tard.

Tom Reagan (Gabriel Byrne) est l'homme de confiance du parrain Leo O'Bannion (Albert Finney); pour tout compliquer, il est aussi l'amant de Verna (Marcia Gay Harden), la fiancée de Leo. Celle-ci a demandé à Leo de protéger son frère Bernie (John Turturro), un électron libre qui ne s'attire que des ennuis, et Tom va être amené à croiser la route de celui-ci, mais aussi à "passer de l'autre côté", c'est-à-dire chez la concurrence, incarnée par l'Italien Johnny Caspar (Jon Polito); tombé en disgrace auprès de Léo, il se fait en effet engager par le grand ennmi de celui-ci, mais l'une de ses premières tâches est d'éliminer Bernie, et pour celà, d'aller à Miller's crossing, un lieu désolé et à l'écart de tout, où on va se débarrasser des gens encombrants...

Un motif récurrent, dont Reagan nous dit qu'il est venu d'un rêve obsessionnel, nous montre un chapeau qui tombe sur le sol feuillu du sous-bois de Miller's crossing. Puis le chapeau, emmené par le vent, part et ne peut plus s'arrêter; dans son rêve, Tom Reagan dit qu'il essaie de le rattraper. D'une certaine façon, bien sûr, on peut s'arrêter à l'analogie entre le chapeau perdu et Tom qui bien qu'il endosse toute la responsabilité de cette histoire, est aussi un pion dans son propre plan, qui va être amené non seulement à souffrir (Tout le monde ou presque lui en veut), mais aussi à terminer les bras ballants, sans avoir rien gagné... Mais le chapeau a un autre sens, qui renvoie à l'aspect référentiel du film, avec cette obsession des couvre-chefs soulignés par chaque plan, qui identifient Miller's crossing commme un film de gangsters, puisque tous les hommes y portent chapeau!

Comme toujours, une obsession maniaque et précise a présidé à l'élaboration d'un dialogue rempli d'argot d'époque légèrement exagéré, et de passages de témoins verbaux, les personnages établissant leurs liens par des expressions qui passent de l'un à l'autre, sans que ce soit aussi marqué que dans The Big Lebowski. Les références ne s'arrêtent pas d'ailleurs à la période de 1929, puisque la scène d'ouverture nous montre une entrevue entre un parrain et un autre homme, dans un bureau: comment ne pas penser à The Godfather de Coppola? Et puis comme toujours chez les deux frères, le diable fait son apparition, mais qui est-il vraiment? L'ange noir déchu Tom Reagan, artisan de sa propre mise à l'écart et qui ensuite utilise tout le monde contre tout le monde, ou le "Danois" (Eddie Daniels), l'homme de main laconique qui tire les ficelles chez Johnny Caspar?

Ce beau film désespérant, sardonique et cruel, est une excellente entrée en matière pour aborder l'univers décalé et plus vrai que nature des Frères Coen, avec sa photographie superbe signée de Barry Sonnenfeld, ses performances baroques (Polito, Turturro), codifiées (Marcia Gay Harden) son parfum d'époque, ses scènes d'anthologie, la meilleur étant sans doute la tentative de meurtre de Leo, avec son montage parfait, et sa tonne de cartouches gaspillées...

 

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Published by François Massarelli - dans Joel & Ethan Coen