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7 août 2022 7 07 /08 /août /2022 11:29

1924, à Moscou, l'ingénieur Los travaille à un grand projet, et rêve un peu trop... Quand il capte, comme la terre entière, un mystérieux message (Anta, Odeli, Uta) sur les ondes, il est persuadé que c'est Mars qui nous contacte... Entre deux crises de jalousie conjugale et autres péripéties, il conçoit une idée folle: aller sur Mars pour retrouver la Reine Aelita, dont il a rêvé...

On ne va pas y aller avec le dos de la cuiller, ce film, l'un des tout premiers à traiter un sujet qu'on qualifiera de science-fiction, est unique. Deux ans avant Metropolis, diront les tenants de la bouteille à moitié pleine. Oui, mais sans les moyens hallucinants de Fritz Lang et de la UFA, diront les autres... Réussir à mêler une histoire de lutte des classes et une intrigue de révolte sur Mars, un mélodrame qu'on n'ose pas qualifier de bourgeois, et un voyage interplanétaire...

Protazanov adaptait à la demande du studio (privé) Mejrapbom un roman prétexte d'Alexis Tolstoï (un cousin de l'autre), afin de fournir de l'évasion aux masses inquiètes. Si Protazanov, qui était parti en exil en 1917, est rentré en Union Soviétique et a accepté de travailler pour les studios locaux, et si le script fait tout son possible pour intégrer la nouvelle donne (un sale type est un pur capitaliste, un policier a des méthodes qui en font un fasciste de la pire espèce, et un soldat désoeuvré brûle d'exporter la Révolution sur Mars), le réalisateur fait quand même passer en sous-main une vision un peu moins glorieuse, avec ces appartements bondés dans lesquels toute intimité familiale est bannie, et une société qui reste quand même à plusieurs strates. Par-dessus le marché, il montre aussi la nostalgie des années d'avant lors de scènes de comédie...

Mais rien ne peut nous préparer à l'hallucinant design des costumes sur Mars, au jeu indéniablement affreux des acteurs et actrices qui doivent incarner les extra-terrestres. Et c'est, au milieu d'une joyeuse absurdité et de quelques bribes du savoir-faire évident de son metteur en scène, ce qui plombe sérieusement le film. Comme quoi on ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la kolkhozienne.

 

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Published by François Massarelli - dans Science-fiction Muet 1924 Bientôt, nous serons des milliers **
13 avril 2020 1 13 /04 /avril /2020 15:23

En moins de 80 minutes, Poudovkine réussit un tour de force: visualiser la façon dont St-Petersbourg (appelée Petrograd depuis 1914), théâtre crucial de la Révolution d'Octobre, se met en mesure de devenir Leningrad... Le film est une commande de l'état qui entend mettre en avant le dixième anniversaire de 1917. Mais il tranche sérieusement sur Octobre d'Esisenstein, par le refus de Poudovkine de se débarrasser des protagonistes, comme dans ses précédents films.

A St Petersbourg avant la première guerre mondiale, un paysan (Ivan Tchouvelev) venu chercher du travail tombe mal: on est en pleine grève. Plein de rancoeur envers ceux qui lui ont conseillé de ne pas trop insister, il essaie de participer à la vie de l'usine en brisant la grève. Par sa faute, les arrestations se multiplient, et l'épouse (Vera Baranovskaia) du leader syndical lui fait comprendre sa faute; il désire tout faire pour faire libérer les hommes, mais il est envoyé au front quand la guerre éclate. Pendant ce temps, les spéculateurs de St-Petersbourg se font de l'argent sur le dos des combattants...

On retrouve aussi bien la dialectique simpliste basée sur l'opposition, des films d'Eisenstein: nous/eux, les pauvres,/les riches, avant/après, le travail/le capital, etc... qu'une volonté de s'intéresser à des parcours. Poudovkine, contrairement à Eisenstein, laisse vivre les personnages et leur permet de nous installer dans ses intrigues. Tout en utilisant le montage de façon spectaculaire, bien entendu, mais il acquiert un cadre qui est me semble-t-il essentiel à l'effet produit par ses films. Et la dernière bobine de ce film, à ce titre, est tout bonnement spectaculaire! 

De plus, le metteur en scène semble constamment permettre, au moins un peu, le temps pour le spectateur d'intégrer l'erreur, une sorte de point de vue de l'opposition, comme à travers ce paysan dont on reconnaît la légitimité de sa rancoeur par exemple. Bien sûr que le propos reste dans la stricte ligne du parti et que le film fait dans la dichotomie assumée plutôt que dans la dentelle, mais il est notable qu'il permet ainsi à un personnage de passer par des étapes dramatiques bien plus intéressantes, qu'au hasard ce pauvre Vakoulinchouk, le marin Bolchevique ultra-sanctifié dans Le cuirassé Potemkine: ici notre paysan est affamé, puis en colère, puis dans la faute, la culpabilité, la rédemption et enfin le pardon. Pas mal pour un seul Bolchevik, non?

 

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Published by François Massarelli - dans Vsevolod Poudovkine Bientôt, nous serons des milliers 1927 Muet **