Un film sur les pionniers et l'esprit qui les animait... Un grand propriétaire en Californie, Roy Whitman (John McIntire) décide de financer une expédition pour aller à Chicago et ramener des femmes pour ses hommes. Il souhaite faire prospérer sa vallée à tous les niveaux, et demande à Buck Wyatt (Robert Taylor) de l'aider dans l'acheminement de ce convoi un peu particulier. Ils ramènent 150 candidates, avec une exigence: qu'elles soient des "femmes bien". Ce que Whitman entend par là, c'est bien sûr dans leur valeur humaine. Wyatt, lui, estime que ça implique uniquement des femmes dont la vie a été jusqu'à présent sans équivoque, d'où un ressentiment de sa part à l'égard de deux anciennes prostituées, dont une (Denise Darcel), Française (Ou plutôt selon le film, de New Orleans), qui l'attire beaucoup. Le chemin est semé d'embûches, de mort, de renoncements, d'intransigeance aussi (Buck exécute froidement un violeur), mais nombreux sont les humains qui vont changer en chemin, à commencer par Buck.
Admirable! Le sujet, à la base du à une idée de Frank Capra dont il ne fera jamais un film, convient parfaitement à la dureté de Wellman et à sa façon directe d'affronter la violence ou le malheur d'une situation. Ici, rien ne nous est épargné, des conflits, de la bêtise humaine parfois, des mesquineries mais aussi de la profonde humanité de tous les protagonistes quels qu'ils soient, et d'où qu'ils viennent. En nous donnant à voir une histoire par ailleurs authentique, il rappelle à quel point l'esprit pionnier qui animait ces hommes et ces femmes impliquait certes de tout reconstruire quelque part, mais aussi et d'abord de tout quitter, de tout risquer. Et c'était sans doute un gros risque pour Wellman et Dore Schary, producteur de génie à la MGM en ce début des années 50, que de se lancer dans un western ausisi atypique... dont le tournage en pleine nature, en plein désert n'a certainement pas été de tout repos. Un chef d'oeuvre de plus à mettre à l'actif impressionnant de William Wellman. On aura ici toute la panoplie des grands westerns, et non seulement les situations extrêmes, mais aussi les décors grandioses, les cadres les plus étonnants...
Une scène, typique du metteur en scène et de son art de nous pousser à voir ailleurs quand une scène risque de nous brûler les yeux, symbolise parfaitement l'importance de la femme dans cette époque de conquête: l'une des candidates accouche, dans un chariot, mais celui-ci perd une roue, et les chevaux s'emballent. Buck arrête leur course, pendant que sans se concerter, toutes les femmes s'unissent et soulèvent le chariot, afin que l'accouchement puisse se terminer dans de bonnes conditions. Quand le bébé naît, c'est un peu le leur à toutes... Une scène d'entraide, qui résume un peu cette collaboration unique entre deux univers si riches l'un et l'autre, celui de Capra et celui de Wellman. Sinon, le metteur en scène traite d'une scène impossible à faire, celle du viol, avec sa méthode unique entre toutes: réussir à montrer sans rien montrer, mais sans occulter non plus, en utilisant le décor pour cacher les protagonistes. Mais le dialogue, lui, est possible à entendre, et on entend l'excuse dégueulasse et sans pitié du violeur face à sa victime: allons, laisse-toi faire, tu sais bien que tu le veux toi aussi... Une scène à la franchise inattendue, en ces temps prudes.
A propos de pudeur et de morale, le film évite soigneusement, du début à la fin, tout humour qui se positionnerait contre les femmes. Pas de clichés, pas de facilités, les femmes ici assemblées, quels que soient les préjugés de Wyatt à leur égard, ont pesé les risques et assument les dangers de cette expédition, l'admiration et le respect qu'elles forcent vis-à-vis des hommes qui les accompagnent sont partagées non seulement par les spectateurs et le metteur en scène de ce film... Qui se fend d'un final tout en douceur qui est absolument parfait: toutes les survivantes des attaques, des accidents et des vicissitudes du voyage sont arrivées, et elles imposent leur loi: certes, les hommes les ont attendues et n'en peuvent plus d'attendre... Mais la rencontre se fera sur leurs conditions, à leur façon... Une troupe d'hommes craintifs, endimanchés, timides, se retrouvent tout à coup face à d'impressionnantes pionnières qui d'un seul coup d'épaule leur imposent le respect. L'une d'entre elles (Hope Emerson) rompt le silence en montrant une photo d'un des hommes, qu'elle a gardé sur elle durant tout le voyage: "n'allez surtout pas croire que c'est vous qui allez choisir...". Ravis, conquis, les hommes se laissent faire, le reste de la scène n'est qu'une pure poésie westernienne, tendre, délicate et admirable. Comme le film, quoi...