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26 octobre 2023 4 26 /10 /octobre /2023 22:20

The unknown occupe une place à part dans le corpus de dix films réalisés par Tod Browning avec l'acteur Lon Chaney... Souvent cité comme étant le meilleur par beaucoup d'amateurs, il est sans aucun doute le plus troublant de leurs films, celui dans lequel l'acteur et le réalisateur font converger leurs univers à travers une thématique commune qui aura rarement été aussi riche en sens et en interprétations...

Lon Chaney, acteur à transformations, appréciait le défi représenté par la recréation du handicap, et avait à plusieurs reprises utilisé ses capacités de jeu pour la caractérisation de personnages comme Blizzard (The penalty, Wallace Worsley, 1920), amputé des deux jambes (Et tourné d'une hallucinante façon frontale), ou comme Dan, le faux infirme de The blackbird (Tod Browning, 1925), qui soumettait son corps à une impressionnante et dangereuse gymnastique pour faire croire qu'il était difforme...

De son côté, Browning était fasciné par le bizarre, certes, c'est souvent dit. Mais il était surtout issu du milieu du cirque, et avait transposé dans son univers cinématographique cette expérience, non seulement par des films situés dans ce monde-là (The unholy three, The mystic ou The show, pour s'en tenir à des films tournés avant The unknown), mais aussi en mettant souvent l'accent sur la mystification. Et son style en venait aussi: chez lui, on trouve peu de mouvements de caméra, peu de montage savant. Il lui importait d'installer une atmosphère par un décor approprié, et de demander aux acteurs de mettre en place la situation d'une manière aussi claire que possible. Les séquences reposaient ensuite beaucoup sur l'exposition de la scène à l'écran, avec une tendance justement à s'attarder, qui est surprenante aujourd'hui, par ce qu'elle enlève de rythme, mais qui est totalement inhérente à tout son cinéma (Ce qui donne parfois des résultats embarrassants, je pense à son adaptation ratée de Dracula en particulier). Mais surtout, Browning cherchait constamment à reproduire de lui-même vis-à-vis du public le bon vieux lien de mystification, en pointant le spectateur dans la mauvaise direction... 

Donc, un illusionniste qui aimait à créer de toutes pièces des univers décalés et situés aux frontières du convenable, et un acteur fasciné par la différence et qui cherchait par tous les moyens à la représenter au mieux, en faisant tout pour être convaincant, et même au-delà, à créer entre lui et son spectateur un lien émotionnel fort: ces deux-là étaient faits l'un pour l'autre...

Le défi de The Unknown était important pour l'acteur, dont la publicité de l'époque cachait qu'il avait été doublé. Rien de déshonorant pour lui pourtant: Chaney, fait-il le répéter, était un acteur, et son personnage d'homme qui fait croire qu'il n'a pas de bras, avant de prendre la décision de se faire amputer, est un exemple particulièrement significatif de son talent... l'intrigue est la suivante: Alonzo (Chaney), homme sans bras, est une attraction du cirque de Zanzi (Nick De Ruiz). Tous les soirs, il effectue avec ses pieds un numéro de lanceur de couteaux... Son assistante est la jolie Nanon (Joan Crawford), dont il est amoureux... Celle-ci est obsédée par l'insistance des hommes à vouloir la toucher, en particulier ce grand nigaud de Malabar (Norman Kerry), le costaud de la foire, qui revient à la charge en lui déclarant sa flamme tous les soirs: irritant, même si l'intention du bonhomme reste noble.

Le problème d'Alonzo, c'est qu'il a un secret: il a des bras, qu'il dissimule évidemment, et ceux-ci sont célèbres dans la police: car avec les deux pouces de sa main gauche, le bandit laisse des empreintes particulièrement reconnaissables. Si sa couverture (Il a un corset et utilise ses pieds avec la même dextérité qu'un authentique amputé) peut tenir un temps, comment pourrait-il devenir l'amant de Nanon? ...Surtout quand celle-ci surprend une silhouette mystérieuse qui étrangle son père, et possède deux pouces à la main gauche. Malgré les conseils de Cojo (John George), son ami et complice qui lui propose de prendre du champ, Alonzo s'entête et prend la décision la plus folle possible: se faire amputer, afin de définitivement détourner les soupçons, et de pouvoir conquérir Nanon. 

Avant son départ, Alonzo a une idée qui débouchera sur un désastre: il conseille à Malabar d'insister, espérant provoquer chez Nanon un dégoût plus intense encore... C'est bien sûr le contraire qui arrivera, car dans l'univers de Lon Chaney, l'amour est hors de portée. C'est l'un des ingrédients qui permettent à l'acteur de provoquer une forte sympathie de son public, assez paradoxalement: car Alonzo est une fieffée canaille, qui résout cette histoire dans une tentative sadique que je vous laisse découvrir par vous-même... Un acte qui, bien sûr, lui coûtera la vie. D'autres éléments visant à diaboliser le personnage ont disparu des copies actuelles (le film n'a survécu que dans une copie réduite à cinq bobines, dénichée dans les collections de la cinémathèque Française): le meurtre soit montré, soit fortement suggéré du médecin qui l'ampute, et la disparition plus que louche de Cojo, seul témoin survivant des actes criminels d'Alonzo... Mais ces actes avaient probablement été coupés avant la sortie de la version définitive.

Browning est à son aise dans ce film, situé dans son monde si particulier, fait de roulottes et de coulisses du cirque; les personnages y sont à la fois des illusionnistes, car une bonne partie du travail artistique du cirque repose sur le faire croire, et de véritables créatures d'un monde parallèle; comme dans la plupart de ses films de cirque, Browning nous montre des gens qui gardent leur identité en permanence: d'ailleurs, Malabar est toujours Malabar, avec le costume idoine. J'admets au passage que Norman Kerry n'est probablement pas la meilleure raison de voir le film... Et Chaney y trouve son personnage idéal, un infirme qui est à la fois un criminel, un escroc, un manipulateur et un amoureux éconduit. Sa prouesse est impressionnante, qu'il soit doublé (dans des plans travaillés au millimètre, puisque on le voit vivre avec les pieds d'un autre, sa doublure...), ou que l'illusion repose sur son jeu irréprochable. Et il joue, littéralement, sans les mains, donc avec son exceptionnel visage.

Pour finir, comment ne pas penser à l'interprétation la plus fréquemment associée à ce film, qui voit en The Unknown une métaphore à forte connotation sexuelle, faisant de Nanon une femme qui a été violée, et d'Alonzo, un homme qui pour la posséder va décider de se faire castrer. Il est vrai que si Malabar convoite Nanon sexuellement (Ce gros tas de muscles a un regard de collégien salace dès qu'il la voit), on peut s'interroger sur le lien qu'Alonzo cherche à établir. D'autant que Chaney joue ici un homme d'âge mur... Un tel scénario, impliquant une métaphore de la castration comme seule chance de se faire aimer est excessif, mais pas au regard de l'étrangeté de l'univers de l'acteur, et encore moins du réalisateur. Beaucoup, au sujet de ce film, veulent d'ailleurs voir un rapport avec la rumeur insistante selon laquelle Browning, dans l'accident de voiture dont il a été victime en 1915 (Qui coûta la vie à l'acteur Elmer Booth) aurait subi beaucoup plus qu'un traumatisme, et que son obsession de l'amputation, voire de l'impuissance, en viendraient en droite ligne. Spéculations, théories, qui ne font qu'ajouter au sordide... ou au fascinant. Ou aux deux... Tout ça pour dire que The unknown, en dépit de son air de ne pas y toucher, est un sacré morceau de l'univers de Browning. Enfin restitué dans une version qui rend justice à a progression, et au sens de l'atmosphère de son réalisateur: une copie plus complète du film ayant été retrouvée à Prague, on a enfin la possibilité de l'apprécier dans une version de six bobines plus proche (à 30m près!) de sa durée initiale...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Tod Browning Lon Chaney
24 septembre 2023 7 24 /09 /septembre /2023 16:02

La région de Boston, deuxième moitié du XIXe siècle. Dans une communauté de bord de mer, très rigoriste, Anson, un jeune homme rentre du séminaire, très attendu aussi bien par sa famille, qui ne sont pas du tout des gens qui se laissent aller à la fantaisie, que par sa fiancée... Il déçoit, quand toute la communauté le voit, débraillé, sur le bateau, manifestement heureux au milieu des marins... Mais ils seront encore plus décontenancés par son attitude lorsqu'un naufrage apportera sur le rivage une survivante, une femme qui tous identifient immédiatement comme une prostituée. Anson, en effet, retient des leçons de l'évangile qu'il faut secourir son prochain mais la communauté très pointilleuse ne veut pas le suivre. On commence à parler de lui refuser de devenir le prochain pasteur, et sa fiancée lui fait comprendre qu'elle désapprouve sa conduite...

En compagnie de la jeune femme qu'il a recueillie, il prend la mer... 

On identifiait clairement Lars Hanson, acteur Suédois flamboyant qui avait fait la traversée vers les Etats-Unis, aux personnages de prêtres et pasteurs tourmentés, qu'ils soient défroqués (Gösta Berlings Saga, de Mauritz Stiller, 1924), ou juste pêcheurs (The Scarlet letter, de Victor Sjöström, 1926)... La MGM, il est vrai, aimait à recourir au stéréotype, qu'on appelait typecasting... Mais l'acteur avait justement une intensité dans son jeu qui n'était pas que physique. Ce film est un peu dans cette catégorie de "véhicule" construit auour d'un personnage et de son interprète, mais il est plus qu'intéressant, d'abord parce qu'il ne se contente en rien de recaser une formule, ne ressemblant en rien aux films déjà cités, ou même à Flesh and the devil (sorti quelques mois plus tôt) de Clarence Brown, dans lequel Hanson jouait un rôle important aux côtés de John Gilbert et Greta Garbo. Hanson déploie de la plus belle façon son jeu de personnage en butte à l'intolérance de sa communauté, et partagé entre spassion spirituelle (symbolisée par la virginale Marceline Day) passions humaines (ici, c'est Pauline Starke, mais aussi Ernest Torrence dans un rôle anthologique de capitaine obsédé)...

Bess Morgan, la prostituée, est un personnage riche et passionnant. Quand elle est secourue, elle a déjà tout le poids d'une vie de rejet, et n'est pas avare de révélations: son bea-père l'a violée, elle a eu un enfant "heureusement qu'il est mort", dit-elle... Quand elle est menacée de consommation pure et simplepar le capitaine du bateau qui s'introduit dans sa chambre, elle lui signale qu'elle a le droit de disposer de son prore corps. Entre l'aspirant prêtre épris de tolérance et la fille perdue, une sorte de complicité presque platonique (leur affection commune ne sera pas consommée) s'établit, qui passe d'ailleurs par une scène dans laquelle le jeune homme, sans faire de chichis, la déshabille après qu'elle ait été secourue et la place dans son lit pour lui frictionner les pieds. C'est le regard concupiscent des autres qui transformera cet acte en une transgression... Une scène que Frank Borzage n'aurait pas dédaigné et je vous prie de le croire, c'est un compliment! Et la fin du film, qui voit le serviteur de dieu et des hommes veiller le corps mourant de celle qui est devenue son amie, est profindément poignant.

Cette histoire aussi suprenante que distrayante est mise en images par un vétéran qui n'a jamais a priori été beaucoup plus qu'un artisan, solide mais sans génie apparent. Ici, pourtant, il fait preuve de métier, et son film tourné avec énergie montre de beaux moments d'invention, tels une bagarre dans les cordages d'un bateau, des séquences situées dans les cellules d'un bateau-prison, et le comportement de Torrence, en capitaine violeur, donne lieu à d'inquiétantes scènes où la photo intensifie une atsmophère parfaitement rendue... Pauline Starke joue de son corps et de toute son énergie un personnage qui se tient à l'écart des filles perdues du cinéma muet Américain... Bref, c'est clairement une excellente surprise que ce film rare.

 

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Published by François Massarelli - dans Lars Hanson Muet 1927
18 décembre 2022 7 18 /12 /décembre /2022 13:40

Le petit Jackie Rabinowitz se fâche avec son père (Warner Oland), qui lui reproche de gâcher sa jeune voix en chantant du rag-time et du jazz; il faut dire qu'il est hazzan dans le ghetto, c'est-à-dire cantor ou chanteur à l'office religieux, et en tant que tel, très respecté... et très rigoureux sur les traditions! Après une bonne correction, le jeune garçon s'enfuit avec la complicité de sa mère (Eugenie Besserer)... Devenu adulte (Al Jolson), il chante et obtient un grand succès sous le nom de Jack Robin. Se réconciliera-t-il avec ses parents et sa culture?

Commençons par une mise au point: venant des Etats-Unis, le pays de Donald Trump et de Walt Disney, ce film qui a sauvé la Warner en 1927 a la réputation d'être le premier film parlant, et d'avoir inauguré la vogue de ce qu'on appellerait les Talkies, en opposition aux Movies, à savoir un cinéma populaire et 100% parlant et sonore... Sauf que The jazz singer n'est pas un film parlant, mais un film dans lequel on a utilisé la bande son pour des chansons synchronisées (environ une demi-heure du film y est consacrée), et de courts dialogues qui bout à bout n'excèdent pas 3 minutes... Le reste? Du cinéma muet: tourné sans besoin sonore et agrémenté ensuite au cours du montage, d'intertitres et de musique en boîte, la vocation première des productions Vitaphone étant de fournir aux cinémas des films avec de l'image ET une bande-son, permettant aux exploitants de se passer de la présence d'un orchestre. Le fait que ces trois minutes aient décidé de la suite des événements et poussé le public à en vouloir plus, n'empêche pas que ces quelques minutes de borborygmes en font, au mieux, un film hybride, à mi-chemin entre le muet (qui avait encore quelques beau jours devant lui) et le parlant (qui ne deviendrait majoritaire qu'en fin 1929)...

Sinon, le film est un mélodrame de facture assez classique, qui tient bien la route quand il n'est pas dominé par le chant de Jolson, ce dernier étant si vous voulez mon avis un abominable cabotin bien plus quand il chante du "jazz" (je mets les guillemets parce que je crois que je connais le jazz, et cette musique là n'en est absolument pas) que quand il joue... L'un des intérêts du film est de mettre en avant la culture Juive, ce que peu de films faisaient à l'époque des grands studios, dont les patrons, souvent des juifs fraîchement naturalisés, souhaitaient se fondre dans la masse. Mais le conflit du film, déguisé en un tragique combat entre père et fils, est bien le dilemme d'un homme entre son assimilation par le milieu du spectacle, et la tradition de s communauté. Un sujet là encore peu présent à cette époque, en particulier dans le cinéma Américain! Et Crosland, qui a bien mesuré l'enjeu du film, a pris la décision de planter ses caméras et ses acteurs dans les quartiers Juifs de New York, pour une poignée de scènes, avant de rentrer en Californie...

Quant à juger la performance sonore, on peut quand même dire que le système Vitaphone sur disques est assez efficace. Dommage qu'il ait fallu commencer par mettre en valeur la voix de Jolson, et ses chansons, qui sont toutes plus ou moins insupportables quand il les chante...

Et tout ça sans aucun mot sur le maquillage...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Alan Crosland
5 mai 2022 4 05 /05 /mai /2022 17:25

Un jeune étudiant (Walter Slezak) arrivé à Turin va rencontrer dans son immeuble une jeune couturière (Carmen Boni), dont il tombe amoureux. Mais Elena (Elena Sangro) une cliente de la maison de couture située dans l'immeuble, l'a vu et l'ajouterait volontiers à son tableau de chasse...

C'est la deuxième version de cette adaptation par Genina d'une pièce de Nino Oxilia, et celle de 1918, qui l'avait consacré, a sans doute gardé une grande importance pour lui. A l'instar de Sandberg qui refait en 1926 son film Le clown de 1917, le metteur en scène Italien a donc décidé d'y revenir, en tenant compte d'un certain nombre d'évolutions...

D'une part, en 1927, le cinéma Italien ne peut plus rivaliser avec les autres cinématographies, notamment Française, Allemande et surtout Américaine, et la production de cette deuxième version est donc internationale, avec Walter Slezak, acteur Germanophone (déjà vu dans Michael, de Dreyer, et promis à un bel avenir) dans le rôle principal.

D'autre part, si le premier film était une comédie sentimentale nostalgique d'une grande douceur, notamment à travers la délicatesse du jeu de Maria Jacobini, celui-ci prend en compte l'existence d'une comédie "moderne" aux Etats-Unis: on verra donc, l'espace d'un instant, les étudiants en pleine action: pas en train d'étudier, non, mais de se livrer à l'athlétisme, comme dans les comédies estudiantines Américaines... Et là où Maria Jacobini remplaçait la sophistication par son bon coeur et son sourire, Carmen Boni est grimée en flapper de la fin des années 20: chapeau cloche, cheveux courts, costumes stricts et cravates... elle contraste bien sûr avec sa rivale qui elle est une pure gravure de mode 1926.

Et puis, on est en 1927, donc le fascisme est là. En lieu et place des vues aérées de Turin, dans le premier film, ce deuxième effort nous montre les corps athlétiques des hommes en plein effort, et se permet dans une scène de train un gag raciste bien de son époque. C'est le dernier film Italien muet de son auteur, qui s'apprêtait à s'installer pour un temps à Paris... Pour le meilleur.

 

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Published by François Massarelli - dans 1927 Muet Augusto Genina
27 décembre 2021 1 27 /12 /décembre /2021 16:50

A Bruxelles, on s'apprête à fêter par un mariage l'alliance de deux brasseurs, Meulemeester et Beulemans: la fille de ce dernier, en effet, s'apprête à convoler en justes noces avec Séraphin, le fils du précédent... Sauf que Suzanne (Andrée Brabant) apprend que son fiancé (René Lefebvre) est déjà papa d'un Séraphin Junior, qu'il a eu en secret avec une jeune femme dot il est amoureux... Et comme elle aime bien le nouveau stagiaire (Parisien) de son papa, ça l'arrangerait bien d'annuler le mariage, mais il faut le faire sans faire de scandale...

Et ça, ce n'est pas facile en 1927.

C'est d'une comédie à énorme succès, créée en 1910), que ce film a été tiré, et d'emblée on va le dire: c'est inattendu, dans la mesure où cette pièce reposait justement sur... ses dialogues, et en particulier ses accents! Duvivier a pris le parti de respecter l'intrigue, et de la situer dans un Bruxelles qui est plus qu'authentique (tourné évidemment sur place, et sur ses marchés, avec de vrais Bruxellois ravis d'être de la partie), et d'en exagérer la gestuelle en lieu et place de l'accentuation ou de l'intonation, et le résultat lui donne raison. 

Ce n'est sans doute pas un Duvivier des grands jours (il est trop léger, voire trop optimiste pour ça!) mais c'est un film au caractère bien trempé, où les personnages vient sous nos yeux, et dans lequel le cinéaste affirme sa maîtrise du cadre, et de la direction d'acteurs, qu'ils soient un, deux, ou... cinquante, comme dans la scène fameuse entre toutes du concours de pipes. 

 

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Published by François Massarelli - dans Julien Duvivier Comédie Muet 1927
26 septembre 2021 7 26 /09 /septembre /2021 16:24

On célèbre à Los Angeles la création d'une branche aérienne de la LAPD... A cette occasion, les deux McDonnell sont honorés: l'un, le père Ralph Lewis), pour ses nombreuses années de service en Californie; l'autre, le fils (Neil Hamilton), qui va être le premier pilote de l'air à travailler pour la police. Ce dernier fait aussi la connaissance de la belle Gwen O'Day (Dorothy Gulliver), fille d'un joaillier.

Alors que la police s'intéresse de très près à la disparition de diamants de chez O'Day, qui leur fait soupçonner qu'il y ait un informateur des trafiquants chez le joaillier, le vieux O'Donnell apprend, le jour de son 65e anniversaire, qu'il lui faut prendre sa retraite. Mais il va être personnellement engagé pour effectuer des travaux de gardiennage et de surveillance nocturne dans l'immeuble où est situé le siège de la bijouterie. Pendant ce temps, les bandits, sous la direction du bras droit de O'Day, s'apprêtent à commettre une escroquerie de grande envergure...

Si on s'en tient au synopsis sous sa forme la plus simple, on pourrait dire "un jeune policier et son vétéran de père réussissent à contrecarrer les plans maléfiques d'une bande d'escrocs", et on voit bien qu'on est en plein mélodrame... Mais Johnson, d'une part, a à coeur de s'intéresser au sort des gens qui travaillent. C'est un thème de prédilection chez lui, qui était déjà au coeur de ses films indépendants, avant son arrivée à la Universal... Nous avons donc une bonne part des 63 minutes du film qui est consacrée à la douleur et au sentiment d'abandon du père qui doit dire adieu à sa carrière en quelques minutes... 

Et mélodrame oblige, on a aussi, grâce à l'enquête et ses ramifications, toute la panoplie du film policier, et on a même des cliffhangers internes et des fausses pistes pour faire se dresser les spectateurs sur leurs sièges, le tout relevé par une mise en scène impeccable, du suspense, une interprétation tout à fait solide, et un montage d'une grande précision! Les effets spéciaux nécessaires à l'utilisation de l'aviation dans l'intrigue sont très réussis, et on a ici l'un des premiers plans de l'histoire du cinéma (très probablement un effet spécial d'ailleurs) qui nous montre l'étrange parterre étoilé de Los Angeles by night, vu d'en haut... C'est sans aucun doute un petit film, mais en tant que tel, c'est aussi une grande réussite...

Et pour couronner le tout, ce film est aussi l'un des premiers de la filmographie de Thelma Todd, qui ne déçoit pas en fille de mauvaise vie qui a réussi à se faire engager come secrétaire chez le joaillier O'Day...

 

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Published by François Massarelli - dans 1927 Muet Emory Johnson
9 septembre 2021 4 09 /09 /septembre /2021 17:47

La vie, les amours contrariées, la souffrance, la surdité et la mort de Ludwig Van Beethoven, en 70 minutes...

Beethoven? Tout de suite, on pense soit à Gance, soit à Kubrick! Pas spécialement à Hans Otto Lowenstein, cinéaste à la fois Autrichien et méconnu. Par contre, Fritz Körtner en Ludwig Van, ça me paraissait être pertinent. Ca l'est. C'est, par contre, la seule chose, car...

Le film, fondamentalement, est un biopic sans saveur, sans apport vraiment pertinent. On se souviendra peut-être de quelques moments où le cinéaste prévoyant anticipait sur le bonnes idées des accompagnateurs musicaux de ses bobines, et pourquoi pas en effet? La même époque, Gance (encore lui!) faisait intervenir la musique dans son Napoléon, pourtant rigoureusement muet... Mais au-delà de Körtner, donc, point de salut dans ce film illustratif, lisse, dont le seul ingrédient mémorable est le visage torturé de l'un des acteurs les plus doués de l'écran Germano-muet...

Notons pour la bonne cause que le film, considéré comme totalement perdu, a été retrouvé dans une copie française pas forcément complète, et dotée de fort jolis intertitres.

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Published by François Massarelli - dans 1927 Muet
24 avril 2021 6 24 /04 /avril /2021 16:13

Lois Weber est l'une des pionnières et pionniers qui ont construit Hollywood, et tout a sans doute été trop vite: ses films, productions indépendantes, ont défrayé la chronique dans les années 10 à cause de (Où grâce à, c'est selon) leurs sujets polémiques (le contrôle des naissances dans l'étrange Where are my children), ou leur traitement osé (La présence d'une représentation symbolique de la Vérité sous le déguisement d'une femme nue, image récurrente qui a beaucoup fait pour le succès du film, dans Hypocrites). Les années 20 l'ont vue s'embarquer dans la production de semi-comédies ou de chroniques de la vie contemporaine, qui observaient avec subtilité la société Américaine, et on peut citer les films Too wise wives, ou The blot, qui font d'elle une cinéaste proche des frères DeMille... Donc pas n'importe qui, mais en prime une cinéaste dotée d'une vraie originalité et d'une thématique propre: à la fois observatrice et partie d'une société réformatrice inspirée des préceptes fondateurs du protestantisme, à la fois juge et partie de la société Américaine.

C'est de la fin précipitée de sa carrière qu'elle a réalisé ce film, pour Universal, qui lui a permis de continuer son oeuvre à sa guise... On y conte la rencontre inattendue entre un pasteur progressiste et pas encore marié (Raymond Bloomer), avec la plus scandaleuse de ses paroissiennes... potentielles (Billie Dove), car elle ne vient pas beaucoup à l'église. Ils vont tomber amoureux l'un de l'autre, mais elle va sacrifier cet amour, afin de le préserver... avant que la situation ne s'inverse pour elle lors d'une tempête qui la voit faire littéralement naufrage. 

D'un côté, Weber s'amuse à nous montrer une jeunesse qui tend à s'évader des préceptes religieux et chercher à jouir à tout prix de la liberté que leur confère un statut social élevé. Les principaux coupables sont le père Hagen (Un riche oisif interprété par Phillips Smalley, l'ex-mari de Weber) et sa fille Luena dite Egypt (Billie Dove). Le premier boit plus que de raison dans des bouges, et la deuxième va de fête en fête, de beuverie en beuverie, à la recherche de sensations fortes et faciles... 

Et pourtant...

La cible de Weber était probablement plus les vieilles commères de la paroisse que la belle flapper, qui est jouée à l'écart des clichés par Billie Dove. Cette dernière est la vedette en titre, et le principal atout du film, mais Weber enfonce souvent le clou d'une société plus préoccupée des apparences  que de ses valeurs. Dans ces conditions, la sceptique à la recherche du plaisir en lieu et place d'un sens à sa vie devient une proie facile pour ces gens qui passent du temps sur leur terrasse à épier les voisins. Et quand le pasteur commence à recevoir (en tout bien tout honneur pourtant) la pécheresse chez lui, on s'émeut et on lui envoie l'évêque! Bref, avec son intrusion dans une petite communauté qui entre avec réticences dans le XXe siècle, avec 27 années de retard, Lois Weber a encore une fois réalisé un film passionnant. Son avant-dernier film muet, et le dernier qu'on ait conservé, hélas... Enfin disponible chez Kino dans une version manifestement intégrale.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Lois Weber
31 janvier 2021 7 31 /01 /janvier /2021 15:48

Un marquis odieux (Georges Melchior) envoie un rival (Pierre Batcheff) en Afrique pour le faire tuer, mais là-bas, la belle Papitou (Josephine Baker) va empêcher le drame. Tombée amoureuse du bel André elle va essayer de le retrouver à Paris, sans savoir qu'il est déjà fiancé...

Quelle salade, comme on dit dans L'âge d'or... Et puis honnêtement, la seule motivation pour faire ce film, c'est Josephine. Alors elle est resplendissante, en fille métisse qui aura cru un instant que l'amour serait possible avec un blanc, mais qui fait contre mauvaise fortune bon coeur... Tout en tuant un homme, quand même! Etiévant  a gagné son brevet de réalisateur dans une fête foraine, il illustre avec la plus infecte platitude un conte exotique probablement filmé en forêt de Fontainebleau, il se tient à deux kilomètres de la scène pour filmer Josephine Baker qui danse... Oui, elle danse, mais elle a aussi, à elle toute seule, plus de subtilité et une plus grande gamme d'expressions, que tout le reste du casting réuni. Et en plus c'est Josephine Baker, donc elle est d'une ahurissante beauté.

Pas assez cependant pour nous faire avaler l'histoire lénifiante de la petite noire idiote, ni les intertitres à la syntaxe lourdement raciste ("moi bien aimer toi grand chef blanc") d'un film qui trahit bien les clichés racistes d'une époque...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927
9 janvier 2021 6 09 /01 /janvier /2021 11:00

Les deux frères Jean et Jérôme de Ners vivent ensemble, soudés par la mort de leur père. Ils sont très dissemblables: Jérôme (Edmond Van Daële) est médecin, il est l'aîné et c'est un homme sérieux et ombrageux. Jean (Nino Costantini) est papillonnant, et... amoureux. Un jour, il disparaît: il est parti vivre avec Mary (Suzy Pierson), une vie de plaisirs à l'écart des responsabilités. Mais la jeune femme le quitte pour un autre, un danseur en vogue (René Ferté), alors Jean décide de disparaître pour de bon...

C'est une fois devenu indépendant que Epstein a tourné ce genre de films, dont ceci est probablement le pire: un scénario vide, un montage incohérent, et quelques épices d'avant-garde (surimpressions, notamment) pour masquer le vide abyssal du script de la soeur Marie Epstein: deux frères, évidemment nobles, dont l'un va (horreur!) tomber amoureux d'une femme, qui sera forcément inconséquente et volage... C'est un lot de clichés dont le cinéma n'avait déjà pas grand chose à faire en 1920, alors sept années plus tard...

Une explication s'impose, pour finir, sur le titre étrange de ce long métrage: c'est tout simplement en millimètres, le ratio de la pellicule Kodak pour une photo. Voilà tout: car dans ce film, une photo est importante, si vous survivez jusqu'à la dernière bobine de ce film vide et prétentieux.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Jean Epstein Navets