Un prêteur sur gages, dans sa boutique, avec sa fille et ses deux employés. Voilà le point de départ de cette comédie, dans laquelle Chaplin renoue avec le burlesque méchant de ses années Keystone, mais sans pour autant négliger de raffiner la forme cinématographique. On a, au final, un festival de pantomime, et de bien belles performances d'acteur(s). Chaplin joue donc l'un des assistants, dont la principale activité reste la rivalité en tout qui l'oppose à l'autre employé, John Rand. Ces deux-là passent tout le court métrage à se chercher des poux, d'une façon violente, et sans compromission, et on s'aperçoit à la fin que cette rivalité est basée sur tout: leur place dans la boutique, leur agressivité naturelle, mais aussi la présence éventuelle de la fille du patron jouée par Edna Purviance.
Chaplin construit sa comédie sur des saynètes, qui profitent largement de cette rivalité qui fait l'essentiel de la première bobine: la journée commence, et chacun des employés vaque à une occupation différente. comme Chaplin a en charge le grand nettoyage des étagères sur lesquelles sont entreposés les articles, il empêche l'autre de faire les comptes, et tous les accessoires deviennent bien vite des prétextes à coups. ce conflit se déplace ensuite dehors, puisque le patron (Henry Bergman, dont c'est le premier rôle important) leur demande de nettoyer la vitrine. Chaplin installe alors sa caméra à bonne distance de la scène et laisse faire. Les coups qui pleuvent sont tous prévus, répétés, mis en scène, c'est l'un des grands avantages de ce film, qui est percutant, au lieu d'être fatigant à force d'agressivité incontrôlée... une large part de ce travail de préparation des coups et des bosses doit-il quelque chose à la présence de Sidney Chaplin, assistant officieux de son frère, sur la plateau? Leur future scènes communes dans les films First National pousseraient dans ce sens...
Chaplin et les objets: il savait faire, et aimait beaucoup utiliser l'inanimé, on l' a vu avec One A.M. ici, bien sur, il a un grand nombre d'accessoires à sa disposition, dans une boutique ou on achète et on vent de tout. Donc la scène justement célèbre du réveil démonté, dépiauté, détruit, en présence d'un Albert Austin qui n'en revient pas, mais ne dit rien, est restée dans les annales. Sinon, on aperçoit vers la fin l'immense Eric Campbell, délesté de sa barbe délirante, mais avec une moustache; son arrivée, mélange subtil de menace et de grâce féline (mais oui!!), montre bien l'importance qu'il avait pris dans le dispositif que Chaplin mettait en place; il ici est présenté comme 'the crook', l'escroc, et vient proposer des affaires sans doute louches. sa présence est utile dans un premier temps, puisqu'elle justifie que Chaplin soit obligé pour remplacer le patron parti dans l'arrière-boutique, de se tenir à la caisse, et de recevoir ce pauvre Albert Austin dans la scène du réveil. Mais en plus, elle offre un enjeu à la fin de film lorsque le bandit se révèle un peu trop gourmand, conférant une unité bienvenue à l'ensemble du court métrage. Et un dernier plan voit tous les conflits arriver à terme, et Chaplin devenir un héros, le tout en 25 secondes. Décidément, Chaplin a bien changé depuis la Keystone.