Samson (Victor Mature), un Hébreu qui vit avec son peuple sous la domination constante des Philistins, annonce à ses parents qu'il va épouser une notable (Angela Lansbury) appartenant à ces derniers. Mais l'accueil des occupants vis-à-vis du berger est au mieux moqueur, voire méprisant... Lors de la bagarre qui s'en suit, la fiancée est tuée. Dalila (Hedy Lamarr), la petite soeur éconduite, décide de venger sa famille et de livrer Samson, en le séduisant d'abord...
14 ans! Il a fallu que Cecil B. DeMille attende quatorze ans à mûrir ce film avant de pouvoir le faire... Car normalement, c'était la production suivante après Cleopatra (1934). Mais pour tout un tas de raisons, la guerre en premier lieu, et d'autres obligations moins onéreuses et plus lucratives (notamment une série de westerns), ça n'a pas pu être fait.
Et c'est pourquoi je suis plus que surpris, qu'un cinéaste qui a aidé à définir Hollywood dans les premiers temps, un pionnier qui a montré le chemin (parmi les sommités qui ont subi son influence, je me contenterai de citer Lubitsch, Gance, L'Herbier et Chaplin, ce dernier ayant été bouleversé par The Whispering Chorus), puisse mûrir un film pendant quatorze années... et tourner ça.
Il n'y a rien dans ce film, rien que du carton-pâte aussi bien dans les décors que dans les interprétations de la plupart des acteurs, je mets George Sanders de côté, car même avec le pire dialogue possible, et le film se pose d'emblée en candidat pour ce diplôme spécifique, il reste un génie! Pour le reste, circulez, il n'y a rien à voir.
...A moins de souhaiter entendre un dignitaire Philistin proférer, dans la scène finale, un "je n'ai jamais vu de clown aussi drôle" pour blesser Samson, avec un fort accent de l'Oklahoma.
Le film a eu un énorme succès. Sans plus de commentaire, donc.
C'est en 1942 que le président Franklin D. Roosevelt s'est adressé à la nation Américaine pour souligner l'héroïsme (presque) ordinaire de certains Américains: à cette occasion, il a cité le cas intéressant du Dr Wassell, un scientifique qui s'était engagé, et avait conduit un groupe de prisonniers réputés intransportables depuis Java jusqu'en Australie, les sauvant tous: un exemple à suivre... Un exemple qui a fasciné Cecil B. DeMille, pourtant peu familier des récits guerriers, au point qu'il a voulu en faire un film.
Nous suivons donc, dans une chronologie bouleversée, les aventures du Dr Wassell (Gary Cooper), qui semble plus ou moins revenu de tout, hanté par un amour impossible, et qui dès la première scène, croise celle qu'il a laissée partir. Elle reviendra dans l'intrigue, et pas qu'un peu: pendant que la guerre s'approche et que le Dr Wassell doit faire face à la destruction méthodique de l'hôpital où il est le principal officier, les évocations de son passé refont surface sans crier gare, soit par ses propres souvenirs, soit par ceux narrés par des tiers...
C'est formidable: en transposant son savoir-faire hérité du muet dans une intrigue située en pleine guerre, DeMille semble se réinventer, en évitant pour une fois de chausser des gros sabots. Ce qui fait le prix du film, ce n'est pas un héros qui revisse sa casquette, c'est un homme qui a été embarrassé d'obéir à un ordre, parce qu'il n'a pas sur comment dire la vérité à ses hommes. Un humain, quoi, célébré, adoré, et constamment évoqué par des dizaines de personnages, tous développés (comme c'est, ou plutôt ce sera, la tradition dans ce type de récit choral): le marin devenu aveugle, l'infirmière Hollandaise dévouée corps et âme, le blessé qui va survivre grâce à elle, et tomber amoureux d'elle, l'infirmière locale qui décide suivre un main chez lui, etc... Chacun semble exister, au milieu d'un bric-à-brac où le géant du muet semble montrer comment il se propose de reconstituer la guerre en studio... Après tout, une bonne part du film est située dans des hôpitaux, sur des bateaux, voire des embarcations de fortune.
Et si son film fait parfois penser au merveilleux One of our aicraft is missing, de Michael Powell et Emeric Pressburger, il semble aussi annoncer Objective Burma, de Raoul Walsh, avec sa fuite quasi obsessionnelle vers la survie. Et ça, ce n'est pas rien... Rien que pour ça, ce film foisonnant qui prend son temps, et évite du même coup la plupart des sales petites manies de son auteur, est une vraie petite merveille.
Derrière ce titre générique prétexte, se cache un court métrage de promotion du film Paramount Cleopatra, réalisé par Cecil B. DeMille, qui avait coûté cher et risquait, fin du code oblige, de rapporter surtout des ennuis, il s'agissait sans doute de rendre le film incontournable en montrant les efforts qui avaient présidé à sa confection... On voit donc une scène du film se tourner, et les actrices (c'est une scène de la cour de Cléopâtre avec toute ses dames de compagnie) attendre dans le stress les instructions du redoutable maestro...
Celui-ci, d'ailleurs, paie de sa personne en monopolisant l'espace vital dans le film, montrant sans vergogne son obsession du détail (ce qui est comique, c'est qu'il semble en effet croire à 100% que son film est réaliste, et quand on l'a vu, on ne peut qu'être en désaccord), mais surtout de quelle façon indigne il parlait à ses employés... Une tranche d'histoire, qui a sans doute participé à la légende du film qui est devenu un classique, à sa façon.
1885: au Canada, une caste de métis se prend tout à coup de folie des grandeurs et décide de renverser le gouvernement Canadien: ils vont créer une république de métis. Chargés de surveiller et d'empêcher tout débordement, les cavaliers de la police montée vont être aidés d'un marshall Texan, Dusty River (Gary Cooper), qui est justement à la recherche d'un agitateur métis, soupçonné d'un meurtre (George Bancroft)...
C'est du DeMille pur et donc non dilué: pas d'angle idéologique qui ne soit condamnable, une intrigue jetable fine comme du papier à cigarettes, et noyée sous des dialogues d'une affligeante bêtise... Les métis y sont automatiquement représentés comme des sous-hommes, inintelligents au possible, une croyance superstitieuse qui était partagée par l'ensemble de la population de toute façon. Quand ils échappent à la bêtise, c'est pire: ils sont fourbes...
Mais pourquoi le voir, alors? Parce que les films de DeMille échappent à toute catégorie, qu'ils représentent un genre à part entière et qu'il y a un charme enfantin (coupable, ô combien!... mais enfantin) à voir ces westerns un peu niais, mais si bien rangés, dans un magnifique Technicolor et des compositions qui trahissent à quel point l'auteur était un grand metteur e scène... dans les années 20. Gary Cooper, quant à lui... fait du Gary Cooper.
Le sujet est mélodramatique à souhait et nous fait craindre le pire: une jeune femme de la bourgeoisie (Fannie Ward) tombe sous le charme d'un homme d'affaires Japonais (Sessue Hayakawa, devenu Birman dans les copies en circulation afin d'éviter de stigmatiser la forte communauté Japonaise de Californie), et lui demande de l'aide lorsqu'elle commet une bourde financière. Sortie d'affaire, elle veut lui rendre l'argent, mais il refuse, sous le prétexte qu'il estime l'avoir achetée. Pour le lui prouver, il la marque au fer rouge. Elle tente de le tuer, juste avant l'arrivée de son mari, qui endosse le crime. S'ensuivent des scènes de procès aux cours desquelles le mari tente d'empêcher la femme de révéler la vérité.
Le film commence par une courte séquence qui nous présente la star Hayakawa, star paradoxale puisqu'il est aussi le génie maléfique du film... Ici tout est dit ou presque: une source de lumière externe, venue de la droite, hors caméra, s'oppose à l'obscurité du plateau. A gauche, une source interne au plan permet de justifier l'éclairage du visage de l'homme. Celui-ci utilise un tampon pour marquer de son empreinte un objet. Tout est dit: le principal acteur est un mystérieux oriental, il est possessif, et a des méthodes radicales pour le revendiquer, et le film sera un manifeste du clair-obscur...
La première surprise, après, c'est le raffinement des décors et des costumes, à une époque ou le cinéma Américain, héritier du plus bas mélo théâtral, ne s'embarrasse jamais de ce genre de détails, et se contente d'utiliser des intérieurs et des toilettes "génériques": on tend ici à croire en l'environnement des personnages, et les scènes de cocktail mondain ajoutent à l'illusion, un peu à la façon des Russes de l'époque, très attachés à la véracité des apparences (On pense à Bauer, et je doute que DeMille en ait eu connaissance); le jeu des acteurs est plutôt sobre, tout en retenue, sauf au plus fort du drame, lorsque les circonstances l'exigent: le marquage est malgré tout filmé avec une certaine sobriété, la caméra se concentrant sur le visage déterminé de Hayakawa. On évite l'hystérie de la victime. Par ailleurs, le mari (Jack Dean) reste lui aussi sobre. On sent une direction d'acteurs avare en effets, de manière à laisser le champ libre au travail visuel.
Et c'est bien sûr dans ce travail de mise en images que l'on retrouve les plus grandes qualités du film, dans un montage parfait, se faisant oublier, mais toujours fluide, sans ces longs plans qui alourdiront les films parlant du maitre (The sign of the Cross ou Cleopatra en montrent de nombreux exemples); ici, l'utilisation fréquente d'inserts, savamment dosée, maintient l'intérêt au même titre que les gros plans des acteurs. Le tout permet une grande lisibilité (une remarque toutefois: sur la plupart des copies, un insert nous montre un journal daté de 1918: il s'agit de la ressortie de 1918, altérée par le changement de nationalité du protagoniste) La plus grande qualité du film, et de DeMille nous soufflerait Brownlow, c'est la science de l'éclairage. Au moment crucial, le metteur en scène et son équipe nous limitent volontairement le champ de vision, n'éclairant que partie du drame, filtrant l'action, en écho aux tromperies en jeu à l'écran: Fannie Ward, fuyant dans la pénombre vers le rendez-vous fatal, ne remarque pas le visage de son mari, qui nous a été partiellement révélé. Je parlais du décor, ici, il disparaît totalement. Ensuite, la lumière étrange du domicile du Birman enveloppe le drame qui s'y joue d'un voile sordide, dont on nous a d'ailleurs prévenu: pour la séduire (l'envoûter?), Hayakawa montre à Ward une statue de Bouddha, et l'éclaire différemment, la rendant tour à tour mystérieuse (derrière un écran de fumée) ou anodine, à l'instar de leur pacte, tour à tour amical (le prêt) ou sordide (le pacte sexuel); le tout ressemble furieusement à une réflexion cruelle sur la mise en scène dans les commerces humains.
Il est hélas inévitable, en 1915, et c'est le point le plus embarrassant du film, que le Birman soit le plus fourbe d'entre les protagonistes, mais les commentateurs qui s'indignent aujourd'hui du racisme du film vont peut-être un peu loin dans le "Politiquement correct". Un autre aspect mériterait sans doute d'être développé, concernant la forte misogynie du film; si le mari est un héros, la femme est assez clairement une idiote... Toutes ces considérations sont sans grande importance: DeMille était un showman, puisant dans le vivier des idées reçues afin d'alimenter ses histoires en images, et ce film est un grand show, proposant 59 minutes de divertissement digne d'inaugurer la grande série des drames/comédies matrimoniales qui allait suivre...
Jim Warren (H.B. Warner) est condamné à mort, et l'exécution est imminente... Un reporter vient l'interviewer, et lui pose la question qu'on lui pose depuis son arrestation: est-il vraiment coupable: l'homme ne répond pas, mais se souvient... Il remonte alors 20 ans en arrière: il était un malfrat, évadé de prison, en couple avec une jeune femme enceinte (Vera Reynolds), mais leur mariage était invalide pour des raisons administratives. Devant fuir, il l'avait laissée, et n'était retourné, traqué, que 6 ans après: la petite était née, et Norma s'était mariée avec Phil Powers (Rockliffe Fellows): manifestement un brave homme... Mais pouvait-on en être sûr?
L'essentiel du film se déroule encore quinze ans après, quand la petite Norma (A nouveau Vera Reynolds) est devenue une femme que Powers s'apprête à marier avec un jeune home bien sous tous rapports; le drame se noue dans la confrontation entre Warren, revenu après quinze ans d'absence, Powers et celle qui se croit sa fille. Un maître chanteur (Raymond Hatton) va précipiter le drame entre les trois personnages...
C'est un beau film, dans lequel Julian transcende la matière théâtrale en ayant recours à une forte stylisation, et il est aidé de façon impressionnante par la photographie de Peverell Marley, qui était à l'époque le principal chef-opérateur des productions de DeMille... A ce titre, on remarquera que les acteurs eux aussi sont de premier plan, à commencer par Warner qui était à l'époque sous contrat avec DeMille lui-même pour interpréter Jésus dans King of Kings... Donc contrairement à la plupart des productions DeMille qui n'avaient pas été tournées par le maître lui-même, ce Silence était une production importante.
...D'où sans doute le job confié à Julian qui était quelle qu'ait été réellement sa contribution à The phantom of the opera, un nom de tout premier plan en raison du succès du film avec Chaney. Et comme avec the yankee clipper réalisé l'année suivante pour les films DeMille, on voit qu'il était bien un metteur en scène inspiré, pour autant qu'il ait le bon sujet. Cette intrigue bâtie sur des flash-backs, toute en tension avec la menace d'une exécution, ces intrigues aux rebondissements mélodramatiques, est passionnante. ...Et miraculée: une copie nitrate d'exportation (amputée de quelques passages et sous intrigues disponibles uniquement dans la version "domestique") a été retrouvée intacte à la cinémathèque française et présentée à San Francisco...
Les partisans de la politique des auteurs en seront pour leurs frais... en attendant, ce film intrigant et puissant a bien été vendu comme un western, dans le cadre de la production de films de genre par Cecil B. DeMille, qui était soucieux de remplir les salles afin de pouvoir continuer à financer ses projets coûteux. William K. Howard est ce qu'on appelle un solide technicien, et on lui doit quelques films intéressants: celui-ci est sans doute au sommet de la pyramide... Probablement par accident d'ailleurs!
Dans la ferme du père Carson (George Nichols), on élève des moutons. Ca nécessite du personnel, bien sûr, d'autant que le père est maussade: son fils (Kenneth Thompson), qu'il a élevé tout seul, est marié, et il n'aime pas sa belle-fille. Celle-ci (Jetta Goudal), pourtant, est adorable, loyale et volontaire, et particulièrement soucieuse de réussir à se faire accepter par son beau-père. Mais la routine s'installe, et le vieux Carson n'en démord pas: il estime qu'elle ne vaut rien. Quand un ouvrier de passage (George Bancroft), un dur à cuire un peu fort en gueule, vient travailler pour lui, il voit que le nouveau venu cherche à tourner autour de la jeune femme. Plutôt que de l'empêcher, il souffle sur les braises...
C'est âpre, et pour tout dire assez austère. Le film est un huis-clos dans l'essentiel de sa durée, et si un personnage d'ouvrier un peu gauche (Clyde Cook) vient apporter un peu de comédie, le ton est grave. On sent très vite que le conflit qui se joue (contrairement à celui qui est au coeur de City Girl de Murnau, assez similaire par certains côtés) est et restera entre Nichols et Goudal. L'actrice, qui était une découverte de DeMille, est fantastique, réussissant sans jamais perdre en cohérence à osciller entre la fragilité et la douceur d'une femme sur laquelle le ciel tombe, et la force de caractère d'une personne sûre de son bon droit, et qui est confrontée à trois caractères d'hommes qui la révoltent: au premier, la méchanceté et la mauvaise foi; au deuxième, la lâcheté; au troisième, la duplicité et la luxure...
La mise en scène adopte très vite une linéarité intéressante, tout en concentrant l'essentiel du point de vue autour de Jetta Goudal. Si le premier plan nous montre Nichols sur son rocking-chair, le bruit fait par les ressorts nous permet de comprendre que le bruit indispose la jeune femme... Ce qu'il sait d'ailleurs probablement! Et une conversation à bâtons rompus entre père et fils, à table, est vécue par la jeune femme qui se noie dans leurs propos sur le bétail: pour illustrer cette conversation sans intertitres, on nous montre des surimpressions envahissantes du troupeau... Enfin, la scène-clé du film, celle qui va occasionner la confrontation finale entre les trois membres de la famille Carson (la jeune femme a été "visitée" par Bancroft durant la nuit), est absente, volontairement: à nous de nous situer, moralement, comme la jeune femme le demande à son mari qui l'accuse un peu trop rapidement...
Le western n'en est pas vraiment un, par contre les liens avec d'autres films de l'époque sont nombreux: comme Sunrise, White Gold est une épure. Comme le film de Murnau (sans pour autant être un tel sommet bien sûr), il se passe souvent de titres inutiles. Comme The Wind, de Sjöström, il est la confrontation d'une femme qui n'est pas préparée à la dureté de la vie chez les pionniers; et comme City Girl, de Murnau, White Gold est un tableau sans compromis de la vie campagnarde, qui se tient bien à l'écart des clichés du paradis pastoral...
Cecil B. DeMille a risqué le tout pour le tout en 1923: lassé de travailler pour la Paramount, qui commençait à être un carcan, il a largué les amarres et s'est lancé dans l'aventure du studio indépendant: une aventure vouée à l'échec, d'autant que l'idée de se placer sous l'aile protectrice de Pathé était une erreur fatale: le distributeur, comme le studio, était condamné à plus ou moins brève échéance... Mais en attendant ce funeste destin, l'autocrate à bandes molletières a au moins eu le temps de lancer une production intéressante, partagée entre des films de série A (les siens, souvent ambitieux et toujours singuliers, parmi lesquels The King of Kings, ou The Volga Boatman, The Road to Yesterday et The Godless Girl sont les plus notables, à des degrés divers), d'autres destinés à alimenter les goûts du grand public (Dont le meilleur films de Rupert Julian, The Yankee Clipper, ou l'impressionnant Chicago crédité à Frank Urson, mais dont la paternité réelle ne fait aucun doute, et puis de nombreux drames romantiques parmi lesquels White gold)... enfin, les films DeMille produisaient aussi des comédies, dont ce joyau.
Rod La Rocque, apparu justement dans les productions ambitieuses du grand réalisateur, est la vedette de ce film, qui prend probablement prétexte de la sortie cette même année de The Black Pirate d'Albert Parker et Douglas Fairbanks. Non que cette comédie soit un film de pirates, mais les clins d'oeil savoureux à Fairbanks, son style et son univers, sont légion... Rod La Rocque, dédié le plus souvent aux rôles sous-valentiniens de séducteur musclé, se moque ouvertement de sa propre image en même temps qu'il nous fait une parodie espiègle de Fairbanks, dans un film qui renvoie d'ailleurs souvent à l'esprit un peu ironique des films du grand acteur réalisés avant son Zorro: des oeuvres souvent marquées par un humour physique et assez inventif...
Jerry Cleggett est le dernier héritier d'une glorieuse famille fondée par un pirate: pour avoir le droit de devenir maîtres d'une conséquente fortune, les Cleggett doivent se marier comme leur ancêtre le jour de leur vingt-cinquième anniversaire. C'est donc l'anniversaire de Jerry, et... pas de fiancée à l'horizon. Mais comme c'est un jeune homme bien de son temps, ça n'a pas l'air de le gêner, sauf que... les huissiers sont là et saisissent jusqu'à son pyjama, dernier rempart contre l'indécence... Et pourtant une femme va entrer dans sa vie: Agatha (Mildred Harris), héritière légitime d'une fortune conséquente, poursuivie par un oncle (Snitz Edwards) qui lui n'hérite que de trente cents, et lui en veut: il a d'ailleurs détruit l'héritage, dont il ne reste qu'une trace: la feuille s'est en effet collée un instant sur le dos humide de la jeune femme qui prenait un bain, et l'oncle voudrait effacer cette dernière preuve...
Oui, ça a l'air délirant comme ça, mais ce n'est que le début: le reste part encore plus dans tous les sens, et comme James Horne est aux commandes, on est dans la tradition du slapstick le plus joyeux, c'est-à-dire drôle, improbable, mais ni sans rebondissements (poursuites, hold-up, coups sur la tête, bagarres, cascades idiotes, et j'en passe) ni sans rigueur... La Rocque se fait plaisir en parodiant son identité de jeune premier (et certaines scènes du début, qui montrent un essaim de rombières tentant de capter la nudité furtive du jeune homme sous des draps, sont particulièrement coquines), et lui et Mildred Harris dynamitent avec allégresse les conventions du cinéma de genre, en alternant baisers fougueux et bourre-pifs bien balancés. Snitz Edwards est généralement un minable dans les films qu'il interprète: ici, c'est un minable méchant, il y est splendide! Bref, ce petit film pour rire est une vraie pépite...
L'unique film musical de Cecil B. DeMille est son deuxième film parlant, réalisé durant une époque particulièrement troublée: la faillite de sa société a obligé le metteur en scène à se réfugier à la MGM en attendant que l'orage cesse, et il n'y bénéficie bien sûr pas d'une grande liberté. Néanmoins, on peut parier en voyant ce film unique en son genre, qu'il y a eu une certaine marge de manoeuvre, tant Madam Satan lui ressemble... Pour le pire.
Angela Brooks (Kay Johnson) se désole: son mari Bob (Reginald Denny) va chercher le bonheur ailleurs, en particulier auprès de Trixie (Lillian Roth), une jeune femme dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'a pas froid aux yeux, ni ailleurs. Devant la situation, Angela que son mari prend pour une bourgeoise prude et rangée, joue le tout pour le tout, et lors de la soirée olé olé organisée par James Wade (Roland Young), le meilleur copain de Bob, elle apparait déguisée en femme fatale pour faire tourner toutes les têtes...
La soirée en question a lieu sur un zeppelin, c'est important à signaler puisque le film repose sur la promesse d'une catastrophe qui implique le vaisseau et une tempête, ainsi qu'un nombre potentiellement restreint de parachutes... Mais le film choisit en un peu moins de deux heures un cheminement paradoxal pour mener à cette séquence que le metteur en scène voulait spectaculaire. Ce n'est pas la première fois que DeMille s'adonne à ce genre de piment dramatique: Something to think about, The road to yesterday ou The Godless girl ont eux aussi leur séquence-choc, mais celle-ci est particulière: elle est excessive, prétentieuse et plutôt mal foutue!
En attendant, on a donc une ouverture à la Lubitsch, mais sans la moindre subtilité, un développement au rythme intéressant, qui tente de jouer la carte boulevardière comme le faisaient certains courts Hal Roach. Puis on a la fiesta dans le zeppelin, un chef d'oeuvre de mauvais goût involontaire, avec ses costumes et ses non-costumes, et ses ballets qui trahissent l'absence d'un Busby Berkeley pour prendre les idées extravagantes et en faire de l'or. Ici, c'est plutôt d'une autre matière qu'il s'agit, mais nettement moins précieuse...
Maintenant, tentons l'impossible: pourquoi verrait-on ce film?
Il y a Martha Sleeper. Un peu, mais c'est déjà ça.
This day and age est à la fois l'un des films les moins vus et les moins connus de Cecil B. DeMille, et une cause célèbre, un de ces films à la réputation sulfureuse. Pas pour des raisons d'excès de zèle dans le représentation du sexe, ou pour un quelconque prosélytisme religieux, non: ici, le mot qui fâche par un F... F comme fascisme. Nous sommes en 1933, et tout le monde à Hollywood est fasciné par Mussolini et dans une moindre mesure par Hitler, celui-ci ayant quand même le racisme trop voyant... Pourtant le film qui nous occupe n'a rien d'Italien, ni d'européen. C'est une histoire située dans une communauté de moyenne importance, dans les années 30...
Au lycée public, les garçons et les filles se préparent à vivre une expérience formatrice: ils vont durant une journée assumer le rôle d'un édile, d'un responsable du service public, ou d'un responsable de la sécurité publique. Ainsi, par exemple, Steve Smith (Richard Cromwell) sera procureur. Une expérience qui est destinée à leur ouvrir les yeux, même si Smith et ses copains sont dans l'ensemble des braves garçons et filles: même Morry (Ben Alexander), son rival pour les beaux yeux de Gay (Judith Allen) a beau être un peu voyou, et pas religieux pour deux sous, le vertueux Smith le maintient dans son groupe d'amis. Gay, de son côté, est tentée... mais elle ne sait pas exactement par qui, ni par quoi. Sous l'influence de Morry, elle traîne un peu dans le night-club de Louis Garrett (Charles Bickford) où elle attire l'attention de Toledo (Bradley Page), première gâchette du truand Garrett...
Pendant ce temps, tout irait mieux dans le meilleur des mondes, et Smith et ses copains continueraient à se retrouver chez leur ami, le tailleur Juif du coin, Herman... Si celui-ci n'était éliminé par la machine de Garrett: celui-ci, qui travaille pour une mafia locale, était venu lui faire comprendre qu'il fallait payer et adhérer au "syndicat", s'il voulait continuer à travailler ...ou respirer, et la discussion a tourné court. Les garçons, qui voient la justice et la police s'écraser devant Garrett lors de son procès, voient rouge et décident de faire justice eux-mêmes...
Nous y voilà: le film, à l'instar d'autres oeuvres de l'époque (The Cat's paw, de Sam Taylor et Harold Lloyd, Gabriel over the White House, de Gregory La Cava, ou encore Meet John Doe de Capra) s'intéresse à ce moment où le citoyen devient inventif et décide de régler ses comptes lui-même. Une ligne rouge à ne franchir que dans une comédie (Le Lloyd, par exemple) sinon la sanction sera dure! La plupart de ces films ont d'ailleurs fait de monumentaux flops au box-office. Malgré tout, on se pose la question: en imaginant cette histoire dans laquelle des garçons s'improvisent juges, policiers, et bourreaux, et vont jusqu'à torturer un bandit, DeMille voulait-il se placer dans une limite acceptable du fascisme?
Disons que ce qui a fait tiquer plus d'un critique, et qui reste aujourd'hui le plus difficile à accepter, c'est la torture à laquelle un groupe d'une centaine de gamins soumet Charles Bickford. Une séquence rehaussée par les plans de gamins tous unis dans une certaine dose de fanatisme, avec des torches, et certains des gosses qui portent un uniforme. DeMille a peut-être de bonnes intentions, mais il ne sait pas s'arrêter, contrairement à Borzage, qui sait lui que quand on laisse les gamins mettre des uniformes, il n'en sort rien de bon: voir l'admirable No greater Glory (sorti l'année suivante) pour s'en convaincre. Sentant le danger venir (il avait l'habitude de s'en prendre plein la figure, il faut le dire) le metteur en scène avait multiplié les précautions, à la fois à l'extérieur du film (Une série d'interviews dans laquelle il insistait sur le fait qu'il ne fallait pas faire ça à la maison!) et à l'intérieur (les gamins, contrairement aux deux groupes rivaux et fanatiques de Godless Girl, sont ouverts les uns aux autres, et viennent de tous les horizons: W.A.S.P., juifs, et noirs cohabitent et sont unis dans leur quête de justice). Par ailleurs dans son film, si le système politique est corrompu, les politiciens sont dépassés, comme la police et la justice: pas responsables, en attente d'un salut que les gamins leur apportent sur un plateau.
Et puis bien sûr, dans ce film super chargé en épices DeMilliennes de toutes sortes, on a droit aux montagnes Russes: des scènes de suspense et d'action inattendues et d'une grande rigueur, et un sauvetage de dernière minute d'une jeune femme enfermée en robe de soirée avec décolleté révélateur, qui doit rester le plus longtemps possible avec un gangster qui n'a qu'une envie, celle de la consommer sur le champ: une situation risquée mais la mission pour Gay est d'empêcher l'intervention de Toledo auprès de Garrett, par tous les moyens, pendant que les gamins s'occupent de lui... Bref, ça va loin, et en toute logique DeMillienne, ça n'en finit pas d'aller très loin... tout en durant que 85 minutes.
On ne résoudra pas les questions posées par le côté sulfureux du film, mais en l'état (mauvais, le film n'a pas bénéficié de toute l'attention de la Paramount, et a un peu souffert du passage des années) ça reste un des films, justement les plus fascinants de DeMille. Tellement meilleur que, disons, au hasard, ses Ten commandments...