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3 avril 2024 3 03 /04 /avril /2024 21:37

Un couple vit au plus près de la montagne, ils ont un nouveau né. L'homme part pour couper du bois, mais le bébé reste sans surveillance: un aigle le prend pour le ramener dans son nid. Une expédition se forme, à sa tête, l'homme (David Wark Griffith), qui va secourir l'enfant au péril de sa vie...

C'est un petit film modèle, finalement, qui permet au plus important réalisateur du début de la décennie suivante de faire sa première aparition, du moins la première notable. Ce film doit sans doute l'avoir marqué, car on retrouvera souvent cette dynamique, faite d'un mélange de descrition, d'urgence et de montage très clair. L'enjeu lui conviendra aussi, puisqu'ici il est question de son principal dada: une menace sur le bonheur d'une famille, mise en perspective dans un suspense important...

Le film a été partiellement tourné en studio à Fort Lee, ce qui se voit (la cabane dans la montagne, photo suivante), mais l'essentiel est en fait tourné en extérieurs, dans les bois. Ce qui est un atout important... Mais on retiendra aussi l'animation impeccable (même si un peu lente) de l'attaque de l'aigle.

 

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Published by François Massarelli - dans Edwin Porter Thomas Edison David Wark Griffith Muet
26 décembre 2023 2 26 /12 /décembre /2023 10:53

Dans les montagnes, on hésite à écrire "reculées", une famille vit tranquillement, à l'écart. La fille de la maison (Mary Pickford) rêve de romance, et n'a pour seul espoir que le voisin, un brave garçon (Owen Moore); il n'est sans doute pas assez intéressant: quand un homme (Arthur Johnson, "un voyageur venu de la vallée, nous annonce un intertitre, une façon comme une autre de ne pas dire "un citadin") s'arrête chez eux pour une étape, il séduit la jeune femme sans vergogne.

Le frère de la jeune femme (James Kirkwood) prend les choses en mains, et tue le voyageur (et tant qu'à faire, un villageois qui passait par là), dans un déchaînement de violence...

Il est des cas où Griffith s'est fait un chroniqueur presque tendre de la vie dans des endroits reculés (généralement ruraux voire montagnards) des Etats-Unis, notamment dans certaines de ses comédies des années1919-1920, voire dans les aspects liés à la comédie de son long métrage épique Way down east. Mais les courts métrages de 1908 à 1913 laissent plutôt voir les aspects presque anthropologiques les plus embarrassants, de peuplades refusant le progrès et vivant avec des codes éculés, ceux du XIXe siècle en l'occurrence. Ici, le metteur en scène fait tout peser sur une intrigue de revanche, biblique en diable... et je parle pluôt de l'ancien testament!

Mary Pickford est ici poussée à jouer à fond sur le côté 'diable sorti d'une boîte' de son jeu, qui trahissait souvent chez Griffith à la fois une sorte de fascination inquiétante pour les femmes-enfants (elles y ont toutes eu droit, Lillian et Dorothy Gish, ou Mae Marsh plus souvent que les autres actrices du maître), mais aussi une incapacité à s'élever au-delà de ses propres conventions. Mais surtout elle est irresponsable, justifiant presque ce qui va lui arriver! Et justifiant aussi du même coup le (double) meurtre!

Quant à la fin, tout concourt à faire de cette lynching party (une habitude folklorique du Vieux Sud) un événement parfaitement normal (à la mère qui s'enquiert de ce qui va advenir de son fils, un des poursuivants indique la pendaison d'un geste, je ne pense pas qu'il y ait un procès en vue), on voit bien que tout ici ressort d'une sorte de tradition d'honneur, et n'oublions pas que Griffith est lui-même un enfant du Kentucky... Tout ça concourt à faire de ce court métrage d'une seule bobine un événement, par ailleurs totalement en avance sur son temps, tout en étant comme la plupart des films de Griffith un pur produit... du XIXe siècle.

 

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Mary Pickford Muet
4 mars 2023 6 04 /03 /mars /2023 11:54

Avec un titre pareil, surtout un an après la sortie en France de L'assassinat du Duc de Guise, qui allait tant le marquer, on imagine Griffith se lançant dans une peinture des sombres dessins du Cardinal en question, dans le contexte d'un roman de Dumas. Bien sûr que ce ne peut être que Richelieu, et qu'à chaque fois qu'il sera fait allusion à ce personnage, on attend de l'intrigue, de la politique, de l'espionnage...

Mais on en sera pour ses frais: ce film est une comédie, quasi Shakespearienne, dans laquelle Richelieu et la cour complotent, oui, mais pour manipuler une dame de haute noblesse afin qu'elle accepte la main d'un homme d'armes... S'agit-il d'un Mousquetaire? Le costume ne l'indique pas, mais on peut émettre des doutes sur la véracité justement des habits portés dans ce film léger, tout comme on devrai se contenter de spéculations sur son intrigue: il n'y a pas d'intertitres...

Quelques éléments d'histoire, pour un film qui fut longtemps considéré comme perdu: il est parfois attribué à Griffith seul, parfois à Frank Powell, un assistant qui tournait les films qui n'intéressaient pas Griffith à la Biograph; de la même manière Sennett n'allait pas tarder à prendre en charge le département comédie. Sinon, c'est James Kirkwood qui interprète le Cardinal, et il fait ce qu'on attend de lui théâtralement, c'est à dire qu'il e tient au fond du champ en permanence, mais est de toutes les scènes. En l'absence de Père Joseph, l'éminence grise, eh bien... c'est lui!

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet
19 février 2023 7 19 /02 /février /2023 18:01

Lillian Gish, malgré le fait que le réalisateur l’avait forcément remarquée en cet été 1913, restait dans des films comme The Musketeers of Pig Alley, ou The battle at Elderbush Gulch, cantonnée dans les jeunes ravissantes idiotes. On sait que Mae Marsh, souvent traitée de la même façon, aura sa revanche avec Intolerance, mais pour Lillian Gish c'est The mothering heart, tourné en avril, qui lui offrira une occasion en or d'interpréter un rôle à la juste mesure de son talent.

Ce film me semble, sans forcément être une réussite totale, d’un très haut niveau malgré tout : il s’agit d’une histoire domestique, psychologique dirait-on, qui renvoie à ces petits films délicats, «de femme», que sont The painted Lady ou The New York hat. Après Blanche Sweet ou Mary Pickford, c’est au tour de Lillian Gish de se voir confier le rôle principal d’un film difficile. Elle y est magistrale, et le film repose entièrement sur ses épaules:

elle y est une jeune femme récemment mariée, dont le mari rapidement lassé fricote avec une intrigante. Elle le quitte, a un enfant en son absence, et après la fin de l’idylle extraconjugale, le mari retourne voir son épouse au moment de la mort de leur enfant. Le prologue, centré sur Lillian bien sûr, nous informe qu’elle a des doutes sur le mariage éventuel avec son petit ami, ce qui va renforcer le caractère sacrificiel de ses actions.

Griffith avait sans doute besoin de ces précisions pour son argument, mais Lillian Gish non: le public est de son coté lorsqu’elle quitte son mari volage, et la force de son regard, principal ingrédient de son jeu d’actrice sur ce film, fait mouche dans les nombreuses scènes d’intérieur (elle est, bien sûr, une jeune ménagère, et est filmée souvent dans sa cuisine, au chevet de son bébé…).

Un autre atout, qu’elle rappelle entre d’autre merveilles dans son indispensable biographie, c’est sa capacité à mettre en relation les accessoires (meubles, vêtements, ou ici une tétine très symbolique) et les émotions de son personnage: Griffith utilise beaucoup cet aspect de son jeu dans The Birth of a nationTrue heart Susie ou Broken blossoms. Ici, ce talent culmine dans le seul moment où Lillian, filmée en plan large, se laisse aller. Dans une soudaine flambée intérieure de violence, elle laisse éclater sa rage en détruisant des arbustes avec un branchage ramassé par terre. Après quelques secondes, elle se recompose et reprend son quant-à-soi. Un moment qui fait froid dans le dos, tant les évènements accumulés ont permis au public d’épouser son point de vue la distance de la caméra laisse le public profiter du coté soudain et incontrôlable de (court) accès de colère.

Il était sans doute ambitieux de conter ce drame domestique, de montrer subtilement l’adultère, l’abandon, le sacrifice de la femme qui décide de retourner chez sa mère, tout en lui donnant raison. Mais Griffith, sans doute enivré par la performance de son actrice, a étoffé son film, et l’a prolongé au-delà des limites de la bobine: il dure 23 minutes. Le metteur en scène a fait construire un décor spectaculaire, afin de montrer la genèse de l’adultère : le mari et la femme sortent dans un lieu de plaisir un peu canaille, et la jeune femme est mal à l’aise devant l’atmosphère enfumée et avinée, mélange de sophistication et de vulgarité, symbolisée par des danses toutes plus ridicules les unes que les autres (danses de nymphes en toge, danse apache à la Feuillade, etc…). Ces scènes, qui établissent la rencontre de l’homme avec sa future maitresse, sont assez maladroites: le montage n’aide pas l’éparpillement de l’attention du spectateur, et elle soulignent à trop gros trait les différences entre l’innocence charmante et le coté « prostituée » de la maitresse : c’est donc d’un Griffith moraliste qu’il s’agit; on s’en serait passé, tant le drame vécu sous nos yeux par Lillian Gish est entièrement captivant et suffisant.

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet Lillian Gish
19 février 2023 7 19 /02 /février /2023 17:50

Tourné en novembre 1912 à Fort Lee, après Oil and water (le premier «deux bobines» depuis Enoch Arden), The Massacre ne sortira qu’en février 1913. Il deviendra, à sa façon, un classique du western, et doit sans doute cette position enviable à sa construction: mélange de mélodrame, de drame historique, de film d’aventures, Griffith ne choisit jamais et pose les jalons des ingrédients futurs du western.

Il me déçoit toutefois, par la manipulation un peu trop voyante utilisée par le metteur en scène pour nous impliquer dans une scène de bataille déjà anthologique; le film nous conte en effet deux histoires: le départ vers l’ouest de l’héroïne jouée par Blanche Sweet et son mari interprété par Charles West, d’une part, et les pérégrinations fatales d’un régiment de Cavalerie mené par un officier à la Custer, dont un ancien prétendant de Blanche Sweet est l’un des scouts (Un guide civil, pas un ridicule gamin en uniforme), joué par Wilfred Lucas.

Le prologue, comme d’habitude, est centré sur Blanche afin de capter le public, et l’impliquer jusqu’au bout; de fait, lorsque le simili-Custer a mené l’attaque sur un village indien, et doit subir les représailles à ce qui pourrait bien être Little Big Horn, les gens de la caravane dont font partie Blanche et son mari sont avec la cavalerie, et ces pionniers vont eux aussi subir l’attaque fatale. Le suspense est lié à la question suivante: le mari de l’héroïne préviendra-t-il les secours à temps pendant que Blanche et son enfant, protégés par les cavaliers (et le scout, dont le sens du sacrifice est souligné) courent un danger particulièrement mortel?

Non que je refuse ma part de suspense lorsqu’elle m’est donnée, mais les incohérences du récit, le côté collage (« Bonjour, amis pionniers. Nous venons de massacrer des femmes et des enfants, leurs maris doivent le savoir à présent, et ils ne sont sûrement pas contents. Vous joignez-vous à nous ? –D’accord. »), et la frustration du spectateur que je suis de voir Griffith lâcher en plein vol le sujet qu’il avait abordé (nommément, le massacre de Washita, qui pré-data Little Big Horn de quelques années: il s’agissait effectivement de l’acte de barbarie qui sera à la base de la fédération de plusieurs tribus -un cas unique dans l’histoire des Amérindiens- qui entraînera une victoire spectaculaire contre Custer): la description du massacre par la cavalerie des femmes, des vieillards et des enfants est montrée ici sans ambiguité, avec tout le savoir-faire dont Griffith pouvait faire preuve, tant dans le montage que dans le dosage de ce qu’il faut voir et de ce qu’on peut suggérer. Mais l’indignation soulevée par l’anecdote ne débouche que sur le coté mécanique des représailles…

C’est tout Griffith: il soulève des problèmes, il pose des questions, mais n’y apportera pas de réponse. D’ailleurs, je me permets moi aussi de soulever une question, sans y apporter non plus de réponse: de quel massacre nous parle le titre de ce film ambigu? Le film est très distrayant, et le suspense marche à fond, c’est bien le principal.

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet Western
17 février 2023 5 17 /02 /février /2023 16:01

Dans une petite communauté côtière, une jeune femme (Mae Marsh) est séduite par un artiste de la ville (Edwin August)... Quand son ami d'enfance (Bobby Harron) visite ses parents et demande la main de la jeune femme, elle répond qu'elle est déjà fiancée. Elle souhaite demander à son artiste de venir rencontrer ses parents, mais elle se rend compte qu'il est déjà fiancé... Avouant jusqu'où l'idylle a été, elle est chassée par son père (Charles Hill Mailes).

Le film est adapté d'un poème, une pratique courante chez Griffith qui trouvait parfois dans des classiques matière à réaliser un court métrage qui se donnait des allures d'illustration de noble littérature... Mais je pense que ce qu'il a été chercher dans cette intrigue, c'est l'opposition entre un personnage clairement à l'écart du monde, cette jeune femme incarnée avec sobriété par Mae Marsh, et représentée en ouverture, recroquevillée sur des rochers, dans une posture qui sera la sienne la dernière fois qu'on la verra: perdue dans ses rêves de romantisme, à l'écart donc des tâches journalières qu'elle doit accomplir (mener le bétail, pour commencer), puis prostrée sur des rochers que la marée engloutira, elle est le jouet d'un destin tout tracé.

Les autres personnages sont bien conventionnels, mais Griffith les traite comme quelqu'un qui ne les aime pas vraiment: le père trop rigoriste, et peu soucieux du bien-être de sa fille, qui la condamne à mourir purement et simplement; l'artiste, séducteur sûr de lui et oublieux du destin de celle qu'il séduit; enfin, le garçon qui n'a pas su être suffisamment intéressant, et qui quand on lui en donne la chance, ne rattrapera même pas celle qui est partie mourir...

 

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet
17 février 2023 5 17 /02 /février /2023 15:49

Filmé dans le New Jersey, ce film agit en quelque sorte comme une parabole pour Griffith, qui à travers une anecdote du passé, trouve un moyen de s'attaquer aux moralisateurs de son temps...

Dans la petite communauté puritaine de Salem, un des notables (George Nichols) est attiré par une jeune femme pure (Dorothy West), qui le repousse. Il la dénonce, ainsi que sa mère, pour sorcellerie... Un trappeur (Henry B. Walthall) qui est amoureux de la jeune femme se met en tête de la délivrer avec un groupe d'indiens qui sont ses amis...

Le film est un court métrage d'une bobine, comme la plupart des films Biograph, et on sent bien que Griffith a tout fait pour y mettre le maximum, ne perdant pas de temps à exposer ses deux personnages principaux, qui en deux minutes, nous sont identifiés, mais en prime l'action est lancée: ils se sont rencontrés! Il nous montre, sous probable haute influence de The scarlet letter, le roman d'Hawthorne, le processus de diabolisation des femmes qui sont soupçonnées de sorcellerie, mais il ne se contente pas de les montrer exposées à la vindicte populaire, ou exécutée par voie de pendaison (ce qui aurait été historiquement authentique), il préfère les montrer au bucher...

Le film bénéficie énormément de son tournage à l'Est, avec ses sous-bois qui renvoient immédiatement au Dernier des Mohicans de James Fenimore Cooper. Evidemment, le film repose énormément sur le suspense d'un sauvetage de dernière minute... Maintenant, il est toujours amusant de voir à quel point Griffith se rangeait facilement du côté des progressistes dans ce genre d'intrigue...

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet
17 février 2023 5 17 /02 /février /2023 09:09

Réalisé en mars 1913 en Californie, ce film montre Griffith s’attachant à rendre compte d’un type d’évènement qu’il a peut-être lu dans un journal, au rayon des faits-divers, ou d’une théorie médicale glanée au hasard d’un magazine: comment la musique peut être utilisée à des fins thérapeutiques dans des institutions psychiatriques. On peut ouvrir donc ici l’éternel débat du cinéma tiraillé entre noble (le désir de faire avancer la science d’une part, et le désir d’éduquer, toujours présent chez un réformateur comme Griffith) et le trivial (utiliser le suspense pour faire passer la pilule).

Le film n’est pas totalement satisfaisant d’un point de vue narratif, avec une entrée en matière qui louche vraiment du coté didactique, mais la partie plus proprement réservée au suspense est comme toujours plutôt réussie: un homme dépressif, rendu enragé par le surmenage, a des accès de violence incontrôlable, que seule la musique semble pouvoir calmer; un jour qu’il a échappé à la vigilance de ses gardes-infirmiers (ils ressemblent plus à des policiers selon moi), il s’introduit avec une arme chez un médecin et menace sa femme. Celle-ci adoucit l’homme et lui prend son arme grâce à un air de piano.

L’attaque de la jeune femme est emplie de motifs Griffithiens: le déséquilibré s’introduit dans le salon de la jeune femme (Claire McDowell), au moment ou celle-ci joue avec une chatte (c'est une « Ecaille de tortue », donc une femelle): une jeune femme qui joue avec un animal, l’éternel symbole de l’innocence et de la douceur féminine chez David Wark Griffith, et par-dessus le marché l’habituelle menace au cœur du foyer. La scène est ancrée sur un plan général, mais des plans rapprochés de la jeune femme et de sa réaction au moment ou elle sent une présence d’une part, mais aussi des gros plans de ses mains se posant sur le piano permettent à l’ensemble de respirer, et de souligner le principal axe du propos: le rôle de la musique. Même si celui-ci est rendu explicite par une intertitre, l’image se suffit à elle-même.

Une autre tendance typique du réalisateur dans ce film, c’est l’apparition d’un prologue, au cours duquel le médecin courtise, séduit et se marie avec la jeune femme. C’est somme toute inutile au propos, à moins qu’il s’agisse de capter la clientèle féminine plus efficacement en nous donnant à connaitre le couple. On retrouve ce type de prologue dans de nombreux films (The last drop of waterEnoch Arden, etc), et on le retrouvera aussi dans The Birth of a nation.

Ce qui est enfin le plus frappant, dans cette œuvre intéressante mais à la cohésion un peu chaotique, c’est la représentation générique du déséquilibre mental, je me garde d’utiliser le terme de folie: un plan nous montre les femmes pensionnaires d’une institution (le film parle, lui, d’ « Asylum »), dans un parc. Chacune d’entre elles s’est vue assigner une consigne de jeu par le metteur en scène, là ou on aurait pu imaginer une scène hâtivement tournée, réglée au mégaphone: allez, hop! délirez! Vous, là, un peu plus de bave, à gauche! Ouf! on échappe à cela, le cinéma continue donc de progresser vers la subtilité, même si Charles Hill Mailes, le patient déséquilibré, joue avec un peu plus de tonnage mélodramatique. Sinon, le scénario du film est crédité à un certain Jere F. Looney. Ca ne s’invente pas.

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet
16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 18:16

L'équipe de Griffith à la Biograph était une unité très occupée, qui avait beaucoup de travail et de la pellicule à impressionner. Ca ne pouvait pas marcher à tous les coups... Friends est un western, versé dans le folklore traditionnel: une ville de mineurs, avec son saloon, ou travaille Mary Pickford (à quoi?); elle croit filer le parfait amour avec un Henry B. Walthall qui a la bougeotte (au propre, comme au figuré: l'acteur ne tient pas en place dans le film) et décide de partir en la laissant. Elle accepte la proposition d'un prospecteur (Lionel Barrymore) qui la demande en mariage, avant de devoir le regretter lorsque Walthall revient en arrière et se rend compte qu'il arrive trop tard...

Malgré les efforts de Walthall et Barrymore pour exister dans ce film, Griffith concentre l'essentiel de la charge émotionnelle sur le personnage de Pickford. Le plan d'ouverture et le plan de fin sont d'ailleurs de ces gros plans "détachés" qui définissent un personnage plus qu'une action, et nous présentent l'héroïne dans toute sa mélancolie: il est malaisé durant la vision d'interpréter ce premier plan qui ne situe rien en apparence, mais la répétition du motif à la fin du film, après la résolution de l'intrigue nous permet de recoller efficacement les morceaux; il s'agit ici du tourment de cette jeune femme dont la vie vient peut-être de se briser.

Une fois de plus, la femme et son malheur sont au centre du film, avec une Mary Pickford encore habilitée à jouer les adultes au destin triste... Plus pour longtemps! La copie dans un état lamentable nous rappelle que les films de Griffith, préservés dès les années 30, 40, et 50, ont souffert de n'être conservé que sur pellicule 16mm pour beaucoup d'entre eux, voire sur tirage papier pour les plus malchanceux: The Narrow Road, par exemple ou encore The adventures of Dollie. Bien sûr, on ne peut que se réjouir de leur conservation, mais il est regrettable que de meilleurs moyens n'aient été utilisés pour sauver ces chefs d'oeuvre.

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Mary Pickford Muet
16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 18:05

Tourné en octobre 1912 sur un scénario qui n’a une fois de plus pas peur d’entremêler savamment les histoires et les personnages, The musketeers of Pig Alley est un grand film... Un jeune couple, un musicien (Walter Miller) et sa femme (Lillian Gish), vivent dans des conditions précaires à Manhattan, dans un immeuble fréquenté par une bande de malfrats dirigés par Elmer Booth et Harry Carey. Le musicien s’en va pour faire fortune, et lorsqu’il revient, il est agressé et volé. Il part à la recherche de la bourse d’argent qu’on lui a subtilisée, et pendant ce temps, son épouse un peu frivole va se laisser plus ou moins draguer par un malfrat d’une bande rivale (Alfred Paget). C’est le gangster joué par Booth qui va sortir la jeune femme des griffes du dragueur, et cet événement va entraîner une guerre des gangs, dont Booth et ses amis vont sortir vainqueurs. A la fin, le musicien profite de la confusion pour reprendre son argent, et le jeune couple fournit un alibi au gangster.

Bien que l’histoire soit accomplie, que tout soit en place et que dans l’ensemble tout soit rentré dans l’ordre (le gangster a procédé à un massacre, mais il a un code: il aurait pu tenter de séduire la femme du musicien, mais ne l’a pas fait, même s’il désapprouve du choix douteux qu’elle a fait. C'est un homme qui possède une morale!), le dernier plan est fascinant, et riche en mystère et en confusion: alors que le policier qui voulait l’arrêter laisse Booth seul dans la cage d’escalier de l’immeuble, une main apparaît à droite, avec des billets de banque. Quelqu’un confie donc cet argent avec pour mission (la main esquisse un geste très clair en ce sens) de le donner ensuite au policier. Le fondu final laisse le spectateur sur ce mystère. Une manière de déplacer le point de vue sur ce qui reste un film vaguement immoral (les héros se comportent tous en dehors de la loi) vers un faux commentaire vaguement critique? une façon d'ouvrir sur la vraisemblance d’une histoire dans laquelle on peut voir l’influence d’une mafia? Un commentaire critique, voire franchement satirique sur la corruption de la police New Yorkaise?

Le manque de solution est finalement la meilleure façon de laisser le spectateur en chercher une. Du reste, la réaction de Booth est géniale: il se gratte la tête, à la fois surpris et très amusé par l’offrande qu’on lui demande de faire passer…

Le génie de ce film ambigu est dans sa mise en scène, dans sa complexité qui n’est pas même un obstacle à sa réussite. Si le tournage en pleine rue est souvent évoqué, c’est malgré tout une figuration et un sens de la composition qui doivent plus à Griffith qu’aux passants qu’on voit ici à l’œuvre. On peut penser aussi à Feuillade: ces beuglants New-Yorkais infestés de gangsters interlopes (Carey, au maquillage charbonneux et à la casquette blanche est tout droit sorti d’un Fantomas) trouveront une rime avec les bars d’apaches dans lesquels s’ébattront Musidora et sa clique dans Les vampires quatre ans plus tard. Et puis, il y a la guerre des gangs, annoncée par une suite de plans splendides: en terrain neutre (une salle de danse) les gangs se jaugent, mais ne vont pas plus loin. Chaque gang suit son leader et sort, lentement, prenant le temps d’occuper l’espace. Un plan commence par la description des «activités» de la bande de Booth dans son quartier général : un terrain vague entre deux maisons, puis ils sortent du champ par la droite ; à ce moment précis, l’autre bande intervient et les gangsters s’installent derrière des tonneaux (Fantomas, encore !) et autres objets : un seul plan pour unifier les deux gangs dans la lutte est une lutte pour le territoire… Un autre plan voit Booth et ses sbires arriver, et Booth, en longeant un mur situé à droite de la caméra, s’approche de celle-ci autant qu'il soit possible de le faire, toujours sur la droite, jusqu’à ce que son visage, et ses yeux parfaitement expressifs, emplissent un bon quart du cadre. Derrière lui, les seconds couteaux menés par Carey ne font pas tapisserie pour autant. Plan sublime, qui en dit long sur le fait que ces gars-là ne rigolent pas: la tuerie qui s’ensuit en témoigne.

Un regret? Oui, bien sûr : comme d’habitude jusqu’ici, le rôle dévolu à Lillian Gish laisse encore à désirer: c’est pour l’instant une ravissante idiote, une délurée prête à tromper son mari (Un violoniste: c’est-à-dire un nigaud ou un poète, ou les deux…). Griffith se rattrapera, Lillian aussi… Elle a droit, par contre, a un petit truc rigolo : lorsque son mari se fait attaquer dans le hall d’entrée de l’immeuble, elle l’entend, et va voir ce qu’il se passe. Un plan sonore, donc, avec une réaction parfaitement équilibrée : pas de regard caméra, de main utilisée en écouteur, ni d’intertitre «Ah ça ! Que se passe-t-il?». Ca rattrape un peu, déjà.

 

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet Lillian Gish