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19 mars 2011 6 19 /03 /mars /2011 18:33

Il était, donc, une fois dans l'Ouest... Alors que la construction du chemin de fer se poursuivait en direction du pacifique, une femme, Jill, débarquait de la Nouvelle Orléans par le train, afin de se lancer dans une nouvelle vie aux côtés de McBain, l'homme avec lequel elle s'était mariée en secret, un Irlandais qui disait être riche. Manque de chance, un tueur, Frank, avait massacré la famille McBain, le mari, mais aussi ses trois enfants: une jeune femme, un jeune homme et un garçon. Au même moment, deux hommes faisaient parler d'eux: le bandit Cheyenne, et un homme qui répondait au surnom d'Harmonica, puisque il jouait en permanence de cet instrument... 

L'histoire est bien sur assez classique, entremêlant les figures Westerniennes traditionnelles, les échanges savoureux et les grandes figures à la Leone. Mais derrière ce titre qui renvoie sinon au conte, en tout cas au mythe, Leone dresse un portrait fascinant de l'Ouest en plein bouleversement, et son film, finalement, plutôt que de continuer la révolution du "Western spaghetti", louche assez franchement du coté de John Ford, en particulier de My darling Clementine, dont le décor changeant était celui d'une ville en construction... Et puis il y a Henry Fonda. Le grand coup de poker, c'était à l'époque de se demander si le public allait accepter Fonda en Bad guy: Frank, c'est bien sûr lui, accompagné de trois autres acteurs: Claudia Cardinale, Jason Robards, et Charles Bronson.

Des hommes, et une femme: les hommes, dans ce film, sont tous liés à la violence, de Frank le tueur professionnel à Cheyenne, le bandit au code d'honneur, en passant par Harmonica, le mystérieux étranger qui se présente sous les noms des victimes défuntes de Frank avant de se mesurer avec ce dernier dans un duel mythologique, mais aussi par Morton, le propriétaire de la compagnie de chemin de fer qui envoie Frank faire le sale boulot, et dont le handicap est non seulement une trace de son passé, mais aussi un reflet de son âme et un commentaire ironique sur sa toute-puissance. Tous, sauf un, mourront, aussi simplement que meurent les trois bandits de l'introduction justement célèbre. Avec le train qui passe, les quatre hommes représentent le passé peu glorieux de l'Ouest, mais comme le dit Frank à Harmonica, ils n'ont aucun avenir, il leur faut juste survivre à l'instant. Un sujet parfait pour un film de Leone, donc: comme toujours, les scènes sont autant d'instants vécus intensément, inoubliables, et fascinants.

Quant à la femme, eh bien, elle est changeante, et c'est un peu toutes les femmes; comme le dit Lionel Stander dans son rôle de boutiquier-barman, "à la Nouvelle Orléans, il y des femmes qui..." et les indices prouvant que Jill est une ancienne prostituée ne manquent pas. Mais il le dit aussi, "Vous n'êtes pas comme ça": en effet, dès le départ, Jill assume d'être Mrs Mc Bain, désireuse de changer de vie. Pour Harmonica, elle représente un avenir à protéger. Pour Cheyenne, elle est souvent comparée à sa mère, qui a été une prostituée. Il la bouscule un peu, la provoque, mais il la traite comme sa mère, justement, et il lui prédit le rôle le plus important de la nouvelle ville qui va naître: elle est la vie. Enfin, Frank lui aussi tourne autour de la jeune femme, d'abord pour la posséder, mais il tombe vite sous le charme...

Les deux westerns précédents se résolvaient autour d'une scène lyrique, un point culminant, et c'est bien sur le cas ici, mais Leone, qui a multiplié les morceaux de bravoure (a commencer par les dix premières minutes), se résout à changer la donne: on attend une confrontation entre Frank et Harmonica, et au moment donné, on a une explication sous la forme d'un flash-back. Leone et Morricone lui donnent toute la puissance de feu nécessaire, et la confrontation en est presque escamotée... Devenue redondante? Non, mais elle aurait probablement pâli au regard du lien passé entre Frank et l'ange exterminateur Harmonica, sise à Monument Valley, en un lieu improbable: une arche quasi-Romaine, reflet construit par la production d'une hypothétique ruine, qui renvoie bien sûr au mythe originel, à la rencontre qui hante l'homme à l'harmonica, qui va enfin rendre la monnaie de sa pièce au tueur qui l'a rendu acteur du meurtre de son propre frère...

Son film plus Américain que les précédents, Leone n'avait pas prévu de le faire, mais ce n'est pas grave: c'est un grand film, un classique du western, et il n'y a rien que de belles choses à voir, en Techniscope comme il se doit, du début savoureux à la fin, dans laquelle, enfin, Jill est laissée à son avenir, pendant que les tueurs sont renvoyés à leur mythologie.

Once upon a time in the West (Sergio Leone, 1968)
Once upon a time in the West (Sergio Leone, 1968)
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Published by François Massarelli - dans Sergio Leone Western