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9 août 2023 3 09 /08 /août /2023 09:45

C'est un western contemporain: les chapeaux et chevaux des cow-boys, y croisent des voitures et la vie trépidante d'une grande métropole... Il est aussi assez difficile de le prendre au sérieux, tant les aventures de l'ouest y sont prése tées sous un jour léger... 

Dans une grande ville, le riche George Brooks (Frank Beal) couve sa fille Ellen (Kathryn McGuire) d'une tendresse bienveillante, mais elle se comporte tout de même en enfant gâtée. Elle s'affiche en permanence en compagnie d'un type interlope, Rodney Stevens (Frank Hilliard). Il serait même louche, et il en aurait après ses bijoux, que ça ne m'étonnerait pas... Brooks confie donc sa fille à l'un de ses employés, Tom Markham (Tom Mix), qui supervise son ranch en Arizona, avec pour mission de lui apprendre la vie en la bousculant un peu s'il le faut; Markham applique un traitement rôdé en jouant la comédie de la vie à la dure du grand ouest. Mais Stevens va profiter de la situation pour tenter de voler un diamant conséquent...

Côté pile, donc, un western-pour-rire, avec ses faux) indiens, une (fausse) attaque de diligence, et ses cow-boys (plus ou moins vrais). Côté face, une première moitié dans laquelle Tom Mix, en costume du dimanche (il a mis ses santiags à paillettes), se rend à Los Angeles où il doit déjà se battre dans les rues contre une mystérieuse bande... On sent que le film hésite, souhaite couvrir un large territoire tout en proposant beaucoup d'humour: un personnage décalé, un chauffeur de taxi qui est presque venu par hasard, fournit du gag au kilo...

C'est un film FBO, un tout petit studio qui avait récupéré Mix après son contrat Fox. FBO était un indépendant, dirigé par Joseph Kennedy (le père) à l'époque où ce dernier rêvait de devenir un important dirigeant de studio. C'est raté... A travers ce film parfaitement conservé (merci à la Bibliothèque du Congrès et à Lobster pour une restauration très efficace), on voit l'une des raisons pour lesquelles le western est tombé en désuétude, et s'est retrouvé durant dix années confiné aux tout petits films, à quelques exceptions près: hors les "grands sujets" des films qui avaient illuminé les années 20, The iron horse, The Covered Wagon, il n'intéressait pas un public avide de grands frissons épiques... Pas de petits westerns rigolos menés avec cascades et dérision.

Et sinon, grandeur et déliquescence, Kathryn McGuire, qui joue un rôle plu que générique de femme futile et écervelée, est l'ancienne partenaire de Buster Keaton dans Sherlock Jr et The Navigator...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1929 Western
7 juillet 2022 4 07 /07 /juillet /2022 17:36

Deux histoires, apparemment sans lie: d'un côté, un détective, patron d'une prestigieuse et ultra-moderne agence, reçoit la mission de démanteler un réseau de malfrats, sous la coupe du mystérieux chef, Terry. De l'autre, un faux couple (les deux amoureux le sont en effet, mais chacun d'entre eux avec un ou une autre) qui a gagné le prix de plus beau couple du Danemark, doit se rendre en croisière pour profiter de leur distinction... Ce qui va lier les deux? Lors d'une de ses missions, le détective se cache dans le kiosque à journaux roulant de Schenstrom et Madsen, soit Doublepatte et Patachon comme on les appelait alors. Frappé par sa ressemblance avec le plus grand, il les engage pour détourner l'attention des bandits qui surveillent son agence en permanence. Et pendant qu'ils tiennent la maison, pour ainsi dire, les deux compères sont contactés par les deux conjoints secrets du faux couple, afin de les accompagner dans leur périple: l'objectif est bien sûr de les empêcher de fauter! Pas de danger, semble-t-il, ils se détestent...

Entretemps, Madsen s'occupe en découvrant tout un tas de gadgets plus idiots les uns que les autres dans le bureau de l'agence, les deux amis reçoivent à l'agence la visite d'un étrange personnage, qu'ils réussissent à neutraliser, les deux fiancés secrets suivent le trajet du couple gagnant et tombent amoureux l'un de l'autre, une attachée de presse, chargée de couvrir le voyage des deux gagnants, tombe pour sa part sous l'étrange charme du petit Madsen, et ce dernier, pendant que ses clients font la route du Rhin, fait la route du vin, puisqu'il est fin saoul du début à la fin du film!

Sur un scénario de Valdemar Andersen, qui commençait lui aussi à diriger les deux acteurs fétiches de la Palladium, Lau Lauritzen s'amuse à compliquer les choses avec une certaine verve. Le film a deux solides atouts (en plus de l'excellente dynamique de ses deux vedettes, qui de toute façon n'est jamais mise en doute): d'une part le réalisateur évite les clichés qu'il a lui même établis, et qui ont fini par lasser: les jolies filles en duo, les intrigues sentimentales à la noix, et les attraits clichés du bord de mer, qui devait quand même être un peu frisquet, vu qu'on est au Danemark! Et d'autre part, le film situé pour une large part à Copenhague participe de la poésie urbaine si particulière et si ancrée dans la deuxième moitié des années 20... 

Si tous les films consacrés au duo Madsen et Schenstrom ne sont pas de la même qualité, celui-ci, qui en prime accumule les loufoqueries avec un bel entrain, est une vraie réussite...

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Published by François Massarelli - dans Muet Lau Lauritzen 1929 Comédie Schenström & Madsen
12 mai 2022 4 12 /05 /mai /2022 07:25

Un jeune homme (René Ferté) est arrêté pour l'assassinat d'un directeur de banque, le patron de sa maîtresse (France Dhélia). Nous vivons le calvaire de sa mère, qui doit assister à l'humiliation de voir son fils, innocent, traîné devant un tribunal...

Epstein, avec ce moyen métrage contemporain de ses premiers films Bretons et marins (Notamment Finis Terrae), souhaitait s'intéresser à une intrigue criminelle, sans passer par la case du cinéma policier: ni enquête, ni suspense. Le mot "calvaire" dans mon résumé est choisi avec soin, car c'est tout à fait ça; un film qui pousse le bouchon de l'avant-garde (chronologie bouleversée sans crier gare, absence relative d'intertitres, et interprétation sans aucune émotion) vers des retranchements, disons, inutiles. Clairement en cette fin du muet, Epstein avait la tête ailleurs...

Visible sur la plateforme Henri, de la Cinémathèque Française...

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Published by François Massarelli - dans Jean Epstein 1929 Muet
18 avril 2022 1 18 /04 /avril /2022 08:27

La vie et la mort de l'extravagant Louis II (Wilhelm Dieterle), un roi qui cédait volontiers à ses impulsions, mais artistiques, financières et affectives... Ses combats contre les financiers de son petit royaume, son face à face avec une cour déterminée à lui mener la vie dure...

Le sujet passionnait Dieterle, qui se rêvait en souverain excentrique, romantique à souhait, erratique et isolé. Pas de surprise sans doute si on considère que l'un des films précédents majeurs du réalisateur, Geschlecht in Fesseln, était consacré à l'isolement affectif, là encore, d'un homme qui revenait de prison, où il était tombé amoureux d'un co-détenu... Mais là où son héros risquait effectivement la condamnation dans une législation qui en Allemagne ne lésinait pas sur l'oppression des gays, son nouveau héros est un paria face à l'histoire, et qui plus est elle est assez récente. Et ça joue de façon spectaculaire contre le film...

...Car en prenant à bras-le-corps cette intrigue, Dieterle la réalise pour le peuple Allemand, et attend de son public qu'il en sache suffisamment. Il a conçu son personnage de l'intérieur, et par bien des côtés Ludwig se comporte en metteur en scène, dans ses obsessions extravagantes, de construire des châteaux et des mausolées, pleurant Wagner un jour et sa mère le lendemain... Mais aujourd'hui, difficile d'entrer dans un film exigeant, dont l'essentiel est dans des non-dits extrêmement difficiles à décrypter... Ou tout simplement profondément ennuyeux. A moins que ce ne soit les deux hypothèses...

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Published by François Massarelli - dans William Dieterle Muet 1929
1 janvier 2022 6 01 /01 /janvier /2022 18:22

Ce qui frappe de prime abord dans ce film muet tardif (Il est sorti en juillet 1930, et n'a pas obtenu un grand succès, à cette époque où on allait voir n'importe quoi du moment que ça parle), ce n'est pas tant la modernisation à laquelle se sont livrés Duvivier et son équipe; c'est bien plutôt la virtuosité du début, un montage extrêmement dynamique qui accompagne l'arrivée de Denise Baudu (Dita Parlo) à Paris. Le metteur en scène alterne des plans rapprochés de la jeune femme, en petite provinciale dépassée devant le gigantisme et la foule qui l'entourent, et des plans plus éloignés, comme pris sur le vif en pleine rue, de façon aussi réaliste que possible, ainsi que des plans qui établissent un motif qui reviendra tout au long du film: la publicité du magasin Au bonheur des dames, ce qui établit dès le départ l'inéluctable présence agressive du centre commercial qui donne son titre au film, mais aussi symbole du progrès. Virtuosité donc, qui est la marque du film en son entier, puisque Duvivier fait ici usage d'une caméra mobile (Et de quatre mousquetaires de l'image, dont un tout jeune Armand Thirard), d'un don pour les placements judicieux et novateurs de caméra qui son époustouflants: Quelques minutes après cette introduction, il nous fait vivre l'arrivée déçue de Denise au "Vieil Elbeuf", le magasin de son oncle Baudu (Armand Bour) en caméra subjective, tout en offrant des contrechamps qui établissent une comparaison méchante entre le flambant neuf magasin d'Octave Mouret, et la vieille échoppe miteuse du père Baudu... elle y rencontre deux protagonistes secondaires dont l'histoire va agir en qualité de contrepoint: Geneviève, sa cousine (Nadia Sibirskaïa), et son mari Colomban (Fabien Haziza).

Dès le départ, Denise sait qu'elle va devoir aller chercher un travail au Bonheur des Dames, et c'est avec un mélange d'effroi et de fascination qu'elle s'y rend. Immédiatement choisie pour être mannequin, elle va découvrir l'atmosphère de taquinerie blessante maintenue par ses collègues dans une séquence encore une fois impressionnante, dans laquelle Duvivier multiplie les points de vue, et d'une manière générale joue énormément sur le regard, comme pour appuyer les angoisses de Denise, qui n'est par exemple pas prête à se déshabiller, ou simplement à être vue. C'est dans ce contexte qu'elle rencontre Octave Mouret, interprété par Pierre de Guingand. Celui de Pot-Bouille (Confié par Duvivier à Gérard Philippe dans son adaptation de 1957) est un ambitieux qui se sert des femmes pour arriver à ses fins, mais on a le sentiment que cette version du personnage, situé plusieurs années après la réussite décrite par Zola dans Pot-Bouille, est différent: toujours le protégé d'une femme ("Madame Desforges", interprétée par Germaine Rouer), on a le sentiment qu'il se sert désormais de sa situation pour séduire les femmes. quoiqu'il en soit, il est au fond, bien que très carnassier dans son capitalisme, plutôt humain, et surtout il est amoureux de Denise, ce que celle-ci va mettre longtemps à comprendre...

Et puis ce film n'est pas une histoire d'amour; l'essentiel de l'intrigue réside dans l'essor inexorable du progrès représenté par ce magasin énorme et qui mange tout sur son passage, et le "Vieil Elbeuf" du père Baudu, soit le magasin à l'ancienne, un commerce à visage plus humain... Le film mène l'oncle de la jeune femme, qui retient des traits de plusieurs personnages du roman, à venir suite au décès de sa fille dans le grand magasin et tirer sur la foule des clients: Duvivier ici nous propose un parallèle dérangeant entre les scènes vues quelques séquences auparavant durant les soldes, et la panique qui suit le geste désespéré du vieux commerçant... comme si le progrès incarné par le grand magasin devait porter en lui le germe de la violence, de la folie, de l'assassinat (Baudu dans son geste abat une cliente); un constat qui va peut-être plus loin, ou du moins est plus démonstratif chez Duvivier que chez Zola: il faut dire que la crise est là, et du même coup le choix de moderniser l'action prend tout son sens, tout comme un autre motif aussi récurrent que celui de la publicité agressive: les plans de travaux d'agrandissement nombreux, et qui rythment la deuxième moitié du film. Ils consistent principalement en des images de destruction...

Pour ce film noir, très noir, Duvivier a choisi à l'imitation de Zola de rester sur une fin partiellement heureuse, puisque du chaos de leurs situations respectives (Denise a perdu les derniers membres de sa famille, et le Vieil Elbeuf fait désormais partie du passé, et Mouret n'est plus couvert par sa maîtresse qui se dit prête à se débarrasser de lui), les deux amants semblent désormais plus forts, au point que Denise décide d'embrasser la philosophie de Mouret et de devenir sa muse pour aller toujours plus loin, toujours plus fort. Les contrepoints de l'ensemble du film nous ont de toute façon persuadé que c'est illusoire, mais la fin est malgré tout un passage de témoin de madame Desforges à Denise, puisque c'est désormais sous l'influence d'une autre femme que Mouret va continuer à moderniser la ville et le commerce de Paris... L'ironie est magistrale, la mise en scène bouillonnante, et décidément le film, avec sa vision urbaine fascinée, son utilisation virtuose de la caméra et du point de vue, et son montage passionnant, est très réussi...

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Published by François Massarelli - dans Muet Julien Duvivier 1929
31 décembre 2021 5 31 /12 /décembre /2021 19:44

Ce surnom, la Baronne Irène de Rysbergue (Maria Jacobini) le doit à son benjamin, qui l'a ainsi nommée le jour où elle a essayé un costume qui rappelait fortement un oiseau. Costume qui a valu à son mari de proférer une saleté du genre: "à votre âge, franchement..."... le ton est donné: la baronne souffre de ne pas se sentir vieille, mais de constater que son mari, lui, le pense... tout en courant à droite à gauche. Alors quand elle attire l'attention d'un séduisant jeune capitaine de Spahis, qui est subjugué par elle, elle le suit jusqu'en Algérie, et bref, abandonne son mari qui la néglige, son grand fils qui est coincé, et son benjamin qui est trop jeune pour comprendre tout ça...

L'âge de son interprète est un élément crucial pour le film. A 37 ans, Maria Jacobini peut à loisir louvoyer entre les probables 45 ans de son personnage, et le sentiment d'être restée jeune qu'elle affiche dans la première partie... La chute n'en sera que plus cruelle: car en Algérie, on fera remarquer à son amant qu'il a une mère bien séduisante... Jacobini et Duvivier jouent à fond sur le maquillage et les gros plans qui trahissent les petites rides, vues dans un miroir par des yeux de plus en plus inquiets... 

Il y a deux dimensions dans cet avant-dernier film muet de son auteur, longtemps passé au purgatoire des films négligés: sorti à l'aube du parlant, il a été maltraité par la critique et boudé par le public. Alors, oui, c'est un mélo bourgeois, de la pire espèce, doublé d'un film qui se passe aux colonies... Mais Duvivier s'est quand même doublement fait plaisir: d'une part, en tournant en Algérie, où il a bénéficié d'un soleil permanent, ce qu'il n'avait pas eu pour L'agonie de Jérusalem; et il a orchestré autour de son interprète une mise en scène constamment inventive, qui illustre avec la cruauté qu'on lui connaît le point de vue de la Baronne... Si l'aventure algérienne tourne parfois au décoratif de luxe, la thématique de l'âge reviendra, notamment dans La fin du jour et Carnet de bal.

Quant à son interprète, qu'il est rare de voir aujourd'hui, elle est parfaitement splendide de bout en bout dans un rôle difficile.

 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Muet Julien Duvivier
30 décembre 2021 4 30 /12 /décembre /2021 11:07

En 1929, après une Passion de Jeanne d'Arc (qui a déplu au clergé, du reste), une Vie merveilleuse de Jeanne d'Arc (superbe film, qu'on aimerait voir refaire surface), voici un nouveau film consacré à l'une des nouvelles saintes: je vais le dire tout de suite, le statut de Sainte est un concept religieux qui m'est étranger. Par exemple, désigner le roi Louis IX sous le vocable de Saint Louis n'est en rien une démarche historique: je vais donc m'abstenir, à l'exception de cette phrase, de parler de Ste Thérèse de l'enfant Jésus (et de la sainte face, pour compléter son appellation officielle); d'abord parce qu'à mon sens ça ferait du tort à un très beau film...

Car si ce n'était qu'une commande de l'église pour l'édification orientée des masses populaires, il n'y aurait rien  en dire: une petite dame entre dans les ordres, tombe malade, meurt, et paf, elle est béatifiée (après un laps de temps raisonnable, s'entend)... On s'en fout, non? Comme du fait que, par exemple, Karol Wojtila soit considéré comme si formidable par tant de dévots: là aussi on s'en fout.

Non, l'intérêt est ailleurs: Duvivier, mystique convaincu dans les années 20 (et bien moins par la suite), s'était lancé avec pour appui la bienveillance de ses commanditaires (des producteurs de cinéma, les Vandal et Delac) dans une série d'oeuvres qui exploraient les confins de la foi: Credo ou la Tragédie de Lourdes, L'Abbé Constantin, L'agonie de Jérusalem, et La Divine Croisière étaient des films généralement de fiction, qui mettaient en scène la foi et son effet galvanisant. Ce nouveau film, accueilli avec enthousiasme par l'église (qui en 1929 était une entreprise florissante en pleine ré-ascension) et par le public, revenait donc sur la figure étrange de Thérèse Martin (1873 - 1897) dite Thérèse de Lisieux, une religieuse moderne, qui avait bravé à quatorze ans toute la hiérarchie Catholique afin de devenir religieuse au plus tôt, et avait emporté le morceau grâce à Vincenzo Pecci, qui était pape à l'époque sous le pseudonyme de Léon XIII.

Je répète: en soi, on s'en fout, alors? 

Duvivier, qui par ailleurs a décidé d'appeler son héroïne Thérèse Martin dans le titre, n'a rien d'un militant anti-clérical. Au contraire, son personnage l'a passionné de par sa foi même, par son fanatisme absurde, mais magnifique... Et a choisi de traiter le film d'une myriade de points de vue, car le sujet est non pas la foi, mais son effet sur l'entourage, et des fois, la foi, ça pique: la douleur du père, par exemple. La tristesse incommensurable des "soeurs" (je ne parle pas ici des vraies soeurs de Thérèse, qui toutes sont parties en religion, mais de ses consoeurs religieuses), devant la tuberculose carabinée et la souffrance de Thérèse... Parfois le point de vue sera aussi celui de la jeune femme, et la belle idée c'est d'avoir inclus ses doutes, car pour peser dans dans l'acte de béatification de la jeune Thérèse Martin, il y avait non seulement sa souffrance auto-infligée, mais aussi et surtout ses doutes, qui portaient sur l'existence ou non d'une vie éternelle...

Ces doutes sont mis en scène par Duvivier avec une intervention inattendue d'un diable grimaçant, qui nous rappelle qu'on est au cinéma, et pour lequel le cinéaste a fait appel aux meilleurs spécialistes des effets spéciaux, dont Percy Day: car comme d'habitude Duvivier voulait tourner sur les lieux mêmes de l'action, à Bayeux, à Lisieux, dans le cloître, voire au Vatican! Il s'en est sorti en utilisant une foule de procédés, dont des traficotages en matte painting de photos d'époque, qui achèvent de faire de ce film étrange une expérience unique: un pari fou, qui atteint son but, en s'approchant respectueusement en conteur d'histoire qui tend la main au pauvre profane que je suis, tout en respectant la foi de son sujet. C'était difficile, il fallait sans doute le faire: c'est fait. 

Par contre, la critique de l'époque s'est déchaînée sur le film... 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Julien Duvivier Muet
6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 17:34

Schenström et Madsen, le grand dépendu et le petit pas si malingre, vivent dans un petit appartement à Copenhague en face de deux jeunes femmes avec lesquelles ils ont une complicité de voisinage: pour rien au monde ils ne manqueraient ces conversations d'une fenêtre à l'autre, qui tournent parfois à un concours farfelu de mimes... Madsen, qui rend parfois des services à la voyante qui habite sur leur palier, apprend de cette dernière qu'il va probablement devenir riche, et trouver l'âme soeur, mais pas avant d'avoir triomphé d'un ennemi redoutable. Pour ce dernier, il est vitre trouvé, c'est un voisin irascible qui habite le même étage. Mais un avocat lui annonce qu'il va hériter la fortune considérable d'un Américain excentrique...

Sorti en décembre 1929, à l'heure où le cinéma du monde entier s'adonnait aux joies étranges du parlant, du balbutiant, du chantant, du bêlant, du bégayant, ce film a le bon goût d'être muet, une situation qui va durer pour Carl Schenström, Harald Madsen et Lau Lauritzen jusqu'à la sortie en mars 1932 de leur dernier long métrage silencieux, I kantonnement, réactualisation du burlesque troupier. Ce film qui nous occupe est assez typique, dans la mesure où l'intrigue, simple comme bonjour et traitée de façon linéaire avec suffisamment de quiproquos et de confusion pour maintenir l'intérêt, permet aux deux acteurs de faire exactement ce pour quoi ils sont devenus des superstars mondiales en leur époque: des numéros physiques, un authentique ballet de pantomime de haute voltige, dans les situations suivantes:

Ils sont vendeurs de bananes sur la côte, et attendent leurs clients sur un radeau et risquent en permanence de se retrouver à l'eau; comment piquer le petit déjeuner du voisin quand il pourrait sortir à n'importe quel moment et vous coller une baffe terminale? on les verra en hommes-sandwiches, déguisés en hommes de la bonne société pour vendre des vêtements, mais s'efforçant de ne jamais montrer leur dos à leurs fiancées, car on y lit la réclame du magasin, et elles ne sont pas au courant qu'ils sont fauchés... Puis on les retrouve aux prises avec des fantômes dans un souterrain! C'est vivace, bon enfant, assez typique de Lauritzen et de ses productions élégantes tournées sur la côte en plein été, avec des jolies filles, dont Nina Kalckar et Marguerite Viby (ici de droite à gauche), qui une fois n'est pas coutume, diront toutes les deux "Oui" à la fin...

 

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Published by François Massarelli - dans Schenström & Madsen Lau Lauritzen Muet Comédie 1929
5 novembre 2021 5 05 /11 /novembre /2021 17:52

L'arpète, nous dit le Larousse, est un terme désuet qui désignait un apprenti, terme qui est resté un peu plus longtemps utilisé dans le monde de la couture: un(e) arpète, c'est donc le plus souvent une jeune couturière en bas de l'échelle... Et c'est exactement ce qu'est Lucienne Legrand, dans le rôle de Jacqueline: une apprentie qui rêve à égaler le patron, un jour... En attendant, elle ne rate pas une occasion de se distinguer: elle essaie les robes de la maison Pommier où elle travaille, robes qui lui vont d'ailleurs bien, et file en douce pour aller acheter un petit goûter pour tout l'atelier... Un jour qu'elle se fait pincer, Pommier l'oblige à jouer une cliente, pour appâter un Américain qui fait le difficile. Ca marche tant et si bien que le monsieur est fou de cette belle cliente qui prétend avoir ses entrées dans les ambassades...

Ce qui n'est pas du tout du goût de Jules (Raymond Guérin-Catelain), le peintre, avec lequel elle vit à Montmartre: il est noceur, mais il a de la morale, et ce qu'on propose à Jacqueline, ça ressemble quand même à une forme de prostitution, il y a donc de l'eau dans le gaz, non seulement entre Jacqueline et Pommier, mais aussi entre Jacqueline et Jules... Et comme pour ne rien arranger le riche Américain n'est autre que le père de ce dernier, vous comprendrez qu'il y a 1) du grabuge et 2) comme qui dirait une impossibilité de résumer ce film sainement!

Donatien, arrivé en cinéma presque sur un coup de tête, a réalisé une vingtaine de films, dont les deux tiers nous dit-on seraient perdus. Beaucoup d'entre eux sont l'occasion de présenter à son avantage son épouse et collaboratrice Lucienne Legrand, peintre, modèle, actrice, etc... Une actrice qu'on attend en Catherine Hessling et qui vaut bien mieux que ça. Parfois desservie par un script qui part volontiers dans tous les sens, elle donne de sa personne avec un bel entrain... Et Donatien, lui, n'est ni Renoir ni L'Herbier ni Gance: auteur de films aux titres aussi divers que Miss Edith, duchesse, L'île de la mort, Mon curé chez les pauvres et (mais vous l'aurez anticipé) Mon curé chez les riches, et Le château de la mort lente, il se rêvait sans doute un peu en Ernst Lubitsch Parisien, mais n'était pas aidé par le fait que la culture Parisienne ne pouvait pas s'exporter aussi facilement. Et si son film se passe dans le milieu de la mode, il multiplie de façon parfois étonnante les digressions (une bobine consacrée à une soirée des quat'zarts qui est un prétexte à déshabillages intensifs), et les non-sequiturs, passe d'une lecture fine et ironique du milieu de la mode à des remarques d'une désespérante franchouillardise ("c'est du vin français, il ne peut pas faire de mal", une remarque dont on aimerait dire qu'elle est antédiluvienne, hélas elle doit encore probablement encore s'entendre dans notre étrange pays)... On introduit Jules comme "le fils adoptif" de Jacqueline... avant de les voir se jeter l'un sur l'autre, ce qui est pour le moins gênant.

Plus étrange encore: Lucienne Legrand, que Donatien rêvait en star comme s'il était Hearst et elle Marion Davies, a été dirigée dans le rôle d'une jeune apprentie, mais elle fait son âge. Et elle garde intact un certain pouvoir de séduction, ainsi qu'une belle énergie, et le fait de ne pas, mais alors pas du tout, avoir froid aux yeux: elle est quasiment nue durant une bobine entière, uniquement habillée d'une hypothétique ceinture de chasteté et d'une perruque blonde... Et réussit à ne pas être (trop) ridicule.

Bref, de fait, c'est un film qui est probablement assez peu digne, mais qui ne  ressemble à rien de ce que j'aie vu auparavant, d'une part. Et d'autre part, dans la troupe de Donatien, il y avait l'immense Pauline Carton, et il me semble que ça c'est quand même un signe d'intelligence...

 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Muet Comédie
19 juin 2021 6 19 /06 /juin /2021 16:34

Un jeune homme (Ugo Henning) va se marier... Pour satisfaire sa famille, ou par amour? On ne le sait pas trop, en tout cas Angèle (Edith Edwards), la fiancée, est elle ravie, car elle est très amoureuse. Le mariage précède immédiatement un voyage en train, et elle est très motivée pour la nuit de noces... Lui moins, car il a vu quelque chose qui cloche: dans un compartiment voisin, une jeune femme (Marlene Dietrich) a un problème avec l'inquiétant homme avec lequel elle voyage (Fritz Kortner)... Qui sont-ils l'un pour l'autre? Pourquoi se cachent-ils, et que cachent-ils, c'est ce que le jeune homme voudrait savoir, et par-dessus tout, il voudrait être avec cette femme, pas avec sa jeune épouse. C'est le début d'une étrange aventure...

Le début est formidable, et toute la partie du film qui se passe dans un train est un festival de style: Bernhardt, qui tourne depuis quelques années, a adopté la caméra hyper mobile, le montage symbolique et rapide, et il obtient de ses acteurs un jeu tout en retenue, qui fait merveille dans ce qui est essentiellement une évidente préfiguration du film noir Américain. Mais comme souvent dans un film basé sur une énigme, la solution du problème déçoit, au terme d'une dernière partie où le style ne parvient pas à maintenir la cohérence nécessaire à un suivi tranquille du spectateur. Manque-t-il des parties au film? Il ne semble pas pourtant...

Les acteurs sont excellents, et on va le dire tout de suite: privée de sa voix et de cette ignoble obligation de chanter qui lui collera si longtemps à la peau (mais QUI aime cette voix qui chevrote trop grave, faux et sans conviction? ça me dépasse), Dietrich est formidable, même si elle n'a pas encore trouvé totalement son maquillage. Elle ressemble même un peu à... Devinez, c'est facile.

 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Muet Curtis Bernhardt