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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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23 décembre 2021 4 23 /12 /décembre /2021 15:35

1926: la famille Verdier vit à Jérusalem, parce que Marc (Maurice Schutz), le patriarche, ne pourrait pas quitter la ville sainte, ni sa petite propriété au Mont des Oliviers, qu'il partage avec son frère Septime (Léon Malavier)... Il a recueilli quand elle n'était qu'une enfant la petite Alice (Marguerite Madys), qui va bientôt sortir du couvent. Bref, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes , s'il n'y avait le cas de Jean-Louis Verdier (Edmond Van Daële): le fils de Marc est resté à Paris, où sans que sa famille ne le sache, il agite son petit monde, car il est la figure de proue d'un mouvement anarchiste qui s'apprête à passer à l'action internationalement. Pour l'heure, il reprend contact avec ses troupes, après un séjour à l'ombre. 

Le contact du mouvement à Jérusalem, Larsac (Gaston Jacquet), découvre que la famille Verdier est aussi celle de celui qu'il connaît sous le nom de Sirias. Il tombe amoureux d'Alice, qui se refuse à lui: elle attend le retour de Pierre. Jaloux, Larsac révèle la vérité à la famille: Marc part aussitôt pour confondre son fils, et le découvre, en plein meetings, galvanisant les foules en les pressant de se débarrasser de l'influence néfaste de leurs parents! Le père s'émeut, la foule s'agite: dans la bagarre, Pierre Verdier perd la vue et est rapatrié à Jérusalem, auprès des siens, qui décident de lui faire recouvrer la raison, ou la vue, voire les deux!

C'est un film fou, pour commencer: un de ces longs métrages réalisés par Julien Duvivier durant la crise de religion qui l'a pris au cours des années 20; il en a fait une trilogie (Credo ou La tragédie de Lourdes en était le premier volet) mais cette période mystique a fini par informer toute son oeuvre, en le rendant aussi compatible avec d'autres sources Chrétiennes y compris après la fin de ses illusions théologiques (Maria Chapdelaine, dont il a fait une très belle adaptation en 1934, et bien sûr l'inénarrable Golgotha avec Jean Gabin en Ponce-Pilate!). Pour cette Agonie, Duvivier a donc quitté la France et a tourné une bonne part de ses extérieurs sur les lieux mêmes du drame, revisitant des épisodes de la vie du Christ en parallèle au chemin de croix imposé à Pierre Verdier...

A propos du titre qui m'a toujours intrigué, c'est d'une double agonie qu'il s'agit: d'une part, le metteur en scène fait évidemment allusion à celle de Jésus, dont de nombreuses scènes recréent avec intensité le calvaire; d'autre part, les visites dans Jérusalem montrent aussi, lors d'un passage au mur des lamentations (qui fait l'objet d'un rappel culturel respectueux et bienvenu), la lente disparition de la civilisation du Jérusalem de la splendeur passée d'Israel. Pas un mot en revanche sur la présence Musulmane sur la ville dite Sainte. Il ne faut sans doute pas trop en demander... Mais ces efforts de replacer la ville religieuse entre toutes dans la réalité du monde me semblent bien plus louables que les truquages historiques d'un DeMille...

D'ailleurs, comment éviter la comparaison avec ce dernier, qui s'apprêtait à tourner sa propre version de la fin de la vie de Jésus (The King of Kings, 1927)? Duvivier a sans aucun doute vu, comme tant d'autres films de DeMille, la version de 1923 des Dix Commandements, et son histoire biblique mise en relation avec une intrigue de 1922. Il en a conçu une sorte de pastiche, en saupoudrant son histoire de parenthèses des Evangiles, sans jamais court-circuiter totalement le flot narratif. Et si son film est fou, voire extravagant, délirant ou que sais-je encore, il tient remarquablement debout de par sa force de conviction cinématographique. ...On l'a échappé belle!

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1926 Julien Duvivier **
28 novembre 2021 7 28 /11 /novembre /2021 11:28

A l'origine, c'est un collectif d'artistes amateurs et aspirants cinéastes qui se sont rendus responsables de cette étrange production, perdue pendant 45 ans et retrouvée par Kinugasa dans une cabane de jardin en 1970! Le film est privé d'intertitres, autant par défi avant-gardiste (voir à ce sujet le Ménilmontant de Kirsanoff, sorti la même année) que parce qu'au Japon la norme était pour les films muets d'être projetés en compagnie d'un narrateur, le benshi. La version actuellement disponible, amputée d'une partie de son contenu, est assez difficile à suivre, d'autant qu'il s'agit moins d'un film narratif que d'un film à sensations...

Dans un asile, un vieux concierge, qui s'est porté volontaire pour le poste suite à l'internement de son épouse, observe avec anxiété cette dernière sombrer de plus en plus dans la folie, sous l'oeil inquiet de leur fille, et pendant qu'au coeur de l'institution, une femme danse comme elle respire, croyant revivre sa carrière de ballerine d'avant l'internement...

Apparemment, l'influence la plus marquée sur ce film est celle du cinéma Allemand post-Caligarien, mais on peut sans trop de problème effectuer un parallèle avec les films Soviétiques contemporains: Kinugasa utilise à merveille le montage pour créer un maelstrom de points de vues: les deux qui dominent sont celui du vieux mari, qui observe dans la tourmente l'évolution de son épouse, et le point de vue de cette dernière obtenu au moyen d'objectifs déformants et de démultiplications de l'image. L'essentiel du film se situe entre des flash-backs, narrativement plus sensés, et des scènes nocturnes, avec une utilisation enthousiasmante des ombres.

Il va de soi que pour un pays qui peu de temps auparavant hésitait à confier à des femmes des rôles à l'écran, ce film est d'une modernité hallucinante, et près d'un siècle plus tard, le malaise qu'il distille avec cette histoire qui finit épouvantablement mal, est toujours palpable... Quant à Kinugasa, il est devenu un classique parmi les classiques du cinéma Japonais! Pas ce film, pourtant, qui reste définitivement dans une catégorie à part...

 

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Published by François Massarelli - dans 1926 Muet Teinosuke Kinugasa Avant-garde **
25 septembre 2021 6 25 /09 /septembre /2021 11:03

The Marriage Clause est l’un des derniers films de Lois Weber, le premier qu’elle ait réalisé après le hiatus de 1923: elle revenait à la Universal, mais son statut n’était décidément plus du tout le même qu’avant, en particulier durant les années 10…

Barry Townsend (Francis X. Bushman) repère une aspirante actrice, Sylvia (Billie Dove) dont il tombe amoureux : il fait d’elle une star, et en dépit de l’ombre que cela projette sur leur relation, il accepte qu’elle donne une réponse favorable à une offre très lucrative d’un autre impresario, Max Ravenal (Warner Oland). Mais le contrat avec ce dernier contient une clause qui interdit à la jeune femme de se marier… elle va devoir se séparer de son fiancé, et en dépit du succès phénoménal qui est le sien, va peu à peu perdre toute envie de vivre…

Le film n’existe plus que sous la forme d’un fragment réduit à 20 minutes, contre environ 80 au départ, et ça se sent : chaque étape importante de l’intrigue est réduite à la portion la plus congrue qui soit… Et pourtant on obtient, de ce fantôme de film, une image qui est sans doute en accord avec ce qu’il était : une œuvre de transition, à la fois versée dans des clichés du mélo (le grand méchant impresario contre l’amour pur, par exemple) et tournée vers des thèmes sensibles et différents, qui ont fait la réputation de la réalisatrice : notamment le fait non seulement de représenter une femme qui devient la principale source de revenus d’un couple, mais aussi la souffrance « sociale » d’un homme qui en finit par ne plus vouloir sortir de chez lui. Cette tendance, probablement prudente, à vouloir couvrir tous les aspects d’un sujet polémique en ménageant une porte de sortie objective, avait fait les grandes heures de la carrière de Weber. Par-dessus le marché, la photo semble ouvragée, et l’interprétation est splendide… Pour autant qu'on puisse en juger, du moins.

 

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Published by François Massarelli - dans Lois Weber Muet 1926 **
28 avril 2021 3 28 /04 /avril /2021 07:38

Tourné après Her sister from paris par la même équipe (Le scénariste Hans Kräly, le réalisateur Sidney franklin, et l'actrice Constance Talmadge), ce film est à nouveau une pétillante comédie dans laquelle la bonne humeur et l'exubérance triomphent, tout en surfant sur les non-dits d'une situation très boulevardière: Constance Talmadge est Marian Duncan, une danseuse Américaine de passage en Russie qui fait chavirer les coeurs de deux hommes: le Lieutenant Orloff (Tullio Carminati), et le Grand Duc Grégoire Alexandrovitch (Edward Martindel). Elle est elle aussi amoureuse du lieutenant, mais celui-ci est sous la coupe de son supérieur le grand duc qui entend bien profiter de la situation. Quant à la Grande-duchesse (Rose Dione), elle sait à quoi s'en tenir, et a décidé d'agir... Provoquant dans une petite auberge une série de quiproquos, de confusions et de portes qui claquent.

La situation est toute entière proche de l'opérette, et on imagine très bien le grand Lubitsch s'attaquer à un tel film, avec son collaborateur fréquent Hans Kräly... Mais une fois de plus, Franklin n'est pas Ernst, et son film, aussi bien fait soit-il, n'offre de grands moments que sporadiquement. C'est bien sûr une comédie hautement recommandable, dont le rythme ne faillit pas, mais on est loin de la mélancolie sous-jacente de Her sister from Paris, qui bénéficiait d'un numéro de dédoublement de personnalité de la star, et bien entendu de la présence de rien moins que Ronald Colman. Ici, au moins, on a quelques marivaudages réjouissants en particulier entre Marian Duncan et le Grand-Duc... Franklin se fait parfois plaisir avec sa science des personnages (il est toujours doué pour les huis-clos à variation dans des situations scabreuses, et le prouve avec sa maîtrise du point de vue dans la dernière bobine), et a eu l'idée d'un très joli plan: en pleine mélancolie, Marian Duncan s'effondre sur un fauteuil et pleure. Par l'immense fenêtre à côté d'elle, on voit une neige insistante et surréelle (éclairée de l'extérieur de la maison) qui enfonce le clou de sa tristesse...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1926 Sidney Franklin Constance Talmadge Comédie *
17 avril 2021 6 17 /04 /avril /2021 18:30

Renée (Elisabeth Bergner) est une jeune femme de très bonne famille qui a tout pour être heureuse, ou presque: elle vivait seule avec son père veuf (Conrad Veidt), mais hélas: celui-ci s'est remariée, et la "nouvelle maman" (Nora Gregor), comme on la lui présente, ne lui plait pas, mais alors pas du tout. Son but en chaque chose étant de pousser la nouvelle venue dehors, la vie n'est pas très rose. Du coup le père prend la décision de trouver une pension qui veuille bien accueillir la capricieuse. Mais quant à la retenir...

Quand elle se fait la belle pour rejoindre son père en Italie, Renée doit faire face à l'inévitable: sans papiers, sans aide, elle n'ira pas loin. Elle finit par trouver un stratagème, qui implique de se déguiser en garçon. Mais une fois recueillies par un peintre qui s'est mis en tête d'immortaliser ce drôle de bonhomme, elle va devoir continuer la farce. Jusqu'à quand?

Elisabeth Bergner, tragédienne et actrice atypique, avait sa propre maison de production, un mari qui réalisait ses propres films, et pour tout dire, personne à qui rendre des comptes. Comme on le voit, l'entreprise était après tout florissante, leur permettant d'engager rien moins que Conrad Veidt lui-même! Le film est pourtant une comédie dans laquelle les efforts de Czinner sont réduits au minimum, laissant faire le décor splendide de l'Italie estivale, où le film a été tourné. C'est bien sûr Bergner qui fournit l'essentiel du travail, chaque scène et même chaque plan tournant autour d'elle. C'est un drôle de petit bout de femme, au physique intéressant, qui fait beaucoup passer par son regard. En dépit de ses 29 ans au moment du tournage, elle interprète une jeune femme qui sort à peine de l'adolescence, mais s'en sort très bien. On est plus circonspect devant la partie du film dans laquelle cette femme de 29 ans interprète une adolescente en fuite qui elle même se grime en garçon...

Cela dit, cette partie reste fascinante par l'ensemble de possibilités contenues dans les confrontations, notamment le fait que l'arrivée du "garçon" dans la famille du peintre reproduit pour la soeur de ce dernier la situation de jalousie déjà vécue par Renée prise entre son père et sa belle-mère; mais aussi et surtout en raison de l'étrange réaction du peintre à son égard, qui dira à Renée "par moments on dirait que tu es une fille. Si c'était le cas, je t'épouserais"...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1926 Paul Czinner **
1 novembre 2020 7 01 /11 /novembre /2020 15:49

Kiki (Norma Talmadge) est une jeune parisienne qui end des journaux à deux pas d'un music-hall; elle y entend les répétitions des revues et rêve tout haut de s'y faire une place... Pas pour devenir une vedette, non: parce que ça la rendrait toute proche de M. Renal, le producteur (Ronald Colman). A la faveur d'une défection, elle va user de tous les stratagèmes y compris les plus malhonnêtes pour se faire engager, puis y parvenir... La revue va en souffrir, mais pas autant que Renal car une fois dans la place, Kiki n'est pas du genre qu'on déloge...

C'est une superbe comédie, qui bénéficie de tout le soin apporté habituellement aux films de Norma Talmadge. Et pourtant on ne l'attendait pas vraiment sur ce terrain, mais Clarence Brown est vraiment l'homme de la situation, sa mise en scène enlevée réussissant à nous mettre à 100 % aux côtés d'une indécrottable peste, une jeune femme dont la passion n'a d'égale que la débrouillardise. On en vient bien sûr assez rapidement à deviner qu'elle parviendra à ses fins coûte que coûte, mais les moyens qu'elle utilise sont quand même assez impressionnants: un chantage au suicide (qui ne débouchera sur aucune tendance excessive au pathos, c'est remarquable) et surtout une fausse crise de catalepsie qui fait que la star va jouer toute la dernière bobine, contrainte et forcée, en poupée totalement immobile...

Le scénario est solide, signé de Hanns Kräly arrivé de Berlin dans les valises d'Ernst Lubitsch; les décors sont impressionnants par le soin qui leur a été prodigué; outre les deux stars, on a des performances de premier choix de Marc McDermott, Gertrude (la rivale en amour de Kiki) et même George K. Arthur qu'on a jamais connu aussi bon, et qui interprète le domestique Adolphe, devenu l'ennemi juré de Kiki une fois celle-ci installée dans la maison de son patron... Et le film est en prime constamment enthousiasmant, grâce à sa structure qui culmine dans la plus jubilatoire des comédies physiques.

 

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Published by François Massarelli - dans Norma Talmadge Clarence Brown Muet 1926 Comédie *
26 octobre 2020 1 26 /10 /octobre /2020 08:28

Jim Warren (H.B. Warner) est condamné à mort, et l'exécution est imminente... Un reporter vient l'interviewer, et lui pose la question qu'on lui pose depuis son arrestation: est-il vraiment coupable: l'homme ne répond pas, mais se souvient... Il remonte alors 20 ans en arrière: il était un malfrat, évadé de prison, en couple avec une jeune femme enceinte (Vera Reynolds), mais leur mariage était invalide pour des raisons administratives. Devant fuir, il l'avait laissée, et n'était retourné, traqué, que 6 ans après: la petite était née, et Norma s'était mariée avec Phil Powers (Rockliffe Fellows): manifestement un brave homme... Mais pouvait-on en être sûr?

L'essentiel du film se déroule encore quinze ans après, quand la petite Norma (A nouveau Vera Reynolds) est devenue une femme que Powers s'apprête à marier avec un jeune home bien sous tous rapports; le drame se noue dans la confrontation entre Warren, revenu après quinze ans d'absence, Powers et celle qui se croit sa fille. Un maître chanteur (Raymond Hatton) va précipiter le drame entre les trois personnages...

C'est un beau film, dans lequel Julian transcende la matière théâtrale en ayant recours à une forte stylisation, et il est aidé de façon impressionnante par la photographie de Peverell Marley, qui était à l'époque le principal chef-opérateur des productions de DeMille... A ce titre, on remarquera que les acteurs eux aussi sont de premier plan, à commencer par Warner qui était à l'époque sous contrat avec DeMille lui-même pour interpréter Jésus dans King of Kings... Donc contrairement à la plupart des productions DeMille qui n'avaient pas été tournées par le maître lui-même, ce Silence était une production importante. 

...D'où sans doute le job confié à Julian qui était quelle qu'ait été réellement sa contribution à The phantom of the opera, un nom de tout premier plan en raison du succès du film avec Chaney. Et comme avec the yankee clipper réalisé l'année suivante pour les films DeMille, on voit qu'il était bien un metteur en scène inspiré, pour autant qu'il ait le bon sujet. Cette intrigue bâtie sur des flash-backs, toute en tension avec la menace d'une exécution, ces intrigues aux rebondissements mélodramatiques, est passionnante. ...Et miraculée: une copie nitrate d'exportation (amputée de quelques passages et sous intrigues disponibles uniquement dans la version "domestique") a été retrouvée intacte à la cinémathèque française et présentée à San Francisco...

 

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Published by François Massarelli - dans Rupert Julian Cecil B. DeMille Muet 1926
5 septembre 2020 6 05 /09 /septembre /2020 08:51

Tout commence comme dans une comédie romantique des années 20, avec la dignité et les codes attendus: Tom Jones (Reginald Denny), comme son précédent littéraire, est un homme bien de son temps, mais il ne possède pas les signes extérieurs de la très bonne société. Il a pourtant conquis une riche héritière (Marion Nixon) avec laquelle il va se marier, un peu contre la désapprobation bougonne des parents... Un rival jaloux (William Austin), avec du sang bleu celui-là, suggère aux parents de s'intéresser à la moralité du fiancé avant qu'il ne soit trop tard...

Et c'est là que la comédie dérape vers le burlesque, sans crier gare... En effet, Jones EST irréprochable, mais pas son colocataire. Quand il rentre chez lui ce soir là, il organise en effet une partie illégale de poker, et... la police intervient, tout le monde doit donc s'échapper: poursuite, fuite, puis dissimulation: avec un compagnon d'infortune (un père de famille bien sous tous rapports mais qui a une passion secrète pour le jeu, interprété par Otis Harlan), Jones trouve refuge aux bains, le soir des dames, se déguise en femme, puis dans une aggravation de la situation, va finir par usurper l'identité d'un évêque : celui-là même qui est supposé officier au mariage... Pendant cette nuit agitée, la police trouve un pantalon qui incrimine le jeune homme!

Voilà qui promettait, et ce film très enlevé ne fait pas que promettre. Seiter adopte du début à la fin une réalisation efficace, élégante, mais qui n'a jamais peur des embardées. Le rythme s'accélère souvent, les acteurs sont impeccables, c'est un film comme on sait que Denny en a interprété des dizaines, mais son bonheur de l'interpréter et l'énergie qu'il dépense dans ce film, en gardant une bonne humeur assez britannique, est tout à fait communicative! Et toute la séquence autour du faux évêque est un bonheur. Zasu Pitts y est une domestique évaporée, c'est formidable...

 

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Published by François Massarelli - dans 1926 Muet Comédie Reginald Denny William Seiter **
2 septembre 2020 3 02 /09 /septembre /2020 18:35

M. Skinner gagne sa vie et alimente donc son mariage, mais il pense, et son épouse aussi, qu'il mérite largement une augmentation. La décision est prise, il va la demander... alors quand il revient sans l'avoir demandée, il n'a pas le coeur de le dire à son épouse qui a déjà une foule de choses à acheter avec les quarante dollars mensuels qu'elle attribue virtuellement à son mari, et celui-ci n'a pas le coeur de la contredire. Encore moins après avoir effectivement demandé et essuyé un échec, sans parler du licenciement qu'il n'avait lui-même pas vu venir...

Mais non, c'est bien une comédie, et une de ces nombreuses productions de la Universal qui obtenaient un franc succès, avec l'acteur Britannique Reginald Denny. Sa partenaire ici est Laura LaPlante, et une fois admis que son rôle correspond à des schémas totalement passés (l'épouse au foyer, maîtresse de maison, laissée à l'écart des questions financières), elle est formidable dans le film, d'autant que si bien sûr notre attention est fixée sur le point de vue de M. Skinner, elle a un rôle non négligeable. Donc elle est loin d'être autant une potiche que son rôle pourrait nous faire croire...

Ce qui est formidable dans ce film, devenu enfin un classique à force d'être projeté dans les festivals, c'est la qualité totale de la production, avec un script linéaire dont pas un détail ne dévie de la ligne fixée dès le départ, des personnages qui sont attachants au possible et surtout, avec le même terrain de jeu qu'un Lubitsch par exemple, un résultat complètement différent. Ni meilleur ni moins bon, rassurez-vous... Et le film épouse de façon assez convaincante la comédie d'embarras que Charley Chase pratiquait dans d'époustouflants courts métrages de chez Hal Roach à la même époque, avec un rien moins de gags visuels.

Mais il y a encore mieux: comme avec Harold Lloyd dans Hot Water, le film se situe en plein au coeur des préoccupations du quotidien des Américains des classes moyennes de 1925, ceux qui avaient enfin les moyens de se payer une voiture pour Lloyd, ou qui allaient peut être enfin y parvenir pour Denny et LaPlante. Bref, des gens qui étaient plus que des témoins de leur temps. Le titre du film, qui se focalise sur l'habit de soirée que Mme Skinner va acheter, mettant ainsi le ménage en danger, et qui de signe extérieur de richesse va devenir le symbole même de la spirale du mensonge, permet au film de symboliser pleinement aussi bien le jazz age, que l'importance de l'apparence dans les années 20.

 

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Published by François Massarelli - dans Reginald Denny Comédie 1926 Muet William Seiter
1 juin 2020 1 01 /06 /juin /2020 08:02

On devait beaucoup aimer John Gilbert à la MGM en 1926: le principal acteur de The Big Parade passe du statut de jeune premier à celui d'un acteur polymorphe, montreur de monstres dans The Show, artiste amoureux transi dans La Bohême, et enfin bretteur et séducteur énergique dans Bardelys...

Le Marquis de Bardelys (John Gilbert), surnommé Le magnifique en raison de ses succès auprès des dames, accepte un pari avec un rival, le louche comte de Chatellerault (Roy D'Arcy): sous l'arbitrage du roi Louis XIII, il va devoir séduire Mademoiselle de Lavedan (Eleanor Boardman), la très difficile à atteindre fille d'un opposant au Royaume. Mais Bardelys n'avait pas compté sur trois imprévus: d'une part il va usurper l'identité d'un homme mort dans ses bras pour approcher la belle, et cet homme étant un anti-Royaliste notoire cela va lui porter préjudice; Chatellerault, l'infâme, va profiter de la situation pour tenter de se débarrasser de lui; mais surtout, surtout, Christian de Bardelys va pour la première fois de sa vie tomber amoureux...

Après The big parade qui montrait l'étendue de son talent, de son importance et de ses capacités, Vidor avait accepté La Bohême à contrecoeur, et je pense que c'était le cas aussi pour ce film. Il fera d'ailleurs un clin d'oeil appuyé dans Show People, quand William Haines et Marion Davies seront partagés lors d'une projection-test de Bardelys au studio, elle pleurant et lui prenant de très haut ce qu'il appelle un "punk drama"... Mais après la tragédie que Lillian Gish n'entend absolument pas atténuer par un happy-end, au moins Bardelys est-il l'occasion de se détendre un peu, et de s'amuser. Un film de vacances presque, qui permettra au metteur en scène de passer à autre chose (The Crowd), et à l'acteur, du moins le croit-il, d'acquérir un peu de contrôle sur ses films futurs, voire de les mettre en scène... ce qui n'arrivera jamais.

On est mitigé, finalement, tant le pensum semble s'être transformé en plaisir pour tout le monde: John Gilbert se fait un peu passer pour Douglas Fairbanks avec des duels à l'épée, bien réglés; Eleanor Boardman assume avec aise (elle qui dira jusqu'à la fin de ses jours garder un souvenir maussade de son admirable prestation de The Crowd) un rôle classique de jeune femme à marier doublée d'une "damsel in distress"; Roy D'Arcy accomplit son art ultra codifié de villain mélodramatique à souhait en ressortant exactement la même partition que dans The merry widow, ce qui le rend automatiquement impossible à prendre au sérieux; et en filmant une évasion spectaculaire, Vidor a bien du se faire plaisir lui aussi...

Maintenant si tout ça c'est pour rire malgré le budget conséquent et le soin apporté à la pièce montée par la MGM (Ars gratia artis, disaient-ils...), la principale raison pour laquelle le film est précieux aujourd'hui, c'est sans aucun doute parce qu'il a été longtemps perdu avant d'être miraculeusement retrouvé, amputé d'une seule bobine. Enfin, perdu, c'est un bien grand mot: il a été détruit. En 1936, pour libérer des places sur ses étagères, la direction de la MGM a sélectionné quelques-uns de ses films muets, et celui-ci était en tête de liste. On ne devait décidément pas aimer beaucoup feu John Gilbert en 1936 à la Metro-Goldwyn-Mayer... Mais le fait d'avoir été découvert dans des circonstances improbables (en France, et confié à Lobster) lui donne un petit je-ne-sais-quoi que le film n'aurait jamais eu autrement.

 

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Published by François Massarelli - dans KIng Vidor 1926 Muet