Dans le prologue, on fait la connaissance de quatre amis: les deux soeurs Kate (Helen Eddy) et Mary (Pauline Curley) sont toutes deux amoureuses: Mary d'un beau jeune homme bien sous tous rapports, Jimmy (John Gilbert), et Kate d'un jeune scientifique Indien (Sessue Hayakawa): les deux jeunes hommes se sont connus à l'université... Mais les conventions de l'époque, ainsi que son romantisme un peu morbide, empêchent Kate d'assumer cet amour, et Ashuter doit retourner en Inde, pendant que Jimmy et Mary se fiancent...
Mais Jimmy, qui a souhaité prouver à Mary qu'il pouvait se débrouiller, est tombé sous la coupe d'une secte de malfaiteurs, et il est dans l'obligation de commettre un meurtre pour eux... Ashuter décide de tenter le tout pour le tout pour sauver son ami.
C'est du mélodrame, du bon du gros, avec un sous-texte plus que surprenant, mais assez courant dans les films de Sessue hayakawa: car quel que soit le rôle qui lui échoit, il est condamné à ne pouvoir, selon les lois en vigueur, convoler en justes noces avec une jeune Américaine! On appellait ce genre de mariage de la miscégénation aux Etats-Unis, où c'était passible de gros ennuis, selon les états (ça pouvait aller jusqu'au meurtre, bien entendu)...
Le film a donc la bonne idée de faire reposer la dynamique de l'intrigue en partie sur cet état de fait, pourtant bien insatisfaisant pour les personnages. Etant obligés de ne pas s'aimer, l'amour de Kate et Ashuter devient sublime... Et ça marche assez bien, d'autant qu'helen Eddy s'en sort avec les honneurs en dépit de la charge élodramatique de son personnage.
Et tant qu'on est sur les us et coutumes de cette période ô combien reculée, et ô combien fascinante, comment peut-on passer sous silence cette manie qu'avaient les mélodrames de l'époque de tourner autour du pot, en montrant des groupes d'agités du bocal, politiques et terroristes à la fois, à la pratique sectaire? C'est sans doute ainsi que les Américains moyens de 1919 se représentaient la proverbiale "menace Bolchevik"...
Reste un film atypique, plaisant, avec un jeune et fringant John Gilbert, et un thème sous-jacent qui en ferait presque un plaidoyer pour l'intégration, face à ce Dr Ashuter, le plus civilisé des hommes, bien plus armé pour la vie, qu'elle soit à l'ombre ou à la lumière, que son copain un rien inutile, qui est né avec une cuillère en argent dans la bouche (ou ailleurs) et auquel on donnerait probablement, comme on dit, le Bon Dieu sans confession!
Il suffit donc d'accepter que Sessue Hayakawa soit natif d'inde.