C'est tout de suite après Rope, qui n'avait pas eu un grand succès, que Hitchcock a mis ce film en chantier. Ca peut paraître insensé, mais en 1949, le metteur en scène n'était pas encore statufié comme il l'est aujourd'hui comme le maître du thriller, et il avait déjà à son actif deux films "en costumes", comme on dit, l'un tourné en 1933 (Waltzes from Vienna), l'autre en 1939 (Jamaica Inn). Du coup Under Capricorn est partagé, entre ses détracteurs qui veulent en faire un gros caprice du metteur en scène probablement mal avisé, et des zélateurs qui louent le romantisme échevelé du film, sa splendide utilisation des couleurs grâce à l'intervention décisive du grand Jack Cardiff, et les retrouvailles d'Hitch avec Joseph Cotten et Ingrid Bergman. La vérité est bien sur quelque part entre les deux, et on notera que le film reprend, partiellement, le style de découpage de Rope, ou plutôt de non-découpage, et qu'il sera tout autant un flop que ce même film...
L'Irlandais Charles Adare (Michael Wilding) débarque à Sidney, en compagnie de son cousin qui vient d'y être nommé gouverneur des Nouvelles Galles du Sud. Il entend bien faire fortune, et repère assez vite un homme qu'on lui présente comme un modèle de réussite, Sam Flusky (Joseph Cotten) les deux hommes deviennent amis et Charles séjourne chez lui afin de se familiariser avec l'Australie. Il apprendra que Flusky a, comme beaucoup d'Australiens, été un bagnard, puisqu'il a purgé sept ans pour meurtre, et fera la connaissance de Henrietta Flusky: contrairement à Sam, lady Henrietta est noble, et Charles va très vite s'attacher à elle; il va surtout tenter de la guérir de son alcoolisme, et lui donner envie de reprendre la vie sociale qu'elle a abandonné...
Hitchcock réutilise donc beaucoup ces plans-séquences très dynamiques avec lesquels il avait expérimentés dans Rope, sans les rendre systématiques cette fois. Son idée est probablement de donner une vie, et une tension à cette intrusion de Charles Adare dans un monde qu'il ne connait pas. Beaucoup de scènes du film, en effet, sont tournées selon son point de vue, et le jeune intrigant aborde finalement tout, et en particulier la vie sociale, du point de vue d'un noble habitué des coutumes et des manières Anglaises. Il était fatal qu'à un moment ou un autre il n'entre en conflit avec les manières de son hôte, qui au moment de son mariage avec celle qui était Lady Henrietta, était quant à lui un modeste palefrenier... Et c'est précisément le sens de ce film finalement très démocratique, qui tend à démontrer que la véritable noblesse de Sam et Hattie, tient dans leur amour et les sacrifices que l'un et l'autre ont enduré. En bon Londonien, natif des quartiers populaires, Hitchcock avait une leçon à donner, le fait qu'elle l'ait été dans un film romantique en costumes me semble assez cocasse...
Sinon, ce que reprochent les amateurs de l'ouvre d'Hitchcock à ce film tient en un malentendu: ce n'est pas un film d'Hitchcock, pour eux. D'ailleurs Hitchcock lui-même a eu tendance parfois à leur emboîter le pas... Mais ils font, à mon sens, fausse route. Si le film reste un poids léger en raison de ces plans-séquences dont je maintiens qu'ils alourdissent le film sans lui apporter grand-chose, et parce que Michael Wilding n'est pas le meilleur choix, Under Capricorn parle comme on l'a vu de classes sociales et d'évolution vers l'égalité, mais aussi d'amour fou, celui qui amène parfois à tuer (Il y en a plusieurs dans le film, mais je vous laisse découvrir l'intrigue). Under Capricorn est aussi un film, un de plus, qui évalue le poids des conventions et des préjugés face à la notion de culpabilité, mais aussi de partage de la responsabilité du crime. Bref, des thèmes hautement Hitchcockiens, rassemblés dans un film qui tente une expérience inédite, celle du gothique Australien...