En 1940, le projet de Disney pour Fantasia était de créer un rendez-vous annuel ou bisannuel avec le film, en intégrant de sortie en sortie des nouveaux segments, afin de renouveler le film. Un projet avant-gardiste, ambitieux, et... soumis à l'obligation de succès. Celui-ci n'ayant pas été au rendez-vous, le studio s'est donc arrêté à un seul film. Roy Disney, devenu gardien du temple, mais en position fragile, a toujours souhaité, selon ses dires reprendre le travail là où le studio s'était arrêté en 1940...
Fantasia 2000 est donc supposé être la continuation du premier film, avec comme lien direct la reprise évidemment emblématique de L'apprenti Sorcier de Paul Dukas réalisé par James Algar, qui met comme chacun sait en scène rien moins que Mickey Mouse lui-même... Sinon, dans l'esprit du premier film, les réalisateurs de films d'animation se suivent et ne se ressemblent guère, mettant en scène des oeuvres connues, ou moins:
L'ouverture de la 5e symphonie de Beethoven est donc le segment 'abstrait' d'ouverture, réalisé par Pixote Hunt. Hendel Butoy, superviseur du projet et réalisateur des liens entre les différentes parties, a adapté Les pins de Rome d'Ottorino Respighi dans un esprit grandiose-écologique qui se veut extrêmement beau, et qui le clame un peu haut et un peu trop fort; le premier des grands moments est un Rhapsody in Blue superbe qui transpose Gershwin dans un New York de toujours, sous la direction de Eric Goldberg, plus dans l'esprit de Chuck Jones et de la Warner que dans celui de Disney; Butoy revient avec un conte d'Andersen (Le stoïque soldat de plomb) qui illustre le Deuxième concerto pour piano de Chostakovitch, plutôt réussi; Goldberg signe le meilleur moment du film avec le final du Carnaval des Animaux de Saint-Saens; le segment d'Algar est placé ici, et suivi d'un passage de témoin, de Mickey vers Donald: Francis Glebas a réalisé un segment autour de Pomp and circumstance d'Elgar, qui suit l'histoire de Noé, avec Donald pour aider le patriarche. C'est révoltant de bêtise, à part pour UN gag: les dragons et licornes qui regardent Noé et les animaux se préparer, en rigolant... Le dernier segment est un retour à Stravinsky et L'oiseau de feu, qui est illustré par une allégorie poétique autour de l'anecdote de l'éruption du Mont St-Helens... C'est une réalisation des frères Brizzi.
On est forcément mitigé: d'abord le studio n'a plus rien à prouver, et plus souvent du retard à rattraper; le film prouve qu'il y a un style Disney mais que celui-ci confine à la sale manie (ces baleines qui volent, dans le deuxième segment, on dirait une mauvaise pub pour déodorant) et que l'intégration souhaitée de l'informatique ne se fait pas encore sans douleur (les segments de Butoy en particulier en abusent). Les meilleures choses dans le film sont justement celles qui ouvrent un peu la fenêtre: et Eric Goldberg, digne héritier de l'esprit Warner, plus que Disney, pose enfin la question essentielle: que feraient les flamants roses s'ils trouvaient un yoyo? En tout cas, il sauverait presque le film...
Mais pas au box-office, manifestement. Du coup, ce Fantasia 2000 qui s'est vautré est non seulement la suite, mais aussi la fin.