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5 octobre 2023 4 05 /10 /octobre /2023 22:00

Cette nouvelle «adulte» de Roald Dahl a été adaptée dans les années 50 pour la série Alfred Hitchcock présente, et mise en scène par le maître lui-même... Ce qui fait de ce film de 17 minutes un remake. Pourtant on est très loin de l'adaptation d'Hitchcock, et de son traitement du suspense.

Pour commencer, contrairement au film d'Hitchcock, on ne verra jamais le serpent... Je m'explique: dans Poison, un homme (Dev Patel) arrive chez un ami (Benedict Cumberbatch), pour constater que celui-ci est couché, et immobile: il annonce qu'alors qu'il lisait un serpent s'est installé sur lui et que s'il bouge il pourrait mourir à cause du venin foudroyant. Un médecin (Ben Kingsley) est appelé à l'aide.

Le film, comme la nouvelle, est situé en Inde, et le médecin est d'origine Indienne. Le film ne se termine pas (tout comme la nouvelle d'ailleurs) comme celui d'Hitchcock, dans lequel l'homme couché subissait une authentique torture morale de la part de son copain, avant que celui-ci ne l'aide vraiment. Le coup de théâtre, ici, viendra de la réaction de Pope (Cumbrbatch) quand il sera «sauvé»...

Le film est accompagné d'une narration «diégétique» fournie par Dev Patel les yeux droit dans la caméra, comme les autres courts métrages de Wes Anderson adaptés de Dahl et diffusés actuellement sur Netflix. Esthétiquement,c'est du pur Anderson, géométrique, bien rangé, aux couleurs pastel (encore plus atténuées par l'usage du 16 mm)...

Maintenant, je ne peux m'empêcher de tiquer en voyant une nouvelle de Roald Dahl pointer du doigt l'intolérance raciale, en dénonçant un acte de racisme colonialiste, alors que l'écrivain (dont le style reste une merveille de concision et de précision) était aussi un salaud antisémite de la pire espèce, comme il l'avait ouvertement revendiqué dans une interview au journal The new stateman en 1983.

...Mais ça n'a, bien sûr, rien à voir avec ce film, ni avec Ben Kingsley, ni avec Wes Anderson...

 

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Published by François Massarelli - dans Wes Anderson
5 octobre 2023 4 05 /10 /octobre /2023 21:59

Dans une nouvelle qui combine un sentiment glauque d'horreur diffuse avec l'humour noir qu'on lui connait bien, Roald Dahl imaginait une entrevie entre deus hommes et un dératiseur qui tournait à la folie inquiétante... C'est Ralph Fiennes, qui joue également Roald Dahl dans les autres courts et moyen métrages de la série réalisée et adaptée par Wes Anderson, qui joue le très inquiétant personnage du spécialiste des rongeurs, qui finit par se révéler en homme mosntrueur, mi-homme, mi-rat.

Le metteur en scène choisit, pour ce court métrage de 17 minutes, un décor unique. Il confie à Rupert Friend le rôle du principal interlocuteur du dératiseur, et appuie son propos en montrant un rat animé, qui par son côté cartonn, va amplifier l'impression très désagréable de la rencontre entre les hommes et la bête. C'est très déstabilisant...

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Published by François Massarelli - dans Wes Anderson
5 octobre 2023 4 05 /10 /octobre /2023 21:57

Reprenant exactement les même principes narratifs que les trois autres films de courts et moyens métrages présentés au même moment sur Netflix, ce film est à nouveau une adaptation de Roald Dahl, cette fois d'une nouvelle tardive.

Rupert Friend, en narrateur omniscient, se tient à l'écran, et nous raconte commeny un jeune garçon, Peter Watson (qui est présent à l'écran) a subi de la part de deux autres garçons plus âgés un traumatisme grave. Il avoue d'ailleurs êtr cet enfant, mais plus vieux...

La torture imposée à l'enfant impliquait de se retrouver ligoté entre les rails d'un train, puis de monter sur un arbre avec les ailes d'un cygne, froidement exécuté sous ses yeux par les deux sales gosses...

Le film, en ne livrant jamais d'images qui puissent être traumatisantes, raconte froidement, avec la distanciation d'un narrateur qui semble raconter sans jamais s'impliquer, même s'il s'agit de lui-même, les horreurs subies, physiquement et symboliquement, par le jeune garçon. Le fait de ne pas les montrer, mais de les commenter, pendant qu'occasionnellement des accessoiristes viennent fournir les personnages en objets ou maquillage, permet d'évoquer ce qu'on ne peut pas montrer. C'est impressionnant de voir Wes Anderson mettre son art particulier (ô combien), au service de cette histoire particulièrement violente...

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Published by François Massarelli - dans Wes Anderson
28 septembre 2023 4 28 /09 /septembre /2023 08:19

Roald Dahl (Ralph Fiennes) nous présente Henry Sugar (Benedict Cumberbatch), un joueur professionnel qui a un jour fait la découverte de sa vie; un livre qui racontait l'étrange histoire de Imdad Khan (Ben Kingsley), un homme qui pouvait voir sans ses yeux. Sugar comprend instinctivement quel profit il peut en tirer à s'exercer ainsi à voir ce qu'on ne lui montre pas, comme les cartes par exemple...

C'est le premier d'une série de quatre moyens métrages co-produits par Netflix, et effectués dans une totale liberté par Anderson avec son style de plus en plus distinctif... Ce sont tous des adaptations de Roald Dahl, qui du reste apparaît ici dans le dispositif déjà utilisé par le metteur en scène dans The Grand Budapest Hotel: un écrivain s'adresse au public (via la page, ou comme ici en regardant la caméra) et nous parle d'une autre personne (Sugar) qui à son tour nous parle d'une autre personne (Dev Patel joue un médecin qui a été confronté à Imdad Khan) qui lui nous détaille enfin l'histoire qui nous intéresse... Ensuite on reviendra à Sugar...

Mais ce qui change, c'est d'une part une adresse constante et "littéraire" au public, à travers le regard caméra, et des vois qui récitent calmement un texte parfois volontairement redondant ("dit-il", après certaines répliques qui sont à destination du narrateur), donc une narration intrinsèque qui fait partie de la narration elle-même, puisqu'elle se met en scène. Une façon de souligner le pouvoir du "on dit que...", et de donner un peu plus de poids à un statut légendaire tout en soulignant évidemment à l'envi le processus littéraire de l'adaptation d'un texte. 

D'autre part, la mise en scène souligne constamment une technique inspirée du théâtre, avec des techniciens qui entrent dans le champ, bougent les décors pour faire apparaître ceux qui se cachent derrière, et beaucoup de plans séquences. Le texte récité passe parfois d'un narrateur à l'autre sans rupture dans le rythme, ni réelle émotion, puisque les intervenants adoptent tous une attitude à la Buster Keaton en toute circonstance... Pur parachever ce faux côté théâtral, les acteurs qui ne jouent pas leur rôles principal dans une scène (Fiennes, ou Cumberbatch) sont amenés à replir d'autres fonctions...

C'est "le petit théâtre de Wes Anderson", bien plus que celui de Roald Dahl, en fait... Une pierre de plus dans un édifice de plus en plus complexe de remise à plat de la narration et de la représentation cinématographique, dans laquelle le style est brillant, esthétiquement superbe, l'originalité évidente. Maintenant, c'est un film de quarante minutes, qui est une déonstration de virtuosité en même temps que l'exploration savante de l'univers d'un auteur. Reste à le confronter aux trois suivants pour savoir un peu plus ce qu'il en est. Je ne serais pas surpris que les autres films soient arangés de façon similaire.

 

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Published by François Massarelli - dans Wes Anderson
28 août 2023 1 28 /08 /août /2023 15:57

1955: on présente à la télévision (en noir et blanc) une production d'Astroid City, la pièce de Conrad Earp (Edward Norton). On en présente les contours, les acteurs et même l'auteur, et puis...

Et puis on se retrouve (en couleurs) à Asteroid City, au coeur même du "drame" qui se joue en plein désert, dans l'Arizona. Le lieu s'appelle ainsi en raison de la chute d'une astéroïde qui a laissé un cratère. Le lieu est à la fois dédié à la recherche spatiale avec un observatoire dernier cri, et à des expériences atomiques. Et comme c'est situé en plein désert, l'écran est parfois traversé de roadrunners, les oiseaux coureurs locaux, et de voitures qui se tirent dessus...

Un certain nombre de personnes se retrouvent pour la remise des prix d'une compétition de jeunes génies... Sont donc venus entre autres Midge Campbell (Scarlett Johansson), une actrice de premier plan, et sa fille Dinah (Grace Edwards) qui est l'une des surdoués, et Augie Steenbeck (Jason Schwartzmann) et ses quatre enfants: trois petites filles fantasques, et un adolescent génial, Woodrow (Jake Ryan). L'attirance entre Midge et Augie, d'une part, et entre Dinah et Woodrow, d'autre part, est immédiate...

D'une part, les jeunes génies fraternisent tous les cinq en attendant la remise des prix, d'autre part, Midge remet sa nature d'actrice en question tout en constatant son incapacité à ressentir, et Augie doit enfin admettre à ses enfants, que leur mère est décédée trois semaines auparavant. Leur grand-père (Tom Hanks) doit les rejoindre... Alors que les trois filles ont décidé d'enterrer les restes de leur maman dans un rituel de sorcellerie...

D'autre part, pendant la cérémonie, un alien (Jeff Goldblum) s'invite et ramasse la météorite avant de partir en soucoupe volante: Asteroid City est désormais en quarantaine...

J'admets que ce résumé est soumis à des réserves, mais comment voulez-vous résumer un tel film? C'est impossible... Et encore on ne parle pas ici de l'esthétique. Au-delà de l'habituelle géométrie des plans (plus prononcée encore que d'habitude, il semble que chaque plan est soumis à ces soudaines embardées de la caméra, à droite à gauche les deux...), de la manière dont les costumes, étiquettes, badges, et attributs (blouses blanches, lunettes, uniformes) vont 'informer en un regard le spectateur de la fonction du personnage (Jeffrey Wright est donc officier, Matt Dillon garagiste, Steve Carell avec sa visière, gérant d'un motel, et Tilda Swinton scientifique), le réalisateur s'est plus à jouer avec les couleurs, pour convoquer le fameux nuancier des années 50... On a parfois l'impression d'assister à une vision du monde qui serait partagée entre Wes Anderson et Norman Rockwell... Donc profondément esthétisante, mais aussi faussée qu'elle est plastique...

Ce qui est peut-être l'une des idées, se replonger dans les codes du passé, pour y voir l'humanité se fourrer le doigt dans l'oeil, derrière des codes et des protocoles, qui n'auront pas d'effet, pour voir passer un cataclysme potentiel plutôt que de le comprendre ou l'enrayer. Et la jeune génération, incarnée par cinq petits génies (qui adorent jouer à des jeux de mémoire et de connaissances, même si en retirer une victoire s'avère impossible puisqu'ils sont tous géniaux...) aura beau jeu de se demander "pourquoi recommence-t-on comme avant?", personne neles écoutera. Non, le film nous montre chaque événement comme un passage, et chaque histoire potentielle comme une décision qui change tout, à prendre ou à laisser: entre Augie et Woodrow, l'un aura de la chance, et l'autre...

Et surtout le film explore l'esprit de communauté, en utilisant une fausse oeuvre; ce n'est pas nouveau: Dans Rushmore, le héros montait des pièces hyperréalistes à partir d'intrigues de film; The Royal Tennenbaums est constellé de références à la littérature fictive des trois héros, et d leur entourage: journaux, romans, pièces de théâtre et livres de souvenirs... The life aquatic est supposé être le titre d'une série de films réalisés par Steve Zissou, le faux Cousteau... Moonrise Kingdom est souvent assimilable à l'expérience d'un journal intime croisé de plusieurs des protagonistes, et aussi bien The Grand Budapest Hotel que The French Dispatch sont tributaires, l'un de la forme d'un roman, l'autre de celle d'une édition spéciale d'un magazine... Pour nous donner à voir ce groupe humain confronté à l'inédit, l'impossible ou le fantastique, Anderson choisit cette fois de passer par une pièce de théâtre, et nous fait nous poser la question: et si tout bonnement nous étions devenus incapables, à l'âge du portable et d'internet, d'expérimenter pour de vrai les événements? Nos médias, pastichés avec rigueur par Anderson, deviennent des grilles de lecture rassurantes, une lorgnette qui en atténue les contours. Mais qu'on ne s'y trompe pas: même filmés en Espagne (dans un merveilleux Arizona plus faux que nature), c'est bien des Américains qui s'agitent ici, cherchant une probable porte de sortie à une quarantaine qui les dépasse... Tiens donc.

Le film a été une fois de plus la course à la participation pour les acteurs. Les détracteurs de Wes Anderson railleront sans doute à la fois ses obsessions formelles, et le fait qu'on y trouve une trentaine d'acteurs célèbres qui y font parfois de tout petits tours... les admirateurs se ront ravis d'y retrouver certains en se demandant pourquoi tel ou tel acteur n'y figure pas. C'est vrai que cette fois, deux manquent singulièrement à l'appel... Mais cette pléthore ne gène pas, car la plupart des comédiens se glissent dans le jeu ambiant, qui est celui imposé par l'auteur. Un trait de son oeuvre qu'Anderson partage avec... Barry Sonnenfeld, pour moi... Mais cette fois, Scarlett Johansson a réussi à tirer son épingle du jeu en brillant d'un éclat particulier, comme le faisait Anjelica Huston dans les trois autres films auxquels elle a participé...

Voilà: tout dépend donc de ce que vous attendez d'un film de Wes Anderson. Si la géométrie de son style et son jeu "deadpan" vous irrite...

Je ne peux plus rien faire pour vous.

 

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Published by François Massarelli - dans Wes Anderson
15 février 2023 3 15 /02 /février /2023 23:51

Un train file dans la nuit froide, c'est la nuit de Noël: le conducteur (Adrien Brody) mène une opération risquée: faire venir un sapin, et installer un coin dans un wagon pour partager la nuit de Noël avec les voyageurs, dont un petit garçon émerveillé...

Simple, entièrement tourné avec ces plans mouvants sur les côtés, c'est un spot publicitaire de quatre minutes pour H&M, mené de main de maître par un styliste de génie, qui adore justement ce type de mission: sous couvert de publicité, faire de l'art, justement, sans céder un pouce de terrain de son style cinématographique, et par-dessus le marché, il le fait en compagnie de ses acteurs fétiches (ailleurs, Jason Schwartzmann, ici Adrien Brody). On l'avait déjà vu faire des films courts pour American Express et d'autres... Ce réalisateur est un génie, ça fait vingt ans que je le dis.

Pour finir, on attend évidemment une chanson des Beatles, mais ce sera une chanson de Lennon et Ono, plus de saison, qui se fait entendre au final: Happy Christmas (War is over).

 

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Published by François Massarelli - dans Wes Anderson
4 février 2022 5 04 /02 /février /2022 11:41

Le journal The Evening Sun, basé à Liberty (Kansas), possède une branche dont la rédaction est située en France, dans la ville d'Ennui-Sur-Blasé: The French Dispatch est une tradition du quotidien, qui s'honore d'avoir réussi à établir aussi loin de la maison-mère une tradition de journalisme intransigeant... Mais le supplément est condamné à très brève échéance, car le directeur (Bill Murray) qui vient de mourir a stipulé dans on testament que le journal cesserait de paraître après son décès. Le dernier numéro reprend donc trois articles mythiques et un éloge funèbre...

Un prologue aux trois autres parties contient un segment sur un journaliste cycliste, Herbsaint Sazérac (Owen Wilson), qui nous permet de visiter la ville; le premier des trois articles est l'oeuvre de la très respectée J.K.L. Berensen (Tilda Swinton) qui nous raconte l'étrange épopée du peintre psychopathe Moses Rosenthaler (Benicio Del Toro), depuis sont enfance au Mexique jusqu'à son enfermement dans une prison, où sa relation clandestine avec une gardienne de prison (Léa Seydoux) va provoquer une révolution artistique; le deuxième article s'intéresse à une mini-révolution qui ressemble beaucoup à Mai 68 (il y est question pour les garçons d'avoir accès au dortoir des filles à l'université d'Ennui-sur-Blasé): l'article est signé Lucinda Kremetz (Frances McDormand) qui a bien connu le meneur estudiantin Zeffirelli (Timothée Chalamet) avec lequel elle a eu une aventure; enfin, le dernier article est dû à la plume de Roebuck Wright (Jeffrey Wright), dont une enquête culinaire va se transformer en une véritable histoire policière, avec enlèvement d'enfant à la clé...

C'est extravagant, et on peut le dire tout de suite, ce film, le plus franchement excentrique de toute la production de Wes Anderson, n'a pas plu à tout le monde. Entre une ovation de dix minutes à Cannes où il a été projeté, et des articles acerbes voire vengeurs de nombreux médias de par le monde (pour certains articles, on en viendrait à se demander sil n'y avait pas une sourde, sournoise, et très ancienne envie de s'essuyer les pieds sur le petit génie Texan), la réception a été, disons, variée... Bien sûr, il y a aussi eu des critiques très positives, mais l'occasionnelle volée de bois vert est notable justement parce que c'est rare dans l'histoire du metteur en scène. Pour ma part, j'admets que le film n'est sans doute pas, sur bien des points, son meilleur, mais cette vendetta ne se justifie en rien: d'une part, Anderson a lui-même choisi de faire le contraire de ce qu'il a toujours fait en proposant un film à segments, dans lequel les personnages se multiplient, tout en amenuisant leur portée. 

Donc oui, en effet, on pourra se plaindre de rester trop peu de temps avec Lucinda Kremetz et Zeffirelli par exemple, ou on pourra déplorer que la petite amie de celui-ci soit un personnage moins développé que Agathe, la petite pâtissière (Saoirse Ronan) de The grand Budapest Hotel, qui donnait à tout le film un parfum de nostalgie triste par son passage. Mais le propos, qui à mon sens complète et prolonge The Grand Budapest Hotel (sans doute LE meilleur film d'Anderson) est bien moins de s'intéresser aux personnages, que de rendre hommage à trois univers bien particuliers, et imbriqués les uns dans les autres: la France de toujours ou de jamais, non pas celle des années 50, 60 ou 70 telle qu'elle donne l'impression d'être représentée dans le film, mais bien son double fictif, cette France vue à travers les films tournés souvent en langue anglaise, dans les années 30, 40, 50 et 60 justement, par des Lubitsch, des Wilder, Blake Edwards ou d'autres génies. Une France décalée, inexistante, que Wes Anderson recrée à grand renfort de noms tous plus gentiment impossibles les uns que les autres (Nescaffier, Le Boulier, la gardienne Simone, et... Zeffirelli?), et qui sent bon le cinéma: Love in the afternoon, Irma La Douce ou Bluebeard's eighth wife, par exemple. Et on y fume des Gaullistes...

Autre tradition explicitement référencée, celle du cinéma français. Comme j'en ai marre qu'on profite de Wes Anderson pour montrer sa science en ce qui concerne Godaut et Truffard, qui sont effectivement tous deux dans le panthéon du cinéaste (c'est son droit), je vais me contenter ici de rappeler deux choses: d'une part l'influence évidente de Jacques Tati, plus forte sur ce film que d'habitude, et dont Anderson a emprunté la géniale maison-dédale de M. Hulot (c'était dans Mon Oncle); et d'autre part le commissaire joué par Mathieu Amalric est un ancien colonial, moustachu et malade, qui a ramené des colonies un petit orphelin métis. Il ressemble tellement à l'inspecteur Antoine (Louis Jouvet dans Quai des orfèvres de Clouzot) que c'en est troublant.

Enfin, il y a la presse, celle qu'on vilipende partout, de complotisme en manifestations, d'éditoriaux de tout petits candidats fascistes, en colère infantile de tous petits candidats d'extrême gauche. C'est pareil aux Etats-Unis, où un président a pu tenir quatre ans à nier tout et n'importe quoi en attaquant systématiquement les journalistes, pourtant la presse est supposée être une institution aux Etats-Unis. Anderson utilise donc le cinéma, et ses possibilités, pour envoyer une lettre d'amour amusée aux journalistes de terrain, comme il avait inscrit son film précédent dans une logique profondément littéraire. Avec The French Dispatch, on voit à l'oeuvre des journalistes investis à 100 % dans une recherche souvent tellement précise et minutieuse qu'elle en devient absurde, comme Berensen qui semble avoir passé sa vie entière à écrire un article sur Rosenthaler... des journalistes qui sont autant d'auteurs, et qui dépendent d'un rédacteur en chef qui saura exactement trouver quoi prendre et qui laisser dans leur production... Bref, des pros et des artistes. D'où un sens aigu de la digression qui se retrouve dans la forme délirante du film.

Et c'est peut-être ce qui a gêné dans ce film étrange, cette façon, mélangeant une constante référence au texte, dans ces images toujours aussi impeccablement et géométriquement horizontales, avec ces mouvements d'une caméra habitée qui nous oblige à la suivre, un coup à droite, un coup à gauche. Le film est un dédale de sollicitations textuelles, sonores et picturales, en 1:33:1 sur une large part mais pas que, aux couleurs pastel, mais parfois en noir et blanc en fonction des besoins... Il y a même de l'animation mal fichue (moins plaisante aux yeux en tout cas que les maquettes en image par image des poursuites de The Grand Budapest Hotel). La musique d'Alexandre Desplat est sans doute la partie la plus normale de ce drôle de film! C'est épuisant, mais on s'y fait très vite, et on sait qu'on y reviendra justement avec le plus grand plaisir... Enfin, moi, en tout cas.

Et pour finir, vous avez un aperçu du casting exceptionnel dans cet article. Mais il y a en a d'autres, et non des moindres... Allez y faire un tour, vous verrez...

 

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Published by François Massarelli - dans Wes Anderson Comédie Saoirse Ronan
2 août 2018 4 02 /08 /août /2018 18:42

C'est la deuxième fois que Wes Anderson s'attaque à un long métrage d'animation, après Fantastic Mr Fox: ce grand succès de 2009 avait prouvé qu'il était inutile de s'étonner de voir un réalisateur de longs métrages en «live-action» faire le grand saut. Après tout, Anderson est sans doute l'un des plus éminemment visuels de tous les metteurs en scène en circulation, et son style géométrique, sa marque de fabrique, s'accommode particulièrement bien de l'animation en volumes.

Oui, c'est une fois de plus un film d'animation à l'ancienne, avec des petites poupées en plastique ou en plasticine, qui sont animées dans des décors «en dur» installés dans un studio. L'animation est excellente, on pourrait certes la trouver un peu raide, mais c'est le style d'Anderson qui veut ça... le plus surprenant, dans ce film adapté d'une idée originale du metteur en scène, c'est le parti-pris de situer ça, en intrigue comme dans la forme, au Japon...

En 2035 environ, Megasaki, une municipalité imposante du Japon est entre les mains du maire Kobayashi, un homme qui a la phobie des chiens. Il a décidé d'exiler les animaux, supposés amener des maladies, sur une île située au large, et qui est totalement jonchée d'ordures. Nous assistons aux aventures d'une troupe de chiens, tous ou presque nostalgiques de leur vie passée, au contact des humains. Ils reçoivent une visite inattendue, celle de Atari Kobayashi, le propre neveu du maire, à la recherche de son ancien garde du corps, un chien valeureux qui répond au nom de Spot... Les cinq chiens, dont Chief, chien errant sans grande amitié pour les humains, vont l'aider à travers l'île et ses pièges...

D'un côté, on retrouve tout l'univers de Wes Anderson, avec ces groupes faits d'associations inattendues, ces personnages qui croient cacher des blessures qui se voient comme le nez au milieu de la figure, et qui tous trouvent en une destinée héroïque bizarre, une sorte d'épiphanie. Certains trouveront aussi l'amour, bien sûr... Le burlesque naît ici de la juxtaposition d'une composition immobile, et de ces conversations décalées entre des chiens (qui tous portent un nom de leader: Rex, King, Chief, Duke...) dont la plupart trahissent une tendresse profonde pour l'humanité... Et on se demande bien pourquoi!

Oui, car tout le film est vu du point de vue des chiens, et le langage s'y adapte: on nous prévient au début du film que les aboiements des chiens ont été traduits en Anglais, alors que les humains parlent systématiquement leur langue maternelle, donc majoritairement le Japonais. Certains procédés internes à l'histoire permettent d'obtenir des traductions, mais pour l'essentiel, on n'en a pas besoin: la gestuelle est éloquente, et de toute façon ce qui doit faire sens dans le film provient des chiens, et des chiens seuls. On ne s'étonnera donc pas du fait que les voix de ces animaux soient fournies par rien moins que Jeff Goldblum, Bill Murray, Edward Norton ou F. Murray Abraham...

Mais ce dispositif particulier pousse le film dans une direction inattendue : la présence courante de sous-titres Anglais internes, qui accompagnent l'action, ou qui soulignent eux-mêmes l'omniprésence du texte sous la forme d'idéogrammes qui prennent toute la place, donne l'illusion qu'on est devant un artefact Japonais authentique, ce que la musique superbe d'Alexandre Desplat (Qui cite aussi la bande originale des Sept samouraïs, tant qu'à faire) renforce particulièrement...

Et le miracle s'accomplit : le style de Wes Anderson est là, et bien là, sans qu'on puisse s'y tromper. Son mélange de burlesque froid et de géométrie, plus tendre peut-être que d'habitude, parce que même si ce film ne s'adresse pas particulièrement aux enfants, il n'en reste pas moins que c'est un film d'animation, et la cruauté n'est pas de mise. C'est le neuvième long métrage d'Anderson, et une fois qu'on s'est adapté à son aspect visuel très particulier, c'est le neuvième sans faute.

 

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Published by François Massarelli - dans Wes Anderson Animation Arf!
18 février 2017 6 18 /02 /février /2017 16:41

Ce n'est absolument pas la vocation de ce site de parler de la publicité, des abominables filmaillons de quelques secondes qui envahissent nos écrans, certes. Mais...

Quand un réalisateur de renom (Kurosawa l'a fait, et pour ceux que ça intéresse, Fellini aussi) s'attaque à une publicité, y apporte des ingrédients personnels, et accomplit avec ou sans budget conséquent un miracle, pourquoi ne pas s'y attacher? Et ici, le miracle, justement, a lieu.

A condition d'aimer Wes Anderson, bien entendu, et ça tombe bien: j'aime énormément ce réalisateur, son univers, donc je ne pourrais pas passer à côté d'un tel film qui bien qu'il ne dure que deux minutes, est suffisamment riche pour y passer du temps... Surtout que le metteur en scène s'y représente, en réalisateur justement. On y assiste à la fin du tournage d'une scène d'action dans un film international, dont Jason Schwartzmann est la vedette. A la fin de la prise, la caméra (Agitée d'un côté comme de l'autre du proscenium, on ne se refait pas) s'attache à le suivre, pendant qu'il nous explique que son métier l'oblige à une solution rationnelle pour son argent: budget, rencontres, voyages, imprévus... sa vie est donc confiée à sa carte de crédit...

On mesure mal à que point il est réjouissant, même pour deux minutes, de retrouver le petit monde décalé et référentiel de ce metteur en scène, qu'on voit justement réaliser une scène d'un film qu'il ne tourner jamais, avec ses acteurs fétiches, et qui en profite pour retourner l caméra sur ce qu'on ne voit jamais. Et là, on mesure aussi le monde qu'il fait pour tourner ne serait-ce qu'un petit spot de deux minutes...

Un spot de deux minutes qui rappelle à qui veut bien l'entendre à quel point le metteur en scène, donc, aime le cinéma. Ce qui fait, certes, que le serpent finit par se mordre la queue: un film sur le cinéma pour montrer à ceux qui l'aiment qu'on l'aime aussi... c'est vertigineux, ou complètement inutile. Bon, ça fait bien deux minutes que je parle de ce film de 120 secondes, je m'arrête ici.

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Published by François Massarelli - dans Wes Anderson
7 février 2016 7 07 /02 /février /2016 21:21
Castello Cavalcanti (Wes Anderson, 2013)

Ce court métrage de sept minutes et 45 secondes est un bijou, on a envie de dire "comme d'habitude"... Financé par Prada, et tourné à Cinecitta, le film écrit et réalisé par Wes Anderson se veut un hommage à Federico Fellini, et on peut d'ailleurs en prêtant l'oreille entendre la musique de Nino Rota diffusée via une radio qui est dans le champ. L'histoire est assez simple: un soir, dans un petit village d'Italie, la communauté s'occupe tranquillement, en buvant du vin et en jouant aux cartes. Un Américain (Jason Schwartzmann), participant d'un rallye automobile, vient crasher sa voiture sur la place du village, mais est indemne... Il se remet de ses émotions, avant de se rendre compte qu'il est à Castello Cavalcanti, le village de ses ancêtres. Il réalise qu'autour de la table, se trouvent ses cousins... Après avoir vaguement attendu un autobus il décide de rester...

Voilà, c'est tout! Mais tout est dans la réalisation en clin d'oeil constant; l'excellent chef-opérateur Darius Khondji utilise beaucoup le truc de la caméra qui suit l'action et se trouve surprise par elle, en revenant sur ses pas, et bien sur Anderson privilégie les longs plans latéraux, comme à son habitude. le financement prestigieux lui permet de compter sur un budget conséquent pour un court métrage et une fois de plus, qu'ils totalisent deux heures ou moins de dix minutes, tous les films de Wes Anderson sont des bulles de plaisir, et celui-ci ne fait pas exception à la règle!

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Published by François Massarelli - dans Wes Anderson