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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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9 septembre 2017 6 09 /09 /septembre /2017 17:00

The Bride's play est situé en Irlande, Marion Davies y est donc brune et... ce flm n'est pas une comédie, ce qui va nous permettre de tester la véracité d'une fameuse légende de l'histoire du cinéma muet Américain, en rapport bien sûr avec l'infâme (mais jouissif, hélas) portrait à charge de l'actrice à travers Citizen Kane...

En Irlande, donc, dans une petite localité du bord de mer, vivent un père qui va bientôt devenir riche, et sa fille, la belle Aileen (Marion Davies). Celle-ci est en pension, où la nuit venue elle lit avec ses camarades des livres interdits: les recueils de poésie sentimentale que toutes les jeunes femmes s'arrachent, écrites par un auteur à succès de Dublin, Bulmer Meade (Carl Miller). Mais quand son père meurt elle revient au pays, et a la surprise de voir le poète, justement en villégiature dans son village. Ils vont se rencontrer, et l'incorrigible séducteur va faire une victime de plus, au grand désespoir du châtelain local, un ami de longue date de la famille d'Aileen, qui l'aurait bien prise sous son aile, et qui se doute de l'amoralité du bellâtre...

Bref: ceci est un mélodrame, dont le choix de le situer en Irlande s'explique par le recours à un procédé qui semble revenir souvent dans les films de Davies: il y est fait référence à une coutume de mariage, qui donne son titre au film, et dont un exemple du douzième siècle nous est montré dans l'avant-dernière bobine. Une occasion pour Marion Davies de se montrer en costume ancien, et au milieu d'une centaine de figurants... Hearst adorait ça, et préférait en effet ce type de drame, à la comédie qu'il jugeait vulgaire!

Et le résultat, c'est que Marion Davies, engoncée dans un rôle qui ne lui permet pas de faire la preuve de son talent exceptionnel et physique, n'est pas vraiment terrible, dans un film qui n'est pas très bon non plus, mis en scène sans grande imagination... Mais mis en image avec un soin en revanche remarquable. Mais on donne raison à tous ceux qui opposent Hearst et Davies, le premier désireux de faire de sa maîtresse une diva tragique, la deuxième soucieuse de dériver le plus possible vers la comédie... Mais pas spécialement aidée par la réalisation très plate de Terwilliger, elle n'y est pas parvenue!

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 Marion Davies *
27 juillet 2017 4 27 /07 /juillet /2017 15:47

Miss Lulu Bett est un film remarquable, réalisé par le grand frère de Cecil B. DeMille (Les changements d'orthographe du patronyme d'un frère à l'autre sont authentiques). William C. de Mille a la réputation d'être le génie de la famille, et ma foi si tous ses films sont aussi beaux que celui-ci je veux bien le croire: voici un film intimiste réalisé par un miniaturiste et interprété avec conviction par des acteurs acquis à leur cause, Lois Wilson en tête...

Une femme (Lois Wilson), traitée comme une esclave par sa famille, se retrouve mariée à un bigame par inadvertance, et va conquérir sa liberté (aussi bien vis-à-vis du mariage, que de sa famille) en prenant son destin en charge. Les décors sont ceux d'une petite ville Américaine de 1920 où tout le monde connait tout le monde et la mise en scène oscille de façon envoûtante entre drolerie et drame, avec une véritable cohésion; Lois Wilson emporte l'adhésion de bout en bout (Sa métamorphose est impressionnante), le film tout entier est un exemple de ce que le cinéma Américain pouvait se permettre en 1921 lorsqu'il s'agissait de laisser les images raconter, et on a ici dans chaque scène plus de subtilité qu'il n y en a dans tout Manslaughter, réalisé l'année suivante par le petit frère de William C. de Mille.

Dans cette histoire qui nous conte la vie d'une famille de cinq femmes et d'un homme (Mais celui-ci, interprété par Theodore Roberts, se comporte en tyran domestique intransigeant), une scène révélatrice est située au début: Lulu Bett rencontre un homme qui vient frapper à la porte; c'est le frère du maître de maison, qu'elle n'a jamais rencontré. Il lui demande si elle est "une miss ou une Mrs", et elle lui répond qu'elle peut difficilement lui poser la même question, les choses étant plus floues pour les hommes à ce niveau. Ainsi, les touches ouvertement féministes sont disséminées dans cette fable pour adultes, qui n'est pas totalement éloignée du style des grands films de Cecil; l'ouverture à elle seule, par exemple, renvoie à la façon bien particulière qu'avait l'auteur de toutes ces comédies matrimoniales de caractériser l'environnement de ses personnages: un intertitre nous avance l'idée que pour cerner une famille, il nous faut d'abord voir ce à quoi ressemble le salon. Y arrivent ensuite, les uns après les autres, les personnages qui commencent à interagir, nous révélant leur personnalité tout en faisant avancer l'intrigue... une autre scène située plus tard dans le film (En ouverture du deuxième acte) fonctionne de la même façon, mais nous présente cette fois la cuisine, privée de son équilibre: la personne qui y sue sang et eau depuis tant d'années est en effet partie...

Ce film superbe, plein d'esprit et de subtilité, mérite finalement mieux que de végéter dans l'ombre de l'oeuvre certes imposante, mais inégale des films de Cecil B. DeMille. Il faut le voir, pour s'attaquer à un pan entier du cinéma muet Américain qui reste aujourd'hui bien méconnu, à part pour quelques oeuvres signées de Lubitsch, voire Chaplin: la comédie subtile, délicate, certes satirique mais jamais effrennée est bien située à des années lumières de Mack Sennett, et ce film en est, avec son humanisme magnifiquement dosé, l'un des grands moments. Il faut voir de quelle façon la progression amenée avec tant de soin nous amène à ce superbe moment d'explosion de toutes les frustrations accumulées par une femme durant une vingtaine d'années d'exploitation pure et simple, se résout dans une cuisine certes, avec cassage de vaisselle bien sur, dans une interprétation dénuée de toute impression de cliché. Admirable: l'un des très grands films des années 20.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 **
10 juin 2017 6 10 /06 /juin /2017 16:33

Il y a les films muets classiques et incontournables, ceux que des armées d'historiens, d'archivistes et de passionnés nous ont aidés à conserver, voir, revoir et apprécier, de The general à Metropolis, de Sunrise à Ben-Hur, de Greed à The thief of Bagdad... Et il y a les obscurs, ceux qui ont existé mais dont on ne se souvient pas, parce qu'on vient de les retrouver dans une fosse en plein Alaska, ou dans un grenier sec et frais, et que des copies attendaient qu'on les retrouve: les films Thanhouser, par exemple, ou tant de productions locales, ou de petits studios qui n'ont pas eu la chance de survivre pour raconter leur propre légende. 

The Sheik n'appartient à aucune de ces deux catégories. Et pourtant quelque part il devrait figurer dans la liste des premiers mentionnés: c'est un film Paramount, monté autour d'une star en devenir, Rudolf Valentino, et le succès qu'il a récolté a mis tous ceux qui ont travaillé dessus à l'abri des ennuis financiers au moins jusqu'à la crise de 1929! Adapté d'un roman à succès dont la réputation n'est même pas sulfureuse tellement elle est mauvaise, il a fait à lui tout seul la carrière de Rudolf Valentino. Et il a établi la formule, ce que The four horsemen of the apocalypse n'avait pas fait.

Restons d'ailleurs un instant sur ce dernier film, sorti quelques mois auparavant: Rex Ingram y avait en effet découvert Valentino, et avait utilisé à la perfection son charisme érotique, n'oubliant pas d'utiliser ses talents de danseur. Mais c'était un film de Rex Ingram, avec lequel le metteur en scène souhaitait établir son univers épique: pas autre chose! ...Ni personne d'autre. Et Rudolf Valentino, relégué à un rôle d'utilité dans ses autres films pour Metro (The conquering Power, également de Rex Ingram, et Camille, de Ray Smallwood, dont l'héroïne était interprétée par Alla Nazimova, tous les deux sortis la même année) est parti pour relancer sa carrière ailleurs. D'où ce film, au budget contrôlé, qui repose sur un roman qui allait faire venir des spectateurs (et surtout -trices!), et qui cette fois n'oublie pas de mettre en valeur sa star, pour la première fois enfin (Car Valentino était dans le métier depuis un certain temps, quand même), mais pas la dernière...

En Afrique du Nord, la belle et hautaine Lady Diana (Agnes Ayres) est fascinée par les coutumes étranges d'un potentat local, le Sheik Ahmed Ben Hassan (Rudolf Valentino). Mais elle s'approche trop près, et le Sheik la fait enlever, et elle devient sa prisonnière. Contre son gré, oui, à moins que... les semaines passent, et la confiance s'installe. Confrontée à la vie du prince du désert, Diana rencontre ses amis, dont le Français Raoul (Adolphe Menjou), par lequel elle va apprendre à apprécier Ahmed de plus en plus. Mais tous les hommes du désert ne sont pas aussi gentils qu'Ahmed... Surtout le dangereux Ohmair (Walter Long), un homme qui en plus convoite depuis longtemps ce qu'il n'a jamais eu: une femme blanche.

Bon, on ne fera pas l'impasse sur le racisme de l'histoire: rappelons qu'à cette époque, il y a dans la plupart des juridictions locales Américaines des lois anti-miscégénation, ce concept révoltant qui considère d'une part que les êtres humains sont divisés en races, et d'autre part qu'il est inconcevable de les mélanger. Ce sera donc l'un des enjeux dramatiques du film. Un autre, et son corollaire, c'est bien sur la question inévitable: Diana et Ahmed ont-ils fauté? Etait-ce un viol, ou une nuit d'amour? l'ambiguïté ne sera jamais levée, et c'est tant mieux pour le box-office, car c'est l'une des ellipses qui a assuré que les clientes revenaient le voir deux ou trois fois: le grand frisson de l'interdit et du non-dit...

Non-dit et non-montré, mais alors suggéré, ça oui: le film est un catalogue mélodramatique de clichés orientalistes et de procédés éculés, liés à la supposée tendance au sadisme des orientaux, dont on établit bien sûr dès le départ qu'Ahmed est quant à lui un doux à côté de tant d'autres! Mais d'une certaine façon le film réussit à ne pas trop se prendre au sérieux, et est relativement soigné dans sa photographie, et sa composition. admettons que l'interprétation en revanche, ne brille absolument pas par sa modernité! Mais Valentino devait avoir une certaine affection pour ce film, lui qui décida de mettre en chantier cinq années plus tard une suite, qui en assumait volontiers les contours les plus parodiques.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 Valentino **
31 mai 2017 3 31 /05 /mai /2017 17:17

C'est en 1921 que Lois Weber a réalisé son dernier film indépendant, que certains considèrent comme son meilleur... Pour ma part, je pense qu'en effet c'est le meilleur de ceux que j'ai vus. Pour bien se faire une idée, disons simplement que le film est de l'importance d'oeuvres, disons, comme Greed, Sunrise, Seventh Heaven, The Kid, Wings ou The last command. Ca calme! Mais soyons sérieux, laissons la distribution inutile de hochets aux nombreux pince-fesses estivaux et annuels, et concentrons-nous sur ce film essentiel, splendide, qui comme si souvent chez Weber, pose les problèmes sans faire semblant de les résoudre, et utilise pour cela le point de vue des meilleurs parmi les êtres humains: les femmes. Et plus particulièrement trois d'entre elles...

Pourtant, c'est paradoxal: elle fait semblant de commencer son film, qui explore les liens sociaux entre les membres d'une même communauté unis par des liens aussi ténus que l'éducation et le voisinage, avec une vision des hommes! Un intertitre, joliment décoré comme le sont beaucoup de cartons des copies en existence, nous dit que les hommes, finalement, ne sont que des garçons, qui ont grandi. Il précède la première séquence, assez cruelle, qui nous montre des étudiants qui ont tendance à chahuter leur professeur, surtout trois sales gosses de riches, qui contrairement à leur professeur mal payé, ont tout ce qu'ils veulent. Nous allons surtout nous intéresser à Phil West (Louis Calhern), un dandy, fils à papa, oisif notoire et coureur de jupons... Mais il y a un lien pourtant entre lui et son professeur, l'auguste M. Griggs (Philip Hubbard): celui-ci est le père de la très jolie Amelia (Claire Windsor), qui travaille à la bibliothèque, un lieu désormais fréquenté chaque jour par Phil, ce qui le change du reste beaucoup... En fréquentant la jeune femme, Phil remarque le dénuement de la famille Griggs, mais aussi le sacrifice d'Amelia qui doit travailler pour compléter la paie de son père. Il va aussi être amené à rencontrer son rival pour les affections de la jeune femme, le pasteur local. Il ne paie pas de mine, mais Phil est très étonné de trouver sa compagnie agréable: c'est que tous les deux ont un bon coup de crayon! Ils seront rivaux, tout en devenant amis. Et le pasteur va apprendre à Phil qu'on est plus heureux en donnant qu'en recevant... Une phrase qui sera cruciale dans la transformation du jeune homme en un adulte bien différent... Pour commencer, il viendra en aide à la famille Griggs.

Mais j'avais parlé de trois femmes. On pourrait en réalité en compter quatre, voire cinq si on compte les chats. Parmi les jeunes oisifs que fréquente Phil lors de soirées arrosées et bien fournies en nourritures chères, la belle Juanita Claredon est une fausse piste: elle est "l'autre femme", celle qui attendrait de devenir Mrs West, mais qui ne le sera pas. Les trois protagonistes importantes sont, outre Amelia, sa mère: Mrs Griggs (Margaret McWade), une femme austère et angoissée devant les difficultés financières, mais à la fierté inébranlable... Ou presque. Elle ne voit pas d'un mauvais oeil le riche West fréquenter sa fille, mais angoisse que leur statut social ne soit trop voyant. Sa seule frivolité est un beau chat, une femelle toujours flanquée de ses deux petits, qu'elle nourrit en fouillant... dans la poubelle du voisin. Et enfin, la troisième est Mrs Olsen, la voisine: son mari est devenu riche en confectionnant des souliers pour dames. Du coup, ils viennent d'acheter une voiture. Mais Mrs Olsen a un ressentiment très fort à l'égard de ses voisins, qu'elle accuse de la prendre de haut parce qu'elle n'est qu'une immigrante. Du coup, elle voit rouge quand un poulet a disparu: elle l'avait mis à la fenêtre dans le seul but d'être désagréable à sa voisine dont elle a deviné les ennuis d'argent. Donc, pour elle, ça ne fait aucun doute: le poulet a été volé par Mrs Griggs.

Le problème, c'est que c'est exactement ce qui est arrivé: sa fille étant malade, l'épouse du professeur d'université a été obligée de céder à cette tentation parce qu'elle craint qu'Amelia n'aggrave son cas. Nous l'avons donc vue voler le poulet, et nous ne sommes pas les seuls, car Amelia l'a vue elle aussi...

Le décor est planté, et comme dans d'autres films de Lois Weber, il s'agit des maisons plus ou moins bourgeoises de la banlieue d'une ville Américaine jamais nommée. Elle fait jouer avec bonheur les acteurs dans des rôles qui se jouent des stéréotypes: Louis Calhern aurait joué le même rôle comme un salaud dans tant de films, qu'on se prend à s'attacher à ce grand nigaud de fils de riche qui apprend à faire le bien sans le crier sur les toits. Et si la rude Mme Olsen a un tel ressentiment à l'égard des Griggs, d'une part elle semble avoir un vécu à cet égard, qui pourrait expliquer cela. Weber évite le piège pourtant si facile de la xénophobie ordinaire, et nous montre d'ailleurs son mari qui lui est ému parce qu'il a vu Mrs Griggs nourrir son chat à partir des poubelles. La mise en scène passe par un sens du détail, car chaque objet, geste, regard, décor, cadrage, comptent. A cet égard Weber est très proche de Stroheim qui ne gâchait aucun endroit de ses plans! Mais elle utilise aussi un symbolisme pédestre, pour inventer une expression! Les personnages mesurent parfois leur fatigue, leur statut social par le biais de leurs chaussures. Un détail qui comptait déjà dans Too wise wives, mais qui renvoie aussi à Shoes, un long métrage de 1916. Et n'oublions pas que M. Olsen fait dans la chaussure! Cet attribut domestique devient donc la mesure de l'état des finances: Amelia porte des souliers éculés, alors que le dernier né des Olsen joue avec des chaussures du stock de papa... C'est aussi un moyen de mesurer le rayonnement: le pasteur constate que ses souliers sont ternes, comparés à ceux de Phil West. Il cherche du cirage, mais n'en trouve pas... Il va appliquer de la graisse d'oie, avant de se rendre chez Amelia... Où une scène Chaplinienne se déroule, durant laquelle le pasteur essaie de garder son sérieux alors qu'un chaton veut absolument lui lécher les bottines!

Et puis Weber utilise avec bonheur le montage et le point de vue, en particulier quand il s'agit de montrer de quelle façon les voisins sont constamment en train de s'épier, qu'il s'en rendent compte ou non; c'est ainsi que nous verrons Amelia à sa fenêtre, puis sa mère s'approchant du poulet, et le prenant, et enfin la réaction horrifiée d'Amelia, qui s'éloigne de la fenêtre avant de quitter la pièce d'où elle a vu cette scène humiliante. Cette scène aura un écho: Amelia désirera s'excuser auprès de Mme Olsen, et la scène est traitée en champ (Amelia, qui craque et pleure) et contrechamp (Madame Olsen, d'abord hautaine et dure, puis adoucie et même transformée par l'aveu... auquel elle va ne pas prêter attention). Le film progresse avec toutes ces petites touches humaines, qui en 90 minutes le rendent si complet...

Phil West gagnera, et le pasteur, ainsi que le jeune Olsen, qui lui aussi en pinçait pour Amelia, seront relégués au second plan. La façon dont les gens se sont rapprochés est traitée humainement, avec chaleur. On voit même West se lancer dans une croisade auprès de son père pour le persuader d'influer sur l'administration de l'université, car il estime que les enseignants doivent être payés à leur juste valeur. C'est cette cause qui retient l'attention dans la dernière bobine, renvoyant aux films à message des années 10; ça me semble être plus une précaution oratoire qu'autre chose, Weber ayant surtout pris soin de se plonger, et nous avec, dans le quotidien de quelques Américains amenés à cohabiter, et qui trouvent de façon inattendue, des affinités et des terrais d'entente... Amelia a trouvé l'amour, le professeur la reconnaissance de ses élèves, et Mme Olsen et Mme Griggs sont devenues complices. Mais les deux hommes qui sont laissés sur le carreau peuvent en témoigner: il y a encore du chemin à parcourir, sans doute.

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Published by François Massarelli - dans Muet Lois Weber 1921 **
27 mai 2017 6 27 /05 /mai /2017 16:30

On hésite à employer le terme de comédie, car pour Lois Weber, qui a choisi comme principales protagonistes de son film les épouses, le chemin ici est balisé de tessons de bouteille... Et pourtant on est dans un cinéma de la subtilité; cousin de celui pratiqué par Cecil B DeMille depuis 1918, quoiqu'en plus subtil... Et ce film semble par bien des aspects anticiper sur des oeuvres aussi essentielles que les films de Lubitsch (Notamment The marriage circle, ou encore Lady Windermere's fan) et bien sûr l'admirable A woman of Paris de Chaplin...

Mr et Mrs David Graham sont mariés depuis peu, et Mrs, interprétée par Claire Windsor, a à coeur de tout faire pour conserver l'amour de son mari (Louis Calhern). En même temps il fait conserver à celui-ci un semblant de vie et d'effort, ce qui la pousse à constamment reconsidérer son rôle d'épouse. Ce qui n'est pas le cas de Mrs John Daly; celle-ci (Mona Lisa), mariée surtout pour pouvoir profiter de la rassurante protection de la fortune de son mari (Philipps Smalley), a pris l'habitude de ne lui dire que ce qu'il a envie d'entendre, et de garder la vérité pour elle. Les deux femmes évoluent dans le même cercle, mais Mrs Graham apprend que son mari et Madame Daly se connaissaient avant qu'elle-même n'entre dans la vie de David. et quand la belle ténébreuse les invite pour un week-end, elle pense que l'intrigante s'est décidée à tenter de reconquérir son ancien amant... Et elle a raison. mais rien ne va arriver comme prévu...

Deux couples, mariés de fraîche date, qui n'ont d'ailleurs pas encore d'enfant. Les dames votent depuis peu (c'est en 1918 qu'elles ont eu accès à cet avantage autrefois réservé aux hommes, mais à voir la façon dont les deux femmes "gèrent" leurs maris, on sent bien qu'elle savent depuis longtemps tirer les ficelles. Le chemin, pour les deux femmes (en particulier pour Claire Windsor) est parfois très douloureux, et la réalisatrice s'est ingéniée à tout le temps contraster les points de vue féminins et masculins, et les opposer sur le même théâtre des opérations... Et elle a choisi de montrer un week-end dans une immense maison, tellement immense, que la pièce change à chaque scène! Ainsi confrontées à un dédale de possibilités pour leur couple respectif, les deux femmes vont passer un week-end de conflit intérieur qui aurait pu être bien plus brutal... L'essentiel de la bataille va se faire autour d'une lettre parfumée. Faut-il l'ouvrir, ou pas?

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 Lois Weber **
30 avril 2017 7 30 /04 /avril /2017 08:26

Chaplin considérait ce film comme le plus grand jamais réalisé... ingmar Bergman disait à qui voulait l'entendre, à quelques semaines de sa mort en 2007, qu'il avait du voir Körkarlen plus de cent fois... Certes il avait travaillé sur un film de fiction qui en retraçait les coulisses du tournage, mais quand même! Et à côté de ces impressionnantes louanges, on a malgré tout une histoire critique du film bien différente de ce u'on attendrait: en effet, il me semble que ce film a sa place aux côtés des monuments classiques incontournables du cinéma muet, que sont The gold rush, Metropolis, Sunrise ou Napoléon! C'est pourtant l'un des incontournables de l'oeuvre de ce géant qu'était Sjöström, le film qui lui a d'ailleurs valu une renommée internationale, et c'est aussi l'un des joyaux du cinéma Suédois, excusez du peu! ...Mais l'appréciation du film, après l'admiration de 1921-1922, a évolué jusqu'à un point, à la fin des années 20, lorsque tout le monde ou presque semblait considérer que "le film a bien vieilli". En cause, en tout premier lieu: les effets spéciaux.

Car l'un des attraits principaux pour le public de 1921, et c'était souvent noté par la presse, c'est l'utilisation savante et abondante, dans cette histoire qui dresse des passerelles entre le monde des morts et celui des vivants, de surimpressions pour montrer le passage de la charrette du passeur des morts. Et si tout le monde s'extasie en 1921, certains commentateurs n'ont as attendu pour dénoncer un recours systématique au trucage, qui empêchait au film d'accéder à la noblesse! Parmi les plus critiques, il y avait Bardèche et Brasillach, ces deux collaborateurs, dont on se demande encore pourquoi leur histoire du cinéma, vue par le tout petit bout d'extrême droite de la lorgnette, faut encore autorité chez certains! Mais si en effet le film a souvent recours à ce trucage, il le fait parce qu'il était nécessaire à Sjöström de rendre immédiatement compréhensible par le public, donc VISIBLE, la différence entre le corps des mortels, et l'âme des défunts. La sur-impresson devient donc un raccourci saisissant, et qui fonctionne en plein. Autre grief (et on n'en attendait pas moins de deux historiens, l'un qui a été fusillé à la Libération, l'autre qui a fait partie des inspirateurs du Front National, parti français fasciste d'inspiration xénophobe), La charrette fantôme est accusé d'être dégoulinant de bons sentiments... Encore une fois, avant de dire n'importe quoi, considérons le film.

Selon Casper Tyjberg, spécialiste Danois du cinéma Scandinave, le film, bien que fidèle sur bien des points au roman qu'il adapte, Körkarlen de Selma Lagerlöf, la grande inspiratrice du cinéma Suédois (Gösta Berling, Le trésor d'Arne...), s'en différencie sur le fonds, en choisissant de changer la fin. On peut juger ce changement cosmétique, voire moraliste, il n'est ni l'un ni l'autre: sans être Chrétienne, Lagerlöf affirmait avec son récit la puissance du monde des âmes, et le soulignait par un final un peu trop exagéré. Mais à l'origine, la motivation pour écrire le roman était plus terrestre: Selma Lagelöf répondait à une sollicitation pour écrire sur la tuberculose, un sujet qui la touchait puisque sa soeur en état décédée. Le récit du film va donc montrer quelques différences, mais ce qui me frappe, c'est surtout l'audace de sa construction en flash-backs, la force des compositions de Sjöström, la direction d'acteurs, bref la puissance de la mise en scène, l'un des premiers films à se situer systématiquement en pleine nuit, ce qui se traduit par des scènes effectivement tournées en nocturne: pas de recours aux teintes pour figurer la nuit, ici, c'est du vrai! Le montage, de par les flash-backs et l'intrigue,est complexe, et jette des passerelles non seulement entre les époques mais aussi entre les lieux éloignés les uns des autres. Bref le montage suit la thématique complexe du film au lieu de rendre compte de sa réalité physique ou géographique.

Au jour de l'an, Soeur Edit, une jeune femme de l'Armée du salut, va mourir. Atteinte par la tuberculose, elle dit qu'elle ne peut pas mourir sans avoir vu David Holm, il faut aller le lui chercher... Ses amis et collègues temporisent, certains sont même choqués: à l'article de la mort, pensent-ils, la dernière personne que soeur Edit doit voir, c'est David Holm! Mais on va le chercher. Chez lui, on ne trouve que son épouse, dévastée. Elle vient voir la soeur agonisante,  et il est clair qu'elle ne l'aime pas... Pourtant la soeur la prend dans ses bras et lui demande pardon. Pendant ce temps, David Holm est au cimetière, avec deux amis, et ils boivent. Et ils se racontent des histoires: c'est ici que se situe le premier flash-back: ils se rappellent leur camarade Georges, mort l'année précédente à la même date. Si ça se trouve, selon la légende, c'est lui, le dernier pécheur mort dans l'année, qui conduit la carriole de la mort... Mais les trois hommes se disputent, se battent, et... David, assommé par une bouteille, s'écroule, alors que retentissent les douze coups de minuit. Ses amis s'enfuient, et la carriole arrive pour emporter David: c'est bien Georges qui la conduit, et il va lui dire et lui montrer les conséquences de son passé, de ses décisions malheureuses: l'abandon de la quiétude familiale, l'alcoolisme, le vagabondage, les mensonges, les violences faites à sa femme et à se enfants... Et la tuberculose, et la rencontre étrange avec la jeune femme de l'Armée du salut, qui dès leur première rencontre l'a aimé, et sur laquelle il a surtout passé sa méchanceté...

De flash-back en flash-back, c'est d'une prise de conscience qu'il s'agit. Et c'est ce qui a été largement critiqué, notamment par la gauche Européenne, car le film passait pour moraliste... Si vous voulez mon avis, il l'est beaucoup moins que Easy street ou The Kid, de Chaplin, avec leur recours à des conventions chrétiennes passe-partout! Casper Tyjberg émet pour sa part l'hypothèse que la plupart des commentateurs qui fustigent l'attitude moralisatrice du film, n'ont vu qu'une version diffusée dans certains pays, dont la France, qui simplifiait le parcours de David Holm: en particulier, ils n'auraient pas vu certaines scènes troublantes dans lesquelles la fripouille interprété par Sjöström s'invitait à un rassemblement à l'armée du salut, dans lequel le metteur en scène se moquait quand même assez ouvertement de l'attitude des soeurs! Et le film est bien plus complexe, suivant après tout les pérégrinations d'un homme qui est certes devenu un monument de rancoeur, mais qui a ses raisons: initié par Georges à l'alcoolisme, il a fini en prison, alors que son frère était carrément devenu un fou criminel. Sorti et plein de bonnes résolutions, il avait constaté que sa famille, soit son épouse et ses filles qu'il aimait plus que tout, étaient parties. Ce sentiment d'abandon, pour Holm, était bien sur un prétexte pour ne pas prendre ses responsabilités, mais c'était aussi la dernière chose dont il avait besoin. Du coup, le Holm qu'on rencontre au début du film, atteint de tuberculose à force de fréquenter les lieux de perdition, s'est drapé dans une attitude nihiliste militante, qui le pousse en particulier à tout faire pour répandre son mal. Il le dit même lors du fameux meeting qui tourne mal: "Quand j'ai une quinte de toux, je me débrouille pour toucher quelqu'un"... C'est à ce type d'attitude que la jeune Soeur Edit sera confrontée lors de sa rencontre avec lui, mais ce qu'elle verra elle, c'est l'homme, pas ses péchés.

La mise en scène de leur première rencontre est d'ailleurs très claire: Holm est venu passer la nuit au refuge, et la jeune femme demande à Holm de lui confier sa veste, qu'elle veut réparer. Elle va passer la nuit à recoudre ce vieux chiffon infesté de bactéries, qui lui seront fatales! Le lendemain, elle attend, fébrilement, que l'homme se manifeste quand il aura vu l'acte de bonté qu'elle a prodigué (Une attitude un rien vaniteuse, du reste), en espérant qu'il y voie un peu plus qu'une simple manifestation de charité: on la voit même s'arranger devant son miroir en attendant qu'on l'appelle! Mais la seule réaction de David Holm sera de déchirer les coutures, en riant diaboliquement... Donc non seulement cette scène aura pour conséquence la mort de Soeur Edit, mais en plus elle est une indication du fait qu'au-delà de l'alcoolisme et de la violence, Holm s'est réfugié dans la cruauté à l'état pur. Et c'est à mettre au crédit de Sjöström, l'acteur, qu'on puisse continuer à regarder le film dont il est le héros, et à voir u'au-delà de l'attitude odieuse, il y a de la colère, et un immense désespoir. Car ce film qui ne juge pas complètement, mais illustre une descente aux enfers, est une exploration de la condition d'être humain... Comme tous les fils de Sjöström, qui nous montrent des êtres au bord de la marge, qui plongent dans des ennuis jusqu'au cou: Le jardinier, Ingeborg Holm, Les proscrits, He who Gets slapped, The scarlet letter, The wind... Un autre point commun, c'est une forte dose de sado-masochisme, qui est courante chez Sjöström, mais en particulier dans ce film et dans He who gets slapped (1924): Sjöström, qui avait une piètre opinion de lui-même, s'y représentait sous la forme d'un scientifique que personne ne prenait au sérieux, et transcendait cet état de fait en se faisant clown. Ici, David Holm rejeté, fait tout pour motiver ce rejet après coup, fait tout pour qu'il soit finalement justifié!

L'interprétation est exceptionnelle, toute en subtilité, ce qui pour Sjöström en particulier (Oui, c'est bien lui qui joue le rôle de David Holm) a du être particulièrement difficile compte tenu de ses responsabilités sur le tournage. Astrid Holm (Edit) et Hida Borgström (L'épouse) sont excellentes aussi, toutes en finesse et en retenue. Et Tore Svennberg, qui devait interpréter l'ami Georges, celui qui inspire la descente aux enfers au début, avant de devenir sombre parce qu'il sent que son destin va basculer, est excellent: la fin du parcours de son personnage le voit devenir ce cocher de la mort, un personnage accablé par le destin. Ces trois identités complémentaires, et leur évolution, sont parfaitement rendues. A ce sujet, l'inspiration de Lagerlöf n'était pas suédoise! Elle s'est en effet souvenue d'un conte Breton, qui racontait la légende du passeur des morts, l'Ankou, et en a donné une vision toute personnelle... D'inspiration païenne donc: car le film n'a pas ce qu'on lui a reproché, à savoir une morale religieuse définie. Il y a un soupçon de puritanisme dans le roman de Lagerlöf, qui fustigeait l'alcoolisme, et choisissait d'accomplir le destin de David Holm en le faisant rejoindre dans son amour la jeune soeur Edit, donc dans l'au-delà, trouvant une transcendance spirituelle à une vie de débauche! Pour l'alcoolisme, le film le fait plus passer en toile de fonds, montrant quand même la déchéance de David Holm comme un choix motivé par la colère et le désespoir, mais surtout l'accomplissement de son destin sera, au terme d'une nuit de cauchemar, terrestre: car il reviendra à son épouse et affrontera ses démons en s'offrant à vivre de nouveau avec elle. Mais pour ça, il; faut que Georges montre une à une les conséquences du parcours de David Holm, sur les autres: la mort d'Edit, la destitution de son épouse, et... sa volonté d'en finir, en emportant les enfants avec elle. 

Aucun moyen à la fin du film de savoir si c'est un rêve ou pas. C'est le personnage de Georges qui va donner le signal de la repentance, et renvoie l'âme de David à son corps. Mais ce qu'il a "rêvé" existe, et par exemple le geste désespéré de son épouse va s'accomplir s'il ne rentre pas chez lui, donc si on nous le dit pas, on n'a pas d'autre moyen que d'y croire... Ce qui clôt une longue évocation onirique entre la vie et la mort, entre le bonheur et le péché, dégagée de préoccupations religieuses, mais qui illustre toute l'étendue du mal que les humains se font. une démonstration qui n'a rien de religieux en soi, mais qui pouvait être reprise par bien des chapelles... Ce qui a du en gêner beaucoup parmi les distributeurs de division. Et presque cent ans après, ce film a gardé son pouvoir fascinant, celui de son intrigue complexe, de son humanisme pessimiste, et de l'onirisme oecuménique de ses images.

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Published by François Massarelli - dans Muet Victor Sjöström 1921 Criterion **
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 21:38

L’une des meilleures indications de ce qu’il faut penser de ce petit film curieux, c’est sans doute qu’alors que des livres entiers sont publiés sur les « grandes oeuvres » de Griffith, les seules rares mentions de ce film sont pour signaler qu’il a été exploité avec une tentative de sonorisation rudimentaire et parait-il (la copie examinée en étant dénuée) assez peu glorieuse. On en parle parfois aussi pour faire des comparaisons peu flatteuses avec l’autre, plus prestigieuse adaptation des romans de Thomas Burke, Broken blossoms.

De fait, la comparaison tourne fatalement à l’avantage de ce dernier film, qui a beau tenter de forcer occasionnellement la main du spectateur (Construction linéaire, actrice trop vieille pour le rôle, maquillage incertain) mais ne parvient absolument pas à détourner son attention de l’intensité du drame. Or, ici, c’est le contraire: la richesse, la complication de l’intrigue, la multiplication des personnages, le ton parfois léger, tout mène malgré tout à l’ennui devant un film raté, vite fait mal fait, malgré des images parfois superbes. Les acteurs n’y croient que peu, et on devine que comme d’habitude, le metteur en scène a tellement improvisé que le plupart des acteurs ne savaient pas exactement ou ils allaient…

L’histoire est une vague intrigue romantique sur fond de pauvreté, parfois Dickensienne (l’histoire originale est située à Londres, et de nombreux éléments nous le confirment, mais l’héroïne, jouée par Carol Dempster est originaire du Sud, certainement pas le sud Londonien quand on connait Griffith.). Tout comme dans Broken blossoms, Griffith joue avec les préjugés raciaux, mais Carol Dempster, contrairement à Lillian Gish, ne laissera pas Swan Way, joué par Edward Pell (Evil Eye, déjà le méchant, dans Broken Blossoms), l’approcher, précipitant le drame. L’histoire est centrée autour de Carol Dempster, donc, la jeune fille à sauver, comme toujours assez énergique, et de deux frères, qui sont mêlés à des trafics louches, et qui sont de fait concurrents en amour. Sinon, comme toujours, famille en détresse, perte d’un parent (ici le père de Carol Dempster), trahison, sacrifice, rédemption… Griffith joue les mêmes cartes, et fait donc bouillir la marmite. Du moins il essaie : le film n’a pas marché, et coincé entre Way down east et Orphans of the storm, il a été oublié, tout simplement.

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith 1921 **
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 15:22

Le traitement de l'Histoire chez Griffith est une affaire entendue: il suffit de voir ou revoir le début de ce film pour comprendre: en quelques plans, quelques intertitres, Griffith nous refait l'histoire de France afin de proposer aux spectateurs un contexte approprié aux aventures de ses héroïnes prises dans la tourmente. Il assène donc que les Français sont mal gouvernés (Par des "Kingly bosses", pas par un roi, la nuance est intéressante) et qu'ils vont légitimement se révolter contre les nobles et leur gouvernement. mais il nous propose aussi en complément la suite de l'histoire dans laquelle il assimile joyeusement Robespierre aux bolcheviks. Il termine son introduction en conseillant aux Américains de ne pas se laisser faire par la tentation du communisme. Comment pourrait-on le prendre au sérieux après ça? D'ailleurs le film ne nous encourage pas à la faire; ces Deux orphelines ne sont pas une leçon d'histoire, juste un mélo excessivement distrayant, qui déroule tranquillement ses 150 minutes de péripéties irrésistibles autour du vieil argument: deux jeunes filles, orphelines depuis peu, se préparent à aller à Paris pour consulter un spécialiste: l'une d'elles, Louise (Dorothy Gish) est aveugle, et pourrait éventuellement guérir. Elles arrivent dans un Paris agité que Griffith a fait exprès de situer en pleine révolution, et Henriette (Lillian Gish) se fait kidnapper dans le but de servir d'apéritif à une orgie. Laissée seule, Louise se fait enlever par une famille de margoulins, dont la mère, interprétée par la grande Lucille La Verne (Pour laquelle l'expression "laideur fascinante a sans doute été inventée) terrorise la jeune fille, l'obligeant à mendier. Pendant ce temps, Henriette échappe à un destin pire que la mort, se fait des ennemis, rencontre un Danton interprété par Monte Blue et un jeune premier du nom de Joseph Schildkraut. Ca n'arrête pas, ça court dans tous les sens, les décors sont comme d'habitude très soignés...

S'attendre à la moindre innovation de la part de Griffith, ce serait trop en demander, mais s'il applique une formule, il le fait ici avec le plus grand succès, et joue soigneusement avec nos nerfs dans un grand nombre de scènes. Citons pour la bonne bouche deux scènes souvent commentées: Henriette discute avec une femme de la noblesse (Qui n'est autre que la vraie maman de Louise qui a été adoptée par la famille d'Henriette), lorsqu'elle entend, venant de la rue, la voix de sa soeur; Elle est en train de mendier dans la rue: Henriette la reconnait, l'appelle, et s'ensuit une scène d'hystérie collective menée sans faux semblants par les soeurs Gish... Sinon, l'inévitable scène de condamnation à mort, suivie de charrette, suivie de menace de guillotine, donne lieu à un climax en pleine forme de Griffith, qui se plait à ajouter une dosette de sadisme en plus pour enrichir le tout: lorsque Henriette est condamnée à mort, Louise est dans la salle. Les plans de Jacques-Sans-oubli, le juge qui en veut personnellement à Henriette en qui il voit un symbole de l'oppression et de la collaboration, sont alternés avec ceux de Louise qui essaie de comprendre la situation, et avec ceux d'Henriette qui demande a être condamnée en silence pour épargner sa soeur, qu'elle a cherchée durant tout le film. Danton s'improvise en sauveur de jeune fille en détresse, avec ses cavaliers qui nous rappellent une autre chevauchée, décidément dans toutes les mémoires.

Donc, c'est très distrayant, mais le fait est que Griffith n'a plus de bouleversement à apporter. Ce film a été exploité avec un système de sonorisation (Déjà essayé sur Dream Street, en 1920) et un procédé d'illumination pour compléter les teintes, déjà utilisé dès Broken Blossoms. On remarquera que les innovations techniques ainsi mises en avant par la publicité sont extérieures au film: après Intolerance et son histoire compliquée, Griffith n'a peut-être plus envie de prendre des risques. Après tout, en 1921, il appartient à la vieille garde; ce film, un véhicule pour les soeurs Gish qui s'apprêtent à quitter Griffith, est bouclé avec panache, mais sera suivi d'autres oeuvres qui peineront, si on en croit les réactions des critiques, contemporains et autres, à rivaliser avec les Lubitsch, Stroheim, Chaplin, Ingram... Mais il faut défendre ces films, qui nous réservent sans doute d'autres frissons, des petits plaisirs, et peut-être plus... Ici, réjouissons-nous de quitter les soeurs Gish ensemble, dans un film haut en couleurs.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 David Wark Griffith Lillian Gish *
8 mars 2017 3 08 /03 /mars /2017 16:59

Richard De La Croix (Johannes Riemann) reçoit une nouvelle alarmante: son frère Andreas (Alfred Abel) est devenu fou suite à une histoire compliquée avec une femme. Il lui rend visite, et est très ému devant l'état déplorable du jeune homme. Quelques jours après le très propre sur lui jeune homme, qui fait le bonheur de sa mère et courtise une jeune femme bien comme il faut, va faire la rencontre de Sappho (Pola Negri), une femme fatale qui s'amuse de son côté propret avant de le vampiriser complètement. Bien sur, Richard est amoureux, Sappho aussi du reste... Mais comme on est décidément dans un mélo classique, la femme qui a causé la perte du frère n'est autre que Sappho.

Pas grand chose à retenir de ce mélo empesé et qui conte une histoire si bourgeoise... Le film a été censuré lors de sa sortie internationale (Le film remonté a été re-titré Mad Love aux Etats-Unis), on se demande pourquoi, la version intégrale ne révèle rien qui soit embarrassant... Si ce n'est que Pola Negri ne semble pas avoir à faire d'efforts phénoménaux pour jouer une femme fatale! Ses cènes avec Alfred Abel sont cependant au-dessus du lot.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921
13 février 2017 1 13 /02 /février /2017 14:42

Dr Mabuse der Spieler a beau être trois fois plus long que ce film, il n'en reste pas moins d'un abord plus facile, tant Thea Von Harbou et son mari avaient du mal à être clairs, à cette époque reculée. Pourtant, ce petit film est intéressant à plus d'un titre. Sous une histoire compliquée et pas très folichonne (Un homme jaloux qui pense que son épouse s'est mariée à contrecoeur la soupçonne de le tromper depuis qu'un homme ressemblant à son ancien fiancé a réapparu. Par ailleurs, le mari jaloux croit devoir acheter un bijou au marché noir, et se met dans les ennuis jusqu'au cou), se cache une intrigue de dissimulation, de cachotteries de toute beauté, qui nous rappellent que Lang vient juste de trouver sa muse: il avait déjà tourné Das wandernde Bild avec Thea Von Harbou, et il y en aurait d'autres... Du coup, le film devient immanquablement contemporain du fameux "suicide" de Frau Lang, qui se serait tuée après avoir vu son mari dans les bras de sa scénariste toute nouvelle: une autre affaire brumeuse, de cachotteries et de traumatismes... Sinon, Lang donne ici enfin à Rudolf Klein-Rogge, son futur interprète de Mabuse, un rôle à sa mesure, celui d'un sous-fifre des bas-fonds, inquiétant et louche à souhait. Là aussi la suite sera des plus intéressantes.

ais ce film, s'il est déjà un pur film de Lang, fait de chassé-croisé entre passé et présent, de gens qui regardent et soupçonnent, le tout tourné en studio, est encore un peu léger. ON pourra au moins penser que derrière son inachèvement, il y a une répétition générale des feux d'artifices à venir: à ce titre, le début du film est sans appel... On y voit pour commencer un bar circulaire, autour duquel des clients louches consomment dans la fumée. Puis une rue (de studio, ça se voit tout de suite, d'autant que c'est un extérieur qui ressert encore et encore, la Decla-Bioscop n'ayant pas alloué un budget très conséquent) qui nous révèle son petit monde, parmi lesquels ses clochards aveugles, et un crieur de journaux qui s'avère être une petite main du banditisme; un homme qui est venu de nulle part s'égare dans une rue louche, et doit descendre dans une cave encore plus sordide afin d'y rencontrer un receleur... Dans l'univers de Lang, Mabuse et Spione sont en gestation.

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Published by François Massarelli - dans Muet Allemagne Fritz Lang 1921 *