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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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28 juin 2017 3 28 /06 /juin /2017 16:42

La belle Daoulah (France Dhélia), princesse et sultane, est convoitée par bien des gens... Son père le sultan Mahmoud (Albert Bras) souhaite la marier à un beau parti, mais la jeune femme est intraitable: elle aime, en secret, un pêcheur qu'elle a rencontré dans des circonstances mystérieuses... De son côté, l'affreux sultan Malik (Paul Vermoyal), un homme cruel, fourbe, capricieux, cherche une femme parfaite, pour "égayer ses nuits", vous voyez le genre. Il attend ses hommes, qu'il a envoyés aux quatre coins du monde pour la chercher, et pour tuer le temps, menace toute sa cour de décapitation. Un de ses hommes, Kadjar (Gaston Modot), a vu Daoulah et il sait qu'elle plaira à son maître. Enfin, le prince Mourad (Sylvio de Pedrelli), un héritier d'une autre famille, se languit: il ne trouve plus goût à la vie depuis la nuit magique durant laquelle, déguisé en pêcheur, il avait rencontré une mystérieuse jeune femme...

Il faut croire qu'en cette fin des années 10 (même si le film a attendu trois ans pour sortir, tout revêtu de couleurs, appliquées au pochoir par des petites mains), l'orientalisme est à la mode. Car sinon, je ne vois pas la moindre motivation pour sortir ce film, sans autre intérêt que de nous montrer le mauvais goût à l'oeuvre, dans un film dont on se demande bien pourquoi il a fallu se mettre à deux pour le mettre en scène, car il me semble totalement dépourvu de capitaine. Il fallait juste quelqu'un pour déplacer la caméra, pas plus...

Tant qu'on est à râler, remarquez, autant y aller: le film est effectivement typique de cette manie contemporaine (Voir le diptyque The Sheik/The son of the sheik, avec Rudolf Valentino) de montrer l'orient comme le royaume du sadisme, de la lascivité et des tortures en tout genre, et France Dhélia, comme du reste la plupart des artistes, en fait souvent les frais: il y aurait matière à étudier la thématique du viol dans ces étranges mélos mal foutus, parce qu'il semble bien qu'à une ou deux exceptions près, ce soit l'unique expression de la sexualité.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919
4 juin 2017 7 04 /06 /juin /2017 14:31

Il s'agit du plus ancien film conservé de l'une des plus éclectiques de tous les réalisatrices et réalisateurs Français. Féministe, touche-à-tout Madame Dulac a contribué à créer un courant qu'on a baptisé l'impressionnisme, et a mis un peu d'ordre dans le fourre-tout de l'avant-garde en s'associant avec Antonin Artaud pour La Coquille et le Clergyman... Scénarisé par Jacques de Baroncelli, La cigarette ne porte pas en lui toutes ces innovations, bien sur, mais c'est un film de dimension modeste (51 minutes) qui mérite le détour, en faisant volontiers le lien entre le mélodrame bourgeois et les préoccupations formelles des cinéastes curieux de tout: il comprend des points communs avec l'oeuvre de Gance qui venait de sortir Mater Dolorosa et La dixième Symphonie, par exemple...

M. et Mme de Guérande s'aiment, mais on voit bien que Monsieur (Gabriel Signoret) est bien plus âgé que Madame (Andrée Brabant). Aussi lorsque l'auguste passionné d'Egyptologie voit son épouse aimée passer du temps avec un playboy qui prétend lui apprendre à jouer au golf, la jalousie s'installe et le parallèle avec la vie légendaire d'une momie dont il vient de faire l'acquisition le trouble: la princesse momifiée, en effet, a tourné plus d'une tête en son temps, quand elle était jeune et jolie, et frivole, alors que son époux était quand à lui bien plus âgé qu'elle...

La cigarette du titre est un moyen poétique d'ajouter un peu de suspense: le digne professeur tente de prendre du passé une leçon de romantisme, et imagine une fin digne d'un pharaon: il empoisonne une cigarette parmi toutes celles qu'il a, et attend tranquillement le moment où il mourra, libérant ainsi sa trop jeune épouse... Une hypothèse qu'on pourrait aussi bien qualifier de grotesque.

Le film prend donc beaucoup sur le drame bourgeois, l'obsession pour l'Egypte prenant ici la place des velléités artistiques des héros des films de Gance, par exemple. Par sa construction qui inclut un retournement de situation, Dulac fait se terminer un drame assez ampoulé par de la comédie assez légère ce qui est fort bienvenu! Et elle s'amuse avec le point de vue, nous donnant l'occasion de suivre le cheminement du mari pour une bonne part du film, sans jamais nous cacher la vérité des allées et venue de la femme, qui reste bien vertueuse de A à Z. Les ruptures de ton sont bienvenues, et le cadrage, ui n'oublie jamais de nous montrer tapie dans un coin, cette satanée momie, est très étudié... Bref, ce film qui ne révolutionne pas grand chose est au moins plaisant et très soigné...

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Published by François Massarelli - dans Muet Germaine Dulac 1919 **
26 mai 2017 5 26 /05 /mai /2017 16:15

Une petite famille tranquille, rendue prospère par des années de business sans histoires, doit soudainement faire grâce à une série de crises majeures, dues à trois facteurs plus ou moins liés: le père, Peter Brent, a bâti sa richesse sur un truquage légal mais immoral quand il était avocat, et sa conscience le chatouille un brin; son associé, Balcom, a décidé de faire main basse sur ladite fortune, en utilisant un stratagème bien compliqué (Rendre son ancien ami fou en utilisant des bougies spéciales... Oui, oui.); et enfin, sous la maison, un souterrain et des repaires tortueux cachent les activités troublantes d'un étrange... robot. L'automate, particulièrement agile, est-il une machine, ou un homme se cache-t-il à l'intérieur? Quentin Locke, le secrétaire de Brent, mène l'enquête, et il lui faudra quinze épisodes pour venir à bout de l'infernal machin...

Oui, c'est un serial, on l'aura compris. but du jeu: installer une atmosphère de mystère pour fidéliser la clientèle, et se débrouiller pour que Quentin Locke se retrouve à la fin de chaque épisode dans une posture embarrassante, si possible pieds et poings liés... car Locke est interprété par Harry Houdini pour la première de ses cinq apparitions cinématographiques. Et non seulement chaque épisode se finit en effet sur un cliffhanger bondage du plus haut niveau, mais en prime, à chaque fois, la belle Eva Brent, la bonne amie de Locke, est elle aussi dans une situation difficile, généralement face au robot... ce dernier est le principal mystère de ce feuilleton: même en se replaçant mentalement en 1919, en essayant d'adopter le point de vue qui n'aurait pas vu, disons, Metropolis ou The day the earth stood still, impossible de ne pas rigoler quand cette lessiveuse à bras se manifeste.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 Harry Houdini
14 mai 2017 7 14 /05 /mai /2017 08:54

Dans un endroit qui ressemble plus à l'Italie qu'à l'Angleterre, nous assistons aux exploits de l'athlète fantôme, un justicier mystérieux qui se charge des voleurs avec muscle et efficacité. Il est, pour la belle Jenny Ladimoor (Elsa Zara), le modèle parfait de l'homme, ce que n'est certes pas son fiancé, le réservé et ennuyeux Harry Audersen (Mario Guaita-Ausonia)... Come le fait remarquer un ami de la famille Ladimoor, elle, c'est le Vésuve, et lui, le Mont-Blanc! Elle veut du frisson, de l'aventure, et lui... du confort. Lorsque les bandits de tous poils d'un côté, et Jenny Ladimoor de l'autre, se mettent tous à convoiter un bijou fabuleux qui va être mis en vente, le mystérieux athlète va pouvoir entrer en scène...

...Mais au fait, qui donc est cet athlète fantôme, pourrions nous nous demander, si nous n'avions pas vu le Zorro de Fred Niblo?

Comme tant de films Italiens muets, celui-ci est un objet plat à deux faces...

Pile: une histoire rocambolesque, rythmée, dans laquelle un héros déploie non seulement ses muscles (Beaucoup, mais alors beaucoup), mais aussi une vraie ingéniosité, dont on peut d'ailleurs se demander comment elle fonctionne, car cet athlète fantôme est fort bien renseigné: il se trouve toujours sur la route du crime! Héros ultime, il ne s'encombre ni de manières ni de tergiversations, et il atteint son but en utilisant des moyens fortement cinématographiques: déguisé en statue, ou se saisissant à pleines mains de deux fâcheux, il distribue les bourre-pifs et ne sera mis en danger que brièvement. De son côté, la belle Jenny, fiancée à un homme qu'elle n'apprécie guère, se languit de trouver un jour sur sa route le valeureux justicier, et il est aisé de deviner qu'elle ne serait probablement pas farouche le cas échéant: car Jenny Ladimoor, vue la façon dont elle contemple les muscles exposés de l'Athlète fantôme dans une de leurs scènes communes, en ferait bien son goûter.

Bref, un film rigolo, distrayant, rebondissant, et s'il n'avait pas un côté face, on ne trouverait rien à y redire.

Donc, face: Après Cabiria, le cinéma Italien a pris plusieurs routes: continuant d'un côté à explorer les possibilités graphiques de l'antiquité, et développant un intérêt pour les actrices flamboyantes, c'est tout un pan du cinéma populaire qui s'est jeté dans les bras de Maciste, l'homme fort révélé par Bartolomeo Pagano dans le film de Pastrone. Mais dans un pays qui s'apprête à se laisser séduire par ce matamore de Mussolini, cet attrait pour la force brute qui triomphe de tout, y compris de l'intellect, laisse songeur. Et dans ce film, on constate que le principal protagoniste fait tout reposer sur ses muscles, qui sont le principal argument. Et quand on constate aussi que parmi les bandits qu'il affronte, se trouvent les boucs-émissaires les plus courants du cinéma populaire de l'époque, on tousse; certes, ils ne sont jamais nommés, identifiés comme juifs (Ou Israelites, le terme qui aurait probablement été utilisé à l'époque), mais ces deux fripouilles ont tout du cliché... Facile, trop facile, et embarrassant au regard de l'histoire. 

Pour résumer, ce film sans cerveau, pourvoyeur de plaisir immédiat et d'une idiotie assumée, n'est pas à proprement parler un film fasciste. Mais il nous permet de voir que l'Italie (Comme les trois quarts de l'Europe, soyons juste) était prête à basculer quand même...

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Published by François Massarelli - dans 1919 Muet
22 avril 2017 6 22 /04 /avril /2017 16:37

J'imagine qu'il y a du en avoir beaucoup, des films de ce genre... Il échappe de loin au type de films de propagande comme il y en a eu beaucoup, tant et même trop, de Hearts of the world à The Kaiser, beast of Berlin. Ecrit par Willat, le scénario de The false faces s'inspire d'un roman populaire de Louis Joseph Vance, publié dans le cadre des aventures de The lone wolf: si ce personnage d'espion allié (D'origine belge) est bien un ennemi du totalitarisme Germanique, et affronte des Prussiens tous plus cruels les uns que les autres, il le fait en bondissant, dans des péripéties délirantes et nombreuses...

Michael Lanyard, dit 'the Wolf' (Henry B. Walthall), est un espion allié, qui a pour mission de mettre sur la main sur un cylindre qui contient des informations cruciales pour prévenir une attaque de l'Axe. Pour se faire, il doit voyager incognito, mais il n'est pas le seul: le dangereux Eckstrom (Lon Chaney), un espion lui aussi, mais de l'autre côté, se trouve en effet sur le même bateau que lui, et la lutte va être serrée...

Walthall en espion? C'est vrai qu'il n'a pas la carrure de James Bond, mais il est convaincant en homme qui est prêt à tout pour faire triompher sa cause... Et celle-ci est noble, sans parler de la femme qu'il rencontre, Cecilia (Mary Anderson), et qu'il n'aura pas toujours besoin de protéger, car elle se défend quand même un peu. Ce film est à ne pas trop prendre au sérieux, un film d'aventures qui est soigné, et dont la structure est souvent étonnante: il commence en pleine nuit, sur le front. Un home traverse les lignes pour rejoindre les alliés: qui est-il? que veut-il? quelques minutes plus tard, il se présente, et raconte son histoire: en particulier, comment un régiment de Prussiens conduit par Eckstrom a tué sa soeur et son neveu... Ruptures de ton, coups de théâtre, c'est impeccable, c'est du grand cinéma populaire.

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Published by François Massarelli - dans Muet Thomas Ince 1919 Lon Chaney
19 avril 2017 3 19 /04 /avril /2017 16:40

Léonce Perret n'a pas séjourné longtemps aux Etats-Unis (6 ans, entre son arrivée en 1917 dans le but de produire sur place des films patriotiques, et son retour en France en 1923 pour y tourner Koenigsmark), mais il y a tourné un certain nombre de films, en toute indépendance. Parmi ceux-ci, ce formidable petit mélodrame qui concentre en 70 mn tout ce qu'il faut de plans tordus et d'images sensationnelles, grâce à un recours (lointain) à un classique du roman à suspense: The woman in white, du précurseur génial William Wilkie Collins. Dans ce roman Anglais, un homme fait la rencontre surréaliste d'une femme en blanc, qui semble totalement déboussolée. De cette rencontre, il déduira une affaire trouble d'usurpation d'identité, le tout dans une intrigue étalée avec gourmandise sur plusieurs centaines de pages. Perret retient la femme en blanc, dans une scène située... à la fin. Quant aux machinations, elles nous sont détaillées en ordre chronologique, en partant (presque) du début...

John Bent (Warner Oland) est un petit escroc sans envergure. Il fait la rencontre d'une jeune femme, Daisy (Mae Murray), dont il découvre bientôt qu'elle est, à son insu, la fille disparue d'un magnat de l'industrie; mieux, il a découvert que Daisy est la jumelle de Violet, qui elle aussi ignore qu'elle a un double. Bent fomente un plan incroyable, qui inclut une substitution, un meurtre, un mariage, et au final, une richesse sans partage. Mais parviendra-t-il à ses fins en utilisant ses "pions jumeaux" du titre? Et le brave Bob Anderson (Henry G. Sell), qui aime Violet, le laissera-t-il faire?

Pas facile, quand on ne dispose que d'une copie aux intertitres en flamand, et de résumés dénichés sur internet, et pas tout à fait conformes au déroulement du film, de reconstituer l'intrigue... Mais le film, sans jeu de mot, est d'une grande clarté: et le parti-pris de suivre non pas en priorité les héros "positifs", mais bien la canaille, interprétée avec une grande retenue par Warner Oland, joue en plus en la faveur du film, qui garde jusqu'à aujourd'hui son pouvoir, disons, choquant! La mise en scène est complètement adéquate, et comme Perret n'a pas oublié de savoir traiter la lumière et l'ombre, il fait passer une foule d'émotions, de mystère, par la seule utilisation de l'éclairage, qui est formidable de bout en bout.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 Léonce Perret
11 avril 2017 2 11 /04 /avril /2017 16:55

Kevin Brownlow, interrogé sur Willat (qu'il a rencontré lors de son fameux séjour à Hollywood dans les années 60) et plus précisément sur Behind the door, dit en substance ceci: "Si on excepte la vision, dans Hearts of humanity de Allen Hollubar, de Erich Von Stroheim en officier Allemand, jetant devant une mère son bébé pleurant par la fenêtre, Behind the door est le film muet le plus brutal et le plus violent que j'aie vu."

Pour ma part, et loin de moi l'idée de contredire le grand historien, je mettrais effectivement, pour les avoir vus l'un et l'autre, les deux films à égalité...

Car si dans The hearts of humanity, la brutalité du Hun représenté à l'écran, et dont l'identité haïe est assumée jusqu'à l'extrême par l'immense acteur, qui a poussé sa caractérisation comme il le faisait habituellement jusqu'aux derniers détails vestimentaires et autres babioles, tient essentiellement à l'illustration globale d'une ignominie d'Epinal, et inventée par les circonstances de l'après guerre glorieuse, patriotique et xénophobe, la violence dans Behind the door est le sujet du film, et la scène dont parle Brownlow est l'aboutissement même de l'intrigue...

Celle-ci repose en effet sur deux flash-backs. Le premier est assez conventionnel: le capitaine Krug, un Américain d'origine Allemande, rentre chez lui. C'est le milieu des années 20, et l'homme est vieux et amer. Il ne rencontre personne mais se rend au cimetière pour aller visiter la tombe, nous dit un intertitre, du seul homme qui aurait été content de l'accueillir: Jim MacTavish est mort en 1924...

Ce qui m'amène une réflexion: cette date est volontairement située, pour le spectateur de 1919, dans le futur, un futur proche qui n'est pas si différent de l'Amérique directement contemporaine, mais qui semble donner à ce film l'aura d'une allégorie, qui permettra d'en prolonger l'effet au-delà de l'immédiate après-guerre. C'est malin, car il faut bien dire qu'il y a de fortes chances pour que le spectateur de 1930 ou 1921 a du bien rigoler en voyant avec retard des films comme Hearts of the world ou Hearts of humanity...

Donc, le capitaine Krug revient chez lui, et va s'installer dans sa boutique: avant la guerre il était taxidermiste, et son atelier est à l'abandon. Il croise d'ailleurs des gamins qui s'amusent à en casser les vitres, par défi, en sa présence... Une fois dans sa boutique, il laisse revenir les souvenirs douloureux à la surface: lors de la déclaration de guerre, Krug (Hobart Bosworth) était amoureux de la belle Alice Morse (Jane Novak), la fille du banquier de la localité. Ses origines Allemandes tendaient à le rendre mal vu de la communauté, et lorsque la déclaration de guerre a été rendue publique, les choses se sont envenimées... Une bagarre a éclaté, durant laquelle dans un premier temps toute la communauté sauf Alice semblait vouloir lui casser la figure! mais devant son empressement à s'enrôler, le brave MacTavish (Jim Gordon), un marin lui aussi, avait fini par se ranger à ses côtés.

Le début de la guerre voit Krug, marié à Alice, et devenu le capitaine d'un bateau dont le second n'est autre que le fidèle MacTavish. Lors d'une traversée, le capitaine découvre que son épouse a décidé de le suivre à son insu; lorsque le bateau est coulé par un sous-marin Allemand, les deux époux se retrouvent seuls dans un canot de sauvetage. Un sous marin apparaît à la surface; on va les secourir... sauf que Krug est rejeté à l'eau! Il menace alors le capitaine (Wallace Beery), lui promettant de l'écorcher vif...

Le reste du film voit Krug s'accrocher à sa vengeance, et retrouver le capitaine Allemand, dont il vient de couler le sous-marin. C'est là que se situe le deuxième flash-back, qui nous conte les événements qui ont suivi, à l'intérieur du sous-marin, l'enlèvement d'Alice.

Le propos, pour Thomas Ince, était de réaliser un film qui puisse à la fois s'éloigner du style de films qui inondaient les cinémas depuis la victoire alliée, tout en en récupérant les sentiments xénophobes et anti-allemands. A ce titre, on voit que tout oppose le capitaine Krug et le capitaine de sous-marin: le grand père de Krug a combattu durant la guerre de Sécession aux côtés du commandant Farragut, et son petit-fils se considère d'abord et avant tout Américain même s'il a conservé quelques bribes de culture Germanique, à commencer par le langage. A l'annonce de la guerre, il n'hésite pas un seul instant, et le film invite le spectateur à se ranger aux côtés de Krug. Mais le capitaine joué par Wallace Beery fait partie de cette galerie de méchants Huns traditionnellement fourbes, sadique et sans honneur; ses trois actions d'éclat, ici, sont la façon dont il enlève Alice (Une scène cruciale, qui hélas manque à l'appel dans les copies en circulation, remplacée par des photos de plateau), puis le récit qu'il fait du destin de la jeune femme, dont une fois de plus il convient de dire qu'il est assez graphique. On se souviendra longtemps après l'avoir vu, de ce plan qui nous montre l'officier ouvrir l'un des portes de sa cabine, pour montrer à la jeune femme aux vêtements arrachés les marins qui attendent leur tour de l'autre côté... avant de la leur lancer! Le troisième des actes du capitaine est justement de s'en vanter...

Mais ce n'est pas pour autant la fin. Le but de Ince, Willat, et de l'écrivain Gouverneur Morris (l'auteur, je le rappelle, de l'excellent récit dont Wallace Worsley un an plus tard allait tirer le magnifique film The penalty), était de choquer justement, de questionner le désir de vengeance de l'homme en temps de guerre; et ici, bien sur, tout concourt à justifier ce désir de vengeance ressenti par Krug, ainsi que son jusqu'au-boutisme. Mais le film, par la brutalité de son final, pousse le spectateur à ne ressentir que de l'horreur, en voyant ce qui arrivera à l'homme auquel Krug a promis de l'écorcher.

Quoi qu'il en soit, ce film en forme de poing dans la figure, qui nous est aujourd'hui restitué à la faveur d'une restauration fantastique, rappelle que dès 1919, des cinéastes, à l'abri de toute idéologie ou de toute convention, exploraient des recoins déjà bien sombres de l'âme humaine, qui allaient rester à l'écart des entiers battus par le cinéma, une fois la volonté de censurer bien établie dans les années 20. Et on pourra dire ce qu'on voudra de Willat et Ince, de leur possible appartenance au KKK, de la xénophobie affichée de Willat jusqu'au crépuscule de sa vie (Selon Brownlow, c'est sans doute ce qui lui aurait valu de terminer sa carrière pourtant partie sur les chapeaux de roue, et je le crois sur parole, d'autant que c'est également un élément important qui a valu à Marshall Neilan de se faire black-lister.), de leur flair un peu glauque pour relever des intrigues d'un soupçon de sadisme, ou d'un excès de mélo bien épicé (Pour les films avec William S. Hart, en particulier): ces gens-là savaient y faire pour faire un film qu'on n'oublie pas, et à ce titre, je ne suis pas près d'oublier le choc frontal de Behind the door.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 Thomas Ince Première guerre mondiale **
9 avril 2017 7 09 /04 /avril /2017 17:01

Heyst (Jack Holt), un écrivain revenu de tout, est parti s'installer dans une île du pacifique, au coeur d'un archipel. Il rencontre lors d'une rare escapade vers la civilisation (en fait une île plus grande) une violoniste (Seena Owen) qui souhaite elle aussi se retirer du monde. Les deux vont donc repartir vers lîle de Heyst, et une tentative de séduction de l'homme par la femme, pas encore revenue de tout contrairement à lui, sera interrompue par une menace inattendue: un hôtelier libidineux (ce n'est pas un rôle de composition, c'est Wallace Beery) qui n'apprécie pas qu'on lui enlève l'objet de tous ses désirs se venge des héros en leur envoyant sous un faux prétexte trois bandits tous plus pervers et répugnants les uns que les autres: L'inquiétant Mr Jones (Ben Deely), Son secrétaire Ricardo (Lon Chaney), et le fort retardé, mais aussi très fort Pedro (Bull Montana).

En profitant au maximum des décors naturels et de la luminosité particulière de cette île sur laquelle un volcan menace en permanence, envoyant durant tout le film des ombres mouvantes sur les protagonistes, Tourneur compose une fois de plus une oeuvre plastiquement superbe, mais laisse le drame éclabousser l'écran: sans compromission, il nous fait assister à deux meurtres, un suggérés, l'autre non, à une tentative de viol pour laquelle il a su prendre le sujet beaucoup plus frontalement que Griffith, en particulier en utilisant l'argument (traité sans complaisance!) de la nudité de Seena Owen sous son paréo. Chaney est, bien sur, très bon, mais en fait parfois un peu trop avec son Ricardo très (Trop?) typé "méchant mexicain". Le salut viendra de là ou l'on ne l'attend pas dans ce film qui dépasse à peine une heure, mais qui est une merveille.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 Maurice Tourneur Lon Chaney
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 21:43

Avant de partir pour la floride tourner deux drames le cinéaste tentera d’opérer une synthèse de ses films avec The greatest question. Ce titre est éclairé par l’introduction verbeuse dans laquelle Griffith pose le problème de la vie éternelle, présentée comme la principale question de l’humanité. Cette thématique prétentieuse parcourt le film par le biais d’un personnage, celui d’une mère visitée par son fils décédé. Dernier des films de Griffith produits et sortis en 1919, The greatest question appartient pourtant sans aucune ambiguïté au canon mélodramatique, mais louche aussi du coté des chroniques campagnardes du metteur en scène; du reste, Lillian Gish et Bobby Harron en sont une fois de plus les protagonistes, après A romance of happy valley et le splendide True heart Susie. Comme dans ces deux films l'enjeu est pour Lillian Gish et Bobby Harron de sortir de l'enfance en préservant au maximum leur cocon, mais en cette fin 1919, le spectre de la guerre d'une part, les réminiscences de Broken blossoms et de sa brutale noirceur font que la sauce est relevée d'une pointe de sadisme, et comme dans les meilleurs Griffith, Lillian Gish est, une fois de plus, menacée d'un traitement "pire que la mort"... La noirceur du film provient de l'une des scènes d'exposition, lorsque la petite Nellie assiste à un meurtre crapuleux... la campagne Américaine chère à Griffith ne sera plus la même...

Une jeune fille, traumatisée donc par meurtre, trouve refuge suite au décès de ses parents chez des braves agriculteurs pauvres mais bons. Leur fils cadet devient vite le compagnon de jeux, et plus encore; mais lorsque le fils ainé part pour le front Européen, la nécessité économique pousse Nellie à parti s’installer chez les méchants voisins, dont elle devient la bonne à tout faire, le souffre-douleur et l’objet des douteux désirs du chef de famille. Comme en plus le couple de quasi-Thénardiers est coupable du crime dont Nellie a été le témoin, on se doute qu’une fois de plus Griffith fait peser une menace importante sur ce monde rural qu’il aime tant peindre…

Bien que sérieusement mis en danger de sombrer dans le ridicule à cause de son thème philosophico-Chrétien, et en dépit des sales manies de Griffith qui confie à Tom Wilson le soin d’interpréter Zeke, le bon vieux noir superstitieux, c’est un film qui passe tout seul, grâce à sa construction sans temps mort, à la photo de Bitzer, et à sa troupe d’acteurs. A 80 minutes, le film est un spectacle complet, dans lequel Griffith se fait plaisir. Ce qui va le pousser à expérimenter plus avant dans le mélo avec ses films suivants…

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith 1919 Lillian Gish *
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 21:19

Le deuxième des "petits films de Griffith" sortis en 1919, The girl who stayed at home, nous montre Griffith expérimentant avec de nouveaux acteurs ; Carol Dempster, Richard Barthelmess, Clarine Seymour sont les principaux protagonistes, complétés par le vétéran Bobby Harron.  

L’histoire est du pur Griffith symboliste: un homme qui a fui l’issue de la guerre de sécession er a refusé de reconnaitre la victoire du Nord s’est réfugié en France ou il vit avec sa petite fille (Dempster). Celle-ci est très courtisée par des amis Américains, en particulier un beau jeune homme, dont elle visite occasionnellement la famille. Elle se fiance néanmoins selon le vœu du grand-père avec un noble français. A la déclaration de guerre celui-ci s’engage et sera parmi les premières victimes ; on assiste ensuite à l’engagement du grand frère Grey (Barthelmess), et aux hésitations comiques du jeune frère, un dandy joué par Bobby Harron. Celui-ci est amoureux d’une jeune vamp toute droit sortie des films de Cecil B. DeMille (auquel Griffith a piqué un « signe » : elle écoute en l’absence de son chéri un disque dont le titre nous apparait : When you‘re back). Finalement il s’engage et tous deux finiront des héros, alors que devant les dégâts causés par les Allemands et le comportement héroïque des Américains, le grand père confédéré se rend à l’évidence et fait la paix avec sa nation, il va désormais remplacer son drapeau sudiste par un beau « stars and stripes ».

Oui, bon, en effet c’est ridicule.  Mais le ton est si léger, les péripéties si bien menées, et le jeu de tous ces gens fait qu’on suit ce film avec énormément de plaisir. Il nous laisse moins voir la supposée vie intérieure codée de ses personnages, n’abuse pas de ses gros plans déconnectés de l’intrigue, et franchement Carol Dempster est tout à fait à sa place ici. Par surcroît, le rôle confié à Clarine Seymour, qui ressemble un peu à Bebe Daniels et dont la coiffure accentue cette ressemblance, est intéressant par le fait que cette-fois, la vamp est montrée sous un jour finalement positif : elle a le choix entre un homme riche et un homme qu’elle aime, et fait le bon choix. De même, le stéréotype des Allemands brutaux et cruels (représentés dans le film par Edward Pell) est contrebalancé par un soldat présenté comme un descendant de Kant : non seulement il est humain, mais en prime il sauve Carol Dempster du viol contractuel (Au passage, Griffith ne se prive pas pour la déshabiller au passage, ce qui confirme: elle n’est pas Lillian Gish.  Il refera le coup dans America en 1924) avant de mourir. Il est marqué par un indice Griffithien d’humanité : il aime sa maman.
 
J’ai souligné ici et là les rapports de ce film avec les films contemporains de DeMille, mais s’il fallait choisir entre The little American et celui-ci, je pense qu’il serait judicieux de privilégier le film de DeMille avec Mary Pickford, qui est plus réussi, et pour tout dire beaucoup plus distrayant. Cela étant dit, ce film mineur ouvre un certain nombre de voies, par sa durée, son énergie et le fait que ses jeunes acteurs relèvent plus que bien le défi. On les reverra…

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 David Wark Griffith Première guerre mondiale *