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26 septembre 2018 3 26 /09 /septembre /2018 16:52

Le corps: c'est le motif numéro un de ce film, qui commence une fois n'est pas coutume par une performance, un ballet de Pina Bausch, auquel assistent deux personnages du film. En guise de prélude, on a donc une de ces apparitions artistiques extérieures dont Almodovar nous gratifie depuis toujours; il y en aura d'autres, mais le corps ne sera jamais absent de l'image... Il me semble que ce film a des points communs en ce sens avec un de ses plus récents longs métrages, le si décrié La piel que habito.

Danser, c'est l'un des fils conducteurs entre les personnages; par exemple les deux "héros", Benigno l'infirmier et Marco, le journaliste, ne se voient pas vraiment lors de cette représentation d'un ballet durant lequel ils sont côte à côte; tout au plus Benigno voit-il que Marco pleure... Benigno aime Alicia, qui danse dans l'école juste à coté de chez lui, et dont il a tout fait pour s'approcher; maintenant qu'Alicia est dans le coma suite à un accident, Benigno s'occupe d'elle, jour et nuit, dans le cadre de son métier... Enfin, c'est par le biais d'une enseignante de danse (Geraldine Chaplin) que Marco sera presque officiellement présenté à Alicia à la fin du film, lorsque celle-ci aura retrouvé la vie... Tout ce qui se passe dans le film mène à cet instant, et il est fugitif, mais une fois le moment passé, le générique arrive. Almodovar a tissé entre les êtres des liens solides, fascinants et passionnants...

Toréer: une activité qui touche au sacré... Pas pour moi, je l'avoue (J'ai même tendance à apprécier le fait qu'un torero se fasse massacrer par un taureau, je suis donc comblé ici), mais pour les Espagnols, pour Marco aussi, qui tombe amoureux, fasciné, d'une torero, Lydia. celle-ci a un accident, et se retrouve en mort cérébrale, maintenue en vie dans le même hôpital qu'Alicia. Il rencontre vraiment Benigno, lorsqu'il a l'oeil attiré par la nudité du corps d'Alicia, qu'il aperçoit au hasard d'une porte entr'ouverte, et qui l'a manifestement ému: second fil rouge, le corps dévoilé sans aucune pudeur de la jeune femme, et ses soins prodigués de façon maniaque par Benigno, qui ne cache pas être fou d'amour. D'ailleurs, il lui parle, et conseille à Marco d'en faire autant avec Lydia... Mais celui-ci n'y parvient pas. Au gré des jours, on voit défiler du monde, ainsi le professeur de danse vient-elle elle aussi au chevet de son élève, pour lui parler, en toute complicité avec Benigno.

Aimer physiquement, c'est le pas à franchir pour Benigno, dont on devine une difficulté à trouver l'amour: son obsession pour Alicia est comblée: la jeune femme lui est servie sur un plateau, et son corps lui appartient: cette transgression est l'une des clés du film, qui va favoriser le réveil d'Alicia, le sacrifice de Benigno, et la vraie rencontre entre Alicia et Marco, final du film...

Parler: le titre du film fait allusion à ces conseils de bon sens prodigués par Benigno à Marco, qui ne parviendra jamais à engager le dialogue avec Lydia et découvrira cruellement qu'il la veille pour rien: au moment ou elle s'est faite piétiner par un taureau, elle était sur le point de le quitter, et souhaitait justement... lui en parler. Quand il le découvre, il cesse immédiatement de venir auprès d'elle. L'autre révélation va venir d'une observation de Marco, fasciné par les seins découverts d'Alicia: il les trouve grossis... En fait elle est enceinte, elle qui est dans le coma depuis quatre ans.

Se rencontrer enfin: le film nous conte, finalement, le cheminement vers la création accidentelle d'un amour dont on sait qu'il sera fort, sincère et absolu, veillé de l'extérieur par un grand disparu dont le dernier plan des personnages réussit à la fois à nous montrer l'absence et la présence. Voyez le film... Sinon, Almodovar souligne par des mentions des personnages et de leur interaction la progression amoureuse, ou amicale: Marco et Lydia, Benigno et Alicia, etc... il officialise le coté ronde de son film, en ajoutant des bâtons dans les roues du spectateur, s'amusant à bouleverser la chronologie de façon parfois explicite ("Trois mois auparavant") et parfois moins, comme dans les flash-backs désordonnés de Marco avec Lydia. En plus de la danse de Pina Bausch, qui revient à la fin du film pour achever la ronde, Almodovar une fois de plus s'adonne à son piochage culturel, et nous soumet une adorable interprétation de La Paloma, avec dans le public, les deux personnages féminins principaux de Tout sur ma mère, une façon de continuer à tisser des liens non seulement entre les personnages mais aussi entre ses films. Enfin, il nous gratifie d'une hallucinante parodie de film muet dans lequel un savant rétrécit et se retrouve happé par le sexe géant de sa bien-aimée... excessif? oui. Comme un cheveu sur la soupe, même, mais cette grossière parodie osée me semble totalement appropriée: elle peut dresser un lien entre Benigno et Alicia tous deux fans de films muets, est une allusion à un autre des arts corporels: le film muet est un art du geste, il est donc logique qu'une fois de plus, on assiste à une représentation du corps...

Conclure: ce film est à n'en pas douter l'un des sommets de l'art d'Almodovar. Il en est fier, très fier, même. Il peut.

 

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Published by François Massarelli - dans Pedro Almodovar