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20 octobre 2012 6 20 /10 /octobre /2012 17:50

Vous vous souvenez peut-être du film de Preston Sturges, Sullivan's travels, sorti en 1941: Joel McCrea y interprétait un metteur en scène de comédie, soudain lassé de son statut d'amuseur, pris par l'envie de créer une oeuvre à la signification sociale ambitieuse, et qui dans ce but se laçait dans un voyage incognito à travers l'Amérique. Le titre du film qu'il souhaitait tourner et ne ferait bien sur jamais était justement O Brother, where art thou?. Les deux frères Coen lui rendent ici un hommage appuyé, en mélangeant comme ils en ont l'habitude plusieurs ingrédients, genres et idées structurelles. Ce qui reste un film controversé par des fans qui estiment qu'il manque de coffre est aussi une comédie lumineuse, marquée non seulement par une reconstitution du Sud des Etats-Unis durant la Dépression, mais aussi par l'inspiration de l'Odyssée dont il est sans rire une adaptation...

Mississippi, 1937: Ulysses Everett McGill (George Clooney), Pete Hogwallop (John Turturro) et Delmar O'Donnell (Tim Blake Nelson) s'évadent du "chain gang", le fameux bagne à ciel ouvert si répandu dans le sud. Ils ont pour but de récupérer un butin, amassé soi-disant par Everett avant d'être enfermé en prison, et qui est situé au milieu d'une vallée qui va être noyée sous les eaux d'un barrage construit dans le cadre des grands traveaux ordonnés par Roosevelt. En vérité, Everett a embobiné ses copains, puisqu'il ne s'évade que dans le but de récupérer son épouse (Holly Hunter) avant que celle-ci ne se remarie avec un autre...

En chemin, les trois hommes croisent la route d'un certain nombre de personnages bien dans la manière du Sud, participent à leur façon à une campagne électorale, perturbent un rassemblement du Ku-Klux-Klan, échappent au Diable à plusieurs reprises, et enregistrent un disque à succès sous le nom improvisé de Soggy Bottom Boys...

 

Le Cyclope, Ulysse, Penelope et leurs sept filles, les sirènes... les renvois à Homère (D'ailleurs présent dans le patronyme du candidat réformateur au poste de gouverneur et grand dragon du KKK, Homer Stokes) ne manquent pas, et structurent le film qui est un vrai voyage, avec ses dangers, ses étapes, ses pleins et ses déliés. Le Mississippi rural et pauvre, majoritairement blanc, y est vu sous tous ses angles, et rien que pour ça, le film vaut clairement le détour. Mais il s'inscrit aussi dans un hommage aux films de l'époque, vus à travers une séance de cinéma largement inspirée par une anecdote du film de Sturges. Et la musique locale, folklore sudiste parfois teinté de gospel et de blues, parfois plus tourné vers la country, donne lieu à des passages totalement irréalistes, le rally du KKK en tête. Pourtant, dans cette société qui essaie (Ségrégation, KKK) de refuser le multiculturalisme, passe comme une atmosphère de mélange irrésistible, incarné justement par la musique, notamment la magnifique interprétation glorieusemeent doublée de la chanson A man of constant sorrow, par les Soggy Bottom Boys, un groupe 'intégré' avant l'heure: guitariste noir, chanteurs blancs.

Les personnages, pas vraiment intelligents (Clooney l'a toujours dit, lorsqu'il interprte un film pour les Coen, il y est forcément une andouille...) sont attachants, à plus forte raison lorsqu'ils imposent une sorte de progrès social d'intégration en s'affichant avec un guitariste noir (Chris Thomas King), qui a d'ailleurs vendu son âme au diable. On se dit bien sur qu'en 1937, aucun Sudiste n'aurait fait comme eux, mais quelle importance? On est au cinéma, et comme le démontrait Sturges, l'esentiel c'est que force reste à la comédie. A ce titre, la saga drôlatique et inutile de trois hommes qui vont réaliser une certaine forme de rêve américain sans vraiment l'avoir cherché est un bien bel hommage à cet esprit hérité d'un grand homme de cinéma.

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Published by François Massarelli - dans Joel & Ethan Coen George Clooney