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18 juillet 2018 3 18 /07 /juillet /2018 09:08

Voilà ce que j'écrivais sur ce film en 2011:

"Pourquoi s'intéresser à The professor, aujourd'hui, film inachevé de Chaplin car abandonné? Après tout, on a déja fort à faire avec les films qu'il a finis, avant de s'intéresser à ceux qu'il a lui-même mis de côté... seulement voilà, le décidément indispensable documentaire Unknown Chaplin a mis un coup de projecteur sur ce film, qu'on a donc découvert dès 1983, et qui s'est mêlé de façon indissociable aux nombreux souvenirs liés à la vision des films de Chaplin. Et puis en regardant bien les scènes achevées, on s'aperçoit qu'il est plein d'intérêts...

Pour commencer, le film est situé dans un asile de nuit, ou le héros se rend. Ce décor ne quitte pas Chaplin depuis sa tentative avortée de Life, lui qui y retourne encore et encore... il s'en souviendra pour The Kid.

Ensuite, The professor présente un Chaplin inattendu, au maquillage différent, au caractère différent, avec une identification forte: le "Professeur" Bosco est montreur de puces savantes. Son allure se rapproche de celle du vagabond, avec des vêtements qui ont connu de meilleurs jours, des grosses godasses, et la tignasse proverbiale de l'acteur, mais la moustache est plus vaste, le regard vide, et un chapeau très démodé, façon Dickens, achève de parfaire l'illusion. On note aussi la présence d'une de ces petites pipes en bois sensées compléter l'attirail de son personnage lorsqu'il est doté d'un emploi stable. Chaplin, qui n'allait pas tarder à laisser de côté son personnage le temps d'un long métrage, avait déjà envie de se débarrasser de lui 4 ans auparavant... La transgression n'a pas abouti, et on peut comprendre pourquoi. Ce professeur se comporte d'une façon différente. Son visage trahit une lassitude, un dégout presque, qui fait froid dans le dos. Lorsque les puces s'échappent de sa boîte, il fait usage d'une surprenante autorité, usant de son fouet. Une assurance qui étonne...

Les puces reviendront, dans une séquence rêvée de Limelight, le clown Calvero se voie dans un numéro assez similaire à celui du Professeur Bosco, sauf que les puces seront, là, imaginaires. Ici, elles sont réelles, ce qui entraîne une épidémie de gratouille chez les pensionnaires, par ailleurs très passifs, de l'asile. Un mot, d'ailleurs, au passage, pour parler de cette étonnante tendance au grossier et à la vulgarité assumée, chez Chaplin, qui va de pair avec une pudeur paradoxale. Ici, il s'agit d'utiliser la crasse, le manque d'hygiène associés à la présence de puces à des fins de pantomime...

Mélanger une fois de plus le pathos et le comique, noir, c'est devenu une habitude chez Chaplin. mais peut-être avait-il besoin de motivation? Peut-être ne sentait-il plus son personnage, en passe de rentrer dans le rang (il en fait un homme au costume de ville soigné dans The bond, un homme à tout faire dans Sunnyside, donc employé, un soldat dans Shoulder arms...), peut-être avait-il besoin de redéfinir de nouveaux contours afin de repartir à zéro avec le public. L'échec de la tentative le mènera de toute façon à The kid. Sans doute avait-il besoin d'un angle d'approche différent... ce film le lui a peut-être fourni: il n'est donc pas si anodin."

Et maintenant, il faut bien admettre que la donne a changé, car The professor, tourné selon le biographe et ancien secrétaire de Chaplin en 1919, durant la période troublée qui précède la sortie de The Kid, a effectivement été abandonné, mais le titre a resurgi dans le studio pour une possible sortie... En 1922, au moment de quitter la compagnie First National, Chaplin a tenté de faire un film complet avec des chutes de Shoulder arms et de Sunnyside, plus l'intégralité de la séquence décrite ci-dessus. Il a donc imaginé une continuité, qui a été préservée, et qui intègre les scènes domestiques coupées de Shoulder arms (afin de montrer le quotidien peu reluisant de son héros), la séquence du barbier non intégrée dans Sunnyside, avec Albert Austin et Edna Purviance (pour indiquer qu'au moins, le personnage a un emploi), la scène mémorable du conseil de révision supprimée de Shoulder arms, et enfin la séquence de l'asile de nuit placée en fin de deuxième bobine, pour montrer que le héros s'est choisi un destin...

Toutes ces chutes ayant été préservées, la continuité et la liste d'intertitres retrouvées, David Robinson a donné son feu vert à la reconstitution du film, dont no ne s'étonnera pas qu'il n'est pas sorti, en bout de course: ça ne ressemble à rien d'autre qu'à une série de chutes mises bout à bout, et ça montre essentiellement, d'une part que Chaplin pouvait parfois être à court d'idées, et pleine crise, au point d'être tenté par le recyclage (How to make movies part un peu de la même intention, mais a au moins le mérite de l'originalité); d'autre part, le fait que le film n'est pas sorti montre aussi que le metteur en scène savait aussi s'arrêter à temps.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet