Les trois ours apparus en 1944 dans Bugs Bunny and the three bears sont occupés à prendre un goûter, mais Junior (également appelé Junyer) vide intégralement un pot de miel. Le père, dans tous ses états, décide d'en récupérer dans une ruche, ignorant les tentatives désespérées de son épouse pour lui dire qu'en fait il y en a un placard plein. La colère du père, l'ineptie du fils, et les abeilles pas forcément prêtes à accepter qu'on leur pique le miel, vont déclencher des catastrophes...
La famille étrangement disfonctionnelle de ces trois ours est devenue récurrente, avec une équipe de voix qui contribuent à leur donner une personnalité formidable (Mel Blanc, Bea Benederet et Stan Freberg); ce film est notable par le fait qu'il se concentre sur une seule situation, vouée comme souvent dans les films de Jones, à l'échec le plus cuisant...
Mais on peut aussi voir ici un portrait au vitriol de la famille Américaine, du mâle Américain aussi à travers ce père violent (il s'en prend physiquement, en permanence, à son fils et son épouse), cette mère éteinte, liée organiquement aux tâches ménagères (elle est présentée comme les deux autres par une voix off, en pleine distribution de toasts) et ce fils apparemment choyé mais aussi laissé dans un état d'abrutissement coupable...
Et bien sûr, si on accepte que contrairement à George et Junior, les deux héros de Tex Avery qui ont un rapport très violent, Papa Ours et Junyer soient père abusif et fils maltraité, c'est néanmoins très drôle. Evidemment, dit comme ça...
Les trois ours veillent tard... Le père décrète pourtant qu'il est l'heure d'hiberner, d'autant qu'en dépit de ses efforts pour tricher, il s'est fait plumer aux cartes par son épouse (qui ne paie pourtant pas de mine)...
Car oui, maman ours, dans les dessins animés de Chuck Jones avec cette famille si particulière, est si souvent totalement effacée qu'elle ne servirait presque à rien... Et pourtant elle semble indispensable à cette étrange trilogie à peu près contemporaine de la création des aventures malencontreuses du coyote... Là où la série quasi avant-gardiste se concentre sur l'échec et rien que l'échec, ici, il est question de caractère....
...Et des secousses sismiques créées par la recontre inopinée entre la bêtise insondable, cataclysmique du fiston, et le côté colérique explosif et incontrôlable du papa... Un dessins animé donc relativement traditionnel, d'autant qu'à l'origine il se basait sur un conte. Mais... on est loin du conte.
En 1959, Chuck Jones réalise pour la Warner des films à sa guise, et le studio a bien changé. En témoignent un certain nombre d'indices: d'une part les décors, particulièrement ceux des aventures désastreuses du Coyote (oui, vous n'imaginez quand même pas que le héros soit l'oiseau, quand même?) sont de plus en plus abstraits, et c'est frappant de voir à quel point Jones et Maurice Noble, responsable ds décors (et souvent crédité à la co-réalisation, un signe qui ne trompe pas) sont inventifs avec les paysages typiques de ce qu'on trouve en Arizona...
Et sinon, le film continue à rendre toujours plus austère la quête du vide du Coyote, condamné à chasser pour rien un oiseau qu'il n'attrapera jamais, et mangera encore moins, tout en étant, vaguement, un reflet de son époque: la vente par correspondance, par exemple, le hobby du bricolage, sont des passe-temps qui sentent bon les années 50, quand la vie s'est allégée... Et le jet, très présent dans ce film, est lui typique d'une tentation de la modernité un peu inutile, qui allait s'exprimer un peu partout (et notamment avec le jet-pack, dans Thunderball (Opération Tonnerre)!
Et donc, je viens, sans effort apparent, de comparer James Bond et le Coyote. Il fallait le faire.
Non, en effet, rien ne distingue vraiment ce court métrage de 1958, des autres, ceux qui ont précédé et ceux qui suivront, dans la longue et fascinante filmographie de cette étonnante série. Etonnante, car uniquement basée sur l'échec d'un protagoniste et sur la sensation pure: celle du suspense qui nous fait anticiper non l'accomplissment, mais son contraire. Sensation pure aussi du rythme, un élément essentiel de la franchise!
Alors comme d'habitude, il y aura de désespérantes tentatives, toutes lamentables, d'attraper l'oiseau trop rapide pour lui, par le coyote: avec une grenade, un trapèze, un rongeur dopé, un produit miracle, et même un bateau à moteur.
Comme toujours, cette série du coyote est soit:
...une magnifique escroquerie dans laquelle le public, son intelligence détournée par un cas bizarre de syndrôme de Stockholm un peu tordu, admire ce qu'il n'y pas lieu d'admirer, et soutient un anti-héros dans ses échecs programmés.
soit:
...une phénoménale variation sur le vide cinématographique, et la capacité à émouvoir (car oui, le rire tient de l'émotion) à partir de rien, mais alors vraiment rien. C'est fascinant.
Un chien qui s'évade de la fourrière se réfugie dans une voiture, où il se retrouve truffe à truffe avec Charlie, un chien airedale; ce dernier lui conseille de se trouver un maître, et lui raconte son histoire, comment il a sélectionné à partir de tous les maîtres potentiels, Porky Pig pour devenir son propriétaire...
Le film recycle des situations et un personnage de Porky's pooch, un court de Bob Clampett. Jones va s'intéresser au personnage de Charlie, et le développer sur une poignée de courts métrages. Il va aussi se baser sur un de ses propres films peu connus, The fresh Airedale, dans lequel un chien menait la vie dure à un pauvre chat pour garder la faveur de ses maîtres... le personnage est surtout basé sur l'accumulation de tentatives de séduction de Porky par Charlie, toutes, bien sûr, vouées à l'échec car systématiquement agressives! Le personnage est un manipulateur particulièrement imbu de lui-même, qui tranche avec les tendances parfois disneyiennes de Jones à l'époque...
Elmer n'a pas chassé, mais il ramène un lapin chez lui, et très rapidement, Bugs Bunny déjoue sa tentative de le transformer en civet... Mais il revient, parce qu'il estime que le bonhomme est une cible trop facile, donc à ne pas rater! Gratuitement donc, le lapin lui-même motive les deux derniers tiers du dessin animé!
Il y sera question d'une maladie fictive, la rabbitite, et comme l'univers se plie le plus souvent aux caprices de la star Bugs Bunny, on se doute qu'elle risque fort de devenir authentique avant la fin de ces 8 minutes...
Visuellement, le film est assez curieux: si le crédit est donné à Chuck Jones (ce dont le design d'Elmer fait foi, d'ailleurs), des bribes d'animation ne s'intègrent pas tout à fait à l'ensemble. Bugs Bunny y passe d'ailleurs de son design tel que Chuck Jones le représentait, à des vues plus gauches, qui donnent l'impression d'une animation pas toujours finie. Il se peut, c'est arrivé parfois, que le film ait changé de main pendant la production, et qu'il soit (c'est une hypothèse) passé par celles de l'animateur Bob McKimson. Celui-ci a débuté la réalisation à peu près à cette époque, et il avait une façon assez distinctive de dessiner Bugs, différent dans ses proportions.
Moi qui n'aime pas les chiens (sales bêtes) je suis servi: un énorme chien exploite de façon éhontée un chat en l'envoyant faire des grâces dans plusieurs familles, pour ramener de quoi manger, mais l'abominable bestiole n'est jamais contente ni jamais rassasiée... On compatit, et on se demande comment un animal aussi intelligent qu'un chat peut se faire mener par le bout du museau par un roquet, fut-il au format yack...
Mais tout vient à point à qui sait attendre: la fin sera morale et félinophile, ouf!
C'est un film assez typique de l'autre veine des films de Chuck Jones, à l'écart donc de ses Bugs Bunny et Daffy Duck souvent drôles mais souvent redondants, et de la part plus expérimentale de son oeuvre, dont les aventures malencontreuses du coyote maudit étaient sans doute la partie émergée de l'iceberg. Ici, il s'agit d'une veine plus linéaire, logique et familiale, dans laquelle l'auteur se plait à jouer sur le caractère des personnages et leurs attitudes; et pour ça, l'auteur du génial Feed the kitty ne craint personne...
Un chien jaloux de sa position chez ses maîtres mène une vie infernale au pauvre chat qui devient facilement le bouc émissaire de son mauvais esprit...
Enfin! Un film qui ose dire la vérité sur les chiens et les chats, nous présentant ce dernier comme la victime évidente des pires saletés, et le chien comme un être corrompu, vil, calculateur, menteur et malhonnête. Ca fait du bien...
Sinon, c'est aussi un film qui arrive à la fin de la première partie de la carrière de Jones, qui avait un graphisme superbe à l'époque, avant de s'égarer dans une recherche de la stylisation angulaire... C'est donc fort beau.
Des années avant de réaliser une trilogie de variations sur le thème de la chasse, Chuck Jones avait repris la bonne vieille situation popularisée longtemps avant lui par Tex Avery et Bob Clampett. Il en fait un court métrage de transition dans lequel Daffy Duck prend le pouvoir, le Daffy d'avant la normalisation/affadissement des années 50.
Et Elmer Fudd, de chasseur, se retrouve en boxeur malgré lui, aux prises avec une armée de canards, pendant qu'un chien mal assuré essaie en vain de lui apporter un soutien symbolique. On est, en quelque sorte, en plein cauchemar...
Un chien se fait abandonner sur une aire d'autoroute... Et immédiatement, se met en quête d'un nouveau maître. Il tombe sur Porky Pig, qui va vite découvrir que l'animal est absolument insupportable...
Ne vous laissez pas attraper par la première phrase du résumé qui précède: ce film n'est en rie un plaidoyer. Il est même particulièrement politiquement incorrect, montrant un animal rigoureusement infect, qui va épuiser les nerfs d'un des personnages les plus gentils et patients de toute l'histoire du dessin animé.
Ce chien affreux est un personnage qui s'avère vite épuisant, mais qui cadre tellement peu avec les fadaises qu'on raconte si souvent sur les chiens, ces êtres vils, qu'il me plaît intensément...