Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
  • Contact

Recherche

Catégories

14 juillet 2016 4 14 /07 /juillet /2016 11:09

Un western qui pose en termes aussi clairs et crus la question de la justice expéditive, dénonçant du même effet tous les aspects qui posent problème dans la Loi américaine, et disons-le, universelle, tant le message du film parle à tous. On va le redire: message. Ce film n'est en rien gratuit, il n'est pas de ces westerns qu'on regarde pour y retrouver un plaisir escapiste, il se regarde comme on retourne à un exposé brillant. Confié à un maître qui n'a pas pour habitude de mâcher ses mots, habité par des comédiens qui incarnent tous d'une façon convaincante des humains embarqués dans une affaire regrettable qui sera exacerbée par d'incontrôlables passions, le film est nécessairement une grande date, et une oeuvre gonflée, dans la mesure ou une vision aussi radicale est finalement rare en temps de guerre, ou la simplification manichéenne est le plus souvent érigée en loi absolue... Il est vrai qu'à l'extérieur des Etats-Unis, en ces temps troublés, la justice expéditive existe bel et bien...

 

Deux cowboys fatigués reviennent dans une ville qu'ils ont quitté depuis longtemps, et vont se trouver pris plus ou moins de force dans un posse, le but du rassemblement étant de trouver et lyncher les meurtriers d'un homme qui vient d'être tué après que son bétail lui ait été volé. Les "justiciers" vont vite tomber nez à nez avec trois hommes, accompagnés d'un troupeau, qui pourraient bien être les criminels recherchés, bien qu'il apparaisse très vite à un certain nombre des membres du posse que ce n'est pas le cas. Le débat fait rage entre les différentes personnes présentes: les lyncheurs, les coupables et les témoins plus ou moins impliqués...

Le film est court, très court même pour un film de 1943. Wellman a débarrassé sa démonstration de tout ce qui pouvait l'encombrer, pas d'histoire sentimentale donc, même si il y en a l'ombre d'une esquisse, vite mise de côté. Pas de grands discours, même si un procédé permet au scénariste Lamar Trotti d'introduire une sorte de conclusion en forme de lecture humaniste par Henry Fonda: l'un des "condamnés"  a eu le temps d'écrire une lettre, qui sert de conclusion au film, et termine de désigner post-mortem les lyncheurs comme des hommes qui se sont mis hors-la-loi, par rapport aussi bien à la société que la religion. Fonda, qui permet l'identification du spectateur, n'est pas ici un donneur de leçons, mais un homme qui passait par là, et qui n'a participé à cette odieuse aventure que contraint et forcé, son statut d'étranger en faisant un suspect potentiel. Mais sa vision pragmatique lui permet d'agir en conscience, en se désolidarisant très vite du troupeau d'obsédés du noeud coulant. Ceux-la sont pointés du doigt plus que les autres, et sont bien sur un mélange hétéroclite: une dame un peu trop pittoresque, un riche propriétaire qui se réclame de la confédération (Le film se situe un certain temps après la guerre de sécession) et qui tourmente son fils, jusqu'à le pousser à participer au lynchage contre son gré, et divers personnages qui se situent plus ou moins officiellement du coté de la loi. Les "justes" ne seront, eux, que sept...

 

Les trois "victimes" de ce qui est une erreur judiciaire rappellent bien sur qu'on n'est pas égaux aux Etats-Unis devant la justice, que cette inégalité soit liée à une origine, à une classe sociale ou comme ici, au fait qu'on ne vous connait pas, ce qui fait automatiquement de vous un suspect... Le film, bien sur, dénonce avant tout le lynchage, sous couvert de folklore westernien. Mais on sait qu'en 1943, un lynchage n'aurait pas été perpétré comme il est fait dans le film sur un jeune homme blanc (Dana Andrews), un vieux cabochard Irlandais (Francis Ford, admirable) ou un Mexicain (Anthony Quinn). Donc le film prend une couleur politique contemporaine, en dénonçant un phénomène qui est une réalité, encore, à cette époque, dans le Sud notamment. Mais Wellman, usant de son habituelle tactique de cacher au moins partiellement l'action des scènes-clés, ne nous montrera jamais la pendaison, mais en insère l'ombre dans les plans, une ombre qui pourchassera les auteurs du lynchage qui auront survécu à l'incident... De la même manière, il nous montre Fonda dissimulé derrière un chapeau, seule sa bouche étant visible, ce qui de fait met en valeur le discours final, lu par le comédien sur la lettre du jeune condamné, qui remet les choses en place: on ne tue pas, que ce qoit par visée criminelle, ou par justice. La lettre enjoint l'homme de faire la justice dans la dignité, l'objectivité, et à l'écart des passions. Devant ces braves gens, tous réunis autour d'un crime qui n'aurait pas du se commettre dans un pays de droit, la lecture de la lettre rappelle avec force où l'Amérique devrait se situer, et ce qu'elle doit faire, pour lutter contre la barbarie aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur de ses frontières.

On ne saurait mieux le dire: tuer est mal, que ce soit légitimé par la loi, ou non. Ce n'est plus ici ni Fonda, ni Dana Andrews ni William Wellman, ni Lamar Trotti qui s'expriment: c'est moi.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans William Wellman Western