Visitant l'Egypte, le peintre Wendland (Harry Liedtke) se rend autombeau de la Reine Ma, où l'étrange Radu (Emil Jannings) lui prétend que la momie hante les lieux. Mais c'est une supercherie, Radu ayant séquestré une jeune femme (Pola Negri) dans le tombeau... Wendland lui vient en secours et la délivre, puis s'enfuit avec elle. Radu, devenu fou, se rend à leur poursuite pour se venger...
Alors qu'il devenait lentement mais surement le numéro un du cinéma Allemand, Lubitsch s'essayait à tous les genres, dont un certain exotisme de pacotille. Il y reviendra d'ailleurs (Sumurun, Die Weib Des Pharao), mais ce film ne passe plus, excepté pour certaines séquences triées sur le volet. Le final en particulier, dont l'intérêt relatif est du aux talents conjugués de Jannings et Negri. Pour le reste, il fallait bien faire bouillir la marmite et faire oublier une guerre en voie d'être perdue.
On ne pourra par contre pas s'empêcher, à travers ces histoires de supercheries et de soumission (notamment celle de Ma à Radu, au-delà de la folie, qui exerce sur elle un pouvoir hypnotique assimilable à celui d'un Svengali, de penser au film de Karl Freund qui en reprendra les contours, mais cette fois-ci, point de supercherie... Pour le reste, l'intérêt du film reste d'être historique, comme on dit poliment. Lubitsch avait certainement mieux à faire!
Trois escrocs (Thomas Meighan, Betty Compson, Lon Chaney) décident de s'associer avec un homme religieux (Joseph J. Dowling) afin de se faire de l'argent: l'homme prétend être un guérisseur, faiseur de miracles touché par la grâce divine, et toute la population de son village le vénère... Mais ils ne sont pas au bout de leurs surprises...
On va le redire, une fois de plus, hein: les films ne sont pas éternels. Parfois c'est agaçant. Parfois, c'est rageant. Et parfois, c'est tragique: en témoignent ces trois minutes... Le film, réalisé par un metteur en scène disparu trop tôt et qui avait atteint une renommée non négligeable, a laissé le souvenir d'un classique et d'un chef d'oeuvre. On le comprend tout à fait, quand on voit ce qu'il en reste...
Ces extraits a été préservé parce que la Paramount avait monté dans des courts ou moyens métrages promotionnels un certain nombre de séquences de gros succès de la compagnie (The house that shadows built, en 1931, et Movie memories, en 1935); on y trouve donc la scène emblématique du film: Lon chaney, qui joue un contorsionniste, y simule une guérison miracle, à la fois pour convaincre la foule, et pour s'attirer les bonnes grâces du guérisseur (qui lui n'est pas un escroc). La scène est courte, mais intense, et Chaney est excellent, au point qu'un grand nombre de personnes, jusqu'à aujourd'hui, sont persuadés qu'il était réellement contorsionniste... Mais la séquence se poursuit: un gamin sérieusement handicapé, qui a vu la scène, souhaite lui aussi profiter du pouvoir du "miracle man", et s'avance, lâchant se béquilles, puis... courant jusqu'au brave homme, sous les yeux médusés de tous, y compris bien sûr Chaney.
C'est un modèle de montage, qui nous montre que Tucker ne se contentait pas de poser la caméra, mais qu'il avait conçu sa scène en fonction d'un effet voulu sur le public. comment ne pas penser à Borzage et son cinéma du miracle? Sauf que Borzage, sans doute, n'aurait pas joué sur l'ironie de la contradiction comme le fait Tucker ici. Et cette séquence, avec Chaney dans un grand numéro d'illusionniste, a été annoncée par d'autres, comme le prouve la photo ci-dessous... Une scène qui donne immanquablement l'envie d'en savoir, et d'en voir plus. Une autre séquence, plus détaillée, avec des gros plans fascinants de Chaney, Compson et Meighan, est disponible dans The house that shadows built, zt là encore on y sent un sens du montage, et une nervosité du rythme, qui impressionnent...
Dans un coin rural très reculé, vit une petite famille. Johanna (Mary Pickford) est la fille de la maison, et elle n'a que très peu de temps libre, entre les tâches ménagères et le jardin. Néanmoins elle est heureuse si ce n'est qu'elle rêve d'un prince charmant... Alors quand un groupe de soldats en manoeuvres, et en formation avant de partir sur le front, viennent s'installer sur la propriété, elle commence à s'intéresser à tous ces militaires, dont certains ne sont pas indifférents à son charme rustique...
C'est une comédie légère, mais le thème patriotique, bien que subtil, y est bien présent. Mary Pickford, et avec elle Douglas Fairbanks et Charles Chaplin, était du reste très impliquée dans la propagande de l'effort de guerre, et on retrouve ici (comme dans le film The little American de Cecil B. DeMille sorti l'année précédente) une sorte d'évidence: il faut s'engager en Europe...Mais force reste à la comédie, avec ce portrait comique d'une jeune fille un peu plus âgée que d'habitude, mais pas beaucoup plus dégourdie que ses rôles coutumiers...
Car Johanna n'est pas une petite fille, et le film est l'histoire de son éveil, aussi, de sa trasformation enfin. Johanna aspire à l'amour, à devenir adulte ou du moins à être traitée comme telle... Mais pour ses soupirants (dont Douglas MacLean et Monte Blue) elle EST une femme... La comédie passe par des moments cocasses, et l'un d'entre eux quoique bien innocent, a fait l'objet d'une censure dans certains états (dont, comme d'habitude, la si chatouilleuse Pennsylvanie): Johanna cherche à plaire et s'inspire de la photographie d'une danseuse, qui porte uniquement un drap plus ou moins transparent, façon Isadora Duncan... Ses parents la punissent immédiatement. La photo a été censurée sur bien des copies distribuées dans l'Est. Johanna ira jusqu'à prendre des bains de lait, confirmant l'importance du corps dans sa vision de la séduction. Une scène traitée avec délicatesse, mais dont la présentation étonnera quand même les admirateurs de Miss Pickford qui sont plus habitués à la voir assumer le rôle d'une pré-adolescente...
C'est un film de William Desmond Taylor, qui était réputé à cette époque comme un escellent réalisateur à l'aise dans tous les styles. Sa direction d'acteurs est excellente, et on sent la vedette totalement à l'aise. Elle avait la réputation d'être assez difficile à diriger vraiment et se chargeait le plus souvent d'habiter ses rôles, mais elle avait beson d'un cadre bien mené, et d'une troupe sous contrôle. Elle qui revenait souvent à ses metteurs en scène favoris parce qu'elle était en confiance, a fait appel à lui à plusieurs reprises, mais seul deux films ont survécu dont celui-ci, et aucun n'est entier actuellement. Il manque la troisième bobine de Johanna Enlists...
A Oxford, un Américain qui vit sur place depuis quinze années, et est amoureux d'une jeune femme locale, doit rentrer au pays, à la demande de sa famille... Mais il sait qu'ils vont refuser son choix et lui imposer une riche héritière. Son meilleur copain Dick (Douglas Fairbanks) décide de prendre sa place, vu que la famille n'a pas vu Reginald depuis son enfance, et de résoudre les problèmes liés à la situation. Quand il arrive au Etats-Unis, il comprend très vite que la partie n'est pas gagnée: les trois tantes de Reginald n'ont aucune envie de déroger aux traditions, et son oncle est complètement coincé. Et sa soeur est, comme l'infortuné Reginald, tenue de se marier avec un parti riche et bien vu en société... Mais Dick décide qu'il va "tout résoudre", car comme il le dit "I'll fix it!"...
C'est une charmante comédie, un de ces films absurdes, gentils et joviaux comme Fairbanks et ses copains (Albert Parker, John Emerson, Christy Cabanne, Victor Fleming et Allan Dwan) en pondaient plusieurs par an! Mais c'est tellement bien fait, sans jamais se prendre au sérieux, tout en distillant un gentil message optimiste, qu'on se laisse totalement prendre... Et la façon dont le "faux" Reginald va imposer à "sa" famille complètement coincée toute une marmaille d'enfants qui sont nés du mauvais côté de la barrière, en les prenant par les sentiments, est un beau moment.
Et la principale leçon, dans ce film qui nous conte un "choc de cultures" peu banal, est bien sûr que cette insupportable manie des riches de vouloir maintenir les classes sociales et les traditions, est finalement contraire à ce qui fait l'Amérique...
Le film est miraculé, il fait partie des dernières redécouvertes d'un film muet important de ces dix dernières années, grâce à une restauration bien menée, sur une copie détenue par un chanceux collectionneur. Il n'y a pas si longtemps, aucun film de l'année 1918 n'avait survécu parmi les nombreuses productions de Douglas Fairbanks d'avant ses épopées en costume... C'est une raison de plus de se réjouir de l'existence de celui-ci.
Ce film, qui est le dernier des films Russes conservés de Starewitch avant son départ pour l'Europe Occidentale, est incomplet, comme tant d'autres... Mais il l'est doublement: la production, en effet, concevait l'oeuvre comme une fresque en deux parties, visant à montrer l'histoire de la Franc-Maçonnerie! Probablement pas pour en dire du bien... Mais peu intéressé par la thématique même, Starewitch y a trouvé des épices secrètes qui ont précipité son renvoi de la deuxième partie!
On y conte donc les aventures étonnantes et diaboliques de Giuseppe Balsamo di Cagliostro, de son initiation à une confrérie d'alchimistes (je suppose que c'est ici qu'il fallait lire "Franc-Maçons") jusqu'à ses tentatives diaboliques de subvertir la douce jeunesse d'une famille de nobles un peu écervelés...
Bien sûr que c'est du grand n'importe quoi, mais ce n'est pas grave, je pense que Starewitch a très vite compris l'intérêt d'illustrer cette histoire en s'investissant à fond dans la mise en scène, et d'utiliser avec bonheur les effets spéciaux, son deuxième péché mignon avec l'animation... Et dès l'initiation, où il utilise surimpression, effets de montage, profondeur de champ, et diverses manipulations de l'image, toutes maîtrisées, le metteur en scène... s'amuse. Bien plus que Richard Oswald dans la poussive (et friponne) adaptation de 1929. Après, on ne va pas se mentir: comme on dit parfois, ce n'est pas Citizen Kane...
Lord et Lady Greystoke se rendent en Afrique où le noble va s'attaquer au problème de l'esclavage, en pleine recrudescence... Mais en chemin, leur bateau subit une mutinerie. Sauvés par Binns, un marin loyal, ils s'installent dans une cabane de fortune, pendant que Binns est fait prisonnier par les marchands d'esclaves. Lady Greystoke donne naissance à un fils et ne survivra pas. Un chimpanzé qui entend le bébé vient et avec ses congénères, tue Lord Greystoke et s'empare du petit, car il vient d'y avoir la mort d'un petit chimpanzé et sa mère est inconsolable... Vous devinez sans doute la suite.
C'est le premier de tous les films de Tarzan, adapté directement d'Edgar Rice Burroughs, et grâce à son contrôle sur la production, très fidèle à sa vision... Tarzan a donc un contexte, une histoire et même une illustre lignée, ce qui fait de lui un Anglais: c'est souvent dit et répété, il n'est plus blanc, il est Anglais! Et c'est parce qu'il l'est, nous dit-on, qu'il a tant de facilités à dominer la jungle, mais aussi à apprendre, et pas seulement des singes. On pourra rire devant son apprentissage en un éclair, mais cette naïveté fait partie des charmes du film (bien plus que les relents d'eugénisme qui traversent les oeuvres de Burroughs, et que les films MGM sauront brillamment mettre à la poubelle!
Tarzan (Elmo Lincoln) est Anglais, d'ailleurs, jusqu'au point de comprendre qu'il ne faut pas céder à ses pulsions avec Jane (Enid Markey) quand elle le lui indique: "vous êtes un homme, après tout!"... Et Tarzan achève de devenir le noble qu'il a toujours été... Bon, pour ma part, je préfère les batifolages aquatiques de "moi Tarzan, toi Jane"...
Le racisme du film est indéniable, et à double tranchant. D'une part, on nous montre les Arabes comme d'horribles exploiteurs de chair humaine, et d'inquiétants bandits, et ce du début à la fin. Mais quand ils enchaînent Binns au côté d'un Africain, le film semble envoyer un message trouble, comme si le plus désolant chez ces esclavagistes, était de mettre à égalité un blanc et un noir!
Enfin, une petite note pour ce bas de page: on lit régulièrement que la grande Lois Weber aurait été la scénariste du film, ou en tout cas aurait participé à la rédaction d'une adaptation. Elle lançait sa propre compagnie à l'époque, n'avait aucun lien avec la First National qui a distribué ce film, et avait sans doute d'autant moins de temps pour cela, qu'elle tournait un nombre considérable de longs métrages par an... Donc en attendant des preuves de cette allégation, on va la tenir à l'écart de ce petit film gentiment historique...
Mario (Lido Manetti) entame ses études: il souhaite étudier le droit et se rend à Turin; il y trouve une chambre idéale pour vivre, tenue par une dame dont la fille Dorina (Maria Jacobini) est plus que charmante: les deux jeunes deviennent amoureux, jusqu'au jour où une dame sophistiquée (Helena Makowska) commence à attirer l'oeil de Mario...
A l'origine de ce film, il y a une pièce écrite par Nino Oxilia et Sandro Camaso. Une première adaptation a été réalisée vers 1911, qui est perdue, mais Oxilia, devenu metteur en scène, comptait bien en réaliser un remake. Son départ pour le front, puis sa mort en 1917 l'en ont empêché. C'est donc le co-adaptateur Augusto Genina qui a été désigné réalisateur...
Et c'est une belle surprise. Le film se départit rarement de son ton indubitablement tourné vers la comédie, et utilise au maximum les décors de Turin, beaucoup de scènes ont d'ailleurs été tournées en pleine rue, mais aussi dans des cages d'escalier qui sonnent particulièrement véridiques! Le cinéma Italien a entamé sa grande mutation, et désormais l'heure n'est plus aux divas et aux femmes fatales: c'est la leçon de ce film, qui comme si souvent à l'époque du muet, oppose deux femmes, la mystérieuse Elena et la douce Dorina, cette dernière opposant à la fois son bon sens et sa joie de vivre à la froideur manipulatrice de sa rivale. Mais si cette dernière reste volontairement esquissée (elle en devient une ombre, une fatalité qui retournera vers le néant à la fin du film), on est ébahi du jeu tout en invention permanente de Maria Jacobini qui souvent porte le film à bout de bras. Du coup, c'est son point de vue qui prime...
Le titre est d'ailleurs à double sens: certes, le passage de Mario, qui achève ses études et devient un avocat promis à un bel avenir à la fin, est un peu le baroud d'honneur de sa jeunesse, mais on pense plus volontiers au sacrifice que Dorina fait, elle qui comprend qu'elle ne verra plus jamais l'homme qui a failli la trahir... Dans la joie ou l'amertume, Jacobini est solaire, nuancée, et son visage est un festival d'expressions, qui nous font regretter que si peu de ses films aient survécu.
Film hallucinant, The blue bird est un conte, pour enfants, certes, mais le merveilleux est sans doute une affaire trop sérieuse pour la laisser à n’importe qui, alors Tourneur a tout fait pour éviter les pièges de ce genre de film: voir à ce sujet les tentatives contemporaines, comme la série des films autour du Magicien d’Oz, vers 1914/1915, ou encore le Alice de 1915, ces films qu’on peut consulter, sont tous tellement irritants à regarder dans leurs choix esthétiques, leur gaucherie et leur vulgarité (les gestes, plus frénétiques encore que chez Sennett) qu’on accueillera avec d’autant plus de satisfaction ce film au rythme délicat et aux images composées avec soin, qui conte la quête merveilleuse de l’oiseau bleu par deux enfants qui partagent un rêve baroque.
Alors, après, on aime ou pas, mais force est de constater que l’esthétique de ce film, forgée de film en film par Tourneur et augmentée de belles idées rendues possibles par l’irréalité de son sujet (Des silhouettes de gens en carton –pâte, des décors effectivement nus, dont on voit aussi bien le sol, que les murs, l’utilisation de surimpressions, etc) tient encore la route.
Néanmoins, cela restera une expérience unique, Tourneur revenant ensuite à plus de réalisme dans les films suivants. A ce propos, un nouveau clin d’œil adulte dans ce film: lorsqu’au début de leur rêve les enfants partent après une discussion avec les fées, animaux et ustensiles qui les accompagneront dans leur périple, les parents qui ont entendu un bruit se lèvent, font une tournée d’inspection, puis se recouchent rassurés: Tourneur nous montre alors les deux enfants que nous venons de voir partir, dans leur lit, profondément endormis.
Mickey est une orpheline recueillie par un mineur, et elle vit en pleine nature dans l'Ouest... Elle fait la rencontre d'un beau jeune homme qui est venu repérer les lieux avant de travailler sur une mine. Mais la vie est trop compliquée pour son père adoptif, d'autant que la mine familiale ne rapporte rien, et il l'envoie dans l'est, retrouver sa famille: croyant qu'elle est une riche héritière, sa tante l'accueille, mais elle déchante bien vite. Heureusement, le beau jeune homme dont je parlais plus haut est un visiteur fréquent dans la maison des Drake...
On ne va pas aller chercher très loin: tout ça c'est du Griffith, et on pourrait même aller jusqu'à soupçonner l'influence directe de Way down east si le film n'avait pas été réalisé deux ans plus tard! Mais Griffith puisait directement à la source du mélo (et de Dickens), et chez Sennett on était encouragé à faire la même chose! D'ailleurs ce film est une étrangeté bien significative pour le petit studio de comédies débridées, puisqu'il nous montre une facette, sinon dramatique, en tout cas plus mélodramatique du cinéma. Un écrin intéressant pour la star Mabel Normand, qui a tout donné dans un film qui lui ressemble beaucoup...
Un film qui n'a pas eu de succès, du reste, montré au public et boudé par les distributeurs, il a fallu un an avant qu'il ne soit montré, provoquant un raz de marée d'entrées! Entre-temps, il avait subi de sérieuses modifications, entraînant l'existence de deux montages différents, avec des séquences communes mais dont les plans sont souvent différents... un petit mystère qui montre bien à quel point dès qu'on sortait de la comédie dune ou deux bobines, chez Sennett, les choses se compliquaient...
Pas les intrigues par contre, ni la mise en scène: ici, on va droit au but, sans prendre de gants; Mickey, malgré son pedigree particulier (comédie, oui, mais sentimentale), c'est du Sennett 100% pur, non dilué. Ca va vite, sans sophistication extrême, mais avec bon goût: la photographie est souvent soignée. Plus en tout cas que la tenue de Mabel Normand, qui après avoir si souvent incarné les héroïnes sophistiquées dans des comédies ribaudes à souhait, interprète cette fois une sauvageonne brute de décoffrage dans un film plus ambitieux. Elle l'interprète avec énergie et gourmandise...
Tourné en 1918, alors que l'Allemagne s'apprête à perdre la guerre, Opium est un cas extrême, un cas d'école: à l'instar de son personnage principal, il semble nous indiquer que le cinéma Allemand n'a plus rien à perdre. Privé de la moindre censure, Robert Reinert a produit, essentiellement, un brûlot destiné à faire venir tout le monde dans les salles obscures pour un oubli immédiat. Mais un film qu'on n'est pas près d'oublier...
Le professeur Gesellius (Eduard Von Winterstein) est en Chine pour y effectuer une recherche scientifique sur les effets de l'opium en tant que médicament contre la dépression, la douleur et plus encore. Et bien sûr il est amené à fréquenter les établissements spécialisés, dont celui de l'infâme Nung-Tchang (Werner Krauss). Celui-ci a auprès de lui une mystérieuse jeune Eurasienne, Sin (Sybill Morell), qui cherche la protection du professeur... Nung-Tchang explique à ce dernier que la jeune femme est la fille de son épouse et d'un Européen de passage, et que ce dernier est parti après la mort de la mère en laissant l'enfant derrière lui. Comprenant qu'il risque de payer de sa vie le désir de vengeance de son hôte, le professeur rentre au pays en emportant Sin avec lui.
Une fois chez lui (en Angleterre, peut-être), il retrouve son monde: son épouse, Maria (Hannah Ralph), sa petite fille, et son principal collaborateur, Richard Armstrong Jr (Conrad Veidt). Maria est désolée de voir son mari revenir avec une jeune femme, et de son côté elle souhaite que le professeur ignore tout de son aventure avec le jeune Richard. Celui-ci, fils d'un autre scientifique qui a passé des années en Chine (hum) ignore donc que Sin, aussitôt rebaptisée Magdalena, est sa soeur, et enfin le Dr Richard Armstrong Sr (Friedrich Kühne), scientifique génial disparu dans les vapeurs de l'opium, refait inexplicablement surface!
Tout ça dans un montage qui ne perd pas une occasion de nous montrer les expériences avec l'opium du professeur Gesellius: immanquablement il s'agit de visions de diables lutinant des femmes à demi-nues... Environ toutes les dix minutes à l'écran. Et sinon, Nung-Tchang n'a pas dit son dernier mot, bien sûr, et va tout faire pour assumer son horrible vengeance...
Le film n'aborde ni ne rejette aucune interprétation quant à l'utilisation de l'opium: on a bien vaguement l'idée que ça flingue sérieusement les neurones, et qu'au cours du film au moins un protagoniste meurt de l'usage répété et addictif de la chose. Mais Reinert est trop occupé à réaliser son film proto-psychédélique pour essayer de faire ne serait-ce que semblant de donner des leçons... Donc il semble nous indiquer que la meilleure façon de se guérir de l'opium est d'en prendre. Et pourquoi pas s'injecter du désinfectant, tant qu'à faire?
On peut désormais voir Opium, dans une restauration éblouissante, qui met sérieusement en lumière son incroyable mauvais goût, son côté extra-terrestre, et pour finir sa glorieuse inutilité, comme un Mystery of the leaping fish qui ne serait drôle qu'involontairement... Robert Reinert avait mieux à faire, beaucoup mieux et il l'a prouvé plus tard cette même année avec Nerven.