1909
1909 est une année importante pour Griffith : ses patrons/commanditaires sont satisfaits de lui, les
films se vendent et sont populaires, et il ne fait pas trop de vagues : on le verra, c’est un point important pour la American Biograph, une firme plutôt conservatrice dans ses méthodes, qui
abrite paradoxalement le talent probablement le plus important et novateur de ces années de formation du cinéma…
Les films se succèdent, toujours courts, une bobine ou moins, toujours touche-à-tout. En voici deux exemples, qui confirment malgré tout que la route est longue.
Those awful hats
Réalisé sans doute pour agrémenter les sempiternels placards demandant aux clients
des cinémas de se conduire de façon décente et sociable, ce tout petit film est constitué d’un plan, truqué crument afin d’insérer un film projeté dans l’image : il a pour cadre une salle de
cinéma en pleine activité, au public nombreux et gesticulant. Un client exaspéré de ne pas voir l’écran à travers les extravagantes extensions des chapeaux des dames assemblé change plusieurs
fois de place, perturbe la représentation jusqu’à ce qu’un véhicule de chantier intervienne et ne saisisse d’une part le chapeau d’une femme, puis une dame afin de ramener la paix civile… Un
carton final avertit les spectatrices : mesdames, s’il vous plait, enlevez vos chapeaux. Au-delà de son déroulement surréaliste, ce film bien connu (Serge Bromberg, notamment, l’a diffusé) est
cru, et on assiste à d’incessantes gesticulations de la part des acteurs assemblés. Toutefois, un truc utilisé pour faire se dégager le personnage principal (Le monsieur exaspéré) est riche
d’évocations pour le cinéphile : il est habillé d’un costume voyant, à petit carreaux noirs et blancs, préfiguration du grotesque de la Keystone. Du reste, c’est le genre de film pour lesquels
Griffith délèguera bientôt la direction à Mack Sennett, qui est selon toutes les filmographies l’un des acteurs de cette pochade…
The sealed room
Après Sennett, voici une apparition de Henry B. Walthall, alors jeune premier, 6 ans avant Birth of a nation.
The sealed room est une incursion de Griffith dans la tragédie en costumes, ici Renaissance. C'est généralement le signe d'un ralentissement de l'action et d'un jeu relativement
digne, car on n'est pas loin du théâtre "légitime", dans un souci d'élever les masses et de fournir un traitement "à l'européenne", surtout à la Française, ou à l'Italienne. Mais le film se
conclut par du Poe : un roi offre une pièce de son château, privée de fenêtres, à sa bien aimée, dans laquelle il l’emmure avec son amant pendant qu’ils batifolent. Ils meurent asphyxiés. Au-delà
de l’anecdote ridicule, on peut noter dans ce film très moyen le désir de Griffith, une fois de plus, de rendre l’action lisible : les trois protagonistes se détachent efficacement du lot durant
les premières scènes, malgré la présence d’une foule autour du roi. Le metteur en scène compose l’image autour des trois acteurs et de leurs regards, celui enamouré du roi pour sa femme, celui,
plein de promesses friponnes, de Walthall pour l’épouse, celui enfin de l’épouse qui se prépare à tromper son mari tout en trompant son monde… Le final est annoncé par une embryon de montage
parallèle, qui voit les amants se retrouver dans la pièce pendant que le roi les observe, puis prend la décision de murer la pièce, et enfin reste à coté du mur pour écouter et s’assurer de la
mort des deux tourtereaux. Durant ce passage, le point de vue est totalement partagé, Griffith ne choisissant pas entre la vision du mari (Vengeance odieuse mais légitime), ou le destin tragique
des deux amants, qu’en romantique invétéré il ne peut que plaindre ? mais le mari, resté seul en lice, conclut le film, et on peut avoir le sentiment que son point de vue l’emporte, auquel cas on
est, décidément, chez Edgar Allan Poe. On peut également voir un intéressant traitement de la cellule familiale chez Griffith: combien de foyers assiégés, d'épouses et de filles séquestrées à
venir dans ses films? On progresse…
En 1909, Griffith continue à accumuler les films, et à faire feu de tout bois. Si les films de genre (Balbutiants) sont légion, il faut aussi remarquer un grand nombre de films à vocation «
sociale ». En voici deux exemples contradictoires :
The voice of the
violin
Sorti en mars 1909, ce film est le moins connu des deux, et probablement le plus
archaïque, tant idéologiquement que picturalement ou par son montage. Le début fait même craindre le pire, mais le scénario qu’il a lui-même écrit permet à Griffith de se rattraper: un jeune
professeur de violon idéaliste, éconduit par sa jeune élève, accepte d’intégrer un groupe d’anarchistes qui lui confient la mission de faire sauter la maison du père de sa dulcinée. Faisant le
guet durant l’opération, le son du violon joué par la jeune femme le fait se raviser, et il va tout tenter pour sauver la famille. Un mélodrame dans lequel les révolutionnaires sont donc
d’abominables anarchistes qui, sous prétexte d’abolir les différences sociales, veulent évidemment tout faire sauter ; en plus, Griffith dote l’un de ses anarchistes d’un absurde costume masqué
du plus beau ridicule, et les révolutionnaires font des serments solennels à roulements d’yeux: des gros sabots, donc .
Le dispositif de mise en scène part d’un début peu intéressant, dans lequel Griffith
annonce par un intertitre toute l’action du plan à venir, soit 4 minutes. Ce type d’annonce qui détruit tous les effets en racontant toute l’action se retrouvera jusque dans Orphans of
the storm , mais ici, il ajoute au pensum. Heureusement, le metteur en scène va pouvoir, à la fin du film, recourir au montage pour relever le niveau, dans une scène qui commence
d’ailleurs par une évocation poétique d’une rue de New York, dont on trouve un peu l’équivalent chez Feuillade lorsqu’il nous montre les rues désertées de voitures de Paris: Lorsque les
anarchistes s’introduisent chez le financier par la cave, Griffith démultiplie les cadres : la cave, ou une bombe va être posée ; la rue, ou le héros fait le guet, et l’intérieur de la maison, ou
la jeune femme va jouer du violon. Griffith unifie les trois plans en montrant le jeune homme qui réagit à la « Voix du violon » du titre, en implique le public : nous sommes prêts à soutenir le
jeune homme puisque désormais sa cause est juste, et nous sommes d’autant plus impliqués dans le suspense qu’il est assez rapidement en mauvaise posture, groggy, assommé par l’autre malfaiteur, à
proximité de la bombe fumante.
Malgré cette fin plus prenante et cette utilisation émotionnelle du montage , le film reste lourd, ne serait-ce que par sa convention et son manichéisme paternaliste. Mais Griffith, éternel
schizophrène, va faire exactement le contraire avec un film plus connu…
A corner in wheat
Connu, et même reconnu, ce court métrage est l’un des chefs d’œuvre de Griffith, l’une de ses grandes adaptations (de Frank
Norris, d’après son roman The Pit), et un film-pamphlet à la forme intrigante. Dès le départ, sans intertitre polluant, les premières images
suggèrent avec efficacité le désespoir et la tragédie des pauvres agriculteurs, dont le jeu lent et expressif, aidé par la tristesse du champ nu et immense qu’ils ont à charge, suggère toute la
misère du monde. En contrepoint, il nous montre soudain la richesse d’un grand spéculateur, présenté comme le « roi du blé ». Celui-ci, qui après tout est lié aux gens qu’on nous a dépeint
jusqu’ici, a droit à son propre intertitre : The Wheat King, ce qui a un effet disruptif : tout ne va pas de soi, les deux mondes sont donc séparés ; le montage devient ici commentaire
social. Le reste du film nous montre les efforts des spéculateurs pour s’enrichir, et les effets sur les petites gens, le prix du pain qui flambe, la révolte de la population et la répression par
la police avec la complicité des commerçants. Le film culmine lorsque le « Roi du blé » tombe dans une minoterie, et meurt asphyxié, Zolaïquement. La ou la fin aurait permis une certaine
satisfaction du spectateur, Griffith nous montre les amis du spéculateur qui récupèrent sa dépouille, pleurent, et à la fin du film les agriculteurs du début, qui sèment. Le plan est ambigu.
D’une part la vie continue, ils ont toujours du travail. D’autre part, le système n’a pas changé.
On le voit, il ne s’agit pas ici de se faire l’apôtre de la révolution, ce qui serait beaucoup demander au victorien Griffith.
Le propos est surtout de faire part d’une réelle indignation, sans pour autant totalement remettre en cause les fondements du système. Le film est sincère, plastiquement plutôt beau, et souvent
intrigant, notamment ce célèbre plan fixe (Non pas une photo, mais bien un plan « tableau vivant » durant lequel les acteurs sont priés de ne pas bouger, afin de jouer la peine des pauvres gens
face à la montée des prix) : Griffith expérimente !
En attendant, en quelques mois, Griffith n’a pas changé : c’est bien le même homme qui fustige la révolte ici et tape sur la
bonne société là, qui enfile les bottes de père fouettard d’un coté pour jouer la main tendue de l’autre. De la même manière, il multipliera les contradictions toute sa carrière durant.
Un petit aperçu d’autres films, tous brillants et pleins de promesses, tournés en cette même année. Griffith apprend très vite, et est secondé par une troupe d’acteurs qui sont décidément très
capables…
The redman’s view
L’un de nombreux films visant à s’intéresser à l’univers des Indiens, ou des Américains Natifs comme on est supposé dire
aujourd’hui, ce qui peut étonner sans doute tant l’image de Griffith aujourd’hui est attachée solidement à son racisme. Pourtant, rien qu’en 1909, il sort The mended Lute,
The Indian runner’s romance, Comata the Sioux, et ce Redman’s view ; la plupart d’entre eux ont été tournés à l’été 1909, et Griffith a profité
du beau temps de la nouvelle Angleterre, mais ce film est différent, la nature y est moins festive, plus menaçante.
Il nous conte l’histoire d’un exode, d’une tribu indienne chassée par un parti
de colons grossiers et supérieurs en nombre. A cette tragédie, qui n’aura pas de résolution, Griffith ajoute le drame intime de l’un des guerriers, qui voit partir sa bien aimée, gardée par les
blancs afin de servir de domestique, et sans doute plus si affinités. Après avoir laissé faire, poussé par ses pairs qui étaient conscients de l’impossibilité de la lutte face à l’homme blanc, le
jeune homme est revenu et a plaidé sa cause. Grâce à la magnanimité d’un des blancs, la jeune femme lui est revenue, à temps pour se recueillir sur la dépouille mortelle de son père, le vieux
chef mort durant l’exode.
L’ouverture du film est sans ambiguité: l’histoire sera celle des Indiens, et dans un premier temps, seule l’image a droit de cité ; le premier plan nous montre un campement indien, efficacement
juché en haut d’une colline, ce qui donne au relief une présence dramatique, tout en étant faux historiquement : ces Indiens auraient installé leur campement dans une vallée. Mais l’utilisation
du relief accidenté est l’une des constances de ce film, tout comme celle de la nature : le seul plan de sous-bois Idyllique est le deuxième, il nous conte le flirt de l’héroïne avec le jeune
guerrier, au bord d’une source ; une félicité vite démentie par la suite de l’histoire. Le premier intertitre annonce l’arrivée des Blancs, les « Conquérants » nous dit-on; en faits, ils
apparaissent, de plus en plus nombreux, à la faveur d’une crête, et très vite ils emplissent l’écran, et pour ne rien arranger ils ont des sales têtes. Bref, des méchants. Lors des pourparlers,
bien rapides comme d’habitude, Griffith oppose sciemment la dignité des Indiens à la grossièreté affichée des blancs, dans des plans un peu fouillis : il va falloir du temps avant de bien gérer
les plans de foule : ceux-ci sont mal fichus et mal joués. Lors de l’exode, une nouvelle preuve de parti-pris affiché est à glaner dans un intertitre : « La mer devant nous », nous dit Griffith :
il a choisi son camp, une bonne fois pour toutes. Les plans concernant la séparation des deux héros sont différents des autres : la ou les plans de foule insistent sur la dignité et la lenteur
des Indiens face au malheur, l’action se précipite dès lors qu’on suit l’Indienne tentant de s’échapper, ou son galant tentant de la faire s’évader. Le bon vieux dispositif Griffithien qui
consiste à mettre en parallèle un drame intime et une tragédie est déjà en place, pour longtemps (Voir Birth of a nation, Intolerance, Orphans of the
Storm, America…). Mais au final du film, on ne s’y trompe pas, le propos du film est d’apporter un éclairage sur les populations Indiennes, en les présentant non comme
des sauvages, mais comme une civilisation : on nous gratifie d’une cérémonie funéraire en bonne et due forme. Le plan final fait se rejoindre la tragédie et le drame pour l’instant évité : le
jeune couple se recueille, de dos, devant la dépouille mortelle, celle du vieux chef, mais aussi celle des Indiens en général.
The country doctor
Ce film, qui appartient à une série plus éducative, avec morale à la clé, est intéressant en particulier à deux titres : d’une
part par sa construction en trois actes, très étudiée, et soulignée par la mise en scène ; d’autre part pour le jeu et la dilatation du temps : Griffith à l’époque tendait à comprimer le temps,
enfilant en un plan de 15 secondes des actions qui auraient pris 15 minutes : la fouille de la roulotte de Dollie, par exemple, ou la mort du vieux chef dans le film précédent. En revanche, dans
ce nouveau film, le metteur en scène pousse ses acteurs à délayer les réactions, à jouer de façon mesurée. Un parti-pris intéressant qui se répercutera aussi bien sur le réalisme et la dignité de
l’ensemble, mais qui est aussi salutaire afin de préserver l’implication du spectateur face à un film qui prend un chemin assez radical, on le verra.
Après un intertitre moraliste, un panoramique nous dévoile un joli paysage de la nouvelle Angleterre, avant de s’immobiliser sur
une jolie et massive maison, dont sortent les trois membres d’une famille : la mère, la fillette et le père. Ils sont heureux, et se promènent : en deux plans, Griffith nous confirme leur bonheur
: un champ dans lequel ils marchent, prenant leur temps ; au loin, un bel arbre, au bord d’un plant d’eau. Le plan suivant les voit continuer leur promenade dans un champ de fleurs, jusqu’à ce
que la famille emplisse le cadre. C’est la fin du prologue.
Le deuxième acte est celui de l’exposé du drame : la petite fille est malade, et alors que le parents sont inquiets pour la
suite des évènements, quelqu’un vient chercher le père : il est en effet docteur, et son devoir est d’assister ses patients ; une autre petite fille malade a besoin de lui. Après des hésitations,
il va se rendre à son chevet… et laisser mourir sa fille.
Le troisième acte voit le docteur retourner chez lui, et constater le décès de sa fille. Le dernier plan est une répétition
inversée du premier, avec le même panoramique qui part cette fois-ci de la maison avant de nous détailler le paysage alentour.
Les acteurs de ce film sont des piliers de la Biograph, dont le docteur, joué par
Frank Powell, qui deviendra vite l’assistant de Griffith, puis le deuxième réalisateur des courts métrages, sous la supervision du maitre. On reconnait aussi Florence Lawrence (la mère), Kate
Bruce (La mère de la deuxième petite, future mère Sudiste dans Birth of a nation), et bien sur Mary Pickford, qui joue la sœur de la deuxième petite malade. Le jeu est juste, les
seules marques de précipitation étant justifiées : alors que la femme du docteur, inquiète, reste au chevet de sa fille, la bonne va faire le trajet aller et retour entre la maison et la cabane
ou le docteur est au chevet de la patiente, à plusieurs reprises, et toujours plus vite. Le contraste entre sa précipitation et la lenteur méthodique du docteur est le principal procédé utilisé
par Griffith pour impliquer le spectateur.
Au final, on a le sentiment de voir à travers ce film une somme déjà impressionnante des qualités développées en un an par le metteur en scène de la Biograph : jeu juste et convaincant, efforts
de construction savants et payants, et toujours un commentaire social, cette fois un peu paternaliste quand même : bien que riche, ce docteur sacrifierait y compris sa fille pour faire son devoir
et sauver une petite fille pauvre, Le décor accentuant d’ailleurs les différences sociales entre les deux maisons. En tout cas, voici encore un film majeur.
The lonely villa
Avec Mary Pickford, dont le rôle est bien effacé, ce court métrage connu est un
film-matrice important dans l’œuvre de Griffith : il s’agit d’une de ces histoires de famille assiégée dont les exemples abondent, et dont Griffith savait faire fructifier le suspense. A ce
titre, il est exemplaire !
L’argument est simple : Voulant investir sa maison, des vagabonds éloignent un bourgeois, et assiègent l’épouse et les trois filles (La plus grande est jouée par Mary Pickford, ici s’arrête sa
contribution) tandis que réalisant son imprudence, le mari téléphone à son épouse, et revient sur ses pas avec d’autres homes, et la police. Sa voiture ne fonctionnant pas, il emprunte une
roulotte à des bohémiens et arrive à temps. On le voit, c’est pour nous de l’éprouvé, du classique, mais chez le Griffith de 1909, c’est une recette qui reste à établir, et en prime, le metteur
en scène va savamment doser le suspense, et ce dès le premier plan : il nous présente en effet les vagabonds qui complotent à l’extérieur avant de nous montrer la famille. Une façon d’annoncer la
couleur, et ça marche ! Sinon, il utilise efficacement les ressources à sa disposition : voiture, téléphone (Un échange téléphonique est d’ailleurs à la source du dispositif de montage qui fait
monter le suspense : l’épouse et les filles assiégées/ le mari qui téléphone depuis un café/l’épouse qui répond /le mari qui exprime sa surprise/les bandits qui assiègent la pièce ou sont les
trois fille et la mère/retour à la mère, etc…) ; Les plans sont courts, nombreux, et le film est une fois de plus très excitant à suivre, et très maitrisé. Il y aura des variantes, et même un
remake, cette fois centré sur les filles : The Unseen Enemy(1912), d’autant plus célèbre que les Sœurs Gish y assurent leur première apparition chez Griffith. Un autre film
célèbre citera ouvertement l’un des plans (Ou du moins une photo de plateau qui s’y réfère) de the Lonely Villa: Night of the hunter, de Charles Laughton, dont
le scénariste, le Sudiste James Agee, était un admirateur inconditionnel de Griffith. De plus, la présence de Lillian Gish dans le film de Laughton ajoute du sel à l’anecdote. Le monde est
petit…
Autres films
Avec d’autres films divers, on est face à des courts qui portent en germe le futur de Griffith, à court ou long terme. On notera la présence de films antialcooliques, une constante de ces premières années, qui
disparaitra avant de revenir à la fin de sa carrière (The struggle, 1931) : on ne reviendra pas sur l’ironie de la situation, on sait que Griffith est mort alcoolique, par
désoeuvrement principalement. What drink did et The drunkard’s reformation sont un peu les deux faces d’une même médaille : dans le premier, Un homme alcoolique
entraine involontairement la mort de sa fille. Bien que convenu et académique, on ressent l’effort effectué sur la reconstitution d’intérieurs en studios. C’est donc le versant noir de
l’anti-alcoolisme. Par contre, The drunkard’s reformation, lui, montre une échappatoire, par le biais d’une citation intéressante : un homme brutal par son alcoolisme terrorise
sa femme et sa fille. Il amène celle-ci voir une pièce adaptée de l’assommoir de Zola, et est bouleversé, décidant d’arrêter de boire sur le
champ. On notera dans les deux cas la catharsis apportée par la petite fille. Déjà, la femme-enfant a un rôle crucial, à l’opposé de l’épouse, ici passive.
Avec Resurrection, Cricket on the hearth et The golden Louis, Griffith se laisse aller à ses penchants pour un Art majuscule. Si The
golden Louis est basé sur un scénario original, il se rattache au penchant de Griffith pour un cinéma noble, on sait sa fascination pour les films en costumes Européens. Ici, il fait
encore mourir une petite fille sur l’autel du mélo qui tâche, c’est une manie ! Les deux autres films sont adaptés d’œuvre importantes, respectivement Tolstoi et Dickens, excusez du peu.
Resurrection n’est prestigieux que par ses intentions, hélas, et Cricket est un peu confus à force de précipitation: il faut tout caser dans une bobine !
Les trois derniers films sont des mélos purs, et comme il fallait s’y attendre, les plus intéressants du lot, Griffith s’impliquant vraiment, à commencer par son penchant pour le suspense final:
At the altar, avec le fiancé jaloux qui menace de tuer la femme qui lui en a préféré un autre le jour de ses noces, est un exemple intéressant, complété par des scènes de
quasi-comédie. Fools of fate, de son coté, joue sur les situations extrêmes (pour 1909, ce n’est pas Sàlo !!) avec deux hommes qui se rencontrent dans des
circonstances dangereuses, et l’un des deux qui ensuite va rencontrer l’épouse de l’autre. Un peu confus, mais un exemple de la façon dont Griffith souhaitait faire évoluer le genre-roi de ses
courts métrages. A trap for Santa, enfin, est un film ultra-classique, dans lequel Griffith confronte sa vision traditionnelle de la famille à la force spirituelle de la nuit de
Noël : on peut le rattacher aux deux premiers, puisque l’homme de la maison, désoeuvré, est un alcoolique, qui finit par abandonner sa famille. A ce moment, l’épouse hérite, et va s’installer
avec ses deux enfants dans une belle maison. Le soir de Noël; les deux bambins ont tendu un piège au père Noël, mais ne savent pas qu’ils vont en fait attraper un vagabond poussé par la faim…
leur propre père, qui est fort surpris de se trouver face à sa famille… Ca parait ne pas pouvoir tenir debout ? Et pourtant, ça marche !!