How to make movies n'a jamais été exploité entier du vivant de chaplin, et est fascinant à plus d'un titre: d'une part, il s'agit d'un documentaire, réalisé par Chaplin pour présenter son personnel, son environnement de travail et bien sûr la vision de son nouveau studio pour First national est fascinante: c'est de là que sont partis The Kid, Shoulder arms, The pilgrim ou ses films United artists!
Ensuite, le projet a été longuement mûri, puisque il incorpore des plans pris sur le lieu de construction du studio avant l'ouvrage: on y voit Chaplin, auquel un génie (Albert Austin, semble-t-il) accorde son rêve le plus précieux: un studio. Puis des prises de vue enchaînées nous montrent en quelques secondes la construction, et enfin, Chaplin heureux comme un gosse arrive sur place. Le maquillage est là, mais pas la moustache, et le patron est en costume de ville. Le tour du studio est vu avec humour, et on assiste à des recréations de tournage et de répétition (D'après les costumes de Loyal Underwood et Henry Bergman, c'est au moment du tournage de Sunnyside que ces plans ont été tournés), mais qui sont l'objet de vrais gags. On voit aussi les pin-ups convoquées par Chaplin pour la danse de Sunnyside faire les bathing beauties au studio, le minuscule Loyal Underwood se faire malmener, les acteurs (Bergman, Underwood, Purviance, Wilson...) bullant, se mettant soudain à travailler à l'approche du patron, etc. On voit aussi Chaplin en plein montage, seul, comme le veut la légende, et Albert Austin, sans maquillage, supervisant le développement de la pellicule. Enfin, un exemple de film est montré, et pour le film Chaplin a recyclé un film Mutual inédit sur le golf, avec Eric Campbell et John Rand. Il a du l'abandonner assez tôt, et il est fascinant, non parce qu'il anticipe sur les séquences de golf de The Idle Class, mais surtout parce que Chaplin y est encore au stade du tâtonnement, et du coup improvise beaucoup: on voit son personnage rire, mais... ce n'est plus son personnage, c'est lui.
Le fait de tourner ce film consistait pour Chaplin en une déclaration d'amour au cinéma, une affirmation aussi de sa puissance, il est clairement le patron. La forme, très pince sans rire, est une excellente surprise même si elle ne doit pas nous tromper sur la vraie personnalité de ce géant du cinéma. La joie d'un studio nouveau était certainement une autre motivation de faire ce film récréatif, mais le choix de ne pas le montrer fut sans doute du à une volonté de contrôler au maximum son image, et son influence: il ne se fera pas facilement photographier, ou filmer par la suite en pleine action, à part pour Souls for sale (1923). Le film de 16 minutes a été heureusement préservé par Chaplin, et monté par Kevin Brownlow et David Gill qui en ont montré des extraits dans Unknown Chaplin. Finalement ils en ont assumé sur instruction de la famille Chaplin le montage intégral... Il me semble un passage obligé pour qui s'intéresse à Chaplin, à son art, et à son style, parce que ce faux documentaire est totalement empreint de son esprit...