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7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 10:20

Revenir à la charge, en 1965, après Pour une poignée de dollars, a été sans doute la meilleure idée de Leone: après tout, si le film précédent a inauguré un genre, c'est celui-ci qui va le confirmer, et consolider le succès, avec en prime une distribution aux Etats-Unis, ce qui peut paraître inattendu, et l'était encore plus en 1965. A l'austérité du premier film, qui tranchait sur le cadre Westernien par le manque total de conviction morale affichée de son héros, Leone substitue un écheveau plus complexe qu'il n'y paraît, faisant un film dans lequel il n'y a pas un, mais deux héros. Ils n'ont juste pas les mêmes motivations. Avec Douglas Mortimer, interprété par Lee van Cleef (Comme Eastwood, un homme dont le visage même est une mise en scène à lui tout seul), Leone commence à nous parler de gens traumatisés par un acte de violence fondatrice, on retrouvera ce thème dans d'autres films bien sûr, et on assistera même en direct à un acte de violence blasphématoire dans Once upon a time in the West... Mais dans le film qui nous occupe, cet acte est partagé par un autre protagoniste, le bandit psychopathe El Indio, joué par Gian Maria Volonte. Mortimer, qui est chasseur de prime, ne pratiquera pas la violence gratuitement, et son cynisme apparent cache une blessure secrète.

Deux chasseurs de primes débarquent au Nouveau Mexique, dans le but de démanteler la bande d'un bandit échappé de prison, El Indio. Ils se divisent le travail, l'un d'entre eux restant à observer à l'extérieur pendant que l'autre infiltre la bande, participant de fait à un hold-up spectaculaire... 

Le film, comme le précédent, assoit sa mise en scène en la mettant en valeur aussi souvent que possible, Leone prenant un plaisir manifeste à convoquer toutes les ressources de la narration cinématographiques, et poussant un peu plus loin ses expériences du premier film de distorsion du temps et de l'espace. Mais c'est dans la représentation de la mise en scène qu'il excelle, et dès le départ. A ce titre, Mortimer est bien plus prolixe que Manco (Eastwood, une fois de plus doté d'un nom contrairement à la légende): la façon dont on adopte dans la première scène d'arrestation le point de vue du chasseur de prime est exemplaire du parti-pris de Leone de nous faire suivre en toute connaissance de cause les agissements de celui qui va longtemps être soupçonné d'être un personnage négatif, dont on attend longtemps qu'il joue un sale tour à Manco, justement... Mais non.

Aux agissements de Eastwood et Van Cleef, correspondent ceux d'un troisième "metteur en scène", Volonte lui-même, qui laisse le chasseur de prime infiltrer la bande, qui ensuite observe avant d'agir et de se servir de ses ennemis pour se débarrasser de ses propres amis, devenus encombrants. Le film et son tempo très lent, accompagné par la musique de Morricone qui en souligne la tension repose beaucoup sur le fait d'observer, comme en témoignent ces scènes très longues durant lesquelles les bandits, Manco et Mortimer, chacun de son coté, observent les policiers faire leur ronde afin de minuter les chances du casse...

Mais le film prend tout son sens dans la mise en scène du réalisateur lui même, qui aura bien sûr le dernier mot, au cours d'une séquence baroque et hallucinante durant laquelle Leone s'est enfin débarrassé de tout le superflu, gardant ses trois acteurs, réunis pour une dernière confrontation, un dernier spectacle, sur ce qui est un cirque, tracé par les restes d'une construction en ruines. Un cadre mythique, à la hauteur de l'enjeu: donner au film une fin inoubliable... Morricone se lâche, Leone multiplie les plans, et le reste appartient à l'Histoire.

 

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Published by François Massarelli - dans Sergio Leone Western