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24 août 2023 4 24 /08 /août /2023 08:12

Connu aux Etats-Unis sous le titre (plus explicite d'ailleurs) de The pirates! In an adventure with scientists! -le ponctuation est d'origine-, ce film est bien évidemment doté d'un titre Français qui est comme toujours à côté de la plaque: Les pirates! Bons à rien, mauvais en tout... Il nous vient des studios Aardman, qui furent un temps le garant (Européen) d'une animation en volumes, et qui obtinrent de grands succès avec plusieurs films de Wallace et Gromit, mais aussi avec Chicken Run en 2001. Peter Lord, le principal fondateur du studio, est d'ailleurs intervenu sur les films, souvent mieux cotés, de Nick Park, le créateur des personnages fétiches de la troupe...

Sous le règne (qui a subi un traitement drastique d'élasticité temporelle qui débouche sur un certain nombre d'anachronismes tellement gros qu'ils en deviennent réjouissants) de Victoria (Imelda Staunton), on chasse plus le pirate que le moustique en grande-Bretagne. La Reine semble sérieusement prendre ombrage du fait que le pays a réussi à étendre sa somination sur les océans de la terre entière... N'était le fait qu'on y trouve des pirates qui échappent bien sûr à toute loi...

Nous faisons donc la connaissance d'une joyeuse bande de pirates, menés par un capitaine qui est justement nommé "le capitaine des pirates" (Hugh Grant)... Tous ses compagnons sont nommés de façon assez arbitraire, le second (Martin Freeman) étant par exemple doté du sobriquet "Number 2", et on verra même dans la bande un pirate doté d'une fausse barbe qui pourrait bien être une femme (Ashley Jensen)... Ces pirates ne sont effectivement pas très efficaces, mais ils décident, en tout cas leur capitaine en prend la décision, de participer au concours annuel du meilleur pirate... Le capitaine ayant perdu toutes les compétitions depuis 20 ans, et la concurrence y étant rude, l'équipage n'y croit pas plus que ça.

Le concours est basé sur le butin, les pirates se mettent donc en quête d'un bateau à piller, mais redoublent (voire retriplent) de malchance. A la fin ils attaquent un vaisseau qui transporte Charles Darwin (David Tennant) et s'apprêtent à se débarrasser de lui par le très rigolo supplice de la planche, mais il aperçoit alors le perroquet du capitaine et se rend compte qu'il s'agit...

...D'un dodo. Sous la pression de Darwin, le capitaine se motive donc pour un nouveau concours, et va présenter une contribution à une compétition Londonienne de découvertes scientifiques...

C'est particulièrement tordu, donc, et irrévérencieux au possible. Peter Lord, dans Chicken run, était plutôt le responsable des gags et du rythme par opposition à Nick Park qui veillait sur les personnages et l'intrigue. Ici, en roue libre le réalisateur peaufine clairement la dose de rigolade avant tout, d'où un parti-pris d ene rien laisser de côté. Le film ne fait donc pas toujours dans la dentelle... Mais c'est partie intégrante de son charme, et comme en prime les acteurs engagés pour fournir les voix sont particulièrement intéressants (ajoutez à ceux déjà cités, les noms de Brian Blessed en "roi des pirates", Salma Hayek en une concurrente du Capitaine, et de Brendan Gleeson qui incarne l'un des pirates du bateau qui nous intéresse), on passe un très bon moment loufoque à condition de ne pas être obsédé par la rigueur historique.

En vrac: mêler Victoria avec des pirates qui sont visuellement inspirés du XVIIe et XVIIIe siècles, faire de Victoria une obsédée de la mainmise maritimie (qui lui a été servie sur un plateau) alors que justement ça aurait plutôt été le cas de l'angleterre du siècle précédent, et enfin faire se croiser dans le même fuseau temporel John Merrick, Napoléon, Jane Austen... Il fallait l'oser. C'est donc tout pour les gag, on l'aura compris, donc ce n'est pas grave. Un esprit joyeusement frondeur règne sur l'ensemble, et maintenant, quand même, on nous intéresse, de façon particulièrement dramatisée, une sorte de société secrète, qui regroupe des dirigeants (Napoléon et Victoria en tête!) et qui consomme la viande d'animaux en voie de disparition, dans ce film, ce qui va donner un enjeu délirant à son dernier acte. C'est quand même basé sur une auhentique confrérie d'étudiants de Cambridge, le Glutton Club", dont faisait partie...

...Charles Darwin.

Pour finir, le film précise en toute fin de pellicule que le tournage ne porte aucune responsabilité dans l'extinction des dodos. Voilà qui est rassurant...

 

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Published by François Massarelli - dans Animation Aardman Peter Lord Dodo
23 août 2023 3 23 /08 /août /2023 16:46

En France, on connait ce film sous le titre Scandale, ce qui s'explique certainement très facilement, dans la mesure où il parle justement d'une agitation politico-médiatico-judiciaire, autour de Fox News, le principal média conservateur des Etats-Unis... Les principaux protagonistes en sont Roger Ailes, l'apparemment intouchable patron de Fox News, qui a créé le média mais doit rendre des comptes à la famille Murdoch; Gretchen Carlson, ancienne présentatrice qui s'est élevée contre ailes à plusieurs reprises, et qui a du souffrir un licenciement qu'elle estime abusif et qui a déclenché de sa part une poursuite de Fox News en justice, dirigée nommément contre Ailes, pour harcèlement sexuel; enfin, Megyn Kelly, autre présentatrice avec pignon sur rue, qui a entamé un bras de fer avec Trump en 2016, et a ensuite été parmi les soutiens d'une action contre le média conservateur...

Le terme de bombshell désigne un obus, et est parfois utilisé pour désigner une femme, notamment blonde, si on en croit l'histoire du cinéma: Blonde Bombshell était le surnom donné par la presse à l'actrice Jean Harlow, dans les années 30... Le jeu sur les deux sens du mot, bien sûr, me semble parfaitement entendu. Il sera beaucoup question dans ce film qui reprend l'histoire du scandale Fox news, d'envoyer une bombe pour secouer le monde de la presse et de la politique conservatrice, ainsi que de la beauté et de la blondeur des femmes... Deux aspects du film qui se trouvent aussi au coeur de la tende #MeToo, et ce n'est pas un hasard. 

L'intrigue suit un développement linéaire, dans lequel on suit les points de vue de trois, puis quatre personnes: celui de Roger Ailes (John Lithgow) est le plus tardif à entrer en scène, et pour cause, il est pendant un temps l'objet du film avant d'en devenir à son tour le l'un des sujets... Trois femmes jouent donc un rôle de premier plan, à savoir Megyn Kelly (Charlize Theron), qui dans un premier temps est engagée dans un bras de fer avec Donald Trump, et Gretchen Carlson (Nicole Kidman), qui constate sa rétrogradation de plus en plus systématique, et le fait que ses opinions, certes conservatrices,  mais pas aveuglément, la mettent parfois au ban de la rédaction et de la direction (...masculine, bien sûr) du média. Une troisième femme (Margot Robbie) est un composite, créée pour incarner le type de journaliste ambitieuse et de droite qui sert la concupiscence des prédateurs comme Ailes, en acceptant ses avances...

C'est construit comme une fiction, mais avec le flot narratif d'un documentaire, qui entremêle de façon extrêmement excitante les anecdotes, les extraots (souvent authentiques) de news, les allusions à la vie privée, et le fait très bien. Le réalisateur n'est d'ailleurs pas un inconnu: marqué à gauche, Jay Roach a tourné en 2008 un film (Recount) pour HBO qui attaquait le camp républicain pour sa manipulation de l'information dans l'élection de 2000 entre Bush et Gore... Mais ici, l'ensemble de l'accusation s'effectue dans le camp conservateur, justement, dont nous assistons aux derniers moments de leur existance avant de se faire complètement phagociter par l'administration Trump. Et puisqu'on en parle, l'agent orange de la Maison Blanche, dans les derniers mois de sa campagne, est presque un acteur du film... mais c'est une fausse piste. Il sert en quelque sorte de préambule, lorsqu'on y montre que la journaliste Megyn Kelly, Républicaine mais pas forcément prête à laisser les femmes se faire attaquer, est aux premiers rangs d'un combat pour au moins porter la contradiction à un butor qui ne fait pas mystère de a misogynie. Elle s'en mordra les doigts... Le film choisit, après les intimidations sérieuses que sa famille aura reçu (probablement du camp Trump, mais "on ne prête qu'aux riches", dit-on), de nous montrer Kelly mettre de côté sa querelle avec lui, suite à un entretien télévisé sur Fox News où elle se sera quand même écrasée. A l'heure actuelle, elle est un de ses soutiens... au nom du pluralisme. Qu'il me soit permis de douter qu'il s'agisse de la vraie raison, le film porte en lui des éléments qui peuvent nous donner à penser qu'elle aurait subi des pressions (sans parler d'une hypothétique tentative d'empoisonnement qui est au coeur du premier acte)...

Mais cette affaire Trump à l'intérieur du film est un trompe l'oeil plus qu'autre chose, l'arbre qui cache la forêt. Ce qui est apparemment en cause, ce n'est pas la droitisation dure de l'intelligentsia politique, la fuite en avant des conservateurs, mais la façon dont les médias, les politiques, le monde de l'entreprise et du capitalisme, se sont ligués au fur et à mesure des années pour installer une hiérarchie et une méritocratie purement masculine, une méritocratie dans laquelle les femmes peuvent gravir les échelons si eles le méritent, mais... ce sont justement des hommes comme Roger Ailes qui décident si elles le méritent, sur leurs propres termes, bien entendu.

Charlize Theron, productrice du film à travers Roach, s'est extrêmement bien entourée, notamment d'actrices (beaucoup d'entre elles ont surtout fait carrière à la télévision) comme Allison Jeanney (qui joue une avocate de Roger Ailes), Robin Weigert (elle incarne une des avocates de Gretchen), ou Bridgette Lundy-Paine, qui est une des assistantes de Kelly. C'est courageux d'avoir, avant même que l'épisode conservateur des années Trump se referme (provisoirement, semble-t-il, et ça n'a rien de réjouissant), commencé à montrer l'emprise masculine et conservatrice sur les médias, et la façon dont les hommes puissants commencent à s'armer contre l'émergence d'une réaction,  salutaire, enfin, des femmes qui ont du travailler pour eux dans des circonstances inacceptables. Le seul reproche à faire au film, sans doute, tient dans le côté très artificiel du personnage de Margot Robbie ("Kayla Pospisil"), qui est en effet un composite de plusieurs expérience. Intéressant qu'au détour d'une réplique, elle se nomme elle-même "Barbie reporter"! Mais son cas, celui d'une feme très ambitieuse en effet, qui va aller trop loin et en souffrir de la culpabilité, avance au moins la cause du film, et fournit au spectateur un point de vue en contact avec le vif du sujet. Et nous permet à travers l'unique scène (muette) durant laquelle les trois protagonistes féminines sont ensemble sur l'écran, de montrer que la solidarité, en 2016, est entravée par la peur. Le lieu de cette rencontre? Un ascenseur...

Et enfin, le film nous montre aussi bien sûr qu'aux Etats-Unis, la cause des femmes reste un domaine de mission, bardé de préjugés, de conervatisme (sans jeu de mots), de conceptions antédiluviennes, et même si le film n'est pas un brûlot anti-Trump (je l'ai dit, le propos est ailleurs, et de toute façon Trump lui-même est un brûlot anti-Trump! Il suffit de le regarder dans son oeuvre pour voir qui il est vraiment ), il laisse présager d'un avenir difficile pour la cause féministe dans l'avenir. Bombshell sert au moins à ce que le sujet soit sur la table, et pour de bon.

 

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Published by François Massarelli - dans Jay Roach
23 août 2023 3 23 /08 /août /2023 09:17

Un café à Marseille: c'est un établissement "Franco-Anglais" pour marins, de tous les pays, et certains (notamment Walter Long) font bien du chahut...La patronne (Norma Talmadge), une dame d'un certain âge, se plaint immédiatement. Elle discute avec un client (Marc McDermott), Anglais comme elle, et ils comparent leurs souvenirs... Ce qui renvoie à sa jeunesse: elle était danseuse dans un choeur au music-hall, et elle a tant aimé un homme (Wallace McDonald) qu'elle l'a épousé. seulement la belle famille ne l'entendait pas de cette oreille, et après un temps il a fini par l'abandonner... Evidemment, comme dans tout mélodrame qui se respecte, une fois la chose accomplie, les conséquences ne tardent pas...

C'est un film qui se présente parfois comme une synthèse, à la fois du style et de l'univers de Frank Borzage, des films de Norma Talmadge et de la niblesse délirante du mélodrame muet à l'apogée du cinéma Américain... Certes, le film accumule les péripéties, les invraisemblances, mais il le fait avec une conviction et une subtilité qui sont rarement aussi bien mariées que dans les films de l'auteur... Norma Talmadge y trouve un rôle à la mesure de son talent, qui devait des fois être contre-balancé par une direction tatillonne, et comme on sait que Borzage réussissait à se faire entendre y compris des pires histrions, le résultat est là, indéniable: elle est fantastique... D'autres acteurs tirent leur épingle du jeu, Marc McDermott et une de ces apparitions limitées, auxquelles il était confiné dans les années 20, par exemple: pour une fois il ne joue pas le mauvais rôle et ne meurt pas après deux minutes de présence à l'écran! Brandon Hurst est le père du mari, celui qui va ensuite venir réclamer pour la famille, le rejeton né des amours de l'héroïne... 

Borzage reconstruit pour son film, avec la complicité d'Antonio Gaudio (chef-opérateur) et de William Cameron Menzies (Décors) un univers dans lequel on passera des théâtres miteux à Monte-Carlo, puis d'autres théâtres avant d'échouer dans un bouge à Marseille, autant de décors où le drame s'épanouit en prenant son temps. L'effort sur les costumes est important, à une époque qui ne s'embarrasse généralement pas de réalisme, Borzage et son film font clairement exception. Le personnage de "Lady" Polly Pearl, qui est celui dont tout le film nous détaille le point de vue, fera quelques rencontres déterminantes, dont celle, providentielle, de l'épouse d'un pasteur, qui va adopter son fils avant qu'il ne soit volé par sa belle-famille. Une fois de plus, le héros/l'héroïne d'un film de Frank Borzage est aidé, et sa quête sublimée par l'intervention d'une bonne fée, comme dans Cendrillon... On ne se refait pas. 

Il s'agit maintenant de lire entre les lignes. S'il était courant pour la haute noblesse Britannique des années 10 et 20 de considérer une actrice comme l'égale d'une prostituée, il n'empêche qu'une fois son parours en tant que danseuse et son mariage laissés derrière elle, Polly doit assumer de devenir une chanteuse de cabaret voire une tenancière... On saura décoder ce qui nous est dit de son destin, notamment par l'une des premières remarques, celle d'un client du bar dans la première scène, qui ironise en entendant Polly se considérer comme une "lady"... Mais justement, ce que le film détaille, ici, c'est la force de conviction d'une femme intransigeante dans son amour pour son fils, qui va sacrifier son amour afin de lui éviter de tomber entre de mauvaises mains. Ce que prouve la scène finale, du plus haut mélodrame (celui qui use et abuse des conïncidences), c'est qu'elle a eu raison...

L'ensemble du film tient grâce à un enjeu, celui d'affirmer la noblesse du coeur de l'héroïne par-dessus les conventions de la société des deux époques qui nous sont présentées. Cette quête passe par une descente aux enfers, symbolisée (telle celle vécue par les personnages de Street angel, quatre ans plus tard) par les déambulations de Polly, devenue vendeuse de fleurs (là encore la métaphore est assez claire) dans la rue, et qui arrête tous les enfants qui passe à sa portée pour leur demander leur nom... 

La dernière scène est bien sûr le paroxysme du film, et tout y est accroché aux yeux de Norma Talmadge, qui font passer tant d'émotion avec tant de force qu'on ne peut que rendre les armes: certes, c'est du mlo, certes, probablement basé sur une pièce de théâtre que personne ne tenterait en 2023 de sortir de la naphtaline... Mais honnêtement, c'est une réussite émotionnelle rare.

 

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Published by François Massarelli - dans Frank Borzage 1924 Muet
22 août 2023 2 22 /08 /août /2023 17:41

La police, comme on dit, est sur les dents: on fait disparaître des jeunes femmes, et en plus on soupçonne que le responsable de ces disparitions soit également celui des lettres anonymes reçues par les enquêteurs, qui consistent le plus souvent en des petites phrases poétiquement assemblées qui prédisent des disparitions... Afin de mettre toutes les chances de leur côté, l'équipe réunie autour de l'inspecteur Ténier (André Brunot) s'adjoint la collaboration d'Adrienne (Marie Déa), une jeune femme qui a connu l'une des isparues, pour servir d'appât. Son rôle: répondre à toutes les annonces louches... Elle va en voir de toutes les couleurs, avant de se retrouver dans une maison particulièrement intéressante, celle de Robert Fleury (Maurice Chevalier), un play-boy du tout-Paris nocturne. Intéressante parce qu'elle va tomber amoureux de lui, et aussi parce qu'ell va retrouver des preuves inquiétantes... Robert serait-il le responsable de ces disparitions?

C'est un film maudit, sorti en fin 1939, alors qu'en France on resserrait les rangs autour d l'effort de guerre. Les politiques, agacés par la liberté de ton du film, s'en sont souvenu une fois l'occupation arivée: il sera interdit. Et dès la sortie, l'extrême-droite a tiré à boulets rouges sur un film sorti pendant une guerre, qui osait refiler un rôle de premier plan à Erich Von Stroheim (...et son accent toujours aussi américain, décidément, les fascistes sont toujours des cons quoi qu'ils fassent et quoi qu'ils disent)...

Mais Siodmak, réalisateur qui avait fui l'Allemagne nationale-socialiste, avait probablement d'autres chats à fouetter. Reste qu'il est devenu l'un des grands onms du film noir, et ça se voit dès cette oeuvre étonnante, qui promène une intrigue délirante de comédie en film à suspense, en usant d'un style constamment inventif. Bien sûr, c'est moins pertinent que ne le seront quelques-uns de ses grands films hollywoodiens, mais l'auteur ne se perd jamais dans une intrigue qui mèle comédie musicale (Maurice Chevalier oblige) et film criminel, et qui traite d'un serial killer avant que le terme ne soit devenu une appelation à la mode, mais non sans nous avoir détaillé les agissements d'un certain nombre de doux dingos, ou autres fous furieux.

Le plus notable? Stroheim, qui incarne ici un couturier déchu qui engage des jeunes femmes pour porter des créations qu'il est le seul à voir, dans des défilés fantômes! Pour ce rôle, l'immense cinéaste oublié est venu avec ses idées et on retrouve dans son personnage quelques bribes de son style, à commencer par la façon qu'il a de passer la langue sur ses lèvres quand il pbserve Marie Déa, comme le faisait son personnage, Sergius Karamzin, dans Foolish Wives...

 

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Published by François Massarelli - dans Robert Siodmak Noir
22 août 2023 2 22 /08 /août /2023 10:27

Marie (Laure Calamy) se prostitue à Strasbourg. Elle élève tant bien que mal un adolescent qui arrive à ses 17 ans, sans perspective réelle: il avait une place en lycée professionnel où il étudiait la cuisine, mais il a fait l'imbécile, et son dossier ne vaut plus rien. Un client donne une idée à Marie: un lycée privé, peu regardant, qui peut tout changer, mais... c'est cher. Il va falloir à Marie sacrifier encore plus, et trouver un moyen de gagner mieux, dans une économie du métier fragilisée par l'offre concurrente: des immigrées, gérées par des systèmes mafieux, qui officient pour des sommes ridicules dans des camionnettes rangées en file Indienne à l'écart de la ville...

Le film est partiellement basé sur La contre-allée, un court métrage de 2014 dans lequel Cécile Ducrocq dirigeait Laure Calamy, et certains aspects et motifs en viennent, notamment la première scène, description clinique et au ton totalement neutre d'une passe... Les concurrentes étaient déjà là aussi, qui donnaient lieu à une expédition punitive qui faisait froid dans le dos, mais c'était précisément le principal thème, la motivation du film. Ici, c'est la galère d'une mère qui cherche à fournir à un fils plus que réticent les clés de son avenir qui devient le principal ingrédient de cette intrigue.

Et c'est ce qui permet encore mieux que dans le film précédent cette situation dans laquelle à aucun moment le film ne devient une leçon de morale. Le spectateur n'est pas guidé dans son jugement ni forcé de prendre une image quelconque de la prostitution, présentée dans ses paradoxes: d'un côté une situation établie, des adresses, des dames même qui se voient fournir des contrats en bonne et due forme, et de l'autre, la pénalisation des clients (contre laquelle Marie et ses collègues se battent, dans une lutte sociale âpre et qui les mobilise beaucoup...

Mais au milieu de tout ça, la détresse nait de la difficulté à cohabiter avec un gamin de 17 ans, son rejet inévitable de se sa mère, un rejet bien sûr pour masquer la confusion d'un amour filial blessé... La difficulté économique qui paradoxalement en souligant la difficulté à s'en sortir, nous rappelle que la prostitution serait presque, sans l'être totalement, un métier comme les autres. Marie parle beaucoup de la gestion de ses affaires, rappelle son manque à gagner du à l'irruption d'une forte concurrence, et sollicite des prêts...

Le jeu sensible et énergique de Marie, une jeune femme (elle aborde la quarantaine) qui n'est pas une sainte, qui triche un peu quand elle le peut avec un système qui n'est de toute façon pas taillé pour aider les femmes, au contraire, qui tente de rester indépendante mais se fera toujours rattraper par les événements et par la domnation masculine, est le principal atout de ce film grinçant, sur un sujet qui reste tabou. Il est traité ici sans barrière, mais pas sans pudeur...

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Published by François Massarelli - dans Cécile Ducrocq
21 août 2023 1 21 /08 /août /2023 18:08

Le Spielberg adulte a toujours eu un faible pour les films qui nous font visiter l'histoire à ses moments cruciaux, en favorisant les coulisses plutôt que l'exploit. Un exemple paradoxal serait d'ailleurs de trouver cette même démarche dans le chaos juvénile de 1941, qui ne raconte absolument pas Pearl Harbor, mais bien une série de conséquences envisageables dans le pire des cas... Mais non, les films où Spielberg manifeste cet intérêt qui lui permet de recréer avec passion une époque, sont tous sérieux, en effet. Sérieux, mais pas austères pour autant: The post est parfois assez drôle, et pour cause, c'est le premier film de son auteur à évoquer le monde du journalisme...

C'est un genre à part entière, entre les trois adaptations de la pièce The Front Page de Ben Hecht (celle de Lewis Milestone en 1931, His girl friday de Hawks en 1940, et celle de Billy Wilder en 1974), la comédie muette de Capra The power of the press, et bien sûr All the president's men, d'Alan Pakula, auquel on ne pourra tout simplement pas ne pas penser... Car le fond du film est basé sur une affaire qui est liée au Washington Post, les tombeurs de Nixon. Mais il faut croire, quand on voit le film que ça n'était pas gagné d'avance, car à l'époque dont parle ce long métrage (située quelques années avant le Watergate que relatait le film de Pakula), le journal, entreprise familiale un peu en difficultés, est finalement plus une publication locale qu'un grand journal d'investigations reconnu dans tout le pays, comme par exemple le New York Times. Et ce dernier est le modèle insurpassable et inatteignable, à la fois le collègue, l'ami et la rude compétition...

Deux mondes des coulisses du journal nous sont montrés, dans un premier temps ils semblent presque évoluer chacun dans son coin: représenté par la propriétaire Katherine Graham (Meryl Streep), le conseil d'administration décide d'ouvrir le journal en bourse afin de le consolider. Représenté par Ben Bradlee, le rédacteur en chef (Tom Hanks), la rédaction est elle occupée à faire son boulot, avec tous les moyens possibles, y compris douteux, pour continuer à exister: les deux ont un seul et même but, sauver le journal. Et c'est dans ce contexte qu'une affaire éclate, qui menace sérieusement la survie du sens même du premier amendement de la Constitution: la Maison blanche décide en effet d'interdire au New York Times le recours à une source d'information inattendue, sous prétexte de mise en danger de la sécurité nationale...

La source en question est un "Mac Guffin", finalement, mais de luxe puisque c'est une histoire authentique et peu banale: des rapports, des milliers de pages, commandés par rien moins que l'ancien ministre de la défense de Lyndon B. Johnson, président démocrate (1963-1968), et donc homme clé dans le dispositif de la guerre au Vietnam: Robert McNamara (Bruce Greenwood), ce n'est pas n'importe qui, et quand on lit, alors que les hommes continuent d'être envoyés au Vietnam, que la présidence sait depuis longtemps que la guerre est impossible à gagner et que la tuerie va forcément continuer pour rien, c'est une bombe... Mais ce n'est pas le Post qui va en être le déclencheur: c'est le Times. Mais par solidarité journalistique, autant que par intérêt plus personnel, la rédaction du Post va, à l'instigation de Bradlee, se lancer dans la bataille et eux aussi publier des extraits croustillants des «Pentagon Papers», comme on les appelle.

Et le problème, c'est que Katherine Graham, propriétaire du journal, héritière imprévue (son père avait laissé en mourant la direction des opérations à son gendre, mais le mari en question s'est suicidé, et il a fallu reprendre l'affaire au pied levé, et... Katherine est une femme!) doit dans le même temps assurer une transition en douceur vers l'actionnariat, ce qui nécessite de ne pas faire trop de vagues, et encore moins de s'attaquer à une ancienne présidence. Comme la famille de Katherine est depuis toujours dans les petits papiers des Démocrates, et que les Johnson et Kennedy, mais aussi McNamara sont des amis de la famille, ça se complique.

Voilà, impossible de faire court, devant un film qui lui en revanche réussit à rester d'une durée raisonnable, faisant moins de deux heures. C'est que la façon dont Spielberg traite de l'histoire en marche est constamment dynamique: aucun personnage de nous expliquera, aucune voix off ne nous facilitera la compréhension, nous sommes précipités dans l'action du film et nous attraperons le sens en route. Cette confiance bienveillante apportée au spectateur est déjà sacrément plaisante, mais elle s'accompagne aussi d'une mise en scène dont la rigueur reste légendaire: comme toujours, Spielberg maîtrise son sujet, sa direction d'acteur est surtout une affaire de confiance, et au vu du casting on le comprend; il croit en ce qu'il filme, assurément, et n'a absolument pas besoin de mettre sa caméra sur un skateboard comme le premier Peter Jackson venu quand il filme deux personnages qui parlent: eh oui, signe des temps (le film se situe entre 1966 et 1972), la caméra est parfois statique! Et parfois pas: c'est que devant un sujet comme celui-ci, le réalisateur aime à montrer qu'il est le maître du temps ressenti. Le suspense, la montée des enjeux, l'émotion qui naît de l'exaltation comme de l'accumulation des risques, Spielberg en a toujours été le maître, parfait héritier d'Hitchcock en la matière. Et son art concommé du plan séquence gourmand s'accompagne de difficultés liées à la situation: parfois les événements importants se situent hors de la rédaction mais dans les maisons, par exemple de Kay Graham ou de Ben Bradlee... Le décor réaliste d'une maison ou d'un appartement n'est pas un endroit aisé por bouger une caméra aux basques de journalistes, et pourtant l'équipe y parvient.

Et The Post, donc, ne nous parle pas de la guerre du Vietnam, ou de la presse, mais bien d'un moment crucial durant lequel une certaine forme de conservatisme (Ben Bradlee, après tout, est quand même un rédacteur à l'ancienne, un homme à l'écoute du présent, mais qui comme sa patronne, a eu des relations d'amitié avec un président... ) va soudain évoluer, et se jeter dans non pas une, mais plusieurs causes. La grandeur de l'Amérique, nous dit Spielberg, c'est aussi de pouvoir faire évoluer positivement un petit journal et le rendre important à l'échelle nationale. C'est pouvoir passer d'une gestion médiatique aux ordres, à la remise en cause d'une injustice flagrante. Et c'est aussi pour une femme qui est à la tête d'une entreprise familiale, de montrer qu'elle existe et de prendre la décision courageuse qui va transformer l'entreprise en empire de presse, à l'heure où les choses changent enfin pour la condition féminine.

Un exemple de la façon sûre mais discrète dont Spielberg procède dans ce film est une scène durant laquelle un Bradlee qui est à l'affût de toute idée pour mettre son journal au premier plan: il vient alors chez Katherine (des visites qui sont assez fréquentes, mais dont on sent que pour lui comme pour elle, elles représentent une transgression à venir ainsi chez elle), et ils discutent de la marche à suivre: trouver un coup fumant et risquer la respectabilité du journal vis-à-vis d'une Maison Blanche dont on sait qu'elle est aux mains d'un psychopathe tordu, ou montrer profil bas pour ne pas entraver la nouvelle dimension du journal, au risque de ne plus exister du tout en tant qu'organe de presse? Pendant la scène située dans une banale mais cossue pièce d'une banale mais cossue maison bourgeoise (le travail des décorateurs et costumiers du films est fabuleux, bien entendu), Streep et Hanks sont habillés en Américains des années soixante: costumes sombres, couleurs tristes. Venu de dehors, le ballon violet de la petite fille de Katherine va soudain perturber le ronronnement conservateur de la conversation, avant d'être rendu à sa propriétaire... En quelques minutes, nous assistons symboliquement à une occasion manquée, mais heureusement, Bradlee aussi bien que Graham sauront changer et deviendront enfin acteurs d'une histoire en marche.

Bref, il y a beaucoup à voir et à revoir, beaucoup à dire aussi, dans cette histoire formidable d'un journal qui prend la décision de mettre les pieds dans le plat et de publier un document, tout en protégeant l'anonymat de la source bien entendu, qui attaque ou incrimine un système inique dont le président des Etats-Unis, garant officiel de la démocratie, mais en réalité manipulateur d'extrême droite prêt à toutes les saletés, est à la fois le symbole et le maître incontesté... Tiens donc.

The Post n'est donc pas qu'un régal, c'est aussi un grand film militant. Et la scène qui, à la fin, voit Kay Graham sortir d'une audience à la Cour Suprême sous les yeux admiratifs d'un parterre de jeunes femmes qui lui manifestent leur soutien n'est pas non plus anodin. Décidément, ce film nous prouve que l'histoire a des leçons à donner au présent, et plus souvent qu'on ne le pense...

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg
21 août 2023 1 21 /08 /août /2023 09:11

Abel (Louis Garrel) apprend que sa mère Sylvie (Anouk Grinberg), qui travaille en tant qu'animatrice d'ateliers de théâtre pour détenus, a encore entamé une liaison avec un prisonnier, Michel (Roschdy Zem). Il se méfie, parce qu'il sait qu'à chaque fois ça se goupille bien mal... Mais Sylvie s'accroche, elle se marie, et Michel est libéré. Il se dit rangé, et la tentative de séduction du fils méfiant commence... De son côté, Abel est veuf: il vit dans le douloureux souvenir de son épouse, et sa vie sentimentale est au point mort... Tout comme celle de son amie Clémence (Noémie Merlant): les deux ont une vision différente des choses, et sont très proches... Beaucoup plus proches d'ailleurs qu'ils ne l'admettent tous deux!

Michel a des secrets, Abel s'en rend vite compte. Il constate très vite qu'en réalité il n'est pas rangé du tout, et avec des copains, il prépare un coup: le vol de caviar, un hold-up à l'ancienne qui est réglé dans ses moindres détails, mais nécessite une participation musclée! Prévoyant de tout faire pour empêcher son beau-père, voire de le confronter, Abel va se retrouver à participer à l'équipée, avec Clémence ravie de tremper dans une affaire louche et risquée...

La comédie sentimentale est l'un des genres les plus balisés, calibrés, gâché par les clichés et passages obligés qui soient... Donc on se réjouit d'en trouver un, basé sur un script intelligent (Louis Garrel, Tanguy Viel et pour une perspective féminine, Naïla Guiguet), qui échappe à tous les clichés... Du moins ceux qui irritent à partir de la deuxième vision d'un Love actually, par exemple! Pour commencer, ici, aucun parcours lénifiant dans lequel tous les personnages tombent à la fin dans des cases parfaitement pré-définies... Pas non plus de résolution artificielle, le parcours est bien là, mais on n'ira pas de A à Z. Et surtout le décalage nait non pas d'une quelconque vulgarité assumée comme c'est si souvent la cas dans ce genre de film, mais du fait que les personnages changent naturellemùent de parcours... 

Par exemple, la façon dont Roschdy Zem embobine son monde, et en particulier ce pauvre Abel, est amusante et va provoquer non seulement sur le jeune homme, mais aussi sur Clémence, bien des déboires. Les scènes qui s'emballent et en particulier le hold-up (traité en parodie dans un premier temps, avec des split-screens pour bien faire!) sont extrêmement rigoureuses, et un vrai suspense s'installe...

Mais le clou, c'est qu'au milieu de tout ça, derrière la mère envahissante (Anouk Grinberg au sommet de son art, l'âge assumé lui va si bien) et son amour incongru (mais totalement sincère) pour un repris de justice incorrigible, derrière la séduction mâle du taulard, se cache une belle histoire d'amour irrésistible et un peu inattendue, qui doit passer par un peu de théâtre: afin de détourner l'attention du convoyeur de caviar, les deux amis doivent faire semblant d'être un couple qui se déchire... Mais le théâtre va leur révéler leurs vrais sentiments, dans un détournement touchant d'une parodie de scène d'amour qui en devient une vraie. Il fallait le faire...

Le flm pour finir est ponctué de scènes tournées dans un aquarium (Oceanopolis de Brest, me semble-t-il; c'est là que travaillent Abel, qui est guide, et Clémence, qui soigne les poissons) qui semblent fournir un contrepoint à cette histoire hantée par le risque de l'enfermement... Un enfermement qui sera d'ailleurs bien réel...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie
18 août 2023 5 18 /08 /août /2023 21:54

1979, dans le Sud. Une équipe de cinéma très fauchée arrive sur une petite ferme pour y tourner un film pornographique; le couple qui leur loue les lieux est assez glauque... surtout Pearl, la dame (Mia Goth), qui invite Maxine (Mia Goth), l'une des stars, à boire une citronnade mais n'a rien à lui dire, si ce n'est d'exprimer une certaine jalousie, et d'esquisser un geste de désir. Mais Howard (Stephen Ure) est lui aussi réticent à recevoir les nouveaux venus.

L'après-midi, Pearl espionne les scènes tournées par l'équipe, et retourne chez elle où elle prie son mari de la prendre dans ses bras... Pendant ce temps l'équipe a des soucis: le caméraman/directeur de la photo/réalisateur (Owen Campbell) est venu pour "faire de l'art" en compagnie de sa petite amie preneuse de son, Loraine (Jenna Ortega)... Mais celle-ci est rejetée par l'équipe, avant d'exprimer le désir de tourner une scène. RJ, le caméraman, s'exécute puis part, furieux...

Il est tué... Puis d'autres meurtres auront lieu sur la ferme de Pearl, la vielle dame si désireuse de ressentir les frissons de sa jeunesse, et de son mari si prévenant envers elle, mais si terriblement traditionnaliste, qui ne voit pas d'un très bon oeil, ces citadins envahir sa ferme, ni sa femme lui faire des avances sexuelles, à leur âge.

C'est un cas d'espèce: un film qui aurait tout d'une parodie, et qui exploiterait en prime à la fois les bas-instincts sadiques des amateurs de film d'horreur (versant slasher film des années 70) et ceux des voyeurs amateurs de films pornos (versant micro-budget, tourné en 5 minutes dans une grange)... Mais en lieu et place, une sorte de contrat étonnant s'établit entre le film et les spectateurs, d'abord par le choix de commencer par le lendemain des meurtres: dès le départ, on sait à peu près où ça va...

C'est bien un film de terreur, lent et méthodique, mais pas sans humour, ni rigueur, en témoigne une étonnante scène troublante et géométrique: Maxine, star en devenir du moins l'escompte-t-elle, attend son tour pendant que sa copine tourne une scène avec la star masculine. Elle se rend près d'un étang, où elle décide de se baigner. La caméra s'éloigne, mais on verra qu'elle n'est pas passée inaperçue: non seulement la silhouette de Pearl est là qui l'espionne, mais un très gros caïman l'observe et alors qu'elle flotte au milieu de la mare, il commence à se diriger vers elle... C'est l'une des premières scènes de suspense, elle est d'une lenteur exemplaire.

Toutes les autres sont motivées par la frustration, la solitude affective de Pearl. Quelle qu'en soit la raison, et on imagine que le film suivant de la trilogie (Pearl) nous l'expliquera, elle ne peut voir arriver ces jeunes gens tous actifs sexuellement mais motivés par d'autres raisons que l'amour, sans en ressentir désir, frustration, et même une profonde jalousie.

L'idée d'avoir confié à la même actrice le rôle d'une actrice pornographique, et celui d'une vieille dame homicide met curieusement en avant la notion d'âge comme étant un vecteur de fierté et de bien-être dans l'exercice de la sexualité. C'est la raison qui poussse Pearl à désirer Maxine, un désir qui culmine dans une scène de rapprochement corporel inattendu... Une façon de mettre en avant une situation qui dépasse le simple cadre de la terreur gratuite pour offrir une vision cauchemardesque du fait de vieillir...

C'est aussi un portrait de l'Amérique, à travers son âme damnée, le Sud, qui décidément ne tourne pas rond, faisant cohabiter dans la même décennie les pires turpitudes sur les écrans, et dans les fermes au bord des bayous, les passions bizarres et arriérées des gens. Mes mots sont durs? Pensez attaque du Capitole, et vous verrez que finalement, je n'exagère pas. En contrepoint de ces meurtres et de ces scènes de tournage (pas trop précises, ni explicites), le cinéaste montre souvent une télévision qui diffuse les élucubrations d'un télévangéliste, qui prèche agressivement une bonne parole dangereuse... Amusant, d'ailleurs, de constater que la scène la plus agressive sexuellement parlant, et sans doute la plus explicite, est une scène de sexe entre les deux vieillards, "vécue" par Maxine qui s'est cachée sous leur lit...

Car il fallait quand même un certain humour pour confronter une équipe de tournage porno, avec un couple de cinglés frustrés du Sud. Le film, plutput rigoureux et réussi, inaugure donc une trilogie qui explorera cette veine criminelle, si prégnante dans le cinéma des années 70, tout en rendant pas si discrètement hommage à quelques classiques, de façon furtive. On pense à Carpenter, voire Kubrick et Hitchcock...

Mais eux n'avaient pas forcément besoin de tourner deux autres films après The Shining et Psycho. La trilogue se justife-t-elle? Réponse plus tard...

 

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Published by François Massarelli - dans Ti West Boo!
18 août 2023 5 18 /08 /août /2023 16:05

C'est sûr, il ne s'arrête jamais; comme Roald Dahl lui-même ne s'arrêtait jamais, faisant en permanence un passage entre les siècles par une oeuvre féconde et sans limites dans son imagination, et permettant aussi un passage entre le monde de la fiction pour les enfants et celle, plus codifiée et nettement moins permissive, des adultes... Et c'est là un autre paradoxe entre le Gallois et l'Américain: leurs oeuvres transcendent les limites d'âge, et avec eux on en prend pour une vie entière. Raison de plus pour accueillir un nouveau film de Spielberg comme une nouvelle compagnie indispensable. De prime abord, ce qui peut éventuellement gêner, c'est d'ordre esthétique: ce film qui invente un monde repose donc sur les effets numériques et l'animation 3D... Et ces derniers temps, l'animation 3D, elle ne s'arrange pas! Pourtant on échappe largement au désastre ici, avec une esthétique qui réussit à la fois à rendre hommage à Quentin Blake, sans chercher à l'adapter au réalisme graphique en vigueur. C'est une réussite...

The BFG raconte la rencontre improbable entre Sophie, une jeune orpheline qui vit dans une institution où elle est seule à mourir d'ennui, dans l'Angleterre des années 80, Et un géant qui vit au pays des géants, pas mieux loti qu'elle du reste: Sophie n'a pas d'amis dans son orphelinat, ou elle passe ses journées à ne pas se faire voir, et nous n'assisterons à aucune interaction avec qui que ce soit, à part sans doute un chat roux, qui comme tous les chats roux est bien gentil, mais possède quand même son monde à lui d'abord et avant tout; et le géant, lui, est seul, car il est trop petit et rejeté par les autres, et en prime, il ne mange pas d'êtres humains. Pire: étant seul, il en recherche la compagnie, mais... c'est dangereux pour les petits humains, de fréquenter un géant certes gentil, mais qui cohabite avec des cannibales...

Ou des "Cannes-à-balle", pour reprendre le vocabulaire très particulier des géants, qui n'ont qu'une compréhension intuitive et un peu déformée du langage des êtres humains. Sophie, cela va sans dire, va être une rencontre importante dans la vie de celui qu'elle ne tardera pas à appeler BFG, ou "big friendly giant"(BGG, bon gros géant, dans la langue française)... Importante pour elle qui va découvrir la complicité, et pour lui qui va enfin (re) découvrir la tendresse. Le "couple" étrange formé par Mark Rylance (modifié par ordinateur) et la petite Ruby Barnhill fonctionne très bien... Comme souvent chez Dahl, mais aussi chez Spielberg, on obtient une leçon de vie...

...avec des bulles.

Même calibré pour rester visible dans le cercle familial, c'est un enchantement, tout bonnement. Spielberg fait ici une synthèse de son oeuvre, revisite les situations de nombreux de ses films (E.T. bien sur...), et réussit aussi à reprendre une partie du dispositif de Hook, soit la confrontation entre le monde réel et l'imaginaire, mais sans tomber dans les mêmes travers. Il s'inspire, pour la partie animation, des meilleures oeuvres des ateliers Disney, époque Fantasia, et la prouesse est que réalité et animation (Parfois très abstraites, comme la représentation des rêves) s'intègrent parfaitement... Sa mise en scène, une fois de plus centre sur le regard et le pouvoir de dépassement des images, mais aussi sur un suspense maîtrisé comme d'habitude, nous livre une fois de plus du cinéma classique, et qui remplit haut la main sa mission: d'une part, adapter sans trahir un classique de Roald Dahl, de l'autre, fournir un film qui réunit la famille. On sait qu'après ça, le metteur en scène est certainement parti dans une toute autre direction, explorer un tout autre genre. 

A noter, une critique très divisée sur ce film: il semble que beaucoup des commentateurs du film l'ont détesté. Le consensus étant que Spielberg se force lui-même et sort de son pré-carré, en s'imitant lui-même... Je ne suis pas de cet avis. Spielberg a la capacité de toucher à tout et de se renouveler en permanence, et ce film qui ne ressemble à aucun autre dans son oeuvre, aussi mineur soit-il (c'était l'idée dès le départ), le prouve.

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg
18 août 2023 5 18 /08 /août /2023 08:55

Pauline (Sandrine Kiberlain) est responsable de la maquette d'un magazine consacré à des enquêtes criminelles, et tout irait bien dans sa vie, s'il n'y avait une rupture particulièrement inattendue et brutale. Elle prend une période de repos, que sa soeur (actrice de série télé) a décidé de transformer en vacances: elle s'apprête à partir pour l'Italie, elle force la main à Pauline pour que celle-ci l'accompagne...

L'hôtel est assez luxueux, sa soeur Jeanne (Audrey Lamy) se met en quatre pour elle, avec son mari Wilfrid qui est compréhensif, mais Pauline se retrouve pour un soir dans une chambre en compagnie d'une dame âgée avec laquelle le courant ne passe pas; mais le lendemain cette dame manque à l'appel... Et comme un serial killer (dont les victimes sont justement des dames âgées) officie dans la rgion au même moment, Pauline se lance dans une enquête délirante, en compagnie d'un employé de l'hôtel...

C'est un film en dehors du temps, qui me semble inspiré de façon évidente par de nombreux aspects du cinéma classique: comédie loufoque Américaine ("Screwball comedy", avec un personnage féminin principal qui mène sa barque à tort ou à raison, et une histoire sentimentale inévitable en embuscade; le cinéma d'Hitchcock, en particulier la veine criminelle légère (The lady vanishes, principalement, a du être dans la tête de Fitoussi quand il a travaillé sur son film, mais on peut aussi penser à To catch a thief pour le côté film criminel balnéaire...); du coup, certains aspects du film renvoient à Charade, de Stanley Donen, qui était lui aussi un démarquage d'Hitchcock; Agatha Christie, et ses débriefings venus de nulle part, mais aussi la série Scooby-Doo (!) ne sont pas loin, d'ailleurs la vieille dame disparue écrit ds romans policiers... et comment ne pas remarquer la palette de couleurs, bolontiers irréaliste, appuyée par la tendance de Sandrine Kiberlain à changer de toilette toutes les deux heures...

Autant de parti-pris qui nous éloignent du réalisme, et qui d'ailleurs sont très critiqués, comme le ton volontirs léger, ou les tendances esthétiques héritées du cinéma classique (l'utilisation de l'iris, par exemple, qui renvoie tout de même au muet...). Donc ce n'est évidemment pas un film qui apporte une révolution esthétique ou narrative, juste une petite oeuvre de circonstance, loufoque (comment, par exemple, une journaliste qui s'ennuie en vient, au milieu d'une enquête délirante, à improviser une tarentelle en compagnie d'un latin lover), pas trop gâchée par les tendances lourdes du cinéma Français à se vautrer dans la vulgarité (mais ça c'est quand même inévitablement le rôle d'Audrey Lamy, qui joue, sans surprise, un être narcissique, lourd et vulgaire), et qui a le bon goût de ne pas considérer cette affaire criminelle comme étant suffisamment sérieuse pour qu'elle soit totalement réglée à la fin.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie