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13 avril 2018 5 13 /04 /avril /2018 21:18

Ce n'est pas parce que Lola ne veut pas, ça non. Elle veut, elle exige même! Mais à chaque fois qu'une occasion se présente, ça ne marche pas. Des exemples? le type qui fuit dès qu'on lui annonce qu'il sera le premier, par exemple... "Tu ne te rends pas compte de la responsabilité que ce serait", dit-il... Ou encore celui qui lui annonce qu'elle a "un défaut de formation; Tu es trop étroite!". Donc... à 25 ans, elle est vierge.

Et tout ça pourrait être résolu, sans doute, avec un peu d'amour, bref avec un "petit copain", comme dit sa mère. Bon, comme elle n'en a pas, elle déprime...

Lola est incarnée par Sara Giraudeau, qui avait fort à faire pour jouer le rôle riche en risques de cette délurée virtuelle, cette malchanceuse des occasions perdues, et de rendre son combat pour "y passer" digne d'un film de 17 minutes. Le pari est presque intégralement tenu, sauf dans une pirouette finale qui n'ajoute pas grand chose à ce qui précède. 

Et puis le film a un message aux gens trop pressés: tout vient à point à qui sait attendre... Par contre, contrairement aux oeuvres entières de Catherine Breillat, ici si on rit c'est parce que c'est volontaire...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie
13 avril 2018 5 13 /04 /avril /2018 09:55

Pour bien comprendre l'enjeu de ce film, il faut se livrer à une équation un peu inédite: Duvivier, en partenariat avec Fernandel et Bernard Blier, adaptent un roman noir de James Hadley Chase, en ne négligeant aucun aspect: la comédie, et le film noir. Le résultat aurait pu être un désastre, ou tout bonnement quelque chose d'étrange et d'ingérable... Après tout, même La fête à Henriette est un film qui souffre parfois du mélange des genres: cette manie qu'a Duvivier de demander à pencher la caméra à chaque fois qu'on est supposé être dans la tragédie! Mais pas de ça avec ce film qui a au moins l'avantage d'être cohérent, dans son intrigue comme dans sa mise en scène.

Et mieux encore: si la versatilité de Blier ne faisait aucun doute pour le spectateur de 1957 (quoique... on ne l'avait encore jamais vu sous l'angle abordé dans ce film!), Fernandel était loin d'avoir eu la chance d'interpréter un rôle comme celui-ci. Son clarinettiste pris dans la poisse est un mélange très convaincant de personnage à la Fernandel, avec sa gaucherie et son visage si éminemment expressif, et de M. tout-le-monde, un type sans histoire, sans relief. Bref, un médiocre, joué de façon directe par le grand comédien.

Albert Constantin est clarinettiste au Châtelet, et c'est un type sans rien pour lui. Il est marié, et son épouse va partir visiter sa famille. Un copain hautbois lui suggère d'aller rendre une petite visite à mademoiselle Eva, une danseuse du Châtelet qui arrondit se fins de mois en recevant des messieurs dans son petit appartement... Après de nombreuses hésitations, il se rend sur place, et... va être aux premières loges pour le meurtre de la jeune femme, dont il va instantanément devenir le suspect numéro un, d'autant qu'il n'a pas vu l'assassin (contrairement à nous autres spectateurs), et qu'il est repéré par un certain nombre de personnes: une "collègue" d'Eva, et un sale type, M. Raphaël, un voisin un peu trop amical qui a une vocation assumée de maître-chanteur...

Le scénario ci-dessus se serait probablement suffi à lui-même, mais duvivier et son co-scénariste René Barjavel ont chargé la barque, en voulant probablement rester fidèle au roman de Chase (Tiger by the tail) qu'ils adaptaient. Autour du meurtre, se greffent des histoires compliquées autour de gangsters qui trafiquent de l'or, et ça vire au n'importe quoi. Mais le plus passionnant, c'est le brave type un peu minable qui se retrouve à la fois soupçonné d'un meurtre, et aux prises d'un maître chanteur aussi déterminé qu'il est ignoble... Et si on applaudit Fernandel, qui est splendide dans son rôle (qui inclut de la comédie physique, fort bien menée par Duvivier pour qui ce 'était certes pas une tradition), que penser de Blier? Il est parfait, comme d'habitude. Quant à la vision de Duvivier, toujours aussi noir, elle est partout dans ce cauchemar éveillé qui a souvent l'amabilité de nous faire rire.

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Published by François Massarelli - dans Julien Duvivier Comédie Noir
11 avril 2018 3 11 /04 /avril /2018 16:24

Griffin Mill (Tim Robbins) est un décideur doué pour un studio; pourtant il semble être sur une pente glissante: on parle beaucoup de Larry Levy (Peter Gallagher), un autre wonder-boy avec les dents qui rayent le parquet, et qui pourrait bien prendre sa place sous peu. Et par dessus le marché, Griffin reçoit des messages de menace insistants, qui font allusion à son rôle comme étant celui d'un "ennemi des auteurs". Il finit par comprendre qu'il est la cible de la colère d'un scénariste qui s'est vu refuser un script. Il pense que c'est David Kahane (vincent D'Onofrio), et va le trouver pendant la projection du Voleur de Bicyclette, de Vittorio de Sica: la discussion s'envenime et dans la foulée, Griffin tue Kahane. Dès le lendemain, non seulement Mill est le principal suspect du meurtre, mais les messages de menace continuent d'affluer...

Le jeu de massacre commence, dans ce film, par un plan-séquence qui est l'occasion non seulement d'une petite démonstration de bonne santé du maître Altman (qui revient de loin après des années 80 en forme de bêtisier!), mais aussi d'une série de mises en abyme assez virtuoses: la caméra cadre une peinture qui représente un tournage, mais au milieu duquel on aperçoit un clap sans équivoque: The Player, de Robert Altman... Puis l'objet disparaît, et la caméra recule pour révéler qu'on est au siège d'un studio. Elle virevolte d'un bungalow à l'autre, captant les conversations des uns et des autres, pour revenir plusieurs fois avec insistance sur Griffin Mill en plein exercice de son métier. Parmi les conversations, un crétin en costume cite l'ouverture de Touch of evil, de Welles, et son plan-séquence diabolique...

Le ton est donné, mai Altman va resserrer ses séquences autour de son personnage principal. On peut faire la plus absolue confiance à Tim Robbins pour être à l'aise avec un personnage comme celui-ci: séducteur, Mill est néanmoins obsédé par le risque de chuter. Ce qui rend sa position de meurtrier difficile. C'est un homme-clé du système du studio, dont il connait parfaitement les rouages, ce qui ne l'empêche ni d'avoir une véritable sensibilité artistique (il aime vraiment et connait vraiment ses classiques... Il n'a juste plus le temps de les revoir, c'est tout!), ni de tomber authentiquement amoureux, d'ailleurs, de l'ex de l'homme qu'il a tué par mégarde!

Et le film, mis en scène avec rigueur, mais oui, par un réalisateur plus connu pour sa tendance à l'accumulation foutraque que pour autre chose, est un portrait d'Hollywood au vitriol, loin de tous les clichés des histoires de naïfs qui viennent pour réussir dans la capitale du cinéma: non, tous les protagonistes vivent du cinéma, sont à Hollywood, et font du sexe dans des piscines. Ils tiennent juste à conserver leurs positions de pouvoir respectives. Et pour ça il faut savoir temporiser, composer, se compromettre, et bien sûr tuer.

Pas dupe, Altman se débrouille pour replacer une allusion à son propre film dans ce contexte et brosse des scènes de comédie autour du fameux happy end comme étant la panacée pour faire avaler n'importe quoi au public, et lâche en liberté dans son film un certain nombre d'acteurs (beaucoup d'entre eux sont des copains et certains reviendront pour jouer dans Short Cuts, le chef d'oeuvre qui suivra), et de célébrités authentiques dans leur propre rôle, qui rendent le film plus troublant encore...

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Published by François Massarelli - dans Robert Altman Comédie Noir
11 avril 2018 3 11 /04 /avril /2018 16:07

Inutile de chercher la politique de Robert Redford, acteur éminemment engagé dans ce long métrage, son troisième en tant que réalisateur. Par contre s'il est bien quelque chose de personnel, c'est le fait que le film se passe dans le Montana, à Missoula plus précisément, un état que Redford connaît bien pour y avoir élu domicile, suite à un tournage dans des décors idylliques... Et le lieu, l'époque décrite, et les péripéties de l'intrigue, adaptées d'un récit autobiographique de Norman Maclean, tout concourt à créer une sorte de ballade du temps qui passe.

Norman Maclean, un écrivain, se souvient de sa jeunesse  Missoula, Montana, auprès de son père pasteur Presbytérien (Tom Skerritt), de son frère Paul (Brad pitt) et de sa mère (Brenda Blethyn). Interprété par Craig Schaeffer, Norman raconte la vie au grand air, à l'ombre d'un père rigoureux mais pas rigoriste, les frasques du petit frère, son départ pour luniversité, puis, surtout son dernier été à Missoula, avant de partir pour Chicago avec sa future épouse (Emily Lloyd) afin d'y enseigner à l'université. Mais surtout, Norman Maclean nous raconte une vie simple, organisée autour de la rivière locale, et des parties de pêche à la mouche, une tradition familiale dont Paul était un adepte particulièrement doué...

L'eau devient ici le symbole d'une vie au paradis, un lieu neutre où les gens vont venir se ressourcer. Le film n'a rien de révolutionnaire, car Redford y adopte un style narratif propre à ces chroniques tranquille. Mais il montre grâce à son film comment la vie peut facilement devenir une sorte de parcours en ligne de fuite, vers la solitude et la vieillesse. L'auteur du roman, en contant sa jeunesse, s'accroche au passé, et le revivre ne l'empêche pas de ressentir le manque de ceux qui sont partis... La nostalgie particulière à ce genre d'histoires passe aussi par un ton souvent léger, une sorte de politesse des histoires de passages, qui finissent toujours par ressembler à des chroniques de vies passées...

Car plus on vieillit, plus ce film nous apparaît crépusculaire, c'est comme ça. On y reviendra toujours remarquez, avec son lyrisme de la simplicité de l'instant, et la division des deux personnages principaux en deux destins si différents qu'on jurerait qu'ils sont fictifs! Mais ce qui nous tient au film, c'est ce recours élégiaque à la pêche, au sublime décor des montagnes, et la recréation méticuleuse des années 20... Et Brad Pitt et Tom Skerritt sont excellents. De Skerritt, on n'en attend pas moins, mais Pitt n'est pas toujours aussi bon.

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Published by François Massarelli - dans Robert Redford
8 avril 2018 7 08 /04 /avril /2018 18:45

En 1961, Deborah Kerr avait 40 ans, ce qui faisait d'elle une candidate un peu âgée pour interpréter le rôle principal du film... Si du moins on avait voulu être fidèle au roman d'Henry James, The turn of the screw. Mais heureusement, ça n'a pas été le cas: l'adaptation de Clayton, largement basée sur une pièce tirée du roman, bouleverse un peu les choses, en ajoutant une dimension troublante, pour ne pas dire scandaleuse, à ce qui aurait de toute façon été, même sans cette coloration supplémentaire, le meilleur film de maison hantée de tous les temps...

Durant l'ère Victorienne, une femme, Miss Giddens (Deborah Kerr) est engagée par un homme d'affaires Londonien (Michael Redgrave) pour s'occuper de feux enfants: Miles et Flora sont en effet son neveu et sa nièce, qui viennent de perdre leurs parents, et l'oncle n'a ni l'envie, ni le temps de s'occuper d'eux. Bref, il s'en débarrasse. Mais si Miss Giddens est épatée de l'aubaine, elle qui aime les enfants, elle ne sait pas un certain nombre de choses: la première, c'est que si les enfants sont en effet très attachants, ils sont aussi marqués par une rencontre, celle d'un ancien valet et d'une gouvernante, tous les deux décédés, qui les ont quelque peu corrompus. La deuxième, c'est que les deux anciens employés, qui avaient une aventure plus que voyante, continuent à hanter la maison. Et enfin Miss Giddens ne sait pas non plus qu'elle va tomber sous le charme du tout jeune Miles, bien au-delà de son affection de gouvernante pour un enfant de dix ans...

Voilà pourquoi Deborah Kerr est parfaite: dans ses rapports compliqués avec l'enfant, Miss Giddens apporte non seulement une envie contrariée de maternité, mais plus encore; sa relation est-elle d'ailleurs partagée avec Miles, ou avec le démon qui le possède? Le nombre de scènes qui nous montrent la demoiselle, incrédule, se demandant qui exactement est en face d'elle, tend à prouver que la gouvernante comprend assez tôt qu'ils sont plusieurs à se partager l'enveloppe corporelle de Miles! Et quand la gouvernante se lance dans une croisade pour exorciser les enfants, c'est sûre de son bon droit qu'elle les précipite plus avant dans leur possession...

Mais le film ne précipite pas ses effets, au contraire... On entre doucement mais sûrement dans le coeur de cette histoire d'épouvante, en suivant le meilleur moyen possible: le point de vue d'un(e) Candide... L'étonnement, le mystère, le questionnement, puis l'horreur, vont venir petit à petit, anecdote par anecdote: au compte-gouttes. Et Clayton réussit à merveille sa partition, faite d'un certain nombre d'éléments bien dosés. Et certaines scènes atteignent la perfection, je pense en particulier à une scène de cache-cache dans laquelle la gouvernante et les spectateurs se rendent compte qu'il n'y a pas que les enfants qui participent! Il y a aussi une scène d'anthologie au bord d'un lac, avec une sorte de distance miraculeuse pour une apparition fantomatique... Clairement Clayton a bien préparé son coup!

Il a été aidé en cela par  le chef opérateur Freddie Francis, qui lui a apporté une science du noir et blanc qui est exceptionnelle, mais aussi une utilisation inventive en permanence de la profondeur de champ "Welleso-Tolandienne", adaptée au Cinémascope (Oui, le film a été produit par la Fox); Francis a eu aussi l'idée de combiner l'élargissement dû au Scope, avec des iris légèrement refermés, pour donner un cadre inattendu à son film. et le montage n'est pas en reste, beaucoup de séquences ont des transitions en fondu, ce qui a parfois pour effet de laisser des objets inattendus (statues, par exemple) envahir quelques instants la séquences suivante... Dans un film où on attend des fantômes dans tous les coins, l'effet est réussi! Le résultat oscille entre cauchemar en plein jour, et vieilles photos flippantes. Ajoutez à cela le fait que ce soit un des plus beaux rôles d'une immense actrice et vous saurez pourquoi il faut, décidément, voir le film..

 

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Published by François Massarelli - dans Jack Clayton Boo!! Criterion
8 avril 2018 7 08 /04 /avril /2018 09:35

 

En 1995, Keith Fulton et Louis Pepe ont tourné The hamster factor, qui montrait les aléas de la production de 12 monkeys, de Terry Gilliam. Ce film est un autre documentaire, cette fois sur un film qui ne s'est pas fait!

Désireux depuis toujours de tourner son Don Quichotte, qui lui a occupé l'esprit pour une bonne part des années 90, Terry Gilliam a finalement obtenu le feu vert pour se lancer dans l'aventure, au début des années 2000. C'était une production Européenne, tournée en Espagne en anglais, avec Johnny Depp, Vanessa Paradis mais surtout le grand Jean Rochefort en Don Quichotte.

La bonne nouvelle qui a permis d'avoir le feu vert, c'est probablement que ce dernier non seulement ait accepté le rôle, mais plus encore le fait qu'il ait été persuadé qu'il s'agissait du rôle de sa vie.

Mais un budget revu sérieusement à la baisse, les problèmes de santé vite insurmontables de Rochefort, et le temps pourri, le tout saupoudré d'une tendance de Gilliam à s'enfermer dans sa vision au point de ne plus communiquer avec ses techniciens, allaient plomber le tournage. Et ce en six jours... mais si vous ne croyez pas qu'on puisse faire un documentaire intéressant avec six jours de tournage d'un film qui restera à jamais inachevé, détrompez vous!

Car ce qui apparaît de façon évidente dans Lost in La Mancha, c'est la méthode Gilliam, ou plutôt son absence de méthode. Le metteur en scène est coutumier des tournages qui n'aboutissent pas, des films qui ne se feront jamais, mais aussi et surtout des films qui posent problème sur problème quand ils se font: Brazil, Baron Münchausen, The fisher King, on pourrait continuer la liste... Et dans ce film nous le voyons se battre, y croire, ne plus y croire, abandonner... C'est du cinéma vérité, qui s'approche au plus près de ce qui est le lot du metteur en scène: son incapacité à faire comme tout le monde, et son refus de ne pas demander l'impossible...

Ce documentaire n'est donc pas que l'histoire d'un film maudit, qui ne s'est pas fait, et ne se fera jamais sous cette forme: Gilliam s'est relancé dans une nouvelle tentative, avec Robert Duvall en Quichotte. Puis une troisième tentative (en schématisant parce que les péripéties sont autrement plus compliquées), mais celle là vous en avez nécessairement entendu parler: le film est fini, et va sortir: Jonathan Pryce y joue Quichotte, et Adam Driver Sancho, ou du moins celui que Quichotte croit être son compagnon. 

Rendez-vous en salles...

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Published by François Massarelli - dans Terry Gilliam
7 avril 2018 6 07 /04 /avril /2018 09:50

Dans la continuité de ses relectures d'anecdotes si occidentales, Ang Lee a frappé très fort avec ce long métrage qui est plus ou moins l'Oscar virtuel du meilleur film de 2005... Cette chronique d'un amour impossible a eu un certain succès, d'ailleurs largement mérité.

Jack Twist et Ennis Del Mar, deux cowboys, sont embauchés pour un été; ils vont devoir garder les moutons d'un gros propriétaire, dans la montagne, à Brokeback. L'amitié solide se mue assez vite en une complicité troublante, avant qu'ils ne cèdent l'un et l'autre à un désir qu'Ennis (Heath Ledger), qui doit se marier quelques mois plus tard, a du mal à appréhender. Jack (Jake Gyllenhall) est lui plus à l'aise avec la situation, même s'il ne se définit pas comme gay. Mais l'été se passe, et ils partent chacun de leur côté... Quelques années plus tard, ils se recontactent. Tous les deux sont mariés, mais ils sont bien décidés à faire cohabiter, dans leur vie, la "normalité" et leur secret...

C'est un film essentiellement douloureux, sur le temps qui passe et la difficulté à faire coexister dans une même vie ce qu'on souhaite et ce qu'on attend de nous. Ang Lee, qui a du se battre à ses débuts avec une censure corsetée (et pas qu'à ses débuts si on en croit l'accueil Chinois au film Lust, Caution en raison de ses scènes érotiques), sait de quoi il parle. Mais arrêtons de tourner autour du pot: si à aucun moment le film de Lee ne vire au militantisme, il a su magnifiquement aborder le sujet d'une aventure entre deux hommes, de façon directe, et en se reposant sur le don de soi de deux acteurs fabuleux, tout en préservant l'impression d'un film universel. 

Jack et Ennis sont différents, très différents, et ce sera l'une des difficultés. L'un (Jack) est plus joueur que l'autre, plus volubile aussi, et l'une des grande orientations du film est de suivre le point de vue d'Ennis. Heath Ledger joue avec un immense talent le poids des émotions sur le corps et l'âme de son personnage, qui a du mal aussi bien à exprimer, qu'à vivre des sentiments. Et son registre est celui de la masculinité en plein naufrage, qui découvre une nouvelle facette de lui-même. Jack aura plus de facilité à s'adapter, mais c'est aussi celui des deux qui va le plus s'intéresser à cette identité sexuelle qu'il se découvre, au point d'être tenté par d'autres aventures. Pour Ennis, l'amour avec Jack est son amour, point final... Jack, lui, va partir de cette relation fondamentale pour explorer sa propre sexualité.

Au-delà de cette différence, c'est à la fois dans le regard cruel de la société que le film développe son intrigue. Celui-ci est exprimé à travers quelques anecdotes dures, mais aussi à travers le parcours d'Alma, l'épouse d'Ennis (Michelle Williams) qui même si elle ne l'avouera que très tardivement, sait. Son point de vue, crucial, est d'abord celui d'une femme trompée, délaissée, et trahie. Ce qui apporte une difficulté supplémentaire: ça ne fait pas d'elle la "méchante"... Le véritable ennemi, sans doute, est le temps qui passe, qui laisse deux hommes s'accrocher à des souvenirs de plus en plus lointains, de plus en plus insaisissables, et de plus en plus bouleversants.

C'est d'ailleurs ce qu'on remarque dans la structure quasi strictement chronologique du film: la première partie, durant quarante minutes, est entièrement consacrée à l'aventure de Brokeback Mountain, dans laquelle les deux acteurs sont presque seuls au monde, confrontés à la météo, et vivant leur idylle inattendue. Le seul témoin, qui le gardera presque pour lui, est leur patron (Qui est fort loin d'approuver). La deuxième partie oscille entre leur désir de donner le change et de vivre leur vie à l'écart de ce souvenir (l'un et l'autre se marient, et ont des vies particulièrement différentes), avant de se retrouver et de tenter d'intégrer leur relation. La dernière partie montre l'effilochement du temps, et le caractère mythique pris par le souvenir de Brokeback Mountain. Ennis est celui que le destin laisse comme seul gardien de ce secret de moins en moins bien gardé...

Ang Lee avait su s'approprier la Nouvelle Angleterre des années 70 dans The Ice Storm, le Sud en proie à la guerre dans Ride with the devil, ou le Woodstock de 1969 dans Taking Woodstock: il n'a aucun problème à intégrer l'Ouest (Wyoming, Montana, le rodéo, les cow-boys, l'accent rocailleux) à son tableau de chasse. Il nous gratifie d'une vision lyrique des grands espaces qui est, franchement, la cerise sur le gâteau d'un film essentiel. 

 

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Published by François Massarelli - dans Ang Lee
4 avril 2018 3 04 /04 /avril /2018 16:46

Après Gallipoli, ce film aux allures internationales était le sésame pour Weir et Mel Gibson, qui souhaitaient s'affranchir des limites et des carcans culturels d'un cinéma Australien cantonné à une audience locale. De fait, ça marchera pour l'un et l'autre, en partie grâce à ce film. Co-produit par la MGM, The year of living dangerously est basé sur un script adapté d'un roman Australien à succès, écrit par Christopher Koch, et dont plusieurs cinéastes (incluant Philip Noyce) souhaitaient tirer un film. 

1965. En Indonésie, le journaliste Guy Hamilton, correspondant de presse Australien, arrive en urgence pour couvrir les événements en cours pour son journal: la situation est devenue brûlante, entre le gouvernement du président Sukarno, le Parti Communiste local (P.K.I.) et un groupe de généraux Musulmans. Tous ces gens, autrefois unis dans la proclamation de la république, sont désormais concurrents. Mais la concurrence existe aussi dans le milieu du journalisme, comme va le découvrir Hamilton. D'autant qu'il est pressé par ses patrons de fournir des scoops le plus souvent possible, et que la situation évolue de jour en jour. Il va pouvoir bénéficier de l'aide de Billy Kwan (Linda Hunt), un photoraphe Américano-Chinois, qui vit à Djakarta, confesse une véritable admiration pour le président Sukarto, et va agir en bon génie pour Guy: d'une part, il va l'aider à trouver des sujets d'intérêt pour ses articles, le poussant en particulier à écrire sur la misère du peuple; mais il va aussi lui présenter des gens importants, notamment l'envoûtante secrétaire de l'attaché d'embassade Britannique, la belle Jill Bryant (Sigourney Weaver). Mais quel jeu joue réellement Billy Kwan, cet étrange petit bonhomme qui a ses entrées partout, et qui possède aussi des dossiers sur toutes et tous?

C'est un peu la question la plus importante du film, sur un personnage fascinant, mais qui pourrait aussi bien être un démiurge dangereux, que le bon génie qu'il nous apparaît. Le mystère un peu maladroit qui l'entoure reste à la fin l'un des défauts du film, qui accumule les informations à une vitesse impressionnante, et prend en permanence le risque de perdre un peu son public. Mais Billy reste de toute façon l'un des personnages les plus attachants du film, qui reste à l'écart de la romance un brin téléphonée qui se joue entre Gibson et Weaver... Probablement accentuée par un besoin d'audience internationale.

Mel Gibson, à peine remis de ses aventures juvéniles dans Gallipoli, incarne avec le mélange nécessaire de masculinité et de naïveté le personnage de reporter qui croyait vraiment qu'on allait le prendre au sérieux, mais qui ne met pas longtemps à comprendre qu'il ne comprend pas grand chose. Le personnage n'est pas foncièrement sympathique de bout en bout, ce qui rejette d'ailleurs les affections du public vers Billy Kwan.

Puisqu'on en reparle, venons-en à l'un des aspects du tournage les plus souvent rapportés: c'est donc l'actrice Américaine Linda Hunt qui est chargée du personnage-clé du film... IL y a beaucoup de raisons, j'imagine, mais elle est tellement exceptionnelle, qu'on n'a plus besoin de raison. Elle "crée" son personnage complexe comme l'équipe recrée avec talent l'Indonésie enfiévrée de 1965... Mais le film n'est pas une réussite totale, parce que Weir, qui ne s'habituera jamais à la manière Américaine de tout cadrer et de tout fermer, est sans doute mal à l'aise avec son film qui part dans tous les sens. Par contre, il est d'une grande générosité, et nous rappelle que l'occident ne peut pas tout... Et que parfois devant l'histoire en marche, les Anglo-saxons (mais pas que) feraient bien de se faire tous petits.

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Published by François Massarelli - dans Peter Weir
2 avril 2018 1 02 /04 /avril /2018 17:05

S.O.B. vient bien sûr d'abord de son of a bitch, une expression triviale qu'il est probablement inutile de traduire ici. Mais dans le film, se trouve une autre interprétation de l'acronyme quand un personnage décrit une situation particulièrement embarrassante comme étant un Standard Operational Bullshit. Et le film nous conte en effet une situation particulièrement épineuse, qui ne fait qu'empirer à chaque minute...

Mais d'abord, il me semble qu'il faut évacuer quelque chose: la réputation ou la gloire d'un film tient parfois à peu de choses... Ce film est aujourd'hui surtout réputé pour être celui dans lequel Julie Andrews, l'actrice qui possède sans doute la plus belle image de sainte-nitouche de toute la création, montre une partie de son anatomie. Et tant qu'à faire, elle le fait en interprétant une actrice dotée d'une solide image de sainte-nitouche, qui doit justement se dévêtir pour un rôle... Tiens donc.

Justement: Julie Andrews est l'épouse de Blake Edwards, et à ce stade a interprété quatre rôles pour son mari: Darling Lili en 1970, puis The Tamarind Seed en 1974, et enfin un rôle d'épouse potentiellement trahie dans 10(Ten) en 1979. Et le metteur en scène a cette fois décidé de se lancer dans un film qui sans être autobiographique, est quand même bien proche de lui sur bien des points...

Le producteur Felix Farmer (Richard Mulligan) finit un film, avec son épouse Sally Miles (Julie Andrews): une comédie musicale, qui a sa sortie est conspuée partout, par les studios, la presse et le public. Farmer est en pleine dépression, son épouse décide de partir du domicile conjugal avec les enfants et de profiter de la situation pour se lancer dans une opération de divorce, et le metteur en scène n'a plus qu'à se suicider. Seulement, c'est semble-t-il plus facile à dire qu'à faire... Devant ses tentatives répétées, les propriétaires de Capitol Films dépêchent un groupe de mercenaires du métier afin de temporiser et de sauver le studio: le metteur en scène Tim Culley (William Holden), qu'on a déjà chargé d'une mission de sauvetage du film encombrant, et un médecin prêt à tout (Robert Preston) sont du voyage.

Mais au lieu de se tuer, Felix émerge de l'expérience gonflé à bloc: il vient d'avoir une idée pour sauver son film.  Il va en faire une comédie musicale pornographique, et demander par-dessus le marché à sa tendre épouse de se déshabiller... alors commence une lutte de pouvoirs autour d'un cadavre encombrant de film qui, décidément, bouge encore...

Tout ici semble renvoyer à une certaine idée du studio de cinéma tel qu'il existait dans les années 70, avant que le cinéma indépendant n'ait la peau de cette image. Edwards règle clairement ses comptes avec la MGM et la Paramount, dont il se rappelle les déboires eu moment de tourner et d'achever ses films consécutifs Darling Lili (un désastre financier, dont le final cut a été confisqué par la production), Wild Rovers (Remonté derrière le dos du metteur en scène) et The Carey Treatment (Montage enlevé des mains d'Edwards)... Le film n'a pourtant que très peu un goût de vengeance, car chacun y va de son auto-dérision. S'il est évident que Richard Mulligan (Surtout avec cette coupe de cheveux!) joue à être une sorte de vision déformée d'Edwards, que penser de l'extraordinaire prestation de Julie Andrews? 

...En même temps, c'est Julie Andrews.

Mais voilà, même en réglant ses comptes, il y a deux façons dont une comédie de Blake Edwards peu fonctionner: la réussite ou le désastre. C'est heureusement la première solution qui se joue sous nos yeux, avec sans doute le cocktail le plus complet des éléments de son univers qu'il m'ait été donné de voir: gags visuels taillés pour l'écran large, accidents méchants (un doigt mordu, un homme qui traverse un plafond, et ce pauvre Larry Hagmann qui se prend une voiture hors champ et finit en fauteuil roulant... Et puis une party hollywoodienne finit en orgie, des drogues s'échangent, et les excès de langage et de jeu au-delà du naturel se suivent à la pelle. Bref, on rigole... Le fait est qu'en plus Edwards a rassemblé un casting incroyable pour son petit règlement de comptes: Marisa Berenson, Robert Vaughn, Shelley Winters par exemple complètent la liste des déjà mentionnés...

...Jusqu'à un certain point, car Edwards, qui n'a pas oublié de mettre un petit élément perturbateur dans ce jeu de massacre (Un type qui meurt sous nos yeux au début du film, et qui va rester couché sans vie sur une plage dans l'indifférence totale) n'a pas oublié qu'à Hollywood, le succès ou la réussite ne sont pas conditionnées par le fait qu'une personne qui le recherche doit rester vivant. Un film finit par être un jouet dans les mains des actionnaires, des financiers, des patrons de studio, des avocats, etc... Il choisit donc de tuer son personnage potentiellement principal au terme d'une cavale absurde, et de continuer son film sans lui, pour aller jusqu'au bout de la farce macabre.

Et là, ça devient irracontable, mais disons qu'il y a quand même des funérailles viking.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Blake Edwards
2 avril 2018 1 02 /04 /avril /2018 09:05

Dans un hélicoptère des garde-côtes, dans l'est des Etats-Unis, deux hommes répondent à un signal de détresse, qui émane d'un voilier au large. Parvenus sur les lieux, l'un des deux, Haig (Doug McClure), se rend sur le bateau et trouve plusieurs corps: un prêtre, la nuque brisée et pendu au mat par un pied, un homme d'équipage qui a littéralement traversé la coque, et dans les cabines, un homme mort flottant comme en lévitation. Mais il y a une survivante, Eva (Kim Novak), qui va raconter l'histoire. Suite à un incident technique, Haig et Eva ne peuvent être secourus, et le pilote, Pagnolini, repart afin de rassembler une équipe de secours. Eva qui va devoir passer la nuit avec Haig sur le bateau, s'efforce de surmonter son traumatisme pour donner des explications à son compagnon d'infortune, d'autant que celui-ci est une forte tête, pas le genre à croire à des balivernes.

Mais peut-on trouver une explication à tout, quand on subit accident sur accident, dans... le triangle des Bermudes?

C'est donc en 1975 que ce petit film à tout petit budget a été tourné, pour ABC TV, et vendu ensuite dans le monde entier. Vu dans les années 70 par des gens qui sont aujourd'hui quadra- et quinquagénaires, il a acquis un statut non négligeable de culte, en raison de sa construction, de sa progression et de l'excellent dosage de jeu sobre (Pour ne pas dire sous-jeu: Kim Novak a l'air complètement éteinte du début à la fin) et d'effets parfaitement placés. Pas des effets spéciaux délirants, non, juste le bon choix au bon moment: en particulier, un truc récurrent, qui consiste à simuler un orage surnaturel en glissant quelques images en négatif, teintées en verdâtre (je crois que dans tout bon nuancier, on devrait trouver ce "vert exorciste"). Et puis comme toute histoire basée sur le triangle des Bermudes, on part de pas grand chose, en l'occurrence un bateau par temps relativement calme, des corps, et un mystère. Celui-ci trouvera son explication, et chaque accident ayant laissé des traces étranges finira par être expliqué. En attendant, le sens de l'économie, et l'évident savoir-faire de la mise en scène (Avec une obsession marquée pour la profondeur de champ extrême!) nous auront allègrement promenés vers l'étrange, avec trois fois rien. 

Et quarante années après l'avoir vu, on s'en rappelle, je peux vous le dire.

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Published by François Massarelli - dans Fantastique