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25 octobre 2024 5 25 /10 /octobre /2024 18:30

Dans le prologue, on fait la connaissance de quatre amis: les deux soeurs Kate (Helen Eddy) et Mary (Pauline Curley) sont toutes deux amoureuses: Mary d'un beau jeune homme bien sous tous rapports, Jimmy (John Gilbert), et Kate d'un jeune scientifique Indien (Sessue Hayakawa): les deux jeunes hommes se sont connus à l'université... Mais les conventions de l'époque, ainsi que son romantisme un peu morbide, empêchent Kate d'assumer cet amour, et Ashuter doit retourner en Inde, pendant que Jimmy et Mary se fiancent... 

Mais Jimmy, qui a souhaité prouver à Mary qu'il pouvait se débrouiller, est tombé sous la coupe d'une secte de malfaiteurs, et il est dans l'obligation de commettre un meurtre pour eux... Ashuter décide de tenter le tout pour le tout pour sauver son ami.

C'est du mélodrame, du bon du gros, avec un sous-texte plus que surprenant, mais assez courant dans les films de Sessue hayakawa: car quel que soit le rôle qui lui échoit, il est condamné à ne pouvoir, selon les lois en vigueur, convoler en justes noces avec une jeune Américaine! On appellait ce genre de mariage de la miscégénation aux Etats-Unis, où c'était passible de gros ennuis, selon les états (ça pouvait aller jusqu'au meurtre, bien entendu)...

Le film a donc la bonne idée de faire reposer la dynamique de l'intrigue en partie sur cet état de fait, pourtant bien insatisfaisant pour les personnages. Etant obligés de ne pas s'aimer, l'amour de Kate et Ashuter devient sublime... Et ça marche assez bien, d'autant qu'helen Eddy s'en sort avec les honneurs en dépit de la charge élodramatique de son personnage.

Et tant qu'on est sur les us et coutumes de cette période ô combien reculée, et ô combien fascinante, comment peut-on passer sous silence cette manie qu'avaient les mélodrames de l'époque de tourner autour du pot, en montrant des groupes d'agités du bocal, politiques et terroristes à la fois, à la pratique sectaire? C'est sans doute ainsi que les Américains moyens de 1919 se représentaient la proverbiale "menace Bolchevik"... 

Reste un film atypique, plaisant, avec un jeune et fringant John Gilbert, et un thème sous-jacent qui en ferait presque un plaidoyer pour l'intégration, face à ce Dr Ashuter, le plus civilisé des hommes, bien plus armé pour la vie, qu'elle soit à l'ombre ou à la lumière, que son copain un rien inutile, qui est né avec une cuillère en argent dans la bouche (ou ailleurs) et auquel on donnerait probablement, comme on dit, le Bon Dieu sans confession!

Il suffit donc d'accepter que Sessue Hayakawa soit natif d'inde.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 **
7 octobre 2024 1 07 /10 /octobre /2024 17:42

Tatsu (Sessue Hayakawa) est un homme semi-sauvage, qui vit dans une sorte de rêve éveillé depuis des années, dans la montagne. Il est obsédé par une princesse qui lui serait promise, kidnappée par un dragon, et tant qu'elle ne lui revient pas il s'obstine à dessiner encore et toujours des images de dragon... Ses dessins parviennent sous les yeux d'Indara (Edward Peil) un peintre génial et reconnu, qui cherche à passer le flambeau. Il reconnait dans les oeuvres de Tatsu la patte d'un successeur, et le fait venir... Mais pour obtenir quoique ce soit de lui, il va devoir faire passer sa fille Umé-Ko (Tsuru Aoki) pour la princesse...

C'est un des films réalisés à Hollywood autour de Sessue Hayakawa, un acteur Japonais qui avait été engag par Thomas Ince, et autour duquel un culte s'était construit. Mais ce film, contrairement à beaucoup d'autres (en particulier ceux de Ince, justement), a l'avantage delaisser l'acteur composer un personnage qui puisse évoluer dans un cadre Japonais...

Sa fréquente partenaire Tsuru Aoki était venue à la fin de la première décennie aux Etats-Unis, après avoir été découverte par David Belasco. Si le troisième rôle le plus important était tenu par un acteur Anglo-saxon dévolu aux rôles orientaux (il interprète Evil Eye dans Broken Blossoms de Griffith par exemple), on remarque que le Japon "Californien" qui nous est présenté bénéficie grandement de sa distribution où les acteurs Nippons dominent...

Le film est d'ailleurs assez étrange, il ne ressemble pas tant qu'on aurait pu le croire à un film Américain, derrière son aspect de conte philosophique... Mesuré, mais quand même suffisamment excentrique pour trancher sérieusement sur la production ambiante. La narration est un peu lente, mais le film ne cherche pas à éviter d'apparaître extravagant, en étant même grâce au décalage entre la brutalité enfantine de Tatsu et les manières policées d'Indara, presque comique par endroits... Le drame pointe quand même le bout de son nez, avant un happy-ending inévitable...

Et pour finir, on ne s'étonnera pas que le film soit très décoratif, profitant pleinement de montagnes parfois allègrement peintes, et parfois de vues plus authentiques... mais Californiennes.

 

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Published by François Massarelli - dans ** Muet 1919
29 mai 2024 3 29 /05 /mai /2024 19:06

On n'a pas conservé beaucoup des premiers films de Germaine Dulac... Par exemple, il ne restait jusqu'à 2020 plus que deux séquences à peu près cohérentes de ce film, premier script de Louis Delluc. C'était une grande perte si j'en crois Henri Langlois, grand admirateur du film et qui lui l'avait vu en entier. Aujourd'hui, depuis la découverte d'une copies fragmentaire, on en possède le tiers, et la Cinémathèque Française a pu enfin en donner à voir une continuité, sur 26 minutes, qui restituent l'argument principal ainsi que son style si particulier.

Eve Francis y interprète une femme, Soledad. Elle est danseuse, et s'est plus ou moins retirée, et deux hommes, deux propriétaires terriens (Gaston Modot et Jean Toulout) sont très amis mais l'un comme l'autre sont aussi fous amoureux de la mystérieuse danseuse. Pendant qu'ils s'entretuent dans un geste aussi chevaleresque qu'absurde, elle se laisse séduire par un jeune homme qu'elle a subjugué...

Le film est d'une impressionnante amertume, incarnée en particulier par la lassitude d'Eve Francis qui se retrouve en chaînon manquant entre Asta Nielsen (la danse chaloupée, qui renvoie à L'abîme d'Urban Gad) et d'un coté les divas Italiennes, les Francesca Bertini et Pina Menichelli, et de l'autre les futures stars Greta Garbo ou Marlene Dietrich... La quête romantique ultime ("Puisque nous sommes amis et que nous l'aimons tous deux, massacrons-nous mutuellement") est raillée par une fin d'une méchanceté particulièrement notable. Le scénario de Louis dellux, servi par la réalisation de Germaine Dulac, joue une partition forte et provocante. Le voir ainsi enfin un tant soit peu représenté de façon plus continue, dans un cadre impeccable (ces plans nocturnes du duel), est essentiel...

Le film a l'air de bénéficier de plans "volés" lors de véritables célébrations populaires, et semble anticiper toute la vague dite "impressionniste" du cinéma Français: Delluc bien sur, mais aussi Epstein. Dans le fragment auparavant disponible, ces éléments prenaient toute la place, ce n'est heureusement plus le cas... Et on est devant un foisonnement à des années-lumières de la rigueur sage de La cigarette, l'autre film conservé réalisé par Mme Dulac en 1919. On comprend que ce fut un classique. Il ne nous est pas restitué, mais on peut commencer à en deviner les contours...

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Published by François Massarelli - dans Muet Germaine Dulac 1919 *
1 juillet 2023 6 01 /07 /juillet /2023 07:03

Pour commencer, je suppose qu'on pourrait dire sans trop de chances de se tromper... que Sally Meyer (Ernst Lubitsch), le Berlinois du titre, est un obsédé sexuel! Un personnage de comédie à l'ancienne, qui habite la farce en se comportant avec les dames d'une façon peu conseillée: dès que son épouse quitte la pièce, il est prêt à lutiner la bonne... Sentant le soupçon s'installer il persuade un médecin de dire à son épouse qu'il a grandement besoin de changer d'air, et se rend donc dans les Alpes pour séduire des femmes. L'intention première était de se rendre en Autriche, mais il se retrouve en Bavière suite à une erreur, flanqué d'un déguisement Tyrolien pour tout le reste du film...

C'est du Lubitsch "première manière" dont on sait qu'il l'a faire cohabiter dans on oeuvre Allemande avec des films différents, dont certains très ambitieux. Rien que cette même année, il tourne trois autres films qui sont parvenus jusqu'à nous: les loufoques et avant-gardistes Die Austernprinzessin et Die Puppe, et l'imposant Madame DuBarry... Par bien des côtés, cette farce burlesque ressemblerait presque à un film de vacances à côté.. Mais Meyer aus Berlin vaut justement en tant que document sur l'évolution d'un cinéaste (et d'un acteur) qui ne va pas tarder à abandonner complètement cette partie de son univers, tout en se situant dans des décors qui seront exploités de nouveau dans ses films (en 1920, il tournera deux films en montagne, et aux Etats-Unis, Eternal love, un mélodrame...).

C'est aussi un moyen de voir le personnage qui a rendu Lubitsch célèbre et populaire, et surtout d'y déceler quelque chose que ses comédies et ses drames futurs aux Etats-Unis allaient escamoter plus ou moins durant près de 20 ans. Car Lubitsch en Allemagne, dans son rôle d'acteur de comédie, ne faisait pas mystère de ses origines, et tout renvoyait effectivement à un personnage Berlinois ET Juif. Un caractère qui serait devenu probablement "trop ethnique" et trop embarrassant dans le cinéma des années 20 (durant lesquelles le cinéma Européen, on en a de multiples preuves, flirte avc un antisémitisme populaire et "normalisé"). Mais Lubitsch en faisait une marque de fabrique...

Meyer, flanqué de son costume Tyrolien, est en roue libre, tentant de séduire une jeune femme qui le mène par le bout du nez, et lui reste un modèle de non-sophistication absolue, avec son chapeau à plume qui est totalement déplacé... Pour le reste ce n'est pas la halte la plus fascinante de son oeuvre, c'est une comédie un peu lourde à l'humour d'un autre siècle... littéralement. Mais cette tendance comique était partie intégrante de son style à l'époque où cet immense cinéaste s'est révélé... 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Ernst Lubitsch 1919 Comédie **
4 juin 2023 7 04 /06 /juin /2023 09:45

L'itinéraire de Madame du Barry, petite couturière montée en grade, de canapé en lit, jusqu'à devenir la favorite de Louis XV... Commencé dans le cadre plaisant et tranquille d'une maison de couture, cela finira sur l'échafaud, en 1792...

Pola Negri est la vedette incontestée d'un film où Lubitsch, rompu à la comédie mais pas seulement, emploie une troupe de gens qu'on a déjà vus et qu'on reverra: Emil Jannings est un Louis XV formidable, Henny Porten interprète une courtisane jalouse, et on verra aussi Harry Liedtke, Victor Janson, ou Reinhold Schünzel. Le film est long, imposant même et on sent bien que le but de la production était de montrer, alors que le pays est en pleine débâcle, la puissance du cinéma Allemand, intronisant de fait Lubitsch à sa tête. 

C'est vrai qu'il est étonnant de voir ce film quand on est habitué au style volontiers excentrique de ses comédie, mais aussi de ses drames (Die Weib der Pharao). A la lenteur majestueuse souvent préférée par les metteurs en scène Allemands, Lubitsch choisit de préférer le rythme de ses comédies, laissant ses acteurs et son intrigue opérer la mutation vers le drame. Il en résulte un film qui acquiert une puissance phénoménale, et qu'on pourra justement rapprocher de Ann Boleyn, tourné avec Henny Porten et Lubitsch l'année suivante.

En choisissant de raconter l'histoire par l'anecdote, et de montrer le pouvoir par celle qui en profite pour s'élever (en n'étant jamais très regardante pour les méthodes), Lubitsch modernise le film historique, et imprime une bonne fois pour toute sa marque sur le cinéma, faite de petites vignettes, d'un sens de l'observation et du détail, et inévitablement compte tenu du sujet, d'une coquinerie assumée! Et le film, qui fut accompli à grand renfort de publicité, a pu installer définitivement le metteur en scène au sommet. 

Et ses deux principaux interprètes, quin'avaient aucun problème à jouer dans un registre propice au mélange des genres, n'ont pas été pour rien dans cette invention de ce qu'on appellera plus tard la "Lubitsch touch".

 

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Published by François Massarelli - dans Ernst Lubitsch Muet 1919
22 mai 2023 1 22 /05 /mai /2023 15:57

Ossi (Ossi Oswalda) est la fille du très puissant et très riche magnat Américain de l'huître (Victor Janson). Apprenant qu'une autre gosse de riches a réussi à se marier avec un noble, elle fait un gros caprice. Son père visite un entremetteur qui l'aiguille vers l'authentique prince (désargenté) Nucki (Harry Liedtke). Avant de se prononcer, Nucki envoie son valet (Julius Falkenstein) en reocnnaissance, mais Ossi est tellement impulsive qu'elle le prend pour Nucki, et... l'épouse sur le champ.

Ce film fait partie d'une série d'oeuvres de Lubitsch qui étirent la comédie vers le grotesque de façon prononcée, la meilleure étant probablement Die Puppe, également avec Ossi Oswalda. Si le grotesque dominait, il n'était pas compliqué de voir dans cs oeuvres un reflet du monde contemporain, et cette Princesse aux huîtres, est beaucoup plus Berlinoise qu'Américaine!  Lubitsch, à travers le puissant Américain, se paie assez gentiment la tête des nantis de tout poil, et s'amuse à leur oppose un prince sans le sou qui partage sa chambre de bonne avec un valet.

Mais derrière la façade du grand n'importe quoi, il commence à expérimenter avec une comédie beaucoup plus raffinée qu'il n'y paraît, en profitant des décors très géométriques (dont il s'amuse en nous montrant Falkenstein qui patiente tant bien que mal en improvisant des pas de danse sur les motifs grandioses du carrelage) de Rochus Gliese et Kurt Richter... Il transpose cette géométrie à sa propre ise en scènes, préfigurant les mondes clinquants des cours de pacotille dans lesquelles il situera tant de films des années 30; il effectue même un brouillon loufoque de sa danse endiablée de So this is Paris. C'est plus qu'une curiosité, donc: comme une sorte de comédie en totale liberté, par un metteur en scène qui se situe d'emblée à l'écart de toute allusion au chaos de l'Allemagne de 1919...

 

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Published by François Massarelli - dans Ernst Lubitsch 1919 Muet **
14 mai 2023 7 14 /05 /mai /2023 17:08

A Florence, avant la renaissance, une courtisane (Marga Von Kierska) subjugue les uns par sa beauté, et pousse les autres à s'interoger sur sa moralité, à commencer par le gouveneur local, sous l'influence de l'église. ...Ce qui ne l'empêche pas, enhardi par la sensualité de la dame, de tenter sa chance. Mais comme elle refuse, il est décidé qu'elle a une âme impure, et on vient pour l'arrêter. Amoureux, Lorenzo, le fils de Cesare le gouverneur, tue ce dernier. Désormais il va diriger la ville tout en vivant ses amours avec Julia la courtisane...

Celle-ci continue à subjuguer tous les hommes, jusqu'à un ermite local, Medardus. Ce dernier tente de montrer à Julia le poids de son péché, mais tombe fou amoureux à son tour, et comme ça devient clairement l'habitude, il tue Lorenzo...

Sombre, profondément ironique, le film n'en est pas moins mécanique. Il a le redoutable privilège d'être tiré d'une nouvelle d'Edgar Allan Poe, The mask of the read death, et en prime basé sur un script de Fritz Lang... Rippert, le metteur en scène, est ancré profondément dans le style ampoulé et pondéral du cinéma Allemand des années 10, comme en témoigne une tendance à privilégier les longs plans d'ensemble, perdant à mon sens plus d'une occasion de cadrer sur les turpitudes (bien tièdes, le nombre de fois qu'un intertitre nous annonce que la ville sombre dans la luxure, pour ensuite qu'on nous montre des jeunes gens en train de se courir après en levant les bras au ciel, une coup de vin à la main...)... Il semble qu'une des missions confiées au metteur en scène a été de bien cadrer les décors, il est vrai assez impressionnants.

Ce film aurait-il bénéficié d'un tel effort de restauration s'il n'avait été incidemment scénarisé par Fritz Lang? J'en doute. cela dit, on retrouve, plus ou moins dans tout le film, sa patte, depuis la noirceur globale, jusqu'aux souterrains par lesquels Medardus s'échappe de la ville en voie de destruction complète par l'effet du châtiment divin de la peste, mais aussi par la cohabitation étrang entre un monde tangible, et l'inquiétant monde des esprits. Mais... et si Fritz Lang avait tourné le film lui-même?

...Disons qu'il ne faut peut-être pas s'emballer trop vite, j'ai vu Hara Kiri et Les Araignées, tournés cette même année 1919.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 Fritz Lang **
15 avril 2023 6 15 /04 /avril /2023 11:56

Un couple se marie... mais le fils est appelé en urgence auprès de son père malade, qui a quelque chose d'important à lui dire: aucune femme ne doit entrer dans sa maison, qui est maudite. Pour appuyer ses dires, il lui raconte une histoire lointaine, une légende de famille...

C'est alors qu'un flash-back nous conte cette légende (qui concerne une ancètre qui a trompé son mari violent, seigneur du château) que le film s'arrête, réduit à la dimension d'une seule bobine... Il promettait d'être un solide mélodrame à caractère mystérieux, comme Sandberg en a fait quelques-un: on se souvient en particulier du très esthétique Kaerlighedens Almagt sorti quelques mois auparavant...

Donc c'est a priori un film superbe, mais il n'en reste hélas que 11 minutes. Elles sont disponibles (avec des intertitres en Anglais sous-titrés en Danois) sur le site Stumfilm, de la cinémathèque danoise, consacré intégralement au films muets préservés par l'organisme.

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Published by François Massarelli - dans Muet A.W. Sandberg 1919
17 mars 2023 5 17 /03 /mars /2023 18:48

Paul Körner (Conrad Veidt), violoniste virtuose, doit subir l'odieux et incessant chantage d'un ancien amant, qui le menace de le dénoncer à la police au nom de l'article 175 de la loi Allemande, qui criminalise l'homosexualité; quand Paul rencontre un élève et qu'ils tombent tous deux amoureux, le chantage de Franz Bollek (Reinhold Schünzel) s'intensifie... Il fait en plus face à une tempête familiale, ses parents ne comprenant que trop bien le problème de leur fils...

C'est à l'instigation du Docteur Magnus Hirschfeld, qui en a écrit le scénario avec lui, que Richard Oswald s'est lancé dans ce film. Hirschfeld était un pionnier de la sexologie, dont le cheval de bataille était l'étude et l'aide apportée aux gens dont la sexualité était différente. Une dimension documentaire du film (qui a quasiment disparu dans les très fragmentaires copies qui ont pu être sauvegardées) s'intéresse d'ailleurs de manière très frontale à une transgénéralité assez rarement évoquée dans des oeuvres de plus d'un siècle, et ce sans tabou ni parti-pris négatif.

D'ailleurs, le film revêt un caractère très militant, dans lequel Oswald injecte une solide dose de cinéma tel qu'il le pratiquait déjà: il s'intéresse au cauchemar vécu par le personnage de Veidt, le violoniste qui ne sait pas encore qu'il est à la croisée des chemins. Une scène remarquable est vue du point de vue du jeune élève, qui occupe alors tout l'avant-plan, pendant que derrière lui, donc cachés par lui, Körner et Bollek se battent... Conrad Veidt, en homme délicat, torturé et même désespéré, est totalement dans son élément, et son portrait très sensible est très inattendu pour un film de 1919.

Le film n'est sans doute pas exempt d'une ertaine tendance aux clichés (les gays de 1919 sont souvent présentés comme des gens de la bourgeoisie, surtout, aisés et cultivés. Le maître-chanteur cultive un double "crime", l'un, légalement parlant seulement, celui d'être gay, et l'autre, à tous points de vue, celui d'être un maître-chanteur particulièrement retors. Cette vision d'une criminalité très représentée ches les personnes à la sexualité 'différente' quittera peu le cinéma des trois décennies à venir... Enfin, les bars spécialisés sont les lieux d'étranges danses, plutôt que d'orgies...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Richard Oswald 1919 *
5 mars 2023 7 05 /03 /mars /2023 08:46

Un fragment d'un film, sur lequel on peut quand même dire un certain nombre de choses: on y aperçoit Fritz Kortner, un acteur qu'on connaît bien (Schatten, de Arthur Robison, ou Die Büchse der Pandora, de Pabst), grimé en haut dignitaire Egyptien, dans les bras d'une dame dont les avances sont particulièrement évidentes... Ca dure 42 secondes, et c'est tout ce qui nous reste d'un film, le deuxième de son auteur, qui participait d'une tendance générale du cinéma en cette fin de décennie: imiter, au moins partiellement, la structure particulière d'Intolerance à travers le collage de plusieurs histoires entre elles... Le film partage avec Les pages arrachées du livre de Satan, de Dreyer, le motif diabolique, et l'histoire du cinéma nous apprend que le film aurait été produit/supervisé par le vétéran Robert Wiene.

Qu'y-a-t-il à dire de plus sur ces 42 secondes? Eh bien, tout d'abord, le fait qu'il s'agisse d'un fragment érotique est assez ironique, finalement, puisqu'à l'époque de son travail dans les studios Allemands, Murnau avait la réputation de n'être pas du tout fiable sur ce point... Pour autant qu'on puisse en juger, le film présente du frotti-frotta un rien générique, du reste, ce qui ne contredit pas totalement cette réputation! Sinon, qu'on puisse aujourd'hui examiner un fragment de l'oeuvre de Murnau comme si c'était un fragment du Graal, en dit long sur le statut du cinéaste. 

Un grand regret, aussi, qu'on n'ait pas pu retrouver d'autres fragments (sans parler d'une éventuelle version intégrale), de ce film dans lequel Conrad Veidt incarnait Satan!

Enfin, le fragment a été récupéré dans un scénario à la Cinema Paradiso: une bobine de chutes conservées, généralement de passages censurés dans les paroisses Européennes tatillonnes, qui nous donne ici accès à la fois à un moment qui fut interdit, mais aussi à l'unique matière restante d'une oeuvre d'art perdue. Dit comme ça, c'est joli... Sans doute plus que le film, remarquez.

 

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Published by François Massarelli - dans 1919 Friedrich Wilhelm Murnau Muet *