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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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30 décembre 2024 1 30 /12 /décembre /2024 14:04

Les services secrets sont en émoi: des agents ont disparu lors de diverses missions en Afrique, en enquêtant sur les agissements de trafiquants qui occupent un temple situé en pleine jungle impénétrable... Un temple qui, dit-on, recèle aussi l'accès à un mythique trésor, mais qui semble gardé par toute une ménagerie (Lions, singes, dinosaures, et Boris Karloff!). On demande donc à un as, Trent (Walter Miller), de se rendre sur place et de régler le problème. Ce qu'il fait, mais... il n'est pas le seul à s'intéresser à ce temple, puisque la belle Diana Martin (Jacqueline Logan) y cherche son père...

Quelle salade, pensez-vous probablement. Mais ce que vous ne savez peut-être pas, c'est que le film est en prime un serial en dix épisodes, qui me semble plus que de coutume faire du sur-place de manière systématique. C'est un film qui a un titre de gloire et un seul: celui d'avoir été le premier serial Américain sonore (grâce à l'introduction parfois forcée du son, à travers des scènes dialoguées, souvent redondantes, dans chacun des dix épisodes... Pour le reste, c'est du muet.

Totalement insipide, l'intrigue n'a aucun sens ni aucune cohérence, et les épices (attaques de fauves, répétitives, dinosaure en carton, et gorille qui est probablement Charles Gemora en peau de bête, comme d'habitude) semblent avoir été saupoudrées de manière à structurer un film sans vrai enjeu. Le seul vrai intérêt, c'est sans doute de présenter Boris Karloff avant Frankenstein... Voici en tout cas ce que faisait Richard Thorpe avant de devenir le réalisateur à tout faire de la MGM...

 

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Published by François Massarelli - dans 1929 ** Muet
7 décembre 2024 6 07 /12 /décembre /2024 15:36

Film typique de ce que Michel Chion a appelé l'inter-rêgne entre le muet et le parlant, The younger generation est hybride, majoritairement muet avec quatre séquences parlantes qui ne doivent pas totaliser plus de vingt minutes. Adapté d'une pièce de Fannie Hurst, l'auteur de Humoresque, qui fut un gros succès pour Frank Borzage en 1920, le film est tout comme celui de 1920 l'une des rares incursions de Hollywood dans la communauté Juive, et le film ne ménage pas sa tendresse. Premier acteur cité au générique, Jean Hersholt y interprète Julius Goldfish, un marchand du Lower East Side, dont la maison brûle à cause de l'animosité de son fils Morris pour son voisin Eddie Lesser, qui est très proche de la soeur de Morris, Birdie. 

Morris, qui travaille, va faire preuve d'esprit d'initiative, et la famille va grâce à lui gravir les échelons. Les années passent, et les Goldfish sont désormais une famille huppée sur la 5e avenue, dont le chef est Morris (Ricardo Cortez). Outre Julius et son épouse (Rosa Rosanova), la fille est interprétée par Lina Basquette, la "Godless girl" de DeMille l'année précédente. comme dans le ghetto, la famille fonctionne selon une division très claire: la mère est toute entière dévouée à son fils, mais le père et la file sont plus proches l'un de l'autre. Morris se comporte en dictateur, imposant des règles en fonction de son désir d'avancer en société. il intedit à son père tous ses plaisirs, revoir ses amis, voire se montrer dans son ancien quartier. Pire, il interdit à Birdie de revoir son amoureux Eddie Lesser (Rex Lease). Et lorsque celui-ci fait de la prison pour avoir été complice d'un cambriolage, Morris chasse Birdie...

Le héros semble être Julius, et la verve de Hersholt attire beaucoup l'attention, mais le titre est aussi suffisamment explicite. Le film nous conte, à travers les parcours très différents de Birdie et Ed d'une coté, et de Morris de l'autre, épris de respectabilité et de réussite au point de se renier, la difficulté à se situer des enfants d'immigrés Juifs qui sont nés Américains. L'émancipation pour Birdie passe par un respect affectif de ses parents, mais pour Morris, elle doit passer par le gommage de toutes les aspérités. Celui qui souffre le plus de cette volonté de mentir sur ses origines (symbolisée d'ailleurs par un mensonge explicite dans le film, lorsque Morris renie ses parents face à eux, dans une scène d'une grande cruauté), c'est bien sûr Julius: il y a un peu de Mr deeds au début, lorsqu'il se réveile et ne parvient pas à adapter son bon sens à de nouvelles habitudes luxueuses que voudrait lui faire prendre son fils. Une scène dans laquelle la tendresse de Capra et Hersholt à l'égard du personnage est évidente, le voit tenter de blaguer avec le majordome, et sourire lorsqu'un livreur le suit dans sa tentative d'humour. Ces quelques secondes de complicité sont l'une des rares ocasions pour le vieil homme de rire, il s'en plaint, d'ailleurs, et va littéralement décliner lorsque Birdie sera chassée. On le voit, seul dans une pièce, se plaindre des persiennes qui lui cachent le soleil.  Ricardo Cortez a le rôle délicat d'assumer d'être le méchant du film. Il est raide, sec, mais à la fin, lorsqu'une fois sa famille partie le riche Morris s'assied dans un fauteuil, les persiennes dessinent une ombre sur son visage: son père lui a légué son malheur... Son assimilation est peut-être réussie, mais il a raté tout le reste...

Les scènes muettes sont les meilleurs moments du film, ce qui n'est pas une surprise, le rythme des dialogues étant typiquement lent, comme c'était la règle en 1929. La première bobine en particulier, celle qui se termine par l'incendie, est typique du talent technique de Capra, très à l'aise dans la description du quartier, et la l'exposition des personnages. Mais si les scènes parlantes sont moins intéressantes, Capra a fait des efforts pour maintenir un montage assez fluide, et ne pas laisser le dialogue faire la pluie et le beau temps. Certains dialogues sont lourds, d'autres marqués de beaux moments: un quart d'heure entier, à la fin de la troisième bobine et sur toute la suivante, est consacré à des scènes parlantes par lesquelles le cinéaste nous montre les personnages dans leur nouvel environnement du à la persévérance de Morris. Elle servent un peu de complément à l'exposition des personnages, et tous les cinq participent aux dialogues. une autre scène vers la fin, voir Julius retourner "chez lui", visiter la mère d'Eddie, afin de prendre des nouvelles de sa fille. Mrs Lesser ayant reçu une lettre, Capra utilise le son pour nous faire entendre la lecture de la lettre par un enfant. 

J'ai déja mentionné le passage durant lequel Julius Goldfish se comporte ccomme un Deeds, au réveil, cherchant désespérément des joies simples qui lui sont refusées, mais le film est empreint d'un autre thème typique du metteur en scène: l'ennemi, ici, vient de la famille, comme dans Mr Smith goes to Washington Claude Rains est à la fois un ami de Stewart et un corrompu, ou dans Meet John Doe dans lequel Cooper est manipulé par la femme qu'il aime, comme dans It's a wonderful Life le péril vient de la ville elle-même, à travers la volonté hégémonique de l'un de ses citoyens. On pourrait aller jusqu'à citer les nombreuses organisation tordues dans ses films, voire la famille de cinglés de Arsenic and old lace: chez Capra, le mal est d'abord très proche, il faut aller le chercher au fond de soi. C'est un constat très Catholique à faire pour un cinéaste Italien, mais qui peut surprendre devent un film qui ne sort jamais ou presque jamais de la communauté Juive. Pour finir, le film confirme l'intérêt de l'oeuvre de capra, et bien sur son incroyable vitalité, tout autant que son talent à faire des mélodrames qui vont loin. Pas jusqu'au miracle, on n'est pas chez Frank Borzage, mais le mélodrame à la Capra est plus réaliste, moins enflammé, et finalement aussi attachant.

 

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Published by François Massarelli - dans Frank Capra Muet 1929 **
6 novembre 2024 3 06 /11 /novembre /2024 15:19

Jean frémeaux, un jeune bourgeois (Arthur Pusey), fait la connaissance d'une mystérieuse et envoutante jeune femme, Rita (Ica de Lenkeffy)... Qui est en fait une voleuse, une "souris d'hôtel", habituée des palaces, hôtels particuliers et Casino où elle sonde la bonne société pour préparer ses coups... Il tombe dans son piège, mais celui-ci se referme aussi sur elle, car elle est tombée amoureuse du jeune homme. Ce qui va déplaire prodigieusement aux amis et à la famille de ce dernier...

C'est un film méconnu, contemporain du Cagliostro de Richard Oswald, quand la compagnie Albatros était aux abois face à leurs nombreux concurrents, et qu'il leur fallait participer à la mise en route d'un cinéma plus commercial pour subsister. C'est une adaptation d'une pièce à succès de l'époque, largement oubliée aujourd'hui, et un film qui e ressemble à rien de ce que le cinéma Français pouvait faire... Extravagante, l'intrigue le placerait presque dans les environs du cinéma Américain, entre la comédie farfelue - ce qu'il est assurément - et un univers plus baroque. Mais les auteurs n'ont pas non plus négligé de rendre hommage à un déjà glorieux passé du cinéma Français populaire avec cette intrigue dans laquelle une jeune femme effectue ses cambriolages en tenue collante noire, telle une Irma Vep des années 20!

Et comme Cagliostro, mais avec infiniment plus de classe et de subtilité, cette Souris d'hôtel joue aussi la carte d'un certain érotisme diffus, à travers les tenues révélatrices mais pas trop de son héroïne, bien sûr, mais aussi grâce à l'alchimie entre les deux acteurs principaux (lui ne semble d'ailleurs se réveiller qu'en la compagnie de sa partenaire!), l'allant de la jeune femme qui mène son monde à la baguette, et aussi une scène inattendue et suggestive, durant laquelle une bonne toute tourneboulée assiste au déshabillage d'une dame, qui ne la laisse pas indifférente... On dépasse la simple curiosité historique, pour s'aventurer au pays des découvertes... 

Le réalisateur aussi n'est pas vraiment connu, c'est un acteur et metteur en scène d'origine Chilienne qui a beaucoup bourlingué... Il se trouve qu'il était à Paris au moment du tournage de cette production Albatros! Comme quoi, le hasard fait parfois très bien les choses...

Disponible sur la Plateforme Henri de la Cinémathèque Française:

https://www.cinematheque.fr/henri/film/50114-souris-d-hotel-adelqui-millar-1929/

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Published by François Massarelli - dans Muet Albatros 1929
1 juillet 2024 1 01 /07 /juillet /2024 15:47

A Londres, en 1929, juste un jour comme les autres pour la police: appréhension d'un coupable, manquement de délit de fuite, arrestation, interrogation... Un jeune détective (John Longden) retrouve sa petite amie (Anny Ondra), et ils sortent... Mais aussi se disputent. Il faut dire que la jeune femme a une idée derrière la tête: elle passerait bien un peu de bon temps avec un autre homme. Celui-ci la ramène chez lui, mais ils ne sont pas d'accord sur la marche à suivre, et elle le tue alors qu'il tente de la violer. Elle part chez elle, hagarde, et se réveille pour apprendre qu'il y a eu un meurtre dans le quartier; et non seulement elle a laissé suffisamment de traces de son passage pour que son fiancé comprenne qu'elle a fait le coup, mais en plus il y a eu un témoin (Donald Calthrop), et celui-ci a décidé de la faire chanter...

Film muet, film parlant? A en croire Hitchcock, il avait commencé ce film en muet, et a paré à toute éventualité en préparant chaque scène pour une hypothétique synchronisation... Pas sûr que ce soit la vérité, car j'imagine que la production d'un film parlant devait quand même, au moment de redéfinir complètement les contours du métier, mais aussi les studios, le matériel, etc, prendre un peu de temps, un peu de planification, et disons un peu de réflexion aux dirigeants d'un studio! et du reste, la compagnie British International Pictures a tout bonnement sorti les deux versions du film simultanément: la version parlante pour Londres, mais aussi pour se pavaner dans les festivals et aux Etats-Unis, où la transition du muet vers le parlant était déjà bien avancée; et la version muette pour le reste du monde.

Je pense que c'est justement cette version silencieuse qui a été vue le plus en cette année-là, mais jusqu'à une date récente, c'est malgré tout la version parlante qui faisait foi. Les différences sont infimes, et une bonne part du film parlant est effectivement une "redite" du film muet. Le début du film, pendant une dizaine de minutes, est d'ailleurs de fait totalement muet, avec accompagnement musical sur bande-son. Les différences se font sensibles sur deux scènes: celle du meurtre, qui se voit ajouter un accessoire intéressant avec un piano, et celle, célèbre, dans laquelle le mot "knife" est prononcé tellement de fois devant la coupable, qu'elle en perd le reste du dialogue...

La version parlante est riche en superbes idées, mais possède un défaut rédhibitoire: le son. Pas au point, bien sur, on est en 1929... Mais le film reste vraiment très intéressant, ne serait-ce que par le naturel (Relatif) des débits et des accents. Il y a quand même un souci de rythme, et une ou deux scènes qui traînent inutilement en longueur. Mais on peut noter que si la version muette est clairement supérieure, elle n'est qu'à peine plus courte! Et l'essentiel du film est là dans les deux, avec cette histoire de jeune femme qui, cette fois-ci, est bien coupable de meurtre! Que celui-ci soit justifié ou non importe peu finalement, car d'une part le film développe quand même une situation propre à alimenter la misogynie (un défaut qu'Hitchcock n'est pas près d'abandonner!), et d'autre part on peut quand même se demander quelle était la motivation de cette jeune femme, pour abandonner son fiancé, et venir chez ce peintre! Mais, et ça, le metteur en scène le sait déjà, le public se fait avoir dans les grandes largeurs: oui, elle a tué, et que ce soit légitime ou non importe peu: nous sommes désormais de son côté, instinctivement... Comme son fiancé qui va tout faire pour qu'elle se disculpe. Ce qui nous arrange, c'est qu'il y a bien pire qu'elle, et on peut applaudir la prestation de Donald Calthrop en maître-chanteur, il est fantastique!

En fait, en se frottant pour son dixième film à une nouvelle histoire policière à suspense (Et ce n'est que la deuxième fois après The Lodger), Hitchcock retrouve une situation qui le motive, qui lui permet d'organiser ses idées visuelles, les rendre très efficaces, et faire ses gammes: il joue avec le son pour passer d'une séquence à l'autre (La découverte du corps, un procédé qui reviendra dans The 39 steps), il imagine des visions délirantes (La jeune femme pour laquelle les enseignes lumineuses "rejouent" la scène du crime), et il utilise avec une maestria impressionnante le procédé Shüfftan pour faire croire au spectateur que'une scène de poursuite a été tournée au British Museum! Bref, il s'amuse, beaucoup plus que dans The Manxman, ou Champagne et on sait combien c'est important pour ce réalisateur! Et tout en nous attirant dans ses filets pour nous obliger à endosser une part de responsabilité dans un crime en en développant le suspense, il nous montre le renoncement d'un homme, un policier qui est désormais motivé pour que la vraie coupable d'un meurtre ne se fasse pas prendre! 

Avec ce film, certes, le cinéma Britannique fait brillamment le passage vers le parlant, mais Hitchcock, lui, trouve enfin sa vocation.

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Noir Muet 1929 **
29 juin 2024 6 29 /06 /juin /2024 22:06

L'ultime film muet d'Alfred Hitchcock n'a pas été un grand succès, et tend à être délaissé comme les autres films Britanniques éloignés de son milieu naturel, le suspense... Pourtant il y est question de ce thème éminemment Hitchcockien, la faute, qui ne se traduit pas ici suivant les codes de la justice traditionnelle par un crime, mais plutôt selon la morale, par une trahison et un double péché. C'est un mélo, un de ces films si Anglo-saxons qui confronte les sentiments à une structure dramatique qui impose des avanies qui vont se terminer, sinon dans la tragédie, en tout cas dans la noirceur. C'est aussi un drame cruel et catholique, qui nous rappelle qu'Hitchcock a toute sa vie choisi d'explorer les contours des croyances dans lesquels il avait grandi... Enfin c'est un curieux exemple de ce qu'à défaut d'un terme existant j'appellerais volontiers le "pré-parlant"!

L'intrigue se situe sur l'île de Man, au large des côtes Nord-Ouest de l'Angleterre. Cette petite communauté de pêcheurs isolés s'est dotée, comme Jersey ou Guernesey au Sud, de lois qui lui sont propres, et d'une structure qui est unique. Parmi les pêcheurs, nous faisons la connaissance de Pete (Carl Brisson), un brave garçon, leader né, qui a des ambitions: en attendant, il milite pour le bien-être de ses camarades en compagnie de son ami d'enfance, le fils de famille Philip (Malcolm Keen). Ce dernier est avocat, et le beau parleur de la classe ouvrière et le timide connaisseur des lois sont aussi amoureux l'un que l'autre de la même femme, la jolie Kate (Anny Ondra), la fille du patron du pub dans lequel les pêcheurs finissent le plus souvent leurs rencontres militantes... Mais Pete va se déclarer le premier, au grand dam du père, qui pense que le garçon n'arrivera jamais à rien. Lorsqu'il décide de parcourir le monde pour faire fortune, Pete confie bien sûr Kate à son meilleur ami, et ce qui devait arriver arrive...

Philip est le fils d'un Deemster, le magistrat de l'île, autorité suprême en matière de justice sur l'île de Man. Il ambitionne justement de le devenir à son tour, et l'impossibilité de concilier les affaires du coeur et cette ambition sera un moteur important du film. Mais s'il est bien sûr question de justice, Hitchcock adopte toute la panoplie du mélo, depuis le triangle amoureux jusqu'à l'improbabilité de certaines situations: ainsi Pete, apprenant qu'il a été donné pour mort, envoie-t-il une lettre à Philip en lui demandant de ne rien révéler à sa petite amie pour lui faire une surprise... L'énormité improbable d'un tel événement tranche avec la noirceur du film, qui va d'abord opposer Philip et sa conscience, lui qui a peur de trahir l'amitié qui le lie à Philip, puis opposer l'amour inconditionnel de Kate pour Philip, à la lâcheté de ce dernier qui essaie de faire passer son bien-être et son ambition de devenir Deemster (ce qui implique bien sur un comportement moralement irréprochable aux yeux de la communauté) avant son amour de la jeune femme... Il est intéressant de constater qu'en choisissant de confier le rôle du brave garçon qui se fait trahir de partout à Carl Brisson, Hitchcock l'écarte quasiment du paysage: il devient la brave andouille qui n'a rien compris, ce qui d'ailleurs lui va assez bien, le pauvre! Non, le conflit qui occupe la deuxième partie du film est surtout entre l'homme qui brigue la confiance des autres pour rendre la justice, et ceux qui rassemblés en foule ne lui pardonneront jamais sa faute s'ils l'apprennent.

Le point de vue passe donc souvent par l'utilisation de gros plans des personnages. Toute la première partie semble passer ainsi par le point de vue de Philip, qui lui aussi aime Kate et ne sera jamais capable de le lui dire tant que Pete prendra toute la place. Mais une fois ce dernier parti, on passe au point de vue de Kate, d'une fort belle façon: Hitchcock nous montre les pages du journal de la jeune femme, qui écrit d'abord que "Mr Christian" est passé la voir, puis qu'elle a passé la journée avec "Philip", avant de finir par passer rendez-vous à "Phil"! On va ainsi voir leur flirt innocent, qui le devient moins lorsqu'ils apprennent la mort supposé du pêcheur. C'est à Kate de briser le silence: "maintenant nous sommes libres". Lors d'un de leurs rendez-vous, elle se donne à lui dans un moulin... Qui sera quelques séquences plus tard utilisé par la famille de Pete pour la cérémonie de mariage! La faute incombe donc à la jeune femme, mais elle n'a pas vraiment trahi l'homme auquel elle était promise. Par contre, la lâcheté de Philip va quant à elle faire l'objet de la deuxième partie, qui sera d'autant plus noire que Kate s'aperçoit bien vite qu'elle est enceinte... de Philip. C'est un mélodrame Hitchcockien, qui ne juge pas totalement donc, et qui nous montre au contraire une société rigoriste qui elle, se retourne contre ceux qui ne filent pas droit, qui montrent du doigt et jettent sans raison la pierre...

Si le metteur en scène trempe donc le mélo classique dans son propre catholicisme, il le fait avec discrétion, et à la fin, il reste sur Carl Brisson, un pêcheur parmi d'autres, que tous ses camarades ont vu déserté par la femme qui l'aimait. Une belle séquence, mais qui sonne un peu creux au regard des séquences consacrées à Kate et Philip: devant le refus de son amant de dire la vérité à son mari, la jeune femme tente de se suicider... un délit qui impose à la police, une fois la jeune femme repêchée, de la traduire devant le juge, qui bien sûr n'est autre que son amant! La cruauté du mélo n'est pas dénuée d'humour, donc... Hitchcock semble presque profiter de la fadeur de Brisson, mais le film souffre par moments de ce déséquilibre entre lui et Malcolm Keen, excellent de bout en bout en un homme torturé entre conventions, convictions, amitié et amour... un homme qui le jour de la naissance de son enfant devra ronger son frein, et se contenter de réconforter le père officiel.

Blackmail suivra: Hitchcock en profitera pour se réessayer avec succès cette fois au drame policier, tout en continuant à explorer les arcanes de la culpabilité face à la justice et la société, ce qui prouve que d'un genre à l'autre, l'oeuvre de Hitchcock restait d'une grande cohérence. Mais dans ce film, tourné en plein boom du parlant, le metteur en scène s'amuse à faire parler ses personnages: à deux reprises, Anny Ondra articule clairement "I am going to have a baby". Les gens lisent sur les lèvres, et Hitchcock demande à ses acteurs (De trois nationalités différentes, un seul d'entre eux maîtrisant la langue de Shakespeare) de formuler leurs dialogues... Peut-être s'entraînait-il, tout bonnement? Quoi qu'il en soit, même avec ses séquences "parlantes", The manxman est un film passionnant malgré ses défauts, et un bel adieu au muet, dont il porte bien fièrement l'étendard, fait de mélodrame, d'humour noir, et de paroxysmes dramatiques et cruels... pour couronner le tout, le film est une fois de plus mis en images par Jack Cox, et il a su capter la beauté du printemps en Cornouailles, là où le film a essentiellement été tourné.

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet 1929 **
22 mars 2024 5 22 /03 /mars /2024 23:45

Un prisonnier de l'Inquisition Espagnole (Gaston Modot) refuse de parler, et de céder à la torture, en dépit des efforts. Les moines ont une idée tordue: lui permettre de s'évader... L'homme découvre en effet une ouverture dans sa cellule, et s'aperçoit que la voie est libre...Ivre de liberté, il s'élance...

Gaston Modot, bien sûr, c'est cet acteur impressionnant, grand mais pas trop, maigre mais raisonnablement, moustachu mais avec finesse, et préposé aux rôles de traîtres et d'hommes de main dans les années 20 et 30 (Carmen de Feyder; Lucrèce Borgia, de Gance; Le comte de Monte-Cristo, de Fescourt, et j'en passe) et qui composera souvent aussi, plus tard, des silhouettes sympathiques de second rôles passionnants: Les Enfants du Paradis, de Carné; Le silence est d'or, de René Clair; La règle du jeu de Renoir... C'est aussi l'acteur principal de L'âge d'or, un sacré film et un sacré défi pour l'ami des surréalistes, l'ami de Modigliani également... Enfin, c'est un acteur qui s'est formé à la meilleure école qui soit, celle du music-hall, du cirque, et... du cinéma burlesque dont il fut un héros aux côtés de Jean Durand, Ernest Bourbon et toute la troupe de la Gaumont...

C'est aussi un cinéaste, la preuve, avec ce film atypique, unique réalisation d'un homme qui aimait passionnément le cinéma, mais qui en vivait. Et engagé en tant qu'acteur sur une très grosse production (La vie Merveilleuse de Jeanne d'Arc, de Marco de Gastyne, un film qui gagne par ailleurs à être connu), l'ennui et la ptrésence constante de décors lui ont donné une idée, celle d'adapter cette nouvelle de Villiers de l'Isle Adam, Le conte cruel ou la Torture par l'espérance, dans lequel on s'instéresse à ce pauvre homme victime du sadisme de ses gardiens... Tout dans l'atmosphère de ce moyen métrage (dans la copie visionnée, et disponible sur le site Henri de la Cinémathèque Française, il dure 34 minutes, et c'est une magnifique copie tirée du négatif qui a été conservé) renvoie à cette subjectivité, même si au préalable on s'engage dans ce cloître où les braves moines de l'inquisition torturent à tour de bras, avec ce qui serait presque un point de vue omniscient et objectif... mais Modot a à coeur, ici, de dénoncer avec force une cruauté sans nom, d'autant plus méchante qu'elle est effectuée au nom d'une religion dont les préceptes initiaux ne sont pas cette cruauté. 

L'apprenti cinéaste a été à bonne école, et utilise à merveille une caméra mouvante et émouvante, et le montage est pour lui un terrain de jeu intéressant, sans parler de surimpressions qui jouent avec le spectateur, autant qu'avec le personnage. Car si ce dernier nous communique le lyrisme d'un champ de blé dont la vision l'enivre de bonheur, nous savons nous ce que lui ne sait pas, que tôt ou tard l'étau de ses geôliers, qui auront fait la preuve qu'il ne s'évadera jamais, se refermera sur lui...

Un film, donc, un seul, réalis dans l'ombre d'un autre. Et si à travers ce désir de film, il y avait eu le cri du coeur d'un acteur qui n'en pouvait plus d'attendre d'être utile, et qui s'était dit que plutôt que de rester à rien faire, autant faire un film? 

Il a raison. Le résultat est aussi précieux que rare... Il sortira finalement en 1930, en catimini et disparaîtra sans que Modot ne recommence l'expérience; dommage!

 

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Published by François Massarelli - dans Gaston Modot Muet 1929
9 août 2023 3 09 /08 /août /2023 09:45

C'est un western contemporain: les chapeaux et chevaux des cow-boys, y croisent des voitures et la vie trépidante d'une grande métropole... Il est aussi assez difficile de le prendre au sérieux, tant les aventures de l'ouest y sont prése tées sous un jour léger... 

Dans une grande ville, le riche George Brooks (Frank Beal) couve sa fille Ellen (Kathryn McGuire) d'une tendresse bienveillante, mais elle se comporte tout de même en enfant gâtée. Elle s'affiche en permanence en compagnie d'un type interlope, Rodney Stevens (Frank Hilliard). Il serait même louche, et il en aurait après ses bijoux, que ça ne m'étonnerait pas... Brooks confie donc sa fille à l'un de ses employés, Tom Markham (Tom Mix), qui supervise son ranch en Arizona, avec pour mission de lui apprendre la vie en la bousculant un peu s'il le faut; Markham applique un traitement rôdé en jouant la comédie de la vie à la dure du grand ouest. Mais Stevens va profiter de la situation pour tenter de voler un diamant conséquent...

Côté pile, donc, un western-pour-rire, avec ses faux) indiens, une (fausse) attaque de diligence, et ses cow-boys (plus ou moins vrais). Côté face, une première moitié dans laquelle Tom Mix, en costume du dimanche (il a mis ses santiags à paillettes), se rend à Los Angeles où il doit déjà se battre dans les rues contre une mystérieuse bande... On sent que le film hésite, souhaite couvrir un large territoire tout en proposant beaucoup d'humour: un personnage décalé, un chauffeur de taxi qui est presque venu par hasard, fournit du gag au kilo...

C'est un film FBO, un tout petit studio qui avait récupéré Mix après son contrat Fox. FBO était un indépendant, dirigé par Joseph Kennedy (le père) à l'époque où ce dernier rêvait de devenir un important dirigeant de studio. C'est raté... A travers ce film parfaitement conservé (merci à la Bibliothèque du Congrès et à Lobster pour une restauration très efficace), on voit l'une des raisons pour lesquelles le western est tombé en désuétude, et s'est retrouvé durant dix années confiné aux tout petits films, à quelques exceptions près: hors les "grands sujets" des films qui avaient illuminé les années 20, The iron horse, The Covered Wagon, il n'intéressait pas un public avide de grands frissons épiques... Pas de petits westerns rigolos menés avec cascades et dérision.

Et sinon, grandeur et déliquescence, Kathryn McGuire, qui joue un rôle plus que générique de femme futile et écervelée, est l'ancienne partenaire de Buster Keaton dans Sherlock Jr et The Navigator...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1929 Western **
7 juillet 2022 4 07 /07 /juillet /2022 17:36

Deux histoires, apparemment sans lie: d'un côté, un détective, patron d'une prestigieuse et ultra-moderne agence, reçoit la mission de démanteler un réseau de malfrats, sous la coupe du mystérieux chef, Terry. De l'autre, un faux couple (les deux amoureux le sont en effet, mais chacun d'entre eux avec un ou une autre) qui a gagné le prix de plus beau couple du Danemark, doit se rendre en croisière pour profiter de leur distinction... Ce qui va lier les deux? Lors d'une de ses missions, le détective se cache dans le kiosque à journaux roulant de Schenstrom et Madsen, soit Doublepatte et Patachon comme on les appelait alors. Frappé par sa ressemblance avec le plus grand, il les engage pour détourner l'attention des bandits qui surveillent son agence en permanence. Et pendant qu'ils tiennent la maison, pour ainsi dire, les deux compères sont contactés par les deux conjoints secrets du faux couple, afin de les accompagner dans leur périple: l'objectif est bien sûr de les empêcher de fauter! Pas de danger, semble-t-il, ils se détestent...

Entretemps, Madsen s'occupe en découvrant tout un tas de gadgets plus idiots les uns que les autres dans le bureau de l'agence, les deux amis reçoivent à l'agence la visite d'un étrange personnage, qu'ils réussissent à neutraliser, les deux fiancés secrets suivent le trajet du couple gagnant et tombent amoureux l'un de l'autre, une attachée de presse, chargée de couvrir le voyage des deux gagnants, tombe pour sa part sous l'étrange charme du petit Madsen, et ce dernier, pendant que ses clients font la route du Rhin, fait la route du vin, puisqu'il est fin saoul du début à la fin du film!

Sur un scénario de Valdemar Andersen, qui commençait lui aussi à diriger les deux acteurs fétiches de la Palladium, Lau Lauritzen s'amuse à compliquer les choses avec une certaine verve. Le film a deux solides atouts (en plus de l'excellente dynamique de ses deux vedettes, qui de toute façon n'est jamais mise en doute): d'une part le réalisateur évite les clichés qu'il a lui même établis, et qui ont fini par lasser: les jolies filles en duo, les intrigues sentimentales à la noix, et les attraits clichés du bord de mer, qui devait quand même être un peu frisquet, vu qu'on est au Danemark! Et d'autre part, le film situé pour une large part à Copenhague participe de la poésie urbaine si particulière et si ancrée dans la deuxième moitié des années 20... 

Si tous les films consacrés au duo Madsen et Schenstrom ne sont pas de la même qualité, celui-ci, qui en prime accumule les loufoqueries avec un bel entrain, est une vraie réussite...

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Published by François Massarelli - dans Muet Lau Lauritzen 1929 Comédie Schenström & Madsen *
12 mai 2022 4 12 /05 /mai /2022 07:25

Un jeune homme (René Ferté) est arrêté pour l'assassinat d'un directeur de banque, le patron de sa maîtresse (France Dhélia). Nous vivons le calvaire de sa mère, qui doit assister à l'humiliation de voir son fils, innocent, traîné devant un tribunal...

Epstein, avec ce moyen métrage contemporain de ses premiers films Bretons et marins (Notamment Finis Terrae), souhaitait s'intéresser à une intrigue criminelle, sans passer par la case du cinéma policier: ni enquête, ni suspense. Le mot "calvaire" dans mon résumé est choisi avec soin, car c'est tout à fait ça; un film qui pousse le bouchon de l'avant-garde (chronologie bouleversée sans crier gare, absence relative d'intertitres, et interprétation sans aucune émotion) vers des retranchements, disons, inutiles. Clairement en cette fin du muet, Epstein avait la tête ailleurs...

Visible sur la plateforme Henri, de la Cinémathèque Française...

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Published by François Massarelli - dans Jean Epstein 1929 Muet
18 avril 2022 1 18 /04 /avril /2022 08:27

La vie et la mort de l'extravagant Louis II (Wilhelm Dieterle), un roi qui cédait volontiers à ses impulsions, mais artistiques, financières et affectives... Ses combats contre les financiers de son petit royaume, son face à face avec une cour déterminée à lui mener la vie dure...

Le sujet passionnait Dieterle, qui se rêvait en souverain excentrique, romantique à souhait, erratique et isolé. Pas de surprise sans doute si on considère que l'un des films précédents majeurs du réalisateur, Geschlecht in Fesseln, était consacré à l'isolement affectif, là encore, d'un homme qui revenait de prison, où il était tombé amoureux d'un co-détenu... Mais là où son héros risquait effectivement la condamnation dans une législation qui en Allemagne ne lésinait pas sur l'oppression des gays, son nouveau héros est un paria face à l'histoire, et qui plus est elle est assez récente. Et ça joue de façon spectaculaire contre le film...

...Car en prenant à bras-le-corps cette intrigue, Dieterle la réalise pour le peuple Allemand, et attend de son public qu'il en sache suffisamment. Il a conçu son personnage de l'intérieur, et par bien des côtés Ludwig se comporte en metteur en scène, dans ses obsessions extravagantes, de construire des châteaux et des mausolées, pleurant Wagner un jour et sa mère le lendemain... Mais aujourd'hui, difficile d'entrer dans un film exigeant, dont l'essentiel est dans des non-dits extrêmement difficiles à décrypter... Ou tout simplement profondément ennuyeux. A moins que ce ne soit les deux hypothèses...

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Published by François Massarelli - dans William Dieterle Muet 1929 *