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2 janvier 2020 4 02 /01 /janvier /2020 10:44

Miles Kendig (Walter Matthau) est un vieux routard de la CIA, le genre efficace et sans complexes... Un pur, aussi, qui accomplit les missions, mais ne s'occupe pas de politique. Mais un jour, un supérieur vient lui chercher des ennuis pour une initiative qu'il n'a pas pris, et Miles décide, sur le champ, de donner sa démission... Mais il ne va pas s'arrêter là, et donne à l'arrêt de sa carrière un tournant spectaculaire, corrosif, explosif et souvent très rigolo...

Hopscotch, c'est la marelle, et c'est donc un jeu: c'est exactement ce que va faire Miles Kendig, un jeu dans lequel il va exposer avec une certaine maestria la bêtise de celui qui l'a disgracié... Et il va effectivement, durant tout le film et en ne comptant que sur la distante complicité d'une petite amie (Glenda Jackson) qui elle aussi a quitté le sérail, s'amuser avec ses anciens petits camarades, en écrivant puis en rendant publiques les pages incendiaires de ses mémoires, qui sont comme on l'imagine rudement compromettantes pour l'agence Américaine... 

Donc, Walter Matthau en vieil espion malicieux, forcément ça donne envie. Qu'il se livre en prime à un jeu de massacre dans lequel personne ne meurt et qui est guidé par sa seule espièglerie, ça donne au film un angle intéressant... Et au final, la mise en scène de Ronald Neame, bien évidemment assujettie d'une part aux caprices élaborés de sa star, et aux mésaventures des pauvres victimes de son humour, est d'une grande précision, d'un rythme remarquablement soutenu, et toute en rimes savamment orchestrées d'une scène à l'autre. Et au-delà du plaisir qu'il procure, ce film me paraît être une parfaite introduction aux "valeurs" des années 80, dont le très méprisable Myerson (Ned Beatty), la principale cible de Kendig, est de toute évidence l'incarnation ultime: conservatisme, technocratie hautaine, inculture et petitesse. 

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie
27 décembre 2019 5 27 /12 /décembre /2019 17:44

Après deux films à message, Lang persiste et signe, une dernière fois, dans une relative indépendance. You and me, moins apprécié que Fury et relativement peu montré, est un étrange film dans sa filmographie, mais après tout, pas plus que, au hasard, Hangmen also die ou Cloak and dagger... Une expérience, en quelque sorte, dans laquelle il poursuit son exploration de la notion de culpabilité et de l'implacabilité du destin, dans un cadre fortement inattendu pour lui: la comédie!

Joe (George Raft) et Helen (Sylvia Sidney) travaillent tous les deux dans le grand magasin de M. Morris. Ce dernier s'est fait une spécialité d'ouvrir les portes de son établissement à tous les repris de justice, ex-taulards et brebis égarées qu'il a pu trouver, et la plupart d'entre eux lui sont reconnaissants. Mais tous ne savent pas forcément qu'absolument tous les employés ont un casier judiciaire, et de fait Joe, s'il n'a pas caché la vérité à Helen (il fut un redoutable braqueur de banques), ignore que cette dernière a un casier, et qu'elle doit encore voir son officier de probation toutes les semaines... Quand ils se marient, elle n'ose toujours pas lui dire. Pendant ce temps, un malfrat rode autour du magasin, et essaie de monter tous les anciens prisonniers contre leur patron. Joe résiste, mais jusqu'à quand?

C'est un sujet formidable, mais aussi propice à monter un drame édifiant, qu'une comédie légère. De façon étonnante, c'est cette dernière option que Lang a prise, en faisant tout ce qui est en son pouvoir pour que le drame "conjugal" prenne le plus de place possible. Si George Raft est surtout sobre dans ce rôle inattendu (il n'a jamais eu la réputation d'être un acteur surdoué), il est au moins parfaitement convenable, et même touchant face à la grande Sylvia Sidney. Pour une fois, celle-ci qui tournait pour la troisième fois consécutive, et la dernière hélas, pour Lang, est dès le départ de l'autre côté de la barrière de la loi, et on n'est pas près d'oublier la scène fabuleuse qui la montre expliquer à un tableau noir, craie en pogne, à huit truands endurcis l'exact pourcentage de misère auquel ils auront droit une fois le partage effectué à l'avantage du commanditaire d'un casse! Et l'actrice, qui avait de la répartie, est intégralement crédible aussi bien en épouse inquiète du lendemain, qu'en criminelle endurcie qui se rappelle le bon vieux temps, sans jamais se placer du mauvais côté du Code Hays... Du grand art, quoi.

Mais une fois gratté le vernis de la comédie, le film offre une fois de plus une réflexion sur le bien-fondé du crime, non pas d'un point de vue moral, mais bien d'un côté pratique. C'est inattendu, mais cela n'empêche pas Lang d'avoir doté ses personnages d'un code éthique réel. A ce titre, c'est le principal moteur de l'action et la source des retournements de situation... Comédie oblige, ceux-ci sont généralement un brin trop roses, et certainement bien trop optimistes pour Lang...

Mais celui-ci a su signer ce film d'une autre façon, en confiant de façon étrange à Kurt Weill la bande originale. Celui-ci, probablement sous l'influence du metteur en scène, a donc non seulement signé la musique, mais il a aussi fourni deux chansons "en situation", à la manière de Brecht! Une scène éminemment théâtrale reprend le style du dramaturge Allemand en mettant en scène, lors d'une réunion nostalgique d'anciens truands, les impressions que le destin judiciaires leur inspirent...

Voilà qui fait effectivement un curieux mélange, mais en dépit de ces bizarreries, le film conserve un caractère très proche des thèmes de Lang, de son humanité profonde, et de son obsession de la culpabilité personnelle, qui nous aide à comprendre, non seulement que Joe en veuille à Helen de dissimuler son passé, mais aussi et surtout que celle-ci souhaite s'en affranchir en le cachant. Et comment ne pas se souvenir de M en voyant ces rendez-vous secrets de la pègre? Si ce n'est pas le meilleur film de Lang, il a au moins le mérite, convenons-en, de provoquer la réflexion!

 

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Published by François Massarelli - dans Fritz Lang Noir Comédie
1 décembre 2019 7 01 /12 /décembre /2019 09:41

Yorgos Lanthimos ne fait rien comme tout le monde, décidément. Après avoir proposé des radiographies méchantes de familles dysfonctionnelles (on ne souvient en particulier de Dogtooth et de son atmosphère hallucinante de huis-clos glaçant) il continue dans cette voie en s'intéressant à une sorte de triangle amoureux historique, et à la lutte de pouvoir qui s'y déroule... Il s'appuie sur les personnages de la Reine Anne et de sa confidente, la belle Sarah Marlborough, épouse d'un ministre d'une part, mais aussi et surtout, nous dit le film, première ministre officieuse... vers le mieu du règne de la monarque, une jeune servante, Abigail Hill, a commencé en effet à supplanter la belle aristocrate dans les faveurs de la Reine.

Anne (Olivia Colman) est essentiellement une Reine détachée des affaires, trop préoccupée de ses lubies et de ses soucis grandissants de santé. Sarah (Rachel Weisz) tient donc fermement les rênes du pouvoir, sans que quiconque (pas même Lord Godolphin, premier ministre en titre) ne songe s'en émouvoir ou s'en offusquer. C'est qu'elle a une guerre à accomplir! Pendant ce temps, l'opposition Tory menée par lord Harley (Nicolas Hoult) essaie de trouver un angle pour affaiblir le pouvoir. C'est à peu près à ce moment qu'arrive Abigail Hill (Emma Stone), noble tombée en disgrâce, venue trouver un travail de servante auprès de la Reine. Mal accueillie, vite soucieuse de se venger de l'attitude hautaine de Sarah, Abigail a trois atouts: une sexualité peu regardante, une réactivité impressionnante et surtout, elle connait un secret d'état qui peut l'amener loin, très loin: elle sait tout de l'amitié réelle de la reine et de Sarah...

Traité comme une comédie grinçante, le film nous entraîne avec brio dans les arcanes du pouvoir, en se concentrant le plus souvent sur les chicaneries et les escarmouches, en mélangeant au fur et à mesure de chapitres, les points de vue: certains chapitres en effet penchent du côté de Sarah, d'autres d'Abigail... La personnalité presque monstrueusement excentrique de la Reine (Olivia Colman joue le rôle constamment au bord de la caricature), constamment hors-jeu, joue beaucoup à installer un malaise pathétique au lieu de forcer vers la caricature. Mais c'est la confrontation entre les deux autres femmes qui est le plus passionnant du film...

Lanthimos utilise à merveille les décors luxueux de Hatfield House et des angles distordus par des lentilles extravagantes. L'idée souligne justement l'idée d'un point de vue extérieur, tout en nous invitant à prendre le film comme ce qu'il est: une distorsion de la réalité historique, dans laquelle les anecdotes ont été retravaillées. Et il choisit une position de caméra souvent basse justement, afin d'accentuer l'impression du spectateur d'assister à une série d'événements auxquels il n'aurait pas du être convié. Bref le film choisit une voie constamment éloignée de l'académisme en vogue dans ce genre de reconstitution historique. Et les acteurs et actrices s'amusent d'un dialogue d'une méchanceté sans égale...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Yorgos Lanthimos
27 novembre 2019 3 27 /11 /novembre /2019 16:40

Donc, Marion Davies ne voulait pas jouer dans des tragédies, surtout pas, et William Randolph Hearst ne voulait pas qu'elle interprète des comédies... Je ne sais pas de quoi ils pouvaient vraiment parler à San Simeon, quand le couple en venait à aborder les productions Cosmopolitan! Mais ils ont fini par trouver un terrain d'entente, puisque en 1922, When Knighthood was in flower était bien un film historique traité avec sérieux, dans lequel l'actrice injectait une solide dose de dérision! Le cas de ce film tourné l'année suivante par le vétéran Sidney Olcott, est encore plus flagrant: il montre que les compromis entre la star et son producteur-éditeur finissent par pencher définitivement en faveur de Marion... Tant mieux.

Au début du XIXe siècle, on nous présente la faune dorée de New York, un certain nombre de personnages d'ailleurs authentiques qui font la pluie et le beau temps à New York: l'ingénieur Robert Fulton, l'écrivain Washington Irving, ou le financier multi-tâches John Jacob Astor; c'est dans le cercle de ces éminences que l'on annonce le décès d'un ancien immigrant Irlandais, O'Day, dont le testament promet à son beau-fils le jeune et ambitieux Larry Delavan (Harrison Ford) une fortune. Sauf que ce n'est pas le cas: le défunt lègue en effet sa fortune à un neveu éloigné, Patrick. A charge pour Delavan de devenir le tuteur du jeune homme, s'il vient: car il vit en Irlande, auprès de son père et de sa jeune soeur: celle-ci, Patricia, est aussi flamboyante que ses origines le lui permettent! Mais Patrick est malade, et la famille O'Day, par-dessus le marché, est expulsée de son logement. 

Moins d'un mois plus tard, "Patrick" arrive en compagnie de son père qui a mal vécu le voyage jusqu'à New York, et est très malade. Sauf que ce n'est évidemment pas Patrick, mais Patricia...

C'est une très belle surprise: un film très soigné, dans lequel l'équipe trouve dans l'évocation d'un New York disparu et mythique (et sérieusement en contact avec le progrès et le raffinement, via toute l'intelligentsia réunie dans les beaux quartiers) une source de plaisir constant, une légèreté et un plaisir de narration, auquel Marion Davies n'est absolument pas étrangère. Il est évident qu'elle a mené toute cette production à la baguette et c'est une réussite. Par ailleurs, non seulement elle joue la comédie du déguisement à fond, sans faute, mais en prime, elle paie de sa personne. Et sous son influence, le film qui aurait pu être un mélo ou un drame pesant, se mue en comédie.

Le film se joue aussi d'un défaut qui aurait pu déstabiliser le spectateur: il y a une ellipse, au moment de l'arrivée de "Pat" à New York, la production nous prive de réelle explication quant à la substitution de Patricia en Patrick. Cette explication viendra dans le final, et c'est assez adroit. Le fait d'avoir vu le jeune homme mal en point en Irlande, du reste, suffit à nous éclairer, et le choix de traiter le voyage, dans tout son pathos, en flash-back, sert le film puisqu'il permet d'utiliser l'effet de surprise. Quant à Marion Davies en jeune garçon, on ne s'étonnera guère du fait que celle qui allait quelques années plus tard (en 1928) si bien croquer les actrices de premier plan du muet dans le génial The Patsy, puisse s'en tirer avec les honneurs.

La réalisation d'Olcott est constamment fonctionnelle; bien sûr, il ne faut pas s'attendre à des passages complexes, des expériences novatrices, mais le metteur en scène a su parfaitement placer son point de vue et demander à ses acteurs (parmi lesquels on reconnaîtra le "jeune" Louis Wolheim dans un superbe rôle de brute) le meilleur. Il a bien su maîtriser les foules dans l'évocation d'un New York nocturne et qui s'encanaille, et a insufflé une solide dose d'Irlande dans le film. L'interprétation est retenue et inspirée... Et les décors adroits combinés avec une mise en scène délicieusement à l'ancienne jouent aussi beaucoup pour la réussite du film: pas de surprises, c'est devenu un énorme succès. Largement mérité.

 

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Published by François Massarelli - dans 1923 Marion Davies Muet Comédie Sidney Olcott *
10 novembre 2019 7 10 /11 /novembre /2019 15:13

Le film commence sans ambiguité par un carton qui nous indique qu'il a été approuvé par le "motion picture code administration", qui depuis quelques mois régissait le monde des studios. C'est donc un film "post-code" plutôt qu'autre chose, mais c'est aussi et surtout une sympathique comédie bien dans la manière des productions WB/First National de l'époque, marquée par l'interprétation d'un certain nombre des acteurs qui ont fait les beaux jours de la période pré-code...

Spot Cash Cutler (Pat O'Brien) est un petit escroc, disons, légal: dans un magasin de la populaire deuxième avenue de New York, il attire le chaland en baratinant, et en promettant monts et merveilles à des gogos qui sont ensuite invités à enchérir sur des objets qui ne valent pas grand chose... Sachant que son baratin est sans appel, il en vit tranquillement, jusqu'à ce que le même jour deux femmes entrent dans sa vie. D'un côté, Barbara (Ann Dvorak) est une authentique pauvre, qui meurt littéralement de faim... mais qui essaie aussi de lui vendre une soit-disant "montre de famille", absolument similaire aux dix qu'il a en magasin! Mais Millicent Clark (Claire Dodd) est une autre paire de manche; cette dame de la plus haute société lui achète un bijou pour cinquante dollars, dont il apprend plus tard par voie de presse qu'elle l'a fait authentifier, et qu'elle en a retiré plusieurs milliers. S'il emploie et héberge la première, il va aussi s'associer avec la seconde, au risque de perdre ce qui lui reste d'honnêteté.

C'est une comédie qui va aussi vite que son dialogue: Pat O'Brien pouvait sans problème rivaliser sur la rapidité de sa diction avec James Cagney! Et c'est cette atmosphère de verve langagière qui emporte l'adhésion dans ce petit film... Le spectateur est invité à prendre parti pour une véritable fripouille, aux méthodes douteuses, dont le capital de sympathie est énorme. Il est vrai que les escrocs de la cinquième avenue autour de Millicent, sont autrement plus redoutables... O'Brien est excellent, Ann Dvorak et Claire Dodd (parfaite pour jouer les garces bourgeoises, décidément) ne sont pas en reste. A noter qu'elles allaient toutes deux, assez progressivement, disparaître des rôles importants du cinéma Américain. Dommage...

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Published by François Massarelli - dans Comédie
10 novembre 2019 7 10 /11 /novembre /2019 09:18

A Paris, le très respecté Charles Bonnet (Hugh Griffith) vend un tableau exceptionnel, pour une fort coquette somme... Quand elle apprend cette nouvelle, sa fille Nicole (Audrey Hepburn) manque de s'étrangler, puisque c'est un faux, un authentique faux entièrement peint, comme toute la collection Bonnet, par Charles. Un faussaire génial, patient et sournois, qui arrondit sa retraite avec des ventes très rares, mais spectaculaires... Il pousse même le bouchon jusqu'à prêter une statuette supposée être de Benvenuto Cellini, mais qui en réalité est une création de feu son père, à un musée Parisien... Sa fille le prévient, un jour quelqu'un s'apercevra de la supercherie! En attendant, c'est un cambrioleur qui va se mêler de venir voir la collection de plus près, le fringant Simon Dermott (Peter O'Toole). Quand Nicole le surprend, elle le blesse, et... le ramène chez lui. Mais Simon est-il un cambrioleur, ou une menace pour le bien-être de la petite famille? 

Le film est fermement ancré dans une tradition des années 50 et 60, le film de casse mâtiné de comédie, et de fait, c'est plutôt une récréation pour le grand Wyler qui sort de l'ambiance lourde de The collector... Tourné à Paris, avec d'ailleurs de nombreux acteurs du cru, linguistiquement compatibles (Jacques Marin, Charles Boyer, Fernand Gravey et Dalio), c'est aussi la dernière collaboration entre Wyler et Audrey Hepburn: comme d'habitude celle-ci est splendide, et le moins qu'on puisse dire, c'est que son "couple" avec ¨Peter O'Toole fonctionne à merveille. De manière plus inattendue, le film nous présente aussi une vision rare de Eli Wallach en magnat Américain de pacotille, et en romantique invétéré de surcroît, ce qui tranche sur ses personnages habituels, mais il n'a pas l'air de bouder son plaisir...

Le "casse" conté dans le film est plus que farfelu, et se base sur une situation inquiétante pour les Bonnet: leur statue va être expertisée par principe car c'est obligatoire en cas de contrat d'assurance et les responsables du musée sont obligés d'assurer leur emprunt. Une formalité donc mais qui va tourner à la catastrophe, et Nicole va se résoudre à demander de l'aide à "son" cambrioleur, qui va monter une ingénieuse combine, dont l'exécution prend bien toute la deuxième heure du film. Donc, oui, vous avez bien lu, Audrey Hepburn et Peter O'Toole se livrent au cambriolage d'un musée.

Le film est adorable, léger dans son ton, toujours superbe esthétiquement, puisque en raison de l'abondance d'oeuvres d'art, Wyler a poussé la palette de couleurs juste ce qu'il faut afin de profiter au maximum de ce monde artistique un peu décalé. Romantique mais jamais nunuche, Audrey Hepburn prend elle aussi un plaisir évident à donner la réplique à Peter O'Toole, et on peut décidément faire bien pire dans une journée que de visionner cette adorable sucrerie d'un autre âge, qui se situe quelques part entre Charade, en beaucoup moins précis dans son sens parodique, et les comédies "Parisiennes" de Minnelli ou Blake Edwards... Bref, avec Audrey Hepburn et ses toilettes, on est en pleine bulle des sixties. ...Et plus encore, puisque ces farfelus qui arnaquent le monde sans jamais se faire prendre, et vivent dans un monde parallèle fait d'art et de beauté, sont tout à fait à leur place dans la grande galerie des marginaux sublimes de William Wyler.

 

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Published by François Massarelli - dans William Wyler Comédie
6 novembre 2019 3 06 /11 /novembre /2019 17:10

On prend les mêmes et on recommence? Pas tout à fait, en fait... C'est à n'en pas douter le succès énorme du premier volet qui a poussé Yves Robert, Francis Veber et Pierre Richard à repartir à la rencontre de l'hurluberlu violoniste aux chaussures dépareillées, mais un certain nombre d'indices dans la continuité me font penser que ça n'a sans doute pas été de tout repos... Il y a du avoir des complications, des faux départs et des réajustements, et ils se voient en particulier dans la première partie. Et on sent que s'ils font parfois allusion au premier film à travers un motif (la robe de Mireille Darc, cette fois blanche), une scène répétée (un concert qui vire au burlesque ou une arrivée à l'aéroport qui offre une variation sur celle du premier film), Robert et Veber se sont clairement efforcés de ne pas trop se répéter.

Le film part de la situation du premier film, avec un capitaine arriviste (Michel Duchaussoy, brillant dans son attitude glacée qui cache des torrents d'insécurité) qui est arrivé à la conclusion que le colonel Toulouse avait bidonné l'affaire du Grand Blond pour perdre son adjoint Milan. Ce qui du reste est parfaitement exact... Sous la responsabilité d'un ministre dépassé par les événements (Jean Bouise), il demande à Toulouse (Jean Rochefort) de faire revenir le super-espion. Toulouse prend donc la décision qui s'impose: faire tuer son Candide, qui pendant ce temps passe des vacances à roucouler avec Christine (Mireille Darc) à Rio...

Le film est drôle, vraiment drôle, mais il est assez clair que Robert se vautre par moments dans la facilité... On préférait François Perrin quand il ne savait pas qu'il était au milieu d'un panier de crabes d'espionnage! Et cette suite présente des incohérences: qui, par exemple, a envoyé la lettre à Maurice (Jean Carmet) dans laquelle François Perrin avoue tout savoir, alors qu'ensuite il semble n'avoir aucune connaissance des agissements des espions autour de lui, en particulier lors de sa rencontre avec Toulouse? Le rôle des amis (Maurice et Paulette, interprétée par Colette Castel) qui donnait lieu à un excellent comique de boulevard, mène ici aussi à des voies de garage. D'ailleurs, le film a beau être étonnamment court (79 minutes), il possède un long résumé de la première partie, qui reste la matrice du film. Et pour ajouter à cette impression de légèreté, il n'y a ici pas un seul mort, ce qui tranche avec le premier volet!

Bref: on est en service commandé pour tous ces artistes, qui s'acquittent plutôt bien d'une mission qu'ils n'ont peut-être pas choisie, mais comme nous le savons, il n'y aura pas de troisième film. Ce n'est sans doute pas un hasard...

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Published by François Massarelli - dans Yves Robert Comédie
4 novembre 2019 1 04 /11 /novembre /2019 17:27

La guerre interne des services secrets Français bat son plein, et le commandant Toulouse (Jean Rochefort) voit bien que son subalterne le Colonel Milan (Bernard Blier) en veut à son poste... Il décide de le couler en le lançant sur une fausse piste, celle d'un espion qui n'existe pas... Son adjoint Perrache (Paul Le Person) lance donc les agents de Milan sur la piste de François Perrin, un violoniste virtuose, qui n'a aucune conscience de ce qui se trame autour de lui...

Ce film n'est pas qu'une capsule temporelle venue de 1972, ni qu'un énorme succès international de la comédie à la Française: c'est aussi un excellent film d'Yves Robert, qui témoigne de son goût sûr pour le genre comique, tendance visuelle ainsi que de son savoir-faire certain pour mêler la comédie au genre du film d'espionnage. Le film doit beaucoup, énormément même à deux hommes, Francis Veber et Pierre Richard...

Veber, qui était scénariste, travaillait déjà pour Georges Lautner, et ici il raffine le prototype de ses personnages décalés, systématiquement appelés François Perrin. Un personnage passe-partout qui lui permet de lancer un jeu de massacre pour espions, sous la supervision morale de Paul le Person qui joue un sous-fifre qui refuse d'exécuter les ordres de son supérieur jusqu'au bout afin de préserver l'innocence de Perrin. Et surtout il permet une lecture distanciée du film, avec une excellente vue d'ensemble de la situation...

On ne présente plus Pierre Richard et pour cause: c'est ce film qui lui a valu la célébrité notamment en Europe et en Amérique Latine. Comme nombre de grands comédiens, il me semble que Richard est toujours son propre metteur en scène, pour au moins la moitié de sa performance. Dans ce film c'est flagrant. Mais il est superbement entouré: si on ne peut que regretter qu'il lui soit exclu d'entrer en interaction avec Blier et Rochefort, c'est un bonheur constant de le voir échanger avec Mireille Darc, Jean Carmet, et bien sûr avec Yves Robert soi-même dans une scène de concert courte mais proprement superbe... 

Et Richard apporte à Robert, éternel anarchiste sage, la caution d'une jeunesse pas dupe des combines des ses aînés. Si le film est d'abord et avant tout une comédie brillante, il montre quand même une superbe mise en abyme de l'absurde avec ce conte d'un type lambda qui est tellement insignifiant qu'il ne peut être qu'un maître espion aux yeux de ceux que l'on a décidé de mener en bateau...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Yves Robert
2 novembre 2019 6 02 /11 /novembre /2019 16:31

Le 9 novembre 1979, un débat organisé à la BBC opposait deux représentants médiatiques de la Chrétienté et deux comédiens issus de l'éminente troupe trans-Atlantique Monty Python. L'objet du débat était justement ce film, et sa sortie qui avait déclenché une tempête de protestations délirantes de la part d'un grand nombre de groupes religieux. En Grande-Bretagne notamment, le film a été accepté par l'organisme de censure central, ce qui voulait dire que le censure deviendrait en réalité locale: ça n'a pas loupé, les instances locales ont commencé à se déchaîner, généralement sous l'influence directe de groupes de personnes qui n'avaient pas vu le film...

Durant le débat, Michael Palin et John Cleese faisaient face à Malcolm Muggeridge, journaliste, essayiste et Catholique fervent, et à l'évèque de Southwark Mervyn Stockwood. Le débat en lui-même est une merveille d'humour, souvent involontaire, mais ce qu'il en ressort est assez affligeant: d'une part, il semble qu'il soit toujours difficile, même quarante années plus tard, de consacrer un film à la religion. D'autre part, les deux "opposants" au film étaient tellement nuls qu'on peut vraiment se demander ce qui motive encore tous ces groupes... Tout ça pour que deux misérables vieilles badernes en mal de publicité se lovent sur un fauteuil en accusant les comiques qu'ils ne regardent pas même en face d'avoir trahi le Christ ("Vous aurez vos trente pièces d'argent", pour les citer)... Mais en dépit de la perte de temps, cette heure de débat largement disponible sur le net, est l'occasion d'entendre Cleese et Palin qui a eux seuls sont sans doute les seuls membres de Python à pouvoir réellement représenter le groupe, résumer la vision globale des six comédiens sur leur film, une oeuvre qu'ils continuent aujourd'hui (sauf Graham Chapman, du coup) à défendre comme leur oeuvre la plus importante...La vérité donc est que loin de tailler un costard au Christ, le but des six membres de Monty Python était de s'intéresser au processus de mythification présent dans la Judée de l'époque des Evangiles, et de la prendre comme une sorte de terrain idéal pour représenter la naissance de toutes les religions. Et comme le soulignent les deux comédiens, durant tout le film, Jésus continue à vivre son destin, sans qu'il se passe quoi que ce soit pour l'empêcher de parler: le sermon sur la montagne est pris en exemple dans le débat, et c'est justement le moment qu'ont choisi les Pythons pour souligner qu'ils s'éloignaient de la vie du Christ littéralement, pour s'intéresser aux coulisses.

Rappelons donc l'intrigue de ce film unique en son genre: né le même jour, à la même heure et une étable à côté de Jésus, Brian (Graham Chapman) a eu l'étrange destin d'être considéré comme un messie, et d'aller jusqu'au bout alors que tout ce qu'il voulait, c'était globalement de vivre, en particulier pas trop loin de la belle Judith, mais aussi de régler son conflit intérieur: né de père inconnu, il lui est a en effet été dit qu'il était très probablement le fils d'un légionnaire Romain...

C'est une intrigue, beaucoup plus solide que celle de Monty Python's Holy Grail; et pour une fois, toutes les digressions possibles et imaginables sont totalement inscrites dans la continuité du film... Outre le fait qu'il soit luxueusement mis en scène par Terry Jones à son meilleur, le point fort de Life of Brian est précisément que l'humour, méchant voire corrosif, ne touche jamais la religion: il tourne autour, mais tout simplement parce que la cible est constamment les hommes qui l'exploitent... Le degré de réflexion du film est d'ailleurs impressionnant, avec un parallèle constant entre les épisodes et la manière dont les hommes se sont joyeusement fourvoyés ensemble, puis entre-tués, pour des histoires de liturgie, de saintes reliques et de lieux sacrés: en témoignent en particulier les scènes qui voient les curieux suivre Brian comme le Messie par malentendu... Ca commence par des gens qui décident d'enlever une sandale parce qu'il en a perdu une, et ça se termine par le lynchage d'un infidèle! Ce n'est pas la croyance qui est la cible, mais le dogme et l'insupportable tendance à l'obscurantisme.

Les Pythons réussissent même à se mettre d'accord sur un apport idéologique dans cet étonnant film puisque la leçon à retirer de tout ceci (et qu'auraient du suivre tous les critiques auto-proclamés de ce film, mais aussi les poseurs de bombes dans les cinémas qui  projetaient The last temptation of Christ sept années plus tard) c'est qu'avant de se jeter sur n'importe quoi pour en faire un dogme il conviendrait que l'homme réfléchisse. Et par ailleurs, comme le dit Brian à la foule, "vous êtes tous différents": la réponse dans le film est comique, je la cite donc... La foule, d'une seule voix: "oui, nous sommes tous différents!"... Puis un quidam seul au deuxième rang: "pas moi"...

Si j'ai cité cet incroyable débat au début de cet article, c'est sans doute parce qu'il montrait la noblesse de la comédie face aux arguments rassis, et aux manigances dogmatiques des deux invités qui n'étaient pas des Monty Python. L'âge désormais vénérable du film aidant, on a fini par vivre avec Life of Brian en bonne intelligence, et c'est tant mieux: d'abord parce que c'est un excellent film, et ensuite parce qu'il cristallise pour toujours le talent du seul groupe de rock dont aucun des six membres ne jouait ni ne chantait (sauf Eric Idle, bien sûr)... Et c'est parce qu'ils ont tous fini par tomber d'accord, que les six comédiens ont réussi à ce point à faire un film ensemble. C'est la force de cette production, qui est sans conteste la plus grande réussite cinématographique du groupe. Je pense aussi que c'est la seule, tant le premier film (Holy Grail) était, admettons-le, une vaste fumisterie, aussi soignée soit-elle, et le troisième, The meaning of life, ma foi, est surtout un épisode allongé du Flying circus. Pas le meilleur, du reste...

Mais je digresse à mon tour. Je vous invite à ne pas tenir compte de tout ce qui précède, et à prendre ce qui suit comme l'essentiel de ce qu'il faut savoir sur le film:

Life of Brian est une tentative de satiriser le passage de l'anecdote à la religion, et de faire de la comédie brillante dans les coulisses du sacré. C'est fait avec un texte brillant de bout en bout, des acteurs fabuleux, qui ne se limitent pas aux Monty Python, puisqu'on y reconnaît les amis Carol Cleveland, Neil Innes, George Harrison, Charles McKeown, Sue Jones-Davis, Spike Milligan et Terence Bayler (qui a presque autant de rôles que John Cleese)... On y raille aussi les leçons excessives de latin (Romani, Ite Domum) et Star Wars, dans une séquence idiote due à l'esprit malade de Terry Gilliam, on s'y moque avec classe des différences culturelles et de l'antisémitisme, on se moque de l'extrême gauche et de la révolutionnite aigue se muant essentiellement en diarrhée verbale (c'était il est vrai une époque où la gauche avait encore des cellules grises)...

Deux scènes pour finir: dans une séquence située au cirque, un supplicié fait courir le gladiateur qui doit le tuer, et ce dernier meurt d'une crise cardiaque: le condamné (Neil Innes) remercie la foule en faisant des bras d'honneur; dans la deuxième, les révolutionnaires ont un énième débat, et Reg (John Cleese) commet une erreur, celle de demander ce que les Romains ont apporté... Tous les participants ont alors un exemple à donner, rendant le message du leader impossible: les routes, le système d'évacuation d'eau, le vin... Un des présents avance même "la paix romaine", à l'approbation de tous!! 

Bref, c'est un classique. Quand à Muggeridge et Stockwood, tout le monde les a oubliés...

Addition (29 janvier 2020):

Depuis l'écriture de ce texte, deux de ses protagonistes nous ont, tristement, quitté: Neil Innes, compagnon de route, Python numéro 7bis, et musicien légendaire. Et bien sûr le grand Terry Jones: two down, four to go...

 

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26 octobre 2019 6 26 /10 /octobre /2019 18:09

3 années avant de devenir l'alter ego de Buster Keaton, Eddie Cline a comme beaucoup fait ses classes chez Mack Sennett. Ce film est taillé pour le talent particulier de Louise Fazenda, qui y interprète une jeune vendeuse de fleurs un brin excentrique, aux affections changeantes...

Lors de la prestation d'un chef d'orchestre très populaire (Ford Sterling), une jeune femme (Phillys Haver) présente dans le public lui fait des oeillades à répétition, ce qui embarrasse particulièrement son fiancé (Billy Armstrong)! Quand ce dernier remarque qu'une petite vendeuse de fleurs (Louise Fazenda) en pince sérieusement pour le musicien, il se saisit de l'opportunité et fait croire au chef d'orchestre que la pauvresse est en fait une riche héritière... Ce qui ne sera pas du goût du fiancé de celle-ci (Jack Ackroyd).

Il se passe beaucoup de choses dans ce petit film de 21 minutes, et pourtant il appartient à cette période de transition durant laquelle Sennett faisait tout pour raffiner son style. Mais la qualité de l'interprétation, la montée inéluctable vers un final essentiellement physique (et donc ultra-violent) est un grand moment de pur bonheur primal. Et si le film est aujourd'hui notable pour ses affaires liées à la sexualité (tous les personnages sont plus ou moins prêts à trahir leurs affections avec le premier ou la première venue) et plus si affinités (Phillys Haver se déguise en homme afin de séduire Louise Fazenda), le film est aussi intéressant pour une série de scènes qui anticipent sur le film Our relations que Keaton tournera en compagnie de Cline, quelques années plus tard: les frères et cousins de Louise Fazenda sont comme une immense menace sur son fiancé, le jour de son mariage...

Et puis Louise Fazenda, actrice comique établie chez Sennett, a un style particulier, très différent de celui de Mabel Normand qui devait soit jouer la carte physique, en commettant des acrobaties, soit jouer la carte du physique en interprétant des rôles de jeune première charmante. Fazenda fait tout pour s'enlaidir, et bien sûr n'y arrivera pas (parce que tout le monde est beau)... Mais elle paie de sa personne et participe aux chutes, cascades, et autres coups.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie