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4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 21:54

 

Griffith n’était pas ennemi de la contradiction, on le sait ; c’est donc par une tentative de pamphlet anti-alcoolique qu’il va terminer son illustre carrière, lui qui a plongé durant les années 20 dans un alcoolisme qui ne se démentira jamais jusqu’à sa mort en 1948. En pleine prohibition, décriée tant et si bien qu’elle sera terminée deux ans plus tard, le film commence par un de ces avertissements qui fleurissaient sur un grand nombre de films à l’époque : Scarface est par exemple présenté comme une dénonciation du crime, et The Struggle comme une réflexion sur la responsabilité de la prohibition dans l’alcoolisme. Pourtant cette piste est à peine présente dans le film, tout comme ni Scarface, ni Little Caesar, ni Public enemy n’étaient des charges contre le crime. Cet avertissement n’est somme toute qu’une précaution oratoire ; Griffith sentait-il le coté fumeux de son projet ?

Consciemment ou non, le film est ambitieux : une histoire naturaliste sur la déchéance d’un homme (Hal Skelly) marié et père d’une charmante jeune fille, et les conséquences désastreuses que son alcoolisme ont sur son mariage, mais aussi les répercussions sur la vie de sa jeune sœur qui manque son mariage à cause de la honte. L’histoire est créditée à Anita Loos et John Emerson. Ces deux anciens collaborateurs de Griffith ne sont évidemment pas n’importe qui, et Loos en particulier fait beaucoup plus partie du gratin Hollywoodien en cette année 1931. Mais le coté surranné et (vaguement) moralisateur de ce film se situe aux antipodes du ton que possédaient les autres œuvres de la dame en cette période : il y a un monde entre The struggle et Red-headed woman ! La photographie de ce film n’est plus créditée à Struss, mais à Joseph Ruttenberg, futur employé compétent de la MGM (Three comrades, The shopworn angel), qui s’acquitte ici sans trop de génie d’un travail honnête, en photographiant de façon assez plate des intérieurs sans réelle distinction , en cascade. Griffith situe son film dans des salons, des bars, des speakeasies et une usine. Très peu d’extérieurs volés à new York, ce qui aurait insufflé à cette histoire voulue comme naturaliste un souffle dont elle a cruellement besoin : même un film au pedigree aussi incertain que Walking down Broadway respire beaucoup plus que celui-ci : The struggle sent la naphtaline. 

Un prologue très typique du metteur en scène nous montre le bonheur des années 10, durant lesquelles les gans pouvaient sortir en famille, boire gentiment de la bière, discuter (des films Biograph…) et se sentir choqués lorsque une personne affichait en public une ivrognerie évidente. A en croire le film, la prohibition n’avait donc rien à sanctionner, ce qui est un peu court, et complètement idiot : aussi stupide soit-elle, la prohibition répondait quand même à un besoin de faire quelque chose contre l’alcoolisme ; Griffith lui-même a réalisé en cette lointaine époque ses propres films moralisateurs contre les abus de l’alcool : What drink did, The drunkard's reformation… Néanmoins, le film poursuit son prologue et nous présente les deux personnages principaux : Zita Johann (The mummy, Tiger shark) est amoureuse de «Red» (Hal skelly), un homme qui s’est mis à boire « Quand la prohibition est arrivée ». Voila le seul alibi de l’avertissement donné au début du film, et on n’ira pas plus loin sur cette piste. Ayant promis à sa fiancée de ne plus boire, Red va tenir sa promesse une dizaine d’années, jusqu’à jour ou il tente de consoler un ami qui a perdu son emploi, et inexplicablement replonge. Son épouse lui en veut, et il s’enfonce plus avant dans sa faute jusqu’à la déchéance… Jusqu’à mettre en danger la vie de sa fille dans une scène hautement ridicule et visiblement plaquée sur le scénario sans effort particulier, permettant à Zita Johann, qui est plutôt passive dans le film, d’assumer le rôle de celle qui arrive à la rescousse dans un film de Griffith pour sauver la vie d’un innocent. 

Avec tous ses défauts, le film n’est même pas antipathique , grâce à des personnages peu intelligents mais qu’on aime bien. De plus, ici, pas de méchant, juste des circonstances. Le jeu des acteurs est plus naturel que naturaliste, et on préfère ces répliques improvisées aux dialogues ridicules et ampoulés de Abraham Lincoln. Mais on est loin, très loin de The Crowd, un modèle sans doute pour Griffith, mais que le metteur en scène de Broken blossoms ait besoin d’aller chercher des modèles, c’est un signe des temps. Peut-être Griffith croyait-il plaire, en s’intéressant à la peinture quotidienne d’une réalité sordide; peut-être s’attendait-il à repartir dans une nouvelle direction, et faire son trou en tournant des chroniques de ce genre pour pas cher, mais ce film fade, sans vedettes, sans attrait et disons le sans âme, a été un échec. Griffith n’a plus jamais tourné.

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 21:47

La réputation de ce premier film parlant de Griffith est fluctuante, loué (Raisonnablement) par les uns pour l’utilisation du son, un élément dont on n’attend certes pas qu’un Griffith sache se servir, considéré par d’autres comme l’un de ces films parlants catastrophiques des débuts (Rythme lent, diction ridicule, gaucherie des mouvements de caméra), et enfin ignoré par la plupart des tenants d’un Griffith ancré à tout jamais dans le muet et qui aurait perdu son génie après 1921. De plus, une partie de la bande-son a disparu, dès les premières minutes ainsi que lors d’une des nombreuses scènes d’exposé des clichés Lincolniens : trois sortes de copies circulent : la version intégrale, ou du moins reconstituée par le MOMA, avec les plans silencieux : cette version est disponible en DVD chez Kino, avec une option de sous-titres pour compléter les dialogues et le son manquants ; Ensuite, une version complète dont les plans muets ont été simplement agrémentés de musique (Ce qui m’a longtemps fait penser que le film possédait, un peu à l’instar d’un Vampyr ou de Sous les toits de Paris, des scènes simplement volontairement muettes, ce qui n’est en rien typique d’un film Américain de l’époque. Cette version du film est disponible chez Eureka, dans une édition à la compression hasardeuse, inexplicablement teintée. Enfin, d’autres versions amputées des passages muets circulent.

Avec ce Lincoln, Griffith a en fait trois intentions : faire son passage au parlant, d’abord, comme la plupart de ses confrères. On sait que l’enjeu pour les jeunes metteurs en scène était de taille (Comme le dit Ford : « on a tous été virés »), alors pour un vétéran comme Griffith, on comprendra qu’il y avait fort à faire. Ensuite, il lui faut encore et toujours se remettre en selle, comme durant toute la décennie qui précède. Désormais alcoolique, oublié du public, et sous la tutelle de Joe Schenck, Griffith marche sur des œufs. Pour finir, Griffith a le souci de renouer avec l’histoire, son grand domaine de prédilection, laissé en plan depuis le désastre héroÏque de America ; Avec Lincoln, Griffith pense jouer à la fois sur l’amour du public pour un héros indiscutable et ses propres obsessions historiques, déjà évoquées dans un film tristement célèbre dont l’ombre plane à plus d’une reprise sur ce nouvel opus, et de façon systématiquement consciente : ce n’est pas un hasard si Griffith choisira Walter Huston, ici interprète du président, pour tourner avec lui un prologue à une ressortie de Birth of a nation, sous la forme d’une conversation entre les deux hommes. Dans l’esprit de Griffith, son Lincoln était donc un film important, ce que n’étaient ni Battle of the sexes, ni Drums of love, ni Lady of the pavements, autant de besognes qu’il était contraint d’accepter avant de réintégrer sa place…

Le résultat, pourtant est sans appel: Griffith a fait avec ce Lincoln un film sympathique mais d’une grande platitude... d’abord, les faits sont dans les livres d’histoire, et la romance dans les esprits Américains de l’époque : tous les clichés possibles sont ici présents, et la volonté de Griffith de donner une figure christique à son président est contrebalancée par la gaucherie de l’ensemble : comme un grand nombre de films parlants des débuts, celui-ci souffre d’un cruel manque de rythme, d’un jeu faux et lent, théâtral dans les pires moments, et d’une construction sous forme d’une compilation de moments, sans réel mouvement global, sans enjeu : Lincoln va mourir. Griffith nous montre que c’est son destin, ainsi que celui de l’Amérique. A trop vouloir montrer que Lincoln est un être exceptionnel parce qu’il était simple et humain, il en fait une coquille vide, et un être exceptionnellement simplet… Huston sera meilleur en président dans Gabriel over the White House, et on passe à coté d’un portrait humain, que Ford réussira à brosser quelques années plus tard, avec un Henry Fonda visité par la grâce.

La vision de l’histoire du metteur en scène, nous l’avons vu plus d’une fois dans ce forum, est une vision ô combien personnelle, et ce jusque dans les pires excès. Des réminiscences du racisme Griffithien se sont glissées dans ce film, qui vont au-delà des limites généralement constatées dans les films Américains de cette époque : un acteur en « black face » se plaint qu’on lui ait donné une arme et donne raison à des sudistes qui s’inquiètent du fait d’armer les esclaves. La scène sera l’occasion pour Griffith de mettre en scène l’arrivée de John Wilkes Booth, futur assassin du président, dans un souci ridicule de faire allusion à une sorte de déterminisme historique. Mais ce qu’on retient de la scène, ce n’est pas le jeu ampoulé et théâtral de Ian Keith en Booth, mais bien le pauvre noir totalement crétin qui va se plaindre à ses maîtres qu’on a osé lui proposer un bout de liberté. De même, lors du départ des troupes sudistes la fleur au fusil, Griffith n’hésite pas à montrer des femmes noires qui dansent de façon ridicule au son de Dixie, et même si la caméra reste à distance, le plan est lourd de ces tendances et croyances instinctives chez Griffith : ces gens-là, finalement, ce sont des animaux et des grand enfants, qui ne comprennent rien à ce qui se passe autour d’eux : Griffith n’a pas besoin d’aller jusqu’à Dakar pour insulter les noirs, et il ne peut pas s’en empêcher. 

Le titre Français, La révolte des esclaves, parait inapproprié vu de loin, mais ne l’est pas à la vision du film. Se rappelant du prologue de sa plus célèbre épopée, le réalisateur nous montre ici une scène laissée muette par le poids des ans, mais dont les images possèdent une force incroyable : sur un bateau négrier en pleine tempête, les marchands se débarrassent du corps d’un homme malade. Contrairement aux plans racistes évoqués plus haut, ces scènes ont été tournées avec des Afro-Américains, de surcroît nus, et possèdent une beauté effrayante, grâce à la photographie clair-obcur de Karl Struss, et le vieux truc Griffithien de filmer une scène à travers les éléments du décors, qui cachent partiellement l’action, comme avec des images volées. Lascène est suivie d’une séquence au cours de laquelle deux rassemblements privés (dans deux maisons) de citoyens nous montrent la rancœur du Sud pour le Nord et celle du Nord pour le Sud : dans les deux maisons, un portrait de Washington sert de caution et les participants lui rendent tous un hommage vibrant : il fallait un homme, un seul pour faire l’unité du pays. Et ces plans bien sur sont suivis de l’épisode consacré à la naissance de Lincoln. L’obsession d’unification présentée comme étant celle de Lincoln (C’est d’ailleurs son unique credo politique si on en croit le film, alors que Lincoln était bien plus complexe et fascinant que cela, bien sur) trouve dans dans la structure même une raison d’être, qui justifie du même coup a posteriori la propre idéologie de Griffith, déjà énoncée pour Birth of a nation. Et justement, ce film est hanté par le classique muet, comme je l’ai dit, d’abord par ses vieux démons, ensuite par le recours à des scènes de guerre (Certaines d’ailleurs fort réussies, mais toutes regroupées, elles perdent en force) et à des motifs qui renvoient au film antérieur ; la présence de Henry B. Walthall, le « petit » colonel (Il fait 1m60, donc il est petit, et il est un colonel… ) nous renvoie bien sur au colonel Cameron, et la scène peut-être la plus belle de Birth of a nation (Le meurtre de Lincoln par John Wilkes Booth, lors de la représentation dune comédie) trouve ici un écho impressionnant, qui présente trois différences notables toutefois : la présence de Elsie Stoneman et de son frère, dans la scène du meurtre de Birth of a nation, ancre la mort du président dans le domaine de l’affectif, et devient la mort du père, une tragédie personnelle donc. Ici, c’est l’histoire qui est en marche, et la caméra adopte donc le point de vue d’un narrateur potentiel. Sinon, le recours au son a deux effets : d’une part, Griffith fait faire un discours à Lincoln, qui sonne faux et ridicule dans le contexte (on a repris un discours effectué dans un autre contexte, et Huston se contente de commencer son discours par un « Comme je l’ai déjà dit… », ce qui a pour effet d’être particulièrement comique. D’autre part, la pièce est reconstituée dans ses détails, et donne du caractère à la scène ; les acteurs, sur scène, sont crédibles, et la réaction du public, son abandon à un rire salvateur, donne plus de force encore au meurtre. Mais le « Sic Semper tyrannis », asséné lentement et emphatiquement par l'acteur après son geste, casse l’effet. Cela reste, malgré tout, une belle scène, qui montre à quel point Griffith croyait en ce film. 

Voilà, pour conclure je ne serai pas aussi expéditif que mon confrère, mais il faut dire que j’ai eu la chance de voir une copie plus belle, restaurée et sans doute complète. Ce film est, pour le meilleur et pour le pire, un film totalement Griffithien. Il est parlant, c’est son défaut, et nombreux sont les films réalisés en cette année 1930 qui sont hautement soporifiques : le problème est technique, et on est ici devant un cas intéressant : malgré ses défauts, ce film possède après tout une belle utilisation du son (Pas des dialogues, cruellement ratés) et avec Karl Struss désormais seul maître à bord, de belles images : quelques mouvements de caméra (Succincts mais logiques et motivés), une utilisation de la profondeur de champ, afin en particulier de sortir Lincoln du lot, et un beau plan de l’ombre du président qui annonce l’arrivée du grand homme, qui s’apprête à assumer son autorité à la surprise générale. A ce sujet, il s’agit d’ailleurs de l’unique allusion à un fait historique qu’on a tendance à oublier : Lincoln était le candidat Républicain en 1860, parce que les membres du parti croyaient vraiment pouvoir en faire ce qu’ils voulaient. Le président a habité bien vite la fonction, et est devenu naturellement, vraiment, un bon président. Il est dommage que ce président-là n’ait été que très partiellement évoqué par ce film. Il est plus présent dans les deux chefs d’œuvre de Capra (Smith, Deeds) que dans ce passable, mais attachant Abraham Lincoln, avant-dernier film de David Wark Griffith.

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 21:43

Avant de partir pour la floride tourner deux drames le cinéaste tentera d’opérer une synthèse de ses films avec The greatest question. Ce titre est éclairé par l’introduction verbeuse dans laquelle Griffith pose le problème de la vie éternelle, présentée comme la principale question de l’humanité. Cette thématique prétentieuse parcourt le film par le biais d’un personnage, celui d’une mère visitée par son fils décédé. Dernier des films de Griffith produits et sortis en 1919, The greatest question appartient pourtant sans aucune ambiguïté au canon mélodramatique, mais louche aussi du coté des chroniques campagnardes du metteur en scène; du reste, Lillian Gish et Bobby Harron en sont une fois de plus les protagonistes, après A romance of happy valley et le splendide True heart Susie. Comme dans ces deux films l'enjeu est pour Lillian Gish et Bobby Harron de sortir de l'enfance en préservant au maximum leur cocon, mais en cette fin 1919, le spectre de la guerre d'une part, les réminiscences de Broken blossoms et de sa brutale noirceur font que la sauce est relevée d'une pointe de sadisme, et comme dans les meilleurs Griffith, Lillian Gish est, une fois de plus, menacée d'un traitement "pire que la mort"... La noirceur du film provient de l'une des scènes d'exposition, lorsque la petite Nellie assiste à un meurtre crapuleux... la campagne Américaine chère à Griffith ne sera plus la même...

Une jeune fille, traumatisée donc par meurtre, trouve refuge suite au décès de ses parents chez des braves agriculteurs pauvres mais bons. Leur fils cadet devient vite le compagnon de jeux, et plus encore; mais lorsque le fils ainé part pour le front Européen, la nécessité économique pousse Nellie à parti s’installer chez les méchants voisins, dont elle devient la bonne à tout faire, le souffre-douleur et l’objet des douteux désirs du chef de famille. Comme en plus le couple de quasi-Thénardiers est coupable du crime dont Nellie a été le témoin, on se doute qu’une fois de plus Griffith fait peser une menace importante sur ce monde rural qu’il aime tant peindre…

Bien que sérieusement mis en danger de sombrer dans le ridicule à cause de son thème philosophico-Chrétien, et en dépit des sales manies de Griffith qui confie à Tom Wilson le soin d’interpréter Zeke, le bon vieux noir superstitieux, c’est un film qui passe tout seul, grâce à sa construction sans temps mort, à la photo de Bitzer, et à sa troupe d’acteurs. A 80 minutes, le film est un spectacle complet, dans lequel Griffith se fait plaisir. Ce qui va le pousser à expérimenter plus avant dans le mélo avec ses films suivants…

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith 1919 Lillian Gish
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 21:38

L’une des meilleures indications de ce qu’il faut penser de ce petit film curieux, c’est sans doute qu’alors que des livres entiers sont publiés sur les « grandes oeuvres » de Griffith, les seules rares mentions de ce film sont pour signaler qu’il a été exploité avec une tentative de sonorisation rudimentaire et parait-il (la copie examinée en étant dénuée) assez peu glorieuse. On en parle parfois aussi pour faire des comparaisons peu flatteuses avec l’autre, plus prestigieuse adaptation des romans de Thomas Burke, Broken blossoms.

De fait, la comparaison tourne fatalement à l’avantage de ce dernier film, qui a beau tenter de forcer occasionnellement la main du spectateur (Construction linéaire, actrice trop vieille pour le rôle, maquillage incertain) mais ne parvient absolument pas à détourner son attention de l’intensité du drame. Or, ici, c’est le contraire: la richesse, la complication de l’intrigue, la multiplication des personnages, le ton parfois léger, tout mène malgré tout à l’ennui devant un film raté, vite fait mal fait, malgré des images parfois superbes. Les acteurs n’y croient que peu, et on devine que comme d’habitude, le metteur en scène a tellement improvisé que le plupart des acteurs ne savaient pas exactement ou ils allaient…

L’histoire est une vague intrigue romantique sur fond de pauvreté, parfois Dickensienne (l’histoire originale est située à Londres, et de nombreux éléments nous le confirment, mais l’héroïne, jouée par Carol Dempster est originaire du Sud, certainement pas le sud Londonien quand on connait Griffith.). Tout comme dans Broken blossoms, Griffith joue avec les préjugés raciaux, mais Carol Dempster, contrairement à Lillian Gish, ne laissera pas Swan Way, joué par Edward Pell (Evil Eye, déjà le méchant, dans Broken Blossoms), l’approcher, précipitant le drame. L’histoire est centrée autour de Carol Dempster, donc, la jeune fille à sauver, comme toujours assez énergique, et de deux frères, qui sont mêlés à des trafics louches, et qui sont de fait concurrents en amour. Sinon, comme toujours, famille en détresse, perte d’un parent (ici le père de Carol Dempster), trahison, sacrifice, rédemption… Griffith joue les mêmes cartes, et fait donc bouillir la marmite. Du moins il essaie : le film n’a pas marché, et coincé entre Way down east et Orphans of the storm, il a été oublié, tout simplement.

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith 1921
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 21:30

The idol dancer et The love flower sont contemporains, et montrent comment Griffith commence à réfléchir à la relève qui sera nécessaire quand Lillian Gish partira... Ce qui ne tardera pas. Les deux films sont basés sur un exotisme de pacotille, mais si The idol dancer est mauvais, celui-ci est bien plus intéressant...

The Love flower, donc, a bénéficié de plus de soins. Pour commencer, le scénario est intéressant, proche d’un thriller : on est ici chez un Griffith plus adulte, qui a des questions à poser à ses personnages, et le fait qu’ils soient peu nombreux sert bien son propos.
L’histoire tourne autour d’une famille, les Bevan : le père (George McQuarrie) a causé involontairement la mort de l’amant de sa femme, et prend la fuite avec sa fille (Carol Dempster) ; ils se réfugient dans une île des mers du sud, ou ils se tiennent à l’écart de toute trace des blancs. Jusqu’au jour ou Crane (Anders Randolph), un détective à la réputation infaillible, vient les chercher, aidé par un jeune homme, amoureux de la jeune femme, et qui n’avait pas conscience du malheur qu’il leur apportait (Richard Barthelmess).

Les plus étonnants ingrédients de ce petit film qui fait partir son intrigue d’un crime, c’est bien sur que techniquement, le père est bien un criminel, ce qui n’empêche pas Griffith de nous demander de prendre parti pour lui, ainsi que sa fille, d’ailleurs. Sinon, la façon dont la fille tente de sauver son père, ne reculant pas devant le sabotage, la violence, et même la tentative de meurtre sur la personne du détective, rend le film encore plus intéressant. Dempster le joue avec conviction, passion même, ce qui fait de son personnage un rôle beaucoup plus riche que bien d’autres héroïnes éthérées. Elle est plus charnelle, aussi ; on sait que Griffith avait de sérieux sentiments pour Miss Dempster, mais on sait aussi qu’il avait la tentation de l’effeuiller dans ses films. Ici, il la fait beaucoup nager en chemise…

Barthelmess, qui aura beaucoup à faire pour sauver Lillian Gish d’un destin fatal plus tard dans l’année dans Way down east, est ici un assistant pour la jeune femme, la suivant dans ces décisions, approuvant même le désir de tuer le cas échéant. Un climat âpre, renforcé par l’isolement des personnages. A l’opposé de l’innocence et de l’état de nature des îles présentées dans Idol dancer, la présence de Crane, et son implacable sens de la justice aveugle, transforme le lieu en un petit enfer. On n’est finalement dans le sillage d’un film comme Victory de Maurice Tourneur (d'après Joseph Conrad), sur des prémices similaires, même si Griffith, novice dans ce genre de drame criminel, est beaucoup moins à l’aise. Cela ne l’empêche pas d’être enthousiaste, et son film culmine dans une série excitante d’actions violentes, avec siège, séquestration, tentative de meurtre, mensonge et dissimulation. Bref : Le bonheur du cinéphile, on l’a bien compris. Sinon, Griffith s’essaie bien naïvement à la cinématographie sous-marine afin d’accompagner les mouvements gracieux et aquatiques de la naïade Carol Dempster. Quant à celle-ci, décidément, il faut sans doute la réhabiliter.

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet 1920
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 21:26

Tournés simultanément en Floride par un Griffith désireux sans doute de retrouver ses années Biograph, lorsqu’avec une équipe soudée il tournait un film par semaine, The idol dancer et The love flower font partie d’un pan totalement abandonné et oublié de l’histoire, tant de Griffith que de celle du cinéma. L’impression générale est qu’il n’y a au mieux rien à en dire, contrairement aux grandes épopées (Intolerance), et contrairement aussi aux grands mélos (Broken blossoms) ou aux petits films familiaux (True heart Susie). De fait, ce sont de purs petits films de genre, sans aucune autre ambition affichée. Sur Idol dancer, on ne va pas cacher longtemps que c’est un film totalement inintéressant.

The idol dancer se passe sur une île. Le révérend Blythe est un missionnaire natif du New Hampshire, dont le neveu neveu Walter Kincaid quitte la Nouvelle Angleterre pour demeurer auprès de lui, espérant que le climat local va améliorer ses problèmes de santé. Il tombe amoureux de la jeune sauvageonne Mary mais celle-ci a des vues sur un vagabond, Dan McGuire, aux idées nihilistes bien arrêtées. Walter, quant à lui, est plutôt enclin au puritanisme et à la probité. Mais lorsqu’il tombe malade, Mary se rapproche de lui afin d’aider sa guérison, et elle se rapproche aussi du Christianisme.

Walter Kincaid, c’est Creighton Hale, dans le premier d’une série de rôles de nigauds cosmiques, le plus célèbre restant son « professeur » dans Way down east. Mais on le verra aussi chez Borzage (The circle), ou encore Paul Leni (The cat and the canary). Dan est interprété par Richard Barthelmess, l’un des rares points communs entre les deux films ; Sinon, la jeune Clarine Seymour interprète Mary, qui sera son unique rôle de premier plan avant son décès prématuré. On le voit à la lecture du synopsis, on est dans le délire vaguement Chrétien, même si cette tendance au prêchi-prêcha n’est qu’une façade : ce qui compte pour Griffith, c’est de permettre à Clarine Seymour de faire tourner les têtes en agitant son popotin, et éventuellement d’agiter pour sa part son habituel chiffon rouge raciste, en représentant d’abominables indigènes dont la bêtise et la cruauté, sans parler de leur sensualité bestiale, nous rappelle ce que vaut vraiment la tolérance façon Griffith…

L’histoire est indigente, le final habituel en forme de maison assiégée totalement irritant (et traité par-dessus la jambe), et Clarine Seymour est nulle.

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith 1920
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 21:19

Le deuxième des "petits films de Griffith" sortis en 1919, The girl who stayed at home, nous montre Griffith expérimentant avec de nouveaux acteurs ; Carol Dempster, Richard Barthelmess, Clarine Seymour sont les principaux protagonistes, complétés par le vétéran Bobby Harron.  

L’histoire est du pur Griffith symboliste: un homme qui a fui l’issue de la guerre de sécession er a refusé de reconnaitre la victoire du Nord s’est réfugié en France ou il vit avec sa petite fille (Dempster). Celle-ci est très courtisée par des amis Américains, en particulier un beau jeune homme, dont elle visite occasionnellement la famille. Elle se fiance néanmoins selon le vœu du grand-père avec un noble français. A la déclaration de guerre celui-ci s’engage et sera parmi les premières victimes ; on assiste ensuite à l’engagement du grand frère Grey (Barthelmess), et aux hésitations comiques du jeune frère, un dandy joué par Bobby Harron. Celui-ci est amoureux d’une jeune vamp toute droit sortie des films de Cecil B. DeMille (auquel Griffith a piqué un « signe » : elle écoute en l’absence de son chéri un disque dont le titre nous apparait : When you‘re back). Finalement il s’engage et tous deux finiront des héros, alors que devant les dégâts causés par les Allemands et le comportement héroïque des Américains, le grand père confédéré se rend à l’évidence et fait la paix avec sa nation, il va désormais remplacer son drapeau sudiste par un beau « stars and stripes ».

Oui, bon, en effet c’est ridicule.  Mais le ton est si léger, les péripéties si bien menées, et le jeu de tous ces gens fait qu’on suit ce film avec énormément de plaisir. Il nous laisse moins voir la supposée vie intérieure codée de ses personnages, n’abuse pas de ses gros plans déconnectés de l’intrigue, et franchement Carol Dempster est tout à fait à sa place ici. Par surcroît, le rôle confié à Clarine Seymour, qui ressemble un peu à Bebe Daniels et dont la coiffure accentue cette ressemblance, est intéressant par le fait que cette-fois, la vamp est montrée sous un jour finalement positif : elle a le choix entre un homme riche et un homme qu’elle aime, et fait le bon choix. De même, le stéréotype des Allemands brutaux et cruels (représentés dans le film par Edward Pell) est contrebalancé par un soldat présenté comme un descendant de Kant : non seulement il est humain, mais en prime il sauve Carol Dempster du viol contractuel (Au passage, Griffith ne se prive pas pour la déshabiller au passage, ce qui confirme: elle n’est pas Lillian Gish.  Il refera le coup dans America en 1924) avant de mourir. Il est marqué par un indice Griffithien d’humanité : il aime sa maman.
 
J’ai souligné ici et là les rapports de ce film avec les films contemporains de DeMille, mais s’il fallait choisir entre The little American et celui-ci, je pense qu’il serait judicieux de privilégier le film de DeMille avec Mary Pickford, qui est plus réussi, et pour tout dire beaucoup plus distrayant. Cela étant dit, ce film mineur ouvre un certain nombre de voies, par sa durée, son énergie et le fait que ses jeunes acteurs relèvent plus que bien le défi. On les reverra…

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 David Wark Griffith Première guerre mondiale
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 21:15

Après Intolerance, et son semi-échec, Griffith a eu fort à faire. La commande d’un film de propagande des forces armées alliées a donné non pas un, mais deux films : Hearts of the world (Avril 1918), déjà mentionné, mais aussi le film perdu The great love (Aout 1918). Il retrouvait une dernière fois Henry B. Walthall dans ce dernier, aux cotés du fidèle Bobby Harron et de Lilian Gish. Griffith va jusqu’à ré-utiliser la guerre et ses images dans le film suivant, également perdu, The greatest thing in life (Décembre 1918) : ces deux films ne semblent pas avoir laissé une grande impression, et le terme propagande les décrit sans doute assez bien.

L’année 1919 commence avec la sortie de deux films, A romance of happy valley (Janvier 1919), et The girl who stayed at home (Mars 1919). Ce dernier revient une fois de plus à la première guerre mondiale, mais le premier des deux est la première pierre d’une série de films "domestiques" qui mènent, de comédie en chronique familiale, à Way down East… Il serait donc mal venu d’imaginer un Griffith à terre, il a encore des choses à dire… Il est intéressant de voir qu’avec ces deux films consécutifs, Griffith nous montre l’étendue de sa palette. Mais ils sont peut-être précieux d’abord par leur durée; Griffith a beaucoup donné dans les grandes machines, et il est maintenant attiré par des films de plus petite taille. Cette période, qui le voit flirter avec les genres, en expérimentant de nouveaux, alternant les films très personnels avec des petites histoires destinées à faire bouillir la marmite, est l’une des plus intéressantes de sa carrière, et nous donnera aussi des films très importants, Broken blossoms en tête.

Par ailleurs, on est en droit de se dire qu’il revient à l’esprit de ses années Biograph, se reposant sur une équipe soudée, et sortant film sur film. A romance of happy valley repose largement sur le couple Harron/Gish, mais l’accent est mis sur l’homme cette fois ci. Ce sera le contraire avec True Heart Susie ; on peut donc imaginer que Griffith a fait ce deuxième film en réaction à une demande de sa star principale. Le jeune homme veut donc quitter son cocon familial dans le Kentucky (le berceau du réalisateur) pour tenter sa chance dans la grande ville corruptrice. On assiste à l’attente de sa petite fiancée durant huit ans, et au retour bizarre et qui vire au suspense gauche et inutile, du fils prodigue. Les scènes de l’exposition, qui voient Griffith reconstituer la petite vie d’une bourgade du Sud, sont attachantes, et le film est très mignon, mais pas à la hauteur de True Heart Susie.

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith 1919 Lillian Gish
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 15:33

En 1928, c’est un Griffith rentré dans le rang qui met en scène ce film: désormais au service de Joseph Schenck, en partenariat avec … mary Pickford pour la United Artists, le conglomérat d’artistes indépendants que Griffith a contribué à créer. S’ils l’ont laissé choisir un sujet à sa convenance (Déjà tourné lors d’une période incertaine pour faire bouillir la marmite en 1914, le film étant perdu), s’ils l’ont laissé travailler avec ce vieux Bitzer, l’ajout de Karl Struss à la cinématographie est très symbolique : il s’agit de rajeunir coûte que coûte le vieux Griffith ; de même, l’intrigue de la pièce adaptée est ramenée en plein jazz age, et les toilettes des actrices rappellent à tout moment la date de création du film.

Jean Hersholt, le Marcus de Greed, joue William Judson, un homme aux finances confortables et à la famille idéale : une épouse élégante (Belle Bennett), un fils quasi inexistant (William Bakewell), une fille volontaire et futée, Ruth (Sally o’Neill). Il croise la route d’une jeune femme (Phyllis Haver) qui en a après son argent, et va laisser le démon de (L’après-) midi détruire peu à peu sa famille… Mais heureusement, l’appât du gain chez la jeune femme est tel, et la fille Judson est si futée, que tout finira par rentrer dans l’ordre.

Avec un tel synopsis, on peine à croire qu’on est chez Griffith, et c’est d’ailleurs souvent confirmé en visionnant le film. Le problème, c’est qu’on n’est pas non plus chez Lubitsch, voire Clarence Badger ou Mal St Clair, voire Charley chase ou Harold Lloyd : le cinéma Américain des années 20, que ce soit sur son versant burlesque ou du coté sophistiqué de la comédie, savait très bien faire pétiller ce genre de film. Mais ici, en dépit de quelques scènes fort distrayantes, et malgré l’attachement réel qu’on porte aux personnages, ce bon Judson en tête (C’est un Hersholt en mode Nounours !), on ne peut pas dire que ça pétille! De plus, Griffith choisit la rupture de ton afin de pouvoir rattraper le film avec son forte, le suspense émotionnel, mais les scènes (un égarement de Mrs Judson, qui va peut-être se jeter dans le vide, puis le désir de Ruth de tuer la maitresse de son père), mais ces scènes ne s’intègrent pas dans l’ensemble. Aussi sympathique soit-il, Hersholt ne peut pas non plus empêcher l’ennui de s’installer devant ces scènes de comédie poussive qui le voient longuement se battre avec des techniques pour maigrir, sur plusieurs longues minutes de pellicule : Griffith, on le sait depuis Way down East, ne comprenait pas grand chose à la comédie. Avec tous ces défauts, le film reste quand même franchement regardable, mais on regrette que le metteur en scène se soit contenté, tant qu’à explorer le versant dramatique de cette situation vaudevillesque, de traiter le sujet en mode binaire : vaudeville d’un coté (La tromperie de Phyllis Haver avec un escroc, les efforts de dissimulation et les mensonges de Judson, et même le coté « Sauvons Maman ! » de la jeune Ruth) , tragédie de l’autre : pour Mrs Judson, il n’y a plus rien à faire. Mais cette figure tragique, passive et inerte, laisse à désirer. On se réjouit de voir que le metteur en scène évite au moins de retomber dans son moralisme facile, mais tant qu’à jouer la carte tragique, il aurait pu aller plus loin dans la peinture de la désagrégation du couple, dans la mise en perspective des scrupules du père (il hésite durant deux secondes !) . Mais de toutes façons, pourquoi tant en demander ? Le but de ce film, était de remettre en course le vieux Griffith, le réactualiser. C’est un film agréable, peu ambitieux, et qui a sans doute redonné confiance à la fois au metteur en scène et à ses producteurs. Griffith allait encore tourner trois films pour la United Artists, et bientôt passer au parlant.

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith 1928
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 15:30

En 1925, Griffith est amené à produire ce film d’après une pièce à succès, Poppy, dans laquelle s’est illustré W.C. Fields. On peut s’étonner d’un pareil choix, et les critiques se sont généralement divisés en deux camps distincts : les défenseurs du film, attribuant généralement les qualités à Fields, parfaitement à l’aise dans un rôle sur mesure, et les détracteurs, qui ne pardonnent pas à Griffith de s’attaquer à un sujet qui ne lui convient pas. Sans parler de la malédiction de Carol Dempster sur les épaules de laquelle le film repose énormément. Pourtant, et sans aller jusqu’à suivre Claude Beylie qui s’est attaché à défendre dans un magnifique article (Griffith, sous la direction de Jean Mottet, L’Harmattan, 1984) les films jugés comme mineurs de Griffith, je donnerai sans doute tout America pour certaines séquences de ce film.

Evitant le piège du théâtre filmé, Griffith donne beaucoup de mouvement à cette histoire, basée sur un mélo typique : une jeune femme (Dempster) élevée dans un cirque a été élevée par le « proffesseur » (sic) Eustace Mcgargle (Fields), un escroc-bonimenteur qu’elle considère désormais comme son propre père. Celui-ci se rendant compte qu’il lui sera difficile d’éviter à la jeune femme les dangers de la vie (En gros, elle est jolie et naïve, et on est dans un mélo, donc tous les hommes sont des loups.), il l’emmène en Nouvelle-Angleterre afin de retrouver la famille de Sally : le grand père (Erville Alderson), un juge qui a désavoué sa fille lorsque celle-ci a épousé un homme du cirque, et une grand-mère à jamais inconsolable de la perte de son unique fille (Effie Shannon). La jeune femme, lors de ce voyage, n’est au courant ni de la filiation ni de la volonté du « proffesseur » de la confier à sa famille. Elle va, inévitablement, rencontrer un beau jeune homme (Alfred Lund) dont elle va tomber amoureux, et qui se trouve être le fils du meilleur ami du juge. Celui-ci se verra confier la tâche d’éloigner du jeune homme la saltimbanque, une mission dont il va tâcher de s’acquitter avec efficacité.

L’intrigue permet de varier les décors, depuis le cirque du début à la splendide et coûteuse maison du juge Foster, en passant par la prison, le palais de justice et même la campagne verdoyante ou des scènes de poursuite automobile quasi burlesques ont été improvisées autour de W.C. Fields. L’ensemble du film est centré non pas sur Fields lui-même, mais sur le couple Fields-Dempster, manifestement complices. Griffith, toujours attaché à mettre en valeur sa protégée contre les nombreux détracteurs, lui a d’ailleurs donné le « Star billing », avant Fields. Elle doit, dans ce film, jouer le mélodrame en usant beaucoup du canon Griffithien de la jeune adolescente infantile, à la façon de Mae Marsh dans Intolerance, avec une hyperactivité rendue plus forte par le fait que Dempster joue beaucoup de son corps (En tout bien tout honneur, on est chez Griffith, quand même) ; elle est danseuse dans le film comme dans la vie, ce qui permet à griffith de placer une scène qui nous rappelle immanquablement Way down east : invitée par Mrs Foster à danser pour ses invités, elle se déguise en dame de la haute société et dame le pion à tous les bourgeois présents, telle Lillian Gish dans une scène d’élégance au début du film précité. Le reste du film voit Sally déambuler dans une petite robe sans forme, avec des bas noirs, des chaussures plates et un chapeau boule… Dire de Dempster qu’elle est bonne actrice relève du défi, de la mission impossible, tant elle est poussée à jouer, grimacer à la façon dont Griffith s’imagine que les toutes jeunes filles le font. Certaines scènes pourtant, lui permettent de s’investir autrement. Sa faculté d’afficher des larmes, déjà remarquée dans America, est mise à profit dans les scènes au cours desquelles elle est jugée, et passe le plus clair de son temps à crier que son « Pop » va arriver pour la sauver, et la scène la voit s’enfuir, poursuivie par des policiers, dans une scène de poursuite spectaculaire : jamais elle n’y joue les poules décapitées, contrairement à Lillian Gish ou Mae Marsh : elle y possède une assurance physique qui est pour beaucoup dans le plaisir qu’on prend lors de la scène. La scène de quasi viol dans america lui permettait de montrer là aussi plus de prsence physique que l'aurait demandé Griffith à ses autres actrices ("Lève les bras au ciel, Mae! Bien, roule des yeux, maintenant!")

Fields, en, 1925, est déjà le Fields de toujours, la parole (Et quelques kilos ) en moins… il est donc burlesque dans le mélo, son regard plein d’une assurance d’escroc toise le reste du casting avec autorité. Mais le mélange, qu’il soit ou non voulu par Griffith entre comédie, voire une timide tentative de slapstick, et le mélo classique a bien du mal à prendre. Il me semble que c’est une erreur d’avoir utilisé le montage alterné pour passer d’une poursuite dramatique (Sally, dans sa fuite) à l’autre, franchement burlesque (Fields, se battant à la fois contre sa voiture et contre des poursuivants qui veulent l’empêcher de porter secours à Sally). Néanmoins, et malgré le mélange des genres, on se réjouit de voir Griffith essayer de renouveler la poursuite finale…

Au final, ce film se laisse regarder, en dépit de sa longueur ou de ses mélanges de genre mal fichus , avec plaisir. Il faut dire que le metteur en scène, peut-être résigné par son travail sur la pièce d’un autre, scénarisé par un autre (Forrest Halsey), a enfin daigné abandonner les intertitres verbeux, sentencieux tendancieux et redondants, et cela rend le film plus léger, ô combien. Sally of the sawdust a été suivi d’une autre collaboration entre Fields et Griffith, avec Carol Dempster, le film That Royle girl, mais celui-ci est perdu.

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith 1925 Muet