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20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 17:08

Un peu d'histoire pour commencer...

La carrière de réalisateur de Sternberg a commencé avec The Salvation hunters (1925), un film que d'aucuns pourraient qualifier d'expérimental, voire d'amateur. Les "stars" en étaient George K. Arthur et Georgia Hale (The gold rush), ce qui explique peut-être le soutien de Chaplin: c'est par le biais de United Artists que le film est distribué nationalement. Le film conte les "mésaventures" de marginaux dans une zone portuaire, et permettra à Chaplin de proposer à Sternberg de démarrer une collaboration. Le film produit par Chaplin et mis en scène par Sternberg s'appelait The woman of the sea. Projeté une fois, jamais sorti, le film a-t-il déplu à son éminent producteur? Edna Purviance, tournant un film sans la direction de son mentor, a-t-elle déplu? Sterberg a-t-il déçu Chaplin? Le film a été détruit, devenant probablement un graal particulièrement important auprès de million de rêveurs... Echoué à la MGM, Sternberg aurait fini seul un seul film, The exquisite sinner... et encore, on parle de retakes effectuées par un tiers. En tout cas ce film d'aventures romantiques a déplu à la hiérarchie et entraîné le renvoi du metteur en scène de son film suivant, The masked bride... C'est donc à la Paramount que Sternberg va trouver un studio qui le laisse déployer sa vision. Il va aussi parfois être amené à travailler sur les films des autres: It, de Clarence Badger, par exemple, ou encore le montage de The honeymoon, deuxième partie de The wedding march... Mais le principal effet de son arrivée à la Paramount, c'est bien sur qu'il va être choisi pour tourner Underworld, qui s'annonce comme un film important pour le studio.

Le film conte les aventures d'un bandit, Bull Weed (George Bancroft) et la façon dont ses ennuis s'accumulent lorsqu'il prend sous son aile un ivrogne, rebaptisé "Rolls Royce" (Clive Brook). A son service, Rolls Royce est d'une fidélité inattaquable à son mentor, mais Bull ne peut s'empêcher d'être jaloux lorsque il voit que sa petite amie Feathers (Evelyn Brent) développe une amitié profonde avec son protégé. Et cette jalousie, par un enchaînement compliqué, va précipiter sa chute: suite à l'assassinat sauvage d'un autre gangster, Bull est condamné à mort. Rolls Royce et Feathers, partagés entre la fidélité à Bull et le fait de pouvoir enfin vivre leur idylle à l'air libre, vont-ils faire quoi que ce soit pour empêcher sa mort?

Ce qui est frappant dans Underworld, c'est la façon dont le metteur en scène semble opérer, cherchant à la fois des moyens abstraits de rentrer dans le vif de son intrigue, et des moyens de faire du sens avec ce qui normalement n'apparaît pas au premier plan. Une sorte de don absolu pour l'utilisation du détail, qui se manifeste dans chaque plan ou presque: par exemple, l'apparition de Feathers dans le film se fait en trois temps; dans la rue, la caméra s'amuse à suivre quelques chats errants qui fouillent dans les poubelles, puis s'attache à suivre un chat blanc, à l'allure nettement moins miteuse, qui va entrer dans un immeuble. On coupe ensuite vers un plan de Feathers, qui vient d'entrer dans l'immeuble en question, et vérifie sa tenue: ses bas, puis les plumes qu'elle porte à sa robe (D'où son surnom). Troisième plan: une plume s'est détachée et tombe au sous-sol, où elle est ramassée par "Rolls Royce" qui fait le ménage, et lève la tête pour voir d'où vient cette plume. Les deux futurs amants ne s'étaient pas encore rencontrés...

Le metteur en scène semble attaché à inventer toute une grammaire d'effets visuels, et utilise à merveille l'ombre et la lumière, la fumée aussi, et l'essentiel du film se tient, bien sûr, dans des scènes nocturnes. Sternberg, un peu à la façon d'un Michael Curtiz, mais sans doute avec un rien plus de subtilité, convoque les ombres de ses personnages pour composer des plans saisissants, à la fois irréalistes et hyper-efficaces. Il en use non seulement pour l'atmosphère, pour étendre le champ d'action de ses personnages, mais aussi pour jouer sur le suspense et la menace qui pèse sur ses héros. Surtout, le film ne s'aventure jamais dans le schéma habituel du bien et du mal, préférant jouer sur la notion de décence et de loyauté interne au code des gangsters, ainsi que sur le romantisme des personnages, dans un triangle amoureux qui jamais ne devient sordide...

Bref, Underworld, c'est l'invention du film de gangsters: Enorme succès, largement mérité, ce film est non pas l'ancêtre du film noir, il en est la naissance! Indispensable.

 

Underworld (Josef Von Sternberg, 1927)
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Published by François Massarelli - dans Josef Von Sternberg Muet Gangsters 1927 Criterion
19 février 2016 5 19 /02 /février /2016 17:41

On appréciera la différence entre le titre Espagnol et le titre Français, qui semble exploiter sans vergogne le succès contemporain d'un certain film Warner d'Alan Crosland... Mais pourtant, le film de Perojo n'a rien à voir. Pour commencer, l'acteur Français qui incarne un noir dans le film n'a pas eu besoin de se grimer, lui... Le sujet du film est, essentiellement la difficulté à se faire accepter pour un noir, y compris dans l'Europe compréhensive des années 20, et à faire oublier la couleur de peau. Comme le dit le protagoniste, pour être accepté quand on est noir, il fait être danseur ou boxeur...

Et pourtant le film est copieusement raciste. Si il y est clair que Peter est raffiné, qu'il est amoureux d'une blanche, qu'il est cultivé et fréquentable, il reste, au fond, un noir. S'il a toutes ces qualités, cela fait de lui, selon ses propres termes, un "blanc" à la peau noire! C'est, rappelons-le, une autre époque: Peter Wald (Raymond De Sarka) est un grand danseur venu des Amériques avec l'enviable réputation d'être le meilleur danseur de charleston du monde. A Madrid, il croise la route de la jeune Emma (Concha Piquer), constamment flanquée de son papa si admiratif qui est persuadé que la jeune femme est destinée à être une star. Wald, qui a beaucoup souffert pour s'imposer, prend la jeune femme sous son aile, et en peu de temps tombe amoureux d'elle. Emma, reconnaissante, ne peut pourtant pas se laisser aller à dire "oui" à un nègre... Sic. Pourtant la jeune femme va évoluer.

Je ne vais pas accabler le film, d'abord parce que c'est trop facile et que ça ne rimerait à rien. D'autant qu'à sa façon, Perojo avait dans l'idée de montrer qu'on pouvait être noir et "avoir une belle âme"; bon, afin de montrer ça, il nous est dit que Peter a "l'âme d'un blanc", donc on s'enfonce, mais encore une fois ça ne rimerait à rien de s'acharner! Le film est une restauration Lobster, qui a l'avantage de s'aventurer du côté de l'Espagne, dont Perojo était en cette période l'un des meilleurs cinéastes. Entre Paris et Madrid, il était devenu champion dans l'art de composer des co-productions, ce qui explique ici la présence, non seulement du danseur Raymond de Sarka, mais aussi d'Andrew Angelmann, connu pour sa tête impayable qui égaye un certain nombre de plans mémorables du Journal d'une fille perdue de Pabst. Quelles que soient les intentions de Perojo, et leur racisme explicite, le film est surtout un peu trop gnan-gnan, avec une histoire qui manque d'enjeu. Un ou deux moments de mise en scène surnagent, comme le moment durant lequel Peter tente (innocemment) de séduire Emma, et que celle-ci, à la fois fascinée et dégoûtée, s'évanouit! ou encore lorsque Peter, à la plage, regarde avec amour sa partenaire, avant de prendre une cigarette et d'apercevoir son reflet: instantanément, il devient triste... Pour le reste, pas de grandes avancées dans ce mélodrame.

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Published by François Massarelli - dans Espagne Muet 1927
21 août 2015 5 21 /08 /août /2015 08:50

C'est curieux, comme un film à la réputation peu engageante est parfois plus qu'une excellente surprise. Ce Gaucho est en effet considéré avec Don Q. son of Zorro de Donald Crisp comme le vilain petit canard dans la filmographie de Fairbanks, pour un certain nombre de raisons: il est trop vieux, ce qui se traduit par une baisse sensible de ses prestations physiques impressionnantes et de ses cascades; et il se répète depuis Robin Hood, ce qui est sans doute vrai puisqu'on sait qu'à toutes les époques de sa carrière, Fairbanks s'est reposé sur des formules pour composer ses histoires... Mais il y a une volonté ici, justement, de renouveler le canon en partant dans une nouvelle direction, sur au moins deux points: Fairbanks n'est plus le chevalier blanc incorruptible qui redresse les torts dans un monde binaire, pas plus qu'il n'est cet adolescent attardé qui découvre la beauté de l'amour et s'embarque dans un voyage initiatique (The Thief of Bagdad). Le Doug du Gaucho est passé par la délicieuse ambiguïté d'incarner dans The black pirate un prince mystérieux mais qui se comporte quand même comme un pirate certifié... Et du coup, ce nouveau film présente une nouvelle vision du monde, tout en permettant, une fois n'est pas coutume, à une actrice de jouer un rôle nettement plus conséquent que d'habitude.

En Argentine, une région entière est sous la coupe d'un gouverneur félon, Ruiz, interprété par Gustav Von Seyffertitz. Il règne sans partage et s'en met plein les poches, pendant que la population attend une opportunité de se révolter. Normalement, c'est ici que Douglas Fairbanks devrait intervenir et être le nouveau Robin de Bois de cette histoire, mais il n'en est rien... Parallèlement, une sous-intrigue religieuse se met en place. On apprend l'existence une anecdote, dans laquelle une jeune bergère a eu un accident, mais a été sauvée d'une mort certaine par une apparition de la vierge. Depuis le lieu de l'incident est devenu un lieu saint, gardé par la jeune femme devenue une sainte (Eve Southern) pour la population, et assistée dans sa tâche divine par un prêtre (Nigel de Brulier). Quand enfin Douglas Fairbanks arrive, c'est en hors-la-loi, une authentique mais sympathique canaille, et s'il dispute en effet à Ruiz sa mainmise sur la population, c'est pour pouvoir faire à son tour main basse sur les richesses locales...

A son arrivée, le "Gaucho" est accueilli par une population assez enthousiaste, le personnage, dont la tête est mise à prix, étant quand même un héros du folklore. En particulier, une jeune femme, serveuse dans une taverne, se jette dans ses bras, et va devenir immédiatement sa maîtresse, ce qui va poser problème lorsque le Gaucho va croiser la route de la belle "sainte", qu'il va convoiter à son tour. Le risque d'un combat de tigresses va planer sur le film, mais... La jeune femme du miracle n'est pas de cette eau-là. En revanche, le rôle jouée par Lupe Velez est impressionnant. Elle a une présence bien plus charnelle (C'est Lupe Velez, donc...) que les leading ladies habituelles des films de Fairbanks, et intervient de manière importante dans l'action... Voilà donc ce qui change: cette fois, ce n'est plus un monde binaire, divisé entre une situation de chaos qui nécessite une restauration du bien et/où de l'ordre, mais bien un univers plus complexe, dans lequel le personnage principal n'est pas enclin au bien, à la morale. Il va lui falloir apprendre l'altruisme et la dimension morale, et cela va se faire au gré d'une punition divine, infligée par un mendiant lépreux à l'égard duquel Doug aura fait preuve d'une réelle méchanceté. On le voit donc, l'acteur-producteur-scénariste (Sous le nom d'Elton Thomas, une fois de plus) a semble-t-il fait sa révolution culturelle... Son nouveau film est une fois de plus d'inspiration Chrétienne, certes, mais se départit enfin de cet esprit boy-scout manichéen qui transparaît derrière tant d 'entre eux.

Ce qui n'empêche pas le film de présenter des traits familiers, à travers une équipe toujours aussi soudée, et dirigée une fois de plus derrière le réalisateur (Un transfuge de chez Sennett, auteur notamment de l'excellent The extra Girl avec Mabel Normand) par Fairbanks. Nouveau venu, Tony Gaudio est le chef-opérateur qui fait des merveilles avec un noir et blanc profond, qui tranche bien sur avec le Technicolor du film précédent (Auquel Douglas Fairbanks, sans doute échaudé par le relatif échec commercial du film, na va hélas plus toucher...). Et une vision inattendue vient compléter le cameo discret de madame Fairbanks dans The black pirate, venue une fois de plus surveiller son mari volage sur un plateau où il pouvait côtoyer la pulpeuse miss Velez: Mary Pickford a en un effet un rôle, un vrai, mais non créditée: elle joue la vierge. Mais arrêtons de considérer ce film comme une oeuvre mineure, avec ses 96 minutes superbement structurées, The gaucho, qui sera un nouveau flop relatif, est loin d'être un Fairbanks de trop.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Douglas Fairbanks
4 août 2015 2 04 /08 /août /2015 18:25

Alan Crosland mérite mieux que le sort qui est actuellement le sien, celui d'une notule dans une histoire du cinéma qui en prime s'avère fausse: oui, il est bien le réalisateur de The jazz singer, sorti d'ailleurs quelques mois après ce film d'aventures, mais non, ce n'est pas un chef d'oeuvre, ni, bien sur, un film parlant: tout au plus un film muet et musical dans lequel on peut entendre une minute et cinquante secondes de dialogues... Et Crosland, après ça, a plus ou moins disparu des radars. Rappelons les faits: quand on fait appel à lui pour diriger les films de prestige de la Warner, Crosland est à la plus prestigieuse Paramount. Il réalise donc avec Don Juan un petit chef d'oeuvre d'exubérance, avec un John Barrymore qui semble avoir trouvé une nouvelle jeunesse. La mise en scène est splendide, et le film obtient un succès certain grâce à l'attraction de sa nouvelle technique de restitution du son: il est accompagné de musique enregistrée, parfaitement synchronisée. C'est le prélude au déferlement du cinéma sonore tel qu'il aura lieu deux ans plus tard. When a man loves, tourné et sorti un an plus tard, est la suite logique. Il s'agit d'une adaptation de Manon Lescaut, de l'Abbé Prévost.

Le film suit donc les aventures de Manon Lescaut et du chevalier Fabien Des Grieux, qui se sont rencontrés à la croisée des chemins, au moment où l'un s'apprêtait à entrer dans les ordres et l'autre au couvent. De quiproquo en coup de théâtre, de farce en attrape, et jusqu'au naufrage du navire qui les emmène aux Etats-Unis, le film déroule comme le faisait Don Juan le tapis rouge à une certaine amoralité joyeuse: c'est essentiellement pour des motifs égoïstes que Don Juan et Manon cherchent la liberté absolue, et leur amour fou leur fait provoquer des catastrophes dans lesquelles d'autres périront... On est loin du parcours de rédemption à la Fairbanks, par contre Barrymore, saute, se bat, virevolte, sans un temps mort. La photo de Byron Haskin est très belle, riche en texture, et les nombreuses scènes nocturnes sont fort réussies. Le scénario est du à Bess Meredyth, la future Mrs Curtiz, ce qui me fait émettre une hypothèse...

Crosland en avait encore pour un an avec ce statut particulier de metteur en scène de prestige à la WB, qu'il allait pourtant perdre: C'est à Lloyd Bacon qu'on confie l'important défi de tourner la suite logique de The Jazz Singer, The singing fool. Puis Curtiz, arrivé dans le but précis de réaliser des oeuvres ambitieuses, va hériter de Noah's ark, dont Dolores Costello, la vedette de When a man loves, mais aussi de Old San Francisco, un autre film de Crosland, sera l'héroïne. Et si Curtiz n'était pas venu, peut-être Crosland aurait-il pu continuer à tourner ses films extravagants, dont celui-ci est sans aucun dote possible l'un des meilleurs... La richesse de l'intrigue, le nombre impressionnant des figurants, la beauté des décors et la vitalité du montage, en font facilement un précurseur des Captain Blood, Sea Hawk, Robin Hood et autres chefs d'oeuvre... Haut la main.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Alan Crosland
16 avril 2015 4 16 /04 /avril /2015 16:45

Adapté d'une pièce de Alexander Brody, ce film Universal doit énormément à Boule de Suif, ce qui met d'une certaine façon Sloman dans un club qui avait aussi pour membres, excusez du peu, Kenji Mizoguchi dont l'un des premiers films parlants était une adaptation de la nouvelle de Maupassant, et John Ford, qui savait parfaitement de quelle source la nouvelle Stage to Lordburg était tirée, lorsqu'il travaillait à son film Stagecoach qui en était dérivé... Cette fois, l'histoire est celle d'un petit village frontalier dans l'Autriche de 1914, à l'intérieur duquel s'est installée une forte communauté Juive, dont beaucoup viennent de Russie dont ils ont fui les pogroms orchestrés par les soldats Cosaques. Le rabbin Lyon (Nigel De Brulier) et sa fille Lea (Mary Philbin) y vivent heureux en attendant un possible mariage de la jeune femme, une vraie forte tête. Celle-ci fait la rencontre inopinée d'un bel homme, Constantin (Ivan Mosjoukine), un Russe qui s'est aventuré loin de ses frontières pour chasser. Le Rabbin interdit à Constantin de s'approcher de sa fille, mais celui-ci revient à la faveur de la guerre, et va brièvement occuper le village avec ses Cosaques. Désireux de séduire la jeune femme, il lance un ultimatum à la population: il brûlera le village et ses habitants, à moins que Lea n'accepte de passer la nuit avec lui... La population fait pression sur la jeune femme et son père.

Largement oublié aujourd'hui, Surrender doit essentiellement sa relative notoriété à la présence de Mosjoukine, dont c'était l'unique incursion dans le cinéma Américain. Un accord de distribution qui se voulait un début de contrat avait été trouvé auprès de la Universal pour Michel Strogoff (Victor Tourjanski, 1926) et le studio espérait lancer la star avec les aventures du courrier du tsar... Mais le public n'a pas accroché. Mosjoukine est donc ici traité en invité de luxe, et son crédit vient en deuxième position après celui de Mary Philbin, qui interprète Lea. Le rôle de Constantin est un mélange entre le jeune Mosjoukine un peu rêveur du Brasier ardent, et ses rôles plus flamboyants de soldats Russes au temps du cinéma Tsariste (La dame de pique, de Protazanov, 1916). Mais surtout, il est clairement identifié comme un homme plutôt bon, ce qui tend à contredire son rôle dans des pogroms, évoqué sans aucune retenue au début du film. Pourtant, au moment de tirer sur un écureuil lors d'une partie de chasse, il abaisse son fusil... C'est un affadissement assez difficile à accepter, mais ça permet au moins au jeune homme de pouvoir conquérir le coeur de la jeune femme.

Mary Philbin, auréolée des succès de The merry-go-round (Rupert Julian et Eric Von Stroheim, 1923), et de The phantom of the opera (Rupert Julian et Edward Sedgwick, 1925) est donc la star du film, mais un autre aspect me semble prendre de la place, et ce n'est pas rien: Edward Sloman était, à la Universal dans les années 20, un metteur en scène spécialisé dans des histoires qui mettaient en scène des Juifs de tous horizons, montrés avec une certaine tendresse par l'un d'entre eux, qui avait à coeur de combler un vide assez embarrassant pour une industrie dans laquelle les Juifs avaient pourtant tant d'importance. Un grand nombre de ses films ont disparu, mais celui-ci a toujours été disponible, heureusement. Si l'anecdote de Boule de suif telle que l'a traitée le film ne tient pas forcément la route en raison de la sympathie naturelle que le public ne peut que ressentir à l'égard de Mosjoukine, ou de la médiocrité terrifiante de l'actrice principale (Mary Philbin était objectivement nullissime), la façon dont Sloman nous montre le village, avec ses acteurs Juifs ou non (Nigel de Brulier avait du jouer tous les religieux, de Richelieu de Don Frollo, à des sages Indiens, il était normal qu'un jour ou l'autre il joue un rabbin!), la chaleur et la vie dégagée par la caméra de Gilbert Warrenton, et le rythme sûr du film, dont parfois les intertitres disparaissent au profit de textes intégrés dans les plans, ce qui a un effet dynamique, nous donnent une solide envie d'en voir plus! Quant à Mosjoukine, peu enclin à jouer les seconds couteaux, il prit la décision de retourner en Europe.

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Published by François Massarelli - dans Muet Ivan Mosjoukine 1927
14 avril 2015 2 14 /04 /avril /2015 09:37

Au milieu du XIXe siècle, un capitaine Américain (William Boyd) reçoit la mission d'aller chercher du thé à convoyer vers les Etats-Unis, et du même coup va être amené à entrer en compétition avec un bateau Anglais: le Lord of the isles a été conçu précisément pour permettre à la reine Victoria (Julia Faye) de réaffirmer la souveraineté naturelle de l'empire britannique sur les eaux mondiales. En acceptant le défi, le capitaine prend un gros risque: son Yankee Clipper est de conception nouvelle, peut-il résister aux conditions difficiles dans lesquelles il va courir? Parallèlement, une jeune Anglaise (Elinor Fair) doit se marier avec un lord véreux (John Miljan), mais par une coïncidence malencontreuse les deux futurs époux se retrouvent coincés sur le Clipper, et le capitaine n'est pas indifférent à la jeune femme, d'autant qu'il sait que son promis est un moins-que-rien...

Deux beaux voiliers, une course amicale, un capitaine flamboyant, un enjeu sentimental, et bien sur une tempête: comment voulez-vous que ça échoue? Mais le doute est permis: on est en 1927, et l'heure est plutôt au film d'art qui rivalise de prouesses photographiques qu'au film d'aventures... Pourtant le film fait mouche, grâce à un refus de trop se prendre au sérieux. A la base, DeMille avait monté cette production pour en effectuer lui-même la réalisation, mais accaparé par d'autres projets (Nommément, The king of Kings, certainement son film le plus ambitieux jusqu'alors) a finalement choisi d'en livrer clés en mains la direction à un réalisateur chevronné sinon génial, ce brave Rupert Julian. Et celui-ci, débarrassant ses huit bobines de tous les excès qui en auraient fait un DeMille picture, se concentre sur l'essentiel: il tourne une dose raisonnable du film dans des conditions proches de l'histoire, donne à voir une Chine certes de pacotille, mais suffisamment crédible pour le coup, et joue sans exagérer la carte du mousse pittoresque (Jackie Coghlan, sur lequel l'ombre d'un autre Jackie passe parfois...), qui lui permet de dégonfler un peu la baudruche de capitaine interprété tous yeux bleus et toutes bouclettes dehors par Boyd. Le film acquiert de l'humour, garde toute son énergie, et la tempête promise vaut le détour! On attendait pas Julian aussi à l'aise sur ce terrain, même aussi à l'aise tout court, c'est donc une bonne surprise...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Cecil B. DeMille Rupert Julian
11 avril 2015 6 11 /04 /avril /2015 18:03

Un homme sur le point de se marier détruit par mégarde le chapeau de paille d'une dame. Celle-ci avait en effet posé son couvre-chef sur un buisson le temps d'aller se faire lutiner dans les fourrés par un beau militaire, et notre héros (C'est Albert Préjean) n'a pu empêcher son cheval de croquer le rebord... C'est le point de départ pour le futur marié, Jules Fadinard, d'une rude journée! Nous sommes en 1895, et le beau militaire dont il était question est du genre plutôt ombrageux, il lui semble important de sauver l'honneur de sa belle, qui est bien sûr mariée à un autre, et cet autre aura sans doute à coeur de demander des explications quant à l'état du chapeau. Fadinard va donc devoir, d'une part, se marier, et de l'autre récupérer un chapeau similaire afin d'éteindre l'incendie, et de calmer le lieutenant Tavernier, qui menace de tout casser chez lui... Littéralement. La noce se déroule donc pour Fadinard dans une ambiance particulière, le temps presse, et le moindre détail peut faire basculer la situation...

Après La Proie du Vent, Clair a trouvé la perle rare: une adaptation de la pièce d'Eugène labiche, mais au lieu de la situer en 1851, il a l'idée de la transposer en 1895, créant ainsi une possibilité d'hommage au cinéma. Et ce film, de fait regorge d'idées visuelles fantastiques! Le metteur en scène ne se contente pas de filmer la pièce, et suit ses personnages dans tous leurs périples, tout en démultipliant l'espace filmique par le recours au point de vue de son héros. Nous avons vu, nous, l'incident initial, situé en pleine nature. Mais lorsque Fadinard le raconte, il devient un film-farce de 1905, tourné en décor peint avec les acteurs qui gesticulent comme dans les films Pathé de Ferdinand Zecca... Lors du bal de mariage, Fadinard sourit à qui veut bien le regarder, mais il passe son temps à imaginer les dégâts commis par le lieutenant dans son appartement. et Clair s'amuse avec la cadence de défilement des images, les meubles sortant au ralenti, jetés par un lieutenant Tavernier qui lui gesticule à toute vitesse!

Et durant tout ce temps, chaque acteur a un vrai rôle, certains étant prisonniers d'un petit détail, un problème de cravate, des chaussures trop petites ou trop grandes... tous vont porter ce problème jusqu'au bout, dans une narration qui passe sans effort du premier plan (Fadinard et les risques qu'il prend pour sauver la réputation et ses meubles!) au second (Les invités qui s'imbibent, le beau-père et ses chaussures trop petites, l'invité qui a perdu son gant, le mari de la femme adultère, joué avec génie par Jim Gérald).

La réussite de ce film, l'un des meilleurs jamais réalisés à la firme Albatros, et l'un des deux meilleurs films de René Clair qui à mon sens aura tout dit à l'arrivée du parlant 3 ans après, me fait immanquablement penser à l'univers d'Hal Roach, et en particulier aux courts métrages interprétés par Charley Chase, auquel d'ailleurs Préjean fait physiquement penser: il a aussi le même souci de respectabilité, pris comme argent comptant, et y est aux prises avec les aléas d'une situation qui n'en finit pas d'être embarrassante. On n'aurait pas cru que le théâtre de boulevard puisse donner naissance à une telle merveille, éminemment cinématographique.

 

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Published by François Massarelli - dans René Clair Albatros Muet 1927
18 février 2015 3 18 /02 /février /2015 17:43

Ce film présente les mésaventures fort drôlatiques, étonnantes et pleine de rebondissements du chevalier Giacomo Casanova de Seingalt, dont on se demanderait volontiers où il acquit son titre sinon dans les boudoirs, chambres, lits et sofas les plus aristocratiques, tant la polissonnerie lui tient au corps. Nous suivons le chevalier de Venise à St-Petersbourg, puis de retour à Venise, fuyant en permanence les hommes de bien et les hommes de loi dont il a généralement lutiné les épouses à moins qu'elles soient encore en train d'attendre leur tour légitime. La République de Venise s'acharne sur lui, et il va tour à tour s'improviser magicien pour y échapper, se faire passer pour précepteur auprès, s'il vous plait, de la Grande Catherine de Russie, sauver des orphelines en danger, se faire arrêter, condamner à mort, et s'évader, non sans continuellement s'arrêter en route pour contempler quelque minois de passage...

Ivan Mosjoukine a constamment fui lui aussi, la Russie communiste d'abord, puis la compagnie Albatros dont il était la vedette principale pour conquérir son indépendance artistique et financière, mais ce n'est pas tout: si on ne va parler de l'affaire Romain Gary ici, a aussi du séduire bon nombre de femmes!

Mais l'identification n'est pourtant pas totale entre le maitre d'oeuvre-acteur-scénariste Mosjoukine et le picaresque chevalier. Mosjoukine se sert de la figure légendaire pour installer son image de Douglas Fairbanks à la Franco-russe, bondissant et triomphant de l'adversité sans jamais s'arrêter. Et le film est une fête visuelle permanente, à la rigueur cinématographique d'autant plus étonnante que le scénario joue volontiers la carte parodique. La mise en scène, donc, due au complice Alexandre Volkoff, quasiment venu en France dans les bagages de la star, et qui va constamment donner de l'ampleur, dans un luxe impressionnant, à la reconstitution extravagante du passé; et Mosjoukine (qui était aussi metteur en scène, et l'avait prouvé en France avec deux splendides films, L'enfant du carnaval et La brasier ardent) n'est pas e reste, décidant lui aussi de participer à la fête qui consiste à ce que chaque plan, sans exception, ait quelque chose qui le rende spécial. Et quand Mosjoukine est dans le champ... il se débrouille toujours pour que ce soit lui qui soit spécial. Il me fait penser non seulement à Fairbanks, mais aussi et surtout (particulièrement dans ce film) à Chaplin, comme dans une scène où il se fait arrêter. Les deux gardes qui doivent l'escorter en prison tournent les talons mais pas lui. Quand ce petit monde avance, il va dans le sens opposé à ses gardiens, le genre de méprise typique de Chaplin... Qu'il va ensuite compléter en les rejoignant d'une façon inimitable, et on ne voit finalement que lui!

La distribution est bien sûr dominée par Mosjoukine, mais il sait s'entourer: on trouve dans le rôle de Catherine la grande Suzanne Bianchetti, préposée aux rôles de reines et d'impératrice. On en peut pas passer sous silence la superbe composition totalement siphonnée de Rudolph Klein-Rogge qui joue son mari, le Tsar Pierre III de Russie, une composition burlesque assez inattendue pour les habitués de ses rôles chez Fritz Lang: oui, il était aussi bien l'ingénieur fou Rotwang dans Metropolis que le Dr Mabuse du film du même nom... Volkoff, complice fréquent de Mosjoukine qu'il a accompagné depuis la Russie jusque à l'Albatros, et l'a ensuite suivi dans sa quête d'indépendance, joue à fond la carte de la grande classe, dans une superproduction dispendieuse dont le luxe est impressionnant, mais sert la carte de l'ode à la joie de vivre, incarnée à travers Mosjoukine par le jouisseur Casanova.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Ivan Mosjoukine 1927
21 octobre 2014 2 21 /10 /octobre /2014 17:58

Restauré par le BFI, dont les techniciens ont fait ce qu'ils ont pu avec les pauvres copies en 16 mm qui restent de ce film, Easy virtue est l'un des films mal-aimés d'Hitchcock, et je ne parle même pas du public ici, mais bien du maître lui-même... Cinquième réalisation après The pleasure garden, The mountain eagle, g>The Lodger et Downhill, le film est une adaptation d'une pièce de Noel Coward, donc dès le départ un type de sujet qui n'attirait pas vraiment l'auteur, déireux de poursuivre la voie policière engagée avec The lodger en 1926; il conte les mésaventures d'une femme lâchée dans la jungle de la haute société Britannique après le scandale retentissant de son divorce: à l'instigation de son mari alcoolique et brutal, elle avait posé pour un peintre qui se confondait d'amour pour elle, s'était suicidé et lui avait légué sa fortune. Suite à la publicité malencontreuse autour de cette affaire, Larita Filton décide donc de changer de nom et d'horizon, et part se dorer la pilule sur la Côte d'Azur, ou elle ne tarde pas à rencontrer le grand amour en la personne d'un Anglais jeune, riche, beau, et célibataire. Ils se marient, et rentrent en Angleterre, où il sera bien difficile à Larita Filton (Isabel Jeans) d'affronter les effets pervers de la résurgence du passé.

Pas de crime ici, pas d'enquête: juste une culpabilité affichée, stigmatisante, pour une femme qui n'a rien fait que d'être désirée. Bien sur, on comprend ce qui a pu rebuter HItchcock a posteriori dans ce film (Ainsi que dans d'autres oeuvres Anglaises qui l'embarrassaient à la fin de sa vie): cette impression d'insularité, d'impossibilité pour le film d'avoir un sens réel à l'exterieur d'un contexte Britannique, est gênante comme l'est du reste souvent toute intrigue mélodramatique. Mais Larita est coupable aux yeux de la société, d'avoir inspiré le divorce, et de ne pouvoir faire rien d'autre que de provoquer à la fois désir et méfiance chez les hommes... Hitchcock, tout en remplissant son contrat (Le film est donc un mélodrame froid sans humour, situé en partie sur les rives ensoleillées de la méditerranée), offre quelques séquences personnelles, dont celle du procès qui ouvre le film, dans laquelle le cinéaste s'amuse à mélanger le temps présent et les flash-backs en cadrant sur un objet, en rebondissant sur une idée. Comme d'habitude, il sait à merveille inspirer chez le spectateur l'impression de palper la culpabilité, qu'elle soit réelle ou ressentie... Et il réussit une courte scène sur une idée géniale: une déclaration d'amour au téléphone nous est livrée par les réactions d'une belle standardiste qui entend toute la conversation. Nous savons ce qui se dit grâce à ses impressions qu'il nous suffit de lire sur son visage. Une belle idée, donc, et quelques minutes à sauver. C'est bien peu pour un film, mais c'est bien plus que ce que je sauverais de The Skin game ou de Juno and the paycock... Signalons par ailleurs que le film a fait l'objet d'un remake en 2008.

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet 1927
23 août 2014 6 23 /08 /août /2014 17:02

A la fin des années 10, le chaos de la Révolution menace en Crimée. Ce qui ne fait pas vraiment les affaires du diplomate Français Alfred Ney, chargé par son gouvernement d'observer la siuation dans les pays proches de la Russie. Ca n'arrange pas non plus sa fille Jeanne, qui a rencontré à la faveur des événements un jeune Bolshevik, Andreas, dont elle est tombée amoureuse: elle ne se sent pas prête à quitter le pays et l'abandonner... Lors d'une confrontation entre le vieux politicien et des Révolutionnaires, Alfred est tué. Jeanne quitte le pays, et se réfugie chez son oncle Raymond, un détective qui habite à Paris, avec sa fille aveugle Gabrielle. Andreas ne tarde pas à se retrouver à paris où il a pour mission de participer à l'effort d'exportation de la Révolution, tandis qu'un aventurier contre-révolutionnaire, meurtrier et obsédé sexuel (!), Khalibiev, va lui aussi croiser la destinée de nos héros....

A une époque où il lui faut tout essayer, Pabst, auréolé du succès de La rue sans joie, s'essaye après un curieux exercice de style consacré à la psychanalyse (Les secrets d'une âme , 1926) à un film international... à tous points de vue: interprétation Franco-Allemande (Edith Jéhanne, l'excellent vedette du film, a été révélée par Raymond Bernard en 1924 dans Le Miracle des Loups, et est ici opposée au génial Fritz Rasp, l'inoubliable "homme maigre" de Metropolis), mais aussi le style, hérité à la fois des mélos Français, des films d'aventure Américains, et des films soviétiques dont il reprend l'urgence du montage dans quelques passages-clé, sans jamais forcer la dose. Il fait ses gammes, avec un certain plaisir, tant le film n'est pas à prendre trop au sérieux. A part dans l'hypothèse d'une tentative de la part de Pabst de détourner les regards des spectateurs des odieux Bolcheviks: ici, Andreas et ses copains (On reconnaît Sokoloff, u habitué des films du maître) n'ont rien des assassins au couteau entre les dents habituellement représentés dans le cinéma bourgeois. On retrouve toutefois souvent le petit monde inquiétant et nocturne de Pabst, sa peinture ambigue de la prostitution dont Khalibiev en est un consommateur régulier et la façon dont il fait intervenir la mort et le crime dans la vie quotidienne.

A ce titre, Fritz Rasp a un rôle de choix, séducteur cynique d'une jeune aveugle (Brigitte Helm) qui lui tient vertueusement la main tandis qu'il profite de son handicap pour tripoter sa cousine! Et une scène noire nous montre la jeune femme non-voyante qui trouve le cadavre encore chaud de son père, filmée au plus près des gestes de la jeune actrice.

Au final, dans ce film de transition, qui sera suivi lui aussi d'une oeuvre imparfaite (Crise) porte quand même en germe des aspects des films les plus noirs et les plus beaux (Die Büchse der Pandora - Loulou, puis Das tagebuch einer Verlorenen - Le journal d'une fille perdue) de Pabst, tout en apportant avec lui de beaux restes de la fête naturalise qu'était le sublime La rue sans joie. Et c'est un régal constant, aux péripéties qui se succèdent à cent à l'heure, et...

Fritz Rasp!!

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Published by François Massarelli - dans Georg Wilhelm Pabst Muet 1927