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29 janvier 2023 7 29 /01 /janvier /2023 09:01

Dans une ferme, une histoire compliquée d'héritage lié à une union risque de compromettre le gentil couple de la fille du fermier (Ora Carew) et de son benêt de fiancé... Le jumeau de la jeune femme trouve un stratagème qui implique de se déguiser et de prendre sa place...

Bon, je ne vais pas être tendre, mais... Chez Sennett (le film date de la période Triangle Keystone), on a parfois des films incontournables qui font avancer le médium, et parfois... on a un film comme celui-ci, qui repose sur tellement de mécanismes et de sales manies qu'il en devient irritant. Le contexte rural (qui reste quand même bien plus subtil ici que, disons, chez le Griffith de Way down east), les personnages tellement caricaturaux qu'ils en sont vides, et une intrigue compliquée à souhait, basée sur l'argent, l'honneur et d'autres billevesées de mélodrame: les ingrédients même sont tous des clichés, qu'on retrouve à la pelle dans les films plus longs du studio. Et si on regarde bien on verra que le film est essentiellement axé sur sa deuxième bobine, la première n'étant qu'une très longue exposition.

Reste une composition intéressante, celle d'Ora Carew qui joue deux jumeaux, un garçon et une fille: si on a du mal à croire à son rôle masculin, le fait que celui-ci prenne la décision de se déguiser en femme rend les choses un peu plus intéressantes sur la fin. Mais bon on est chez Sennett, donc... poursuite, cascades, intervention lamentable de la police, et bien sûr, elle est rurale.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie
29 janvier 2023 7 29 /01 /janvier /2023 08:53

Une jeune femme (Louise Glaum) qui n'a pas de situation trouve une opportunité: devenir cuisinière sur un ranch, mais... on cherche un homme plutôt qu'une femme. Elle se déguise, et obtient aisément le travail. Mais une fois sur place elle ne tarde pas à révéler son identité... aux autres femmes présentes. Elles la protègent et vont l'aider à trouver l'âme soeur...

C'est assez différent de ce que proposaient les comédies environnantes, de la Vitagraph ou bien sûr de la Keystone: si l'exposition est vite expédiée (le film ne fait qu'une bobine), la comédie aussi d'une certaine façon. C'est indicatif de ce que sera la comédie chez Christie, qui essaiera toujours de trouver une voie en dehors du grotesque qui dominait la comédie burlesque...

Le film reste intéressant pour sa faculté à mêler la comédie avec les codes du western. Ici le déguisement n'est pas tant un ressort burlesque qu'un empêcheur de tourner en rond! Il n'y a pas la tentation, comme dans d'autre films (A woman, de Chaplin, par exemple), de jouer avec les frontières des genres... C'est gentil et ça se laisse regarder. Mais la compagnie de Christie fera mieux.

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Published by François Massarelli - dans Muet Western Comédie Al Christie
27 janvier 2023 5 27 /01 /janvier /2023 19:16

Running Wolf, un guerrier important d'une tribu Native Américaine (donc, des "indiens"), est en âge de se marier mais il ne trouve pas la perle rare dans sa tribu... Il entend parler de la légende d'une tribu étrangère, des guerriers moins sophistiqués, mais dont les dirigeants sont trois frères qui ont unis leurs pouvoirs de conquête et de manipulation. Leur soeur est paraît-il d'une beauté incroyable... Running Wolf se met donc en quête...

Les deux personnages principaux sont interprétés par des vedettes inattendues dans ce contexte, car pour figurer des indiens des plaines, Ince a fait appel à deux acteurs d'origine Japonaise sous contrat, Sessue Hayakawa et Tsuru Aoki. Ils se sont d'ailleurs mariés quelques temps après, et si on fait un peu travailler son imagination, on arrivera à les accepter dans ces rôles!

Le film est excellent, bien qu'il repose sur une posture assez franchement raciste (l'idée d'un degré dans la sauvagerie, avec une tribu "avancée" ou "civilisée", et une autre clairement montrée comme restée à l'état sauvage!), ce qui ne surprendra pas trop quand on sait que Thomas Ince a souvent professé des idées assez cousines de celle du KKK! Mais le film est malgré tout un fascinant court métrage qui ose des ruptures de ton impressionnantes, et confronte deux acteurs l'un à l'autre dans des scènes au romantisme assez inédit...

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Published by François Massarelli - dans Thomas Ince Muet Western
26 janvier 2023 4 26 /01 /janvier /2023 18:34

Un (mélo)drame se joue dans une famille Américaine : un couple avec enfant se déchire, et le père et sa fille décident de partir avant que ça ne dégénère… La fille grandit, et le père qui a tenté sa chance dans l’ouest en a fait, pour la protéger, un véritable garçon manqué. Arrivés dans un ranch, ils trouvent un travail tous les deux, et la fille est priée par son père de dissimuler sa vraie identité… Mais un cow-boy s’attache à elle…

Il est inévitable, en 2023, de se poser la question de cet attachement : qu’est-ce qui le motive ? S’agit-il d’un amour inconditionnel et immédiat entre un homme et quelqu’un qu’il croit être un homme ? Il serait quand même assez hâtif de vouloir faire du film, comme cela semble être le cas (dans la compilation Cinema’s First nasty women), un plaidoyer en avance de plus d’un siècle sur son temps sur la nouvelle donne des genres. Et je ne peux pas vraiment suivre l’historienne Laura Horak quand elle propose de faire de ce film un ancêtre de Brokeback mountain

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Published by François Massarelli - dans Muet Western
23 janvier 2023 1 23 /01 /janvier /2023 16:33

Une jeune femme d'une tribu Indienne se fait agresser dans un saloon par un blanc raciste, et Dick Sutton, un valeureux pionnier, s'interpose. Mais en guise de vengeance, le sale type enlève la petite fille du héros... La jeune femme qu'il a sauvée va tout faire pour sauver l'enfant.

C'est, d'une part, un film sur l'héroïsme d'une protagoniste, qui ne manque ni d'énergie ni de ressources. La première fois qu'on la voit, Lillian St Cyr (nue authentique native) est un peu la damoiselle en détresse, mais elle saura se rattraper... Elle se déguise en homme, s'introduit sur un campement de bandits, et traverse un précipice à l'aide d'une corde, avec un enfant sur le dos (et sans trucage, même si le précipice est probablement plus modeste qu'il n'y paraît). 

D'autre part, comme certains films de Griffith de l'époque et comme ne tarderont pas à le faire des films de Thomas Ince, c'est le point de vue des Américains Natifs (on disait des Indiens à l'époque) qui nous est donné, par un metteur en scène et une actrice mariés, qui se revendiquaient de ces peuplades. Des films qui furent de façon intéressante bien accueillis, et étaient même inclus dans le circuit de distribution de compagnies prestigieuses, dont Pathé qui a produit ce court métrage. 

Une ouverture d'esprit dont ne profiteront évidemment pas les Afro-Américains (un protagoniste de ce film est d'ailleurs un acteur blanc en black face, placé dans le film pour dénoncer le racisme des protagonistes...), et on pourrait aussi se plaindre du cliché qui consiste à faire des bandits voleurs d'enfants des gitans subliminaux, par l'utilisation de foulards sur les têtes de certains et certaines d'entre eux... 

On n'en sort jamais.

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Published by François Massarelli - dans Muet Western
22 janvier 2023 7 22 /01 /janvier /2023 17:25

Ce n'est pas à proprement parler un film de long métrage, mais une série, située durant la guerre de Sécession, qui met en scène les agissements d'une espionne confédérée, Nan. Fille d'une respectable famille, elle a décidé de se battre à sa façon pour la cause des Sudistes et accomplit des exploits...

Il ne reste que trois épisodes (sur 6) de cette série, qui n'est pas un feuilleton au sens strict du terme; le cinéma avait encore à se servir de ce moyen pour fidéliser les spectateurs en utilisant chaque semaine ou chaque mois le pouvoir magique des mots "A suivre"... C'est à la compagnie Kalem que Gene Gauntier (Nan) et Sidney Olcott tournaient à l'époque, avant de se lancer dans des tournages exotiques (Palestine, et... Irlande pour une série de films significatifs). Kalem était basée à New York, mais les tournages étaient relocalisés en Floride durant l'hiver, ce qui fut le cas pour tous ces "épisodes", et c'est peut-être l'une des raisons qui ont poussé la compagnie à adopter un point de vue sudiste sur la Guerre Civile. Rappelons qu'embrasser la cause sudiste revient à défendre le point de vue de l'esclavage... La Floride en 1915 (mais plus de cent années plus tard, un peu aussi) était quand même encore nostalgique des années d'avant la guerre, et on y gardait un point de vue très tranché aussi bien sur le conflit que sur ses causes... 

D'autres raisons ont peut-être joué: on constatera d'ailleurs que la majorité des films muets consacrés au conflit ont pris fait et cause pour le Sud, depuis les nombreux courts métrages de Griffith qui y ont été consacrés, à The General de Keaton (et je ne parle évidemment pas ici de The Birth of a Nation, mais il ne faudrait pas l'oublier quand même), ainsi que de nombreuses productions de Thomas Ince, certaines réalisées par Francis Ford: le cinéma penchait sans doute sur le versant romantique de la cause perdue du Sud, et c'est probablement le cas ici aussi...

Et d'ailleurs, pas de plaidoyer ouvertement raciste en vue, juste de l'aventure, et des péripéties dans lesquelles Nan se met en danger... La réalisation est encore assez plate (Olcott n'est pas Griffith) mais avec Gene Gauntier, qui avait son mot à dire sur la conception de ses films, il a manifestement souhaité mettre l'accent sur l'aventure, les risques pris, et l'audace de cette jeune femme, dont les parents savent les dangers qu'elle encourt...

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Published by François Massarelli - dans Gene Gauntier Sidney Olcott Muet 1911
22 janvier 2023 7 22 /01 /janvier /2023 09:30

1926: le patron d'un gros studio, Don Wallach, a invité la fine fleur d'Hollywood dans une fiesta endiablée, où il y aura entre autres, de la cocaïne et un éléphant... Deux aspirants à la vie tumultueuse du cinéma se rendent sur place et réussissent à s'introduire dans la fête, qui vire au grand n'importe quoi. L'un d'entre eux, Manuel Torres, aidera l'acteur Jack Conrad à rentrer chez lui, et deviendra un exécutif au studio Kinoscope, et l'autre, Nellie La Roy (Margot Robbie) deviendra une actrice grâce à la présence canaille qu'elle est capable de dégager en toutes circonstances, et en particulier grâce à son attitude particulièrement, disons, démonstrative. 

Sinon, on va apprendre que le cinéma, c'est parfois très approximatif, que le parlant arrive en 1927 (hum), que le parlant, c'est le progrès (pardon?), et que la gloire, c'est éphémère...

Bon, on va le dire tout de suite, car je sais que c'est important: sur les forums dédiés au cinéma muet, on trouve des remarques assassines sur ce film, qui n'y va pas de main-morte avec la vérité historique, alors, disons-le tout de suite: le film exagère absolument tout, se plante sur tout, et le réalisateur n'a rien compris au cinéma muet... Non, ce n'était en aucun cas un art imparfait dans lequel tout le monde attendait qu'il parlât. Au contraire, l'hypothèse d'un film qui puisse intégrer des dialogues était raillée en permanence par le grand public et la profession. Le bout de dialogue où Jack Conrad parle du progrès est impensable, dans la mesure où les acteurs et techniciens, artistes et producteurs du cinéma considéraient justement les deux (muet et parlant) comme deux médiums différents: le langage est clair, puisqu'il y avait les movies, d'un côté, les talkies de l'autre... Un comportement comme celui de miss La Roy, en 1926; l'aurait probablement vouée à l'enfer en une seule soirée, elle n'aurait jamais été engagée... 

Tout ça pour dire que ce film, sous couvert de raconter une épopée ironique sur le passage du cinéma muet au parlant, choisit assez sagement la caricature et la comédie, sur une large part de son déroulement, d'ailleurs excessivement long (190 minutes: cela était-il nécessaire? moi qui suis attaché aux films très longs, je le dis ici sans aucune hésitation, oh que non!): sagement, parce qu'au vu des conneries sans fin qu'il nous montre, il valait mieux ne pas trop se prendre au sérieux. C'est d'ailleurs sur les gags et l'excès comique que le film réussit mieux, car dès qu'il tente d'être un tant soit peu sérieux, le film se plante, mieux: il se crashe... Par contre, quand on nous montre le tournage d'une scène de bataille qui vire au chaos, je ne sais pas du tout quelle est la cible... Mais qu'est-ce que c'est drôle.

Mais le plus gênant, c'est l'impression que les modèles prennent toute la place: certains gags proviennent d'ailleurs en droite ligne de Singing in the rain, le film qui au passage prend le pouvoir sur la dernière bobine, celle située en 1952. L'un des personnages, un survivant, voit le film de Donen et Kelly et est submergé par l'émotion en voyant dans la comédie musicale d'authentiques souvenirs personnels... C'est d'autant plus embarrassant que le film nous donne l'impression que Singing in the rain serait inspiré directement de l'aventure de Jack Conrad et/ou de Nellie La Roy, alors que Chazelle a allègrement puisé dans les anecdotes de cette comédie musicale sur le même sujet pour en pomper les meilleurs gags et y ajouter trois ingrédients qui irritent: tout y devient sexuel (Margot Robbie joue cette partition à l'extrême en permanence); la cocaïne y règne en permanence; et enfin, pourquoi bouger la caméra tout le temps? On n'est pas dans Le Seigneur des Anneaux, enfin!

Autre modèle gênant, bien sûr, The Artist: on devine dans l'ascension de Nellie et la chute de Jack des réminiscences particulièrement évidentes non seulement du film d'Hazanavicius, mais aussi et surtout de modèles réels, tels que Thelma Todd ou Jean Harlow d'un côté, et Douglas Fairbanks et John Gilbert de l'autre. Mais le film muet avec Dujardin était respectueux, pas celui-ci... Le film d'Hazanavicius atteignait son but, celui de parler de l'attrait du cinéma, et des aspirations humaines en général à travers l'un des exemples les plus fascinants qui soient... Babylon exprime surtout la fascination d'une période pour ses excès. Et pas grand chose de plus... Et il ne le fait pas très bien.

Pour finir, décodons un peu: les éléphants sont sans doute une allusion à Intolérance de Griffith (1916) mais les éléphants étaient bien sûr en stuc, ils faisaient partie du décor... Sinon, difficile de ne pas penser à The party, de Blake Edwards. Je mentionnais Thelma Todd et Jean Harlow comme des modèles potentiels de Nellie La Roy, mais Thelma Todd avait un talent fou... Joan Crawford est ici visée aussi, sur deux points: elle était prête à tout (mais alors tout) et a obtenu son rôle le plus significatif du muet en dansant de façon endiablée, sur une table, à peine vêtue dans Our dancing daughters, de Harry Beaumont (1928). La cocaïne? oui, il y en avait, mais là, franchement... la drogue qui a le plus posé de problème dans les années 20, outre l'alcool (qui rappelons-le, est un ingrédient inutile de toute boisson, qui ne sert à rien qui ne soit médicinal, et rend furieusement con), est la morphine. Elle a fait des ravages suite à la première guerre mondiale... Il y avait bien une ragoteuse en chef à Hollywood, elle s'appelait Louella Parsons, pas Elinor St John, mais "Elinor" est une allusion à Elinor Glyn, une autre journaliste et romancière qui avait défini la femme du Jazz Age en utilisant le terme "It", pour parler du sex-appeal. La chanson Singin in the rain a bien été interprétée par un choeur de stars dans une scène d'une comédie musicale tournée à la MGM en 1929: The Hollywood Revue, de Charles Reisner. Et la scène montrait bien, en Technicolor deux bandes, des stars en ciré rose la chanter de façon assez embarrassée devant un décor qui représentait l'arche de Noë. Il y a bien eu un film sonore qui s'appelait The Jazz Singer, sorti en 1927; pour un triomphe évident, qui a poussé les studios à s'équiper pour le son, mais il s'agissait d'un film muet saupoudré de chansons interprétées en son synchrone, et d'une seule séquence de dialogue. Enfin, il y a eu des fêtes sordides, dont une a résulté en la mort probable par overdose d'une starlette, comme c'est raconté dans le film, mais c'était en 1921, justement, et le scandale a permis d'une part un resserrage de boulons pour limiter la débauche, d'autre part une consolidation du pouvoir des producteurs. Représenter la partie fine au début du film en 1926 est donc ni plus ni moins qu'un anachronisme... Fay, l'actrice Sino-Américaine reléguée aux intertitres, est une relecture caricaturale de l'actrice Anna May Wong. Il y avait bien, comme "Ruth", des réalisatrices à l'époque, dont Ida May Park, la grande Lois Weber, qui n'a pas pu percer dans le parlant, et Dorothy Arzner: le modèle probable de la réalisatrice blasée du film, costumée à la façon d'un homme. Le personnage de Sidney Palmer, un trompettiste noir qui se fait remarquer et obtient de tourner ses propres courts métrages sonores, représente plutôt le destin de quelques artistes afro-américains de jazz qui pourront, dans l'ombre des petits studios, tourner quelques films à tout petit budget qui leur permettront de passer à la postérité... un peu. Mais l'anecdote qui le montre obligé de noircir encore plus sa peau pour ne pas apparaître blanc à la lumière (c'est vrai qu'un orchestre "mixte" de noirs et de blancs était impensable pour le public du Sud) rappelle le traitement infligé par exemple aux danseurs noirs de The king of jazz, qui devaient être aussi foncés que l'ébène pour "figurer" leurs racines Africaines, en Technicolor... Enfin, on voit dans le film une séquence teintée, en rouge, ce qui est là aussi une réalité de l'époque: si le Technicolor existait déjà, on utilisait des teintes, des coloriages appliqués sur la pellicule, et des virages sur pellicule colorée pour "aider" certaines scènes à changer d'ambiance en couleurs. Mais du rouge? Pour une scène comme celle-ci? Totalement incompréhensible.

Et le personnage de Nellie La Roy? Trop sexy, trop vulgaire, trop déshabillée, trop cocaïnée, trop tout. Impossible de la prendre au sérieux: d'ailleurs c'est pour ça qu'elle a été poussée vers la comédie, et si on ne peut pas reprocher à Margot Robbie d'y aller franco, le fait est qu'il est difficile d'une part de croire à son personnage qui ressemble à un mannequin de 2020 (et ces cheveux?????????), mais jamais, y compris avec les costumes d'époque, à une femme de 1930. Et elle a tellement été poussée vers la comédie (la scène durant laquelle elle vomit sur le tapis de W.R. Hearst est l'une des plus jouissives du film) qu'il est impossible de trouver son destin tragique autrement que comme un ratage flagrant du scénario.

On le voit bien, Chazelle a donc quand même fait un travail de recherche, mais il l'a fait en étant persuadé que le muet est une étape dans le cinéma, sans se rendre compte que pour tous ceux qui s'y sont illustrés, c'était le cinéma. Une erreur de jugement inévitable? Mais surtout un constat: il a sans doute, comme Kenneth Anger racontant les pires turpitudes d'Hollywood en les exagérant, été fasciné par ce qu'il a identifié comme une période de débauche, mais il n'aime pas la période qu'il décrit, qu'il inscrit en quelque sorte comme un élément de ce qui mène à Avatar (le montage à la fin). Gênant... Parce que j'aime bien Avatar, mais... à côté d'Intolerance, de Sunrise, ou de Safety last, quand même, ça ne vaut pas tripette. Donc utiliser le cinéma muet comme une métaphore du Rêve Américain, vu depuis les coulisses, en permanence, pourquoi pas... Et je sais que mon agacement face au traitement mal fagoté de toute une période (la plus importante de toute l'histoire du cinéma à mes yeux, et je ne suis pas le seul) ne trouvera pas d'écho auprès de gens qui sont persuadés qu'un film qui a plus de deux ans est vieux. Mais le film est de toute façon, quand même, un cas d'école d'une oeuvre ambitieuse qui fait tout pour se plomber en permanence.

Et y parvient très bien.

 

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Published by François Massarelli - dans Damien Chazelle
22 janvier 2023 7 22 /01 /janvier /2023 09:15

Alice (Virginie Efira) est une "executive woman" à la Française, une rédactrice d'un magazine féminin, et elle convoite la direction, d'ailleurs, qui pourrait lui être offerte d'ici peu. Mais elle est aussi la cible de railleries: séparée et vivant seule avec sa fille depuis 8 ans, elle n'a jamais souhaité se lancer dans la recherche d'une âme soeur, et à cause de son caractère austère, on la surnomme Desperate fraulein

Revenant du Brésil, elle est assise durant le voyage à côté d'un jeune homme de 20 ans son cadet. Un courant passe entre eux... c'est du moins ce que pense Balthazar, l'étudiant (Pierre Niney): constatant que la belle dame a oublié sa clé USB, il se met en quête de la revoir... Et de son côté, pressée d'adopter une attitude moins conservatrice, Alice se fait violence et profite de l'aubaine pour montrer sa modernité à ses patrons... 

Bien sûr que les sentiments vont se mêler de la partie, sinon ça n'aurait aucun intérêt! les sentiments de l'un et de l'autre, d'ailleurs... Mais le film n'est pas un plaidoyer, juste une comédie sentimentale bien ficelée, avec suffisamment d'éléments gentiment satiriques pour pimenter: l'ambition, ici, est une fin en soi avant de devenir un handicap, et le portrait du monde de la mode est, sans trop d'exagération, assez savoureux. Le décalage entre les deux personnages principaux évite les clichés, de part et d'autre...

Et de toute façon, ce qui motive en premier lieu ici est la confrontation entre deux acteurs exceptionnels. Bon, autant dire qu'on est servi: ils sont justement excellents... L'impayable vulgarité de la principale concurrente d'Alice (La Québécoise Amélie Glenn, qui a tout vu, tout compris, et couché avec toutes et tous) est un ressort comique assez intéressant, et sinon Charles Berling est ici présent, il interprète le père de Balthazar, et... il joue formidablement bien. Je n'aurais jamais cru écrire cette phrase.

Pour finir: on se réjouira du fait qu'aux Etats-Unis, le film aurait permis, non seulement au couple de s'assumer, mais aussi à Alice de gagner sa promotion. Ici? On est en France, donc...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Virginie Efira
22 janvier 2023 7 22 /01 /janvier /2023 09:06

Trois hommes assez âgés s'ennuient dans leur maison, qu'ils n'arrivent pas à "tenir". Ils décident de placer une annonce pour trouver une gouvernante et reçoivent des propositions, l'une en particulier: ils sont unanimes, et invitent la dame à se rendre chez eux, et vont l'accueillir à la gare...

C'est hélas (?) à ce moment que le film, incomplet, se termine: car si on a bien le temps de voir que la dame, contrairement à ce qui était attendu, est Afro-Américaine, grande et joviale, on n'ira pas plus loi. Ce qui a filtré de ce film, dans sa version complète, serait que d'une part la gouvernante, en plus, est intelligente et lettrée, ce qui est peu banal dans le cinéma Américain de cette époque pour un personnage noir...

...Mais aussi, hélas, que conformément à ce qu'attendent les spectateurs, le personnage est ici pour faire rire, car dans une comédie, la principale raison d'amener un personnage noir, ça reste justement pour provoquer le gag. Au vu de l'exposition du film, de la composition des plans, du ton gentiment loufoque, on regrette quand même de ne pas en savoir plus...

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Published by François Massarelli - dans Muet
22 janvier 2023 7 22 /01 /janvier /2023 08:49

Mme Pied manifeste un inquiétant désir d'indépendance: elle souhaite sortir sans M. Pied, qui lui se refuse avec véhémence à accepter le postulat sans négocier. La voilà partie (pour aller faire un tour aux "Galeries Nébuleuses", nous dit-on), suivie de son mari, et dans l'agitation due à la nervosité des participants de la poursuite, le chaos s'ensuit...

C'est normal, après tout, ce constat de chaos, puisque la raison d'être des films de Durand, c'est précisément de montrer de quelle façon il se déclenche... Quand vous passez dans une rue, le plus souvent rien n'arrive... Dans un film de Jean Durand, la moindre interaction d'un personnage avec le décor débouche sur une catastrophe: un étal qui tombe, avec tout ce qui s'y trouve, un échafaudage qui ne tient plus debout, tous les meubles qui rendent l'âme... C'est profondément idiot, mais après tout c'est le but de l'opération...

Pourquoi, maintenant, avons-nous droit ici à un cas de travestissement, puisque si Lucien Bataille interprète M. Pied, c'est à Ernest Bourbon, le célèbre Onésime, que revient le redoutable honneur d'interpréter son épouse? Il eut y avoir plusieurs raisons, comme des nécessités acrobatiques, une envie pour Durand de protéger son épouse, l'actrice Berthe Dagmar pourtant rompue aux dures réalités physiques du cirque, un refus catégorique de celle-ci qui n'avait pas le caractère facile, ou même une envie de faire rire un peu plus en mettant une vedette reconnaissable dans le rôle... ou tout simplement, Bourbon, avait-il envie de le faire.

Quoi qu'il en soit, c'est plus que fonctionnel, ça ajoute au loufoque de la situation... Tout comme le fait que le film commence dans un intérieur bourgeois qu'on imagine Parisien, avant de se déplacer dans un décor qui là encore nous donne l'impression d'être une rue commerçante Parisienne... Mais dans la poursuite, M. et Mme Pied empruntent un train au milieu de zones humides, que les spectateurs des westerns Camarguais de M. Durand connaissent bien, et se lancent même dans une poursuite maritime... Bref, faisons feu de tout bois, du moment qu'on rigole... C'est, je pense, la devise de l'unité rigolote des tournages de Jean Durand.

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Published by François Massarelli - dans Muet Jean Durand