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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 18:24

Le film nous présente une organisation criminelle tentaculaire, celle de "Sapphire" Mike Wilson (Wade Botteler): un véritable syndicat du crime comme le début des rutilantes années 20 les imaginait... On s'apprête à fêter le retour de Roger Moran (Lloyd Hughes), qui a fait de la prison. En particulier, Betty Palmer (Enid Bennett) se réjouit de retrouver son petit ami. Mais ce dernier, qui a beaucoup pris le temps de réfléchir en prison, a pris en particulier la décision de sortir de l'organisation... Il quitte donc la bande, lors d'une soirée où tout le monde, dégoûté, le prend désormais pour un traître... Y compris Betty.

Le temps passe, et Roger a trouvé un lieu où se refaire, et un emploi: il aide un vieux couple, un banquier et sa femme, dans une petite communauté rurale à l'Est. Mais la bande, comme dans tout bon mélodrame, a des vues sur la banque, précisément, de cette petite ville, et Betty et une amie viennent passer quelques jours. Elles tombent nez à nez avec leur ancien condisciple...

C'est un film réalisé pour le stuio de Thomas Ince, qui était très industrieux à cette époque dorée. Le film populaire (aventures, mélodrame, western et comédie) y sont les principales denrées... Niblo y était un metteur en scène à tout faire, en particulier le mélodrame. Avant donc de se trouner vers l'aventure avec un grand A avec des films réalisés pour Fairbanks (The mark of Zorro, The three musketeers) qui montreront une autre facette de son talent (académique) il développe donc une intrigue forteent morale qui n'aurait que peu d'intérêt si d'une part, il n'y racontait une histoire qui est un cheminement paradoxal. Une fois un coup fait, un personnage rangé fait la trajectoire inverse et réussit à changer le cours des choses en provoquant un simulacre de casse... 

Le film est soigné, quelques moments montrent, sinon du talent, au moins du savoir-faire, et Enid Bennett en femme qui a fait des mauvais choix et que l'amour fait évoluer vers le doute, est plutôt intéressante... Pour finir, le montage est truffé de petits moments de correspondances entre les scènes, qui font un peu penser à la façon dont Lang utilisait les images pour commenter l'action avec ironie. Quand les deux femmes qui sont à la campagne sous un prétexte prétendent s'éloigner "pour affaires", un plan nous montre l'inquiétant patron de l'organisation criminelle...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1920 Fred Niblo *
22 septembre 2018 6 22 /09 /septembre /2018 08:38

Rudolf Valentino joue Don Juan Gallardo, un jeune Espagnol féru de corrida, qui va se marier avec la jolie Carmen (Lila Lee), mais ensuite tomber entre les griffes de la vamp Dona Sol (Nita Naldi), ce qui lui sera fatal. Passage obligé, Valentino y danse le tango de manière sensuelle, une scène qui inspirera volontiers les railleurs, et sinon il se rend à quelques rendez-vous coquins chez sa maîtresse. Autre passage obligé des films de Valentino, la séance de déshabillage et habillage, qui là encore a inspiré la joyeuse bande de gagmen du film Mud and sand sorti la même année... Dans l'intrigue, outre des retours constants sur le destin tragique des toréadors, ces sales cons, un parallèle romantique est fait avec le destin du bandit Plumitas (Walter Long), qui mourra dans les gradins quand l'apprenti boucher mourra, lui, dans l'arène...

Quelle purge! Fred Niblo était un réalisateur très compétent, mais aussi assez docile, finalement: il exécutait les films à la demande, qu'ils soient bons (The mysterious lady, The mark of Zorro), très bons (The red lily, Ben Hur), ou... embarrassants (Dangerous hours, The temptress). Il ne faisait pas de différence notable entre les scènes, s'impliquant autant pour une mise en place impliquant les comédiens principaux, dans un décor luxueux, que pour mettre en valeur, dans une intrigue secondaire, un personnage accessoire: Leo White, qui joue un second rôle sur la première partie (le beau frère de Gallardo), bénéficie de cette largesse. C'est troublant, parce que les scènes qui nous montrent Gallardo à l'oeuvre semblent n'omettre aucun cliché, aucune tentation de déraper joyeusement.

Heureusement, le film a un happy-end: le toréador meurt dans d'atroces souffrances.

A la fin, dans ce film au luxe permanent, on a le sentiment que tout le monde fait tout pour se faire parodier... Ce qui ne manquera pas d'arriver. Quel bonheur la sortie de Mud and sand (D'ailleurs triomphale!) a du être pour tous les Will Rogers, Stan Laurel et Ben Turpin de la terre!

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1922 Fred Niblo **
24 octobre 2017 2 24 /10 /octobre /2017 16:33

Selon Kevin Brownlow, Fred Niblo s'était rendu en Russie peu de temps avant de réaliser ce film pour Ince, et... ça ne se voit pas! Car une séquence, spectaculaire, de Dangerous hours, était sensée représenter la vérité en opposition à ce que raconte un propagandiste venu "convertir" les ouvriers Américains... Le film, produit par Ince, cède bien sûr à tous les fantasmes d'une façon qu'on hésite à qualifier de honteuse, tant il est impossible d'y croire. Mais venant du studio le plus inféodé au KKK de tout le Hollywood muet, il faut croire que tout était possible. Néanmoins, Niblo (Nettement moins à droite que son "superviseur" et patron!) a fait beaucoup pour atténuer la charge délirante...

John King (Lloyd Hughes), un jeune homme idéaliste, est tombé sous le charme d'une femme qui souhaite convertir la classe ouvrière des Etats-Unis aux théories venues de Russie. Il y passe toute son énergie, au point de délaisser son père et sa voisine, une charmante amie d'enfance devenue en quelques années une riche héritière (Barbara Castleton), principale employeuse de sa ville. Quand le parti/syndicat pour lequel il se bat décide de trouver une cause à défendre, ils choisissent de tenter de provoquer des troubles sociaux dans l'entreprise locale. Mais John va trouver non seulement la jeune femme, mais aussi son père, contre lui... Et les véritables intentions des agitateurs vont se dévoiler.

Le film tente de nous montrer un dialogue social "acceptable" par opposition à ce que prônent les syndicalistes d'importation dans le film. On y voit même, un instant, la table des négociations d'une entreprise. Et un syndicat "Américain" renvoie John avant qu'il ait le temps de tenter de les embobiner... Ce sont là quelques-uns des éléments qui recentrent le film par rapport à une dénonciation totale du syndicalisme qu'on aurait pu craindre. Néanmoins, les effets de manche des uns et des autres ne cachent pas la vacuité idéologique de toutes ces élucubrations, d'autant que parmi les possibilités "cachées" par les agitateurs venus d'ailleurs, une séquence digne de figurer dans toutes les anthologies des excès du mélodrame, nous montre le principe de la "nationalisation des femmes" (En fait, des viols collectifs, traités avec un manque total de retenue par Niblo!) qui est supposé exister à Moscou.

Un détail qui à la fois montre le peu de sérieux du film, de son "superviseur" Thomas Ince (Fidèle à sa légende, le film est "une production Thomas Ince supervisée par Thomas Ince. Une supervision Thomas Ince"!), ou encore de notre Fred Niblo qui n'avait sans doute pas encore rencontré son destin en la personne de Douglas Fairbanks, même s'il était déjà un metteur en scène très capable. Et un détail qui en fait le prix, parce qu'à cause justement de ces excès et de son délire, ce film représente bien le chaos idéologique d'une époque toute entière.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 Fred Niblo Thomas Ince **
1 mai 2017 1 01 /05 /mai /2017 16:38

Au début du siècle à Vienne, Le capitaine Karl Von Raden (Conrad Nagel) se rend à l'opéra, et doit se contenter de partager sa loge avec une mystérieuse jeune femme (Greta Garbo) pendant toute la représentation de La Tosca... dont il ne verra rien, subjugué par la présence de la dame à ses côtés. Il la ramène chez elle après la représentation, il accepte son invitation "d'un café, ou d'un Cognac", et... il rentrera chez lui le lendemain. Mais quand il rencontre le jour suivant son oncle, le chef des services secrets (Edward Connelly), il a la désagréable surprise d'apprendre ce dont nous nous doutions déjà: Tania Fedorovna n'est pas n'importe qui... C'est une espionne du tsar en même temps que la maîtresse d'un des hommes les plus dangereux qui soient, le général Boris Alexandroff (Gustav Von Seyffertitz). Dégradé, emprisonné, Karl obtient de son oncle de sortir de prison et d'être envoyé en Russie pour sa revanche...

Trois actes, dans ce film à la foi impeccable et complètement idiot: une première partie développe le début d'une idylle, qui s'avère authentique, entre les deux personnages principaux. puis l'intrigue devient celle d'un film d'espionnage, avec ses coups fourrés, ses coups de théâtre... avant de revenir au bon vieux style des films de la "formule" Garbo: romantique et dangereux, mais avec en prime une denrée rare: un authentique happy-end!

Je le disais plus haut: idiot, car on est vraiment dans le grand n'importe quoi, dans ce genre d'histoire improbable qui permet à Garbo de porter des robes qui sont autant d'invitations à les enlever, et à ses amants de lutter à mort pour elle! on assiste ici, en pleine prohibition, à des dégustations de litres de champagnes, dans Vienne et Moscou reconstruits à Culver City, et... on en redemande. Parce que Fred NIblo, qui n'a pas bonne presse (mais pourquoi??), est généralement considéré comme un tâcheron, et franchement si ce film ne convainc pas la terre entière du contraire, alors je ne comprends pas: il soigne chaque scène, ne lâche jamais so rythme, et sait donner de l'intérêt à n'importe quelle action avec un montage parallèle parfaitement assumé dans la partie moscovite. Et il permet à Garbo d'effectuer une scène d'anthologie, avec une sacralisation de la nuit d'amour à venir, au moyen de bougies... Le genre de scène dont Garbo avait le secret, et Mamoulian s'en souviendra en 1933 pour Queen Christina. Non, définitivement, des deux films d'espionnage de Garbo, ce n'est pas Mata-Hari mon préféré!

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Published by François Massarelli - dans 1928 Fred Niblo Muet Greta Garbo *
18 avril 2017 2 18 /04 /avril /2017 10:15

Pour ce qui est de l'intrigue, et incidemment de la réputation de ce film, qui est loin d'être flatteuse, disons-le tout de suite: l'histoire est d'une affligeante banalité... Pour la MGM, une nouvelle occasion de se ridiculiser en utilisant les romans de Vicente Blasco Ibanez, qui a cette fois décidé de montrer ce qu'il pense des femmes en général, non, pardon, de LA femme. Dans le film, c'est Elena (Greta Garbo), une croqueuse d'hommes, qui ne peut s'en empêcher, même si à un moment, elle tente mollement de se disculper, plus ou moins: "ce n'est pas moi, c'est mon corps..." Elle est donc, comme le titre l'indique, La Tentatrice. Donc la mission de l'équipe du film est de donner corps à des fantasmes délirants, dans lesquels l'homme avance, et construit (Ou alors il est voué à la dépression ou la mort), et la femme détruit. Le mieux qu'elle puisse faire, sinon, est d'inspirer: ce qu'elle fait pour la plupart des personnages masculins ici...

L'intrigue commence à Paris: Manuel Robledo, Argentin de passage, rencontre lors d'une soirée galante une jeune femme qui le subjugue. Il tombe instantanément amoureux... Mais ne la revoit pas, jusqu'à ce qu'il découvre en visitant son ami le marquis de Torre-Bianco que la femme de ses rêves n'est autre que la nouvelle marquise. Le marquis a bon dos, et ne semble pas se rendre compte du fait qu'Elena a des amants. Mais a vérité éclate dans un scandale retentissant lorsque l'un d'entre eux se suicide en public en lui dédiant sa mort. 

Manuel retourne en Argentine, bien décidé à se jeter à corps perdu dans le travail, mais cette saine résolution sera mise à mal lorsque son ami Torre-Bianco arrive à son tour, accompagné d'Elena: Manuel, bien que réticent, mais aussi la plupart de ses associés, et le bandit local Manos Duras, un agité du poignard, du fouet et de la dynamite, tous vont tomber amoureux de la fatale beauté Parisienne.

Voilà: pas grand chose à faire donc, avec un script pareil, que d'y aller franco. Ce qu'a fait Niblo, dont la tâche était rude, car non seulement il s'attelait à un film infaisable, mais en prime il devait reprendre le tournage des mains de Mauritz Stiller... Il est de bon ton quand on parle de ce film, d'en citer la double paternité. Avant d'écrire ces lignes, je me suis promené dans la silento-blogosphère, et on y attribue souvent ce film à Fred Niblo et Mauritz Stiller, voire Mauritz Stiller et Fred Niblo. Occasionnellement, on aura même un "The Temptress, un film de Mauritz Stiller". Bien. Si effectivement le tournage en a bien commencé en mars 1926, sous la direction de Stiller, le metteur en scène Russo-Suédois a été viré manu militari, et tout ce qu'il a tourné a été refait par Niblo. Et les preuves sont nombreuses: la fête du début, qu'il avait effectivement tournée en entier, était située dans un décor différent, et l'acteur Antonio Moreno avait à la demande de Stiller rasé sa moustache: dans le film fini, il a sa moustache. Pour la scène du dîner fatal, chez le marquis, là encore, le lieu diffère, et la moustache est présente, attestant que la scène telle qu'elle est dans le film est bien de Niblo; de plus, Stiller avait donné le rôle de Torre-Bianco à H. B. Warner, et dans le film fini, c'est Armand Kaliz... Il semble donc que toute contribution de Stiller ait été effacée.

Manuel Robledo, c'est Antonio Moreno donc, révélé par Ingram dans Mare Nostrum l'année précédente. Il fait le job, dirons-nous, mais il est à peine plus qu'un stéréotype... face à lui, Armand Kaliz est somme toute excellent en homme parfaitement décalé, un noble qui n'a jamais travaillé de sa vie, et qui est juste bon à tomber tout cru dans les bras d'une Elena... Ou d'une autre, puisque on le voit négligemment fricoter avec sa bonne. Les moeurs légères telles que dépeintes dans ce film sont pour moi l'une des preuves que le film n'est décidément pas à prendre au sérieux: Niblo, inspiré par Clarence Brown (The eagle), a réalisé une excellente scène de dîner dans laquelle il s'est amusé en un majestueux travelling arrière entrecoupé d'inserts, à contraster fortement la noble assemblée, et les pieds et jambes des convives, qui semblent doués d'une vie propre... et moins propre.

Mais le principal argument de vente du film, ce autour de quoi il a été tourné, et c'était déjà l'intention lorsque Stiller était aux commandes, c'est bien sûr Garbo. Autant The torrent ne l'utilisait que peu, autant ce film est construit autour d'elle, et pour elle. Et Garbo, qui a détesté l'entreprise de A jusqu'à Z, y fait un boulot fantastique: autant son personnage de tombeuse diabolique est ridicule et lamentable, autant l'actrice y est impériale! Niblo ne s'y est pas trompé, car elle l'a inspiré. la première fois qu'on la voit, elle porte un masque; le metteur en scène va délayer le moment de la démasquer, et va même aller jusqu'à choisir de nous montrer la révélation de son visage en cadrant la réaction de Robledo. Lors de la visite de celui-ci chez Torre-Bianco, il répète cet effet pour nous révéler que la jeune épouse du marquis, d'abord vue de très loin descendant un monumental escalier, est bien Elena, comme le prouve la surprise de Manuel...

Le seul autre à bénéficier de cette largesse du metteur en scène est Roy D'Arcy, qui interprète le bandit Manos Duras. La première fois qu'il est vu, c'est son ombre qui l'annonce avant qu'il ne passe lentement la porte avant d'arriver dans la maison de Robledo. D'Arcy, bien sûr, était le double maléfique de Stroheim dans The merry widow, et on voit qu'il avait pour mission de répéter ce personnage dans ce nouveau film. Mais impossible de prendre au sérieux ce desperado tout vêtu de cuir noir, qui manie le fouet comme George Raft les pièces de monnaie. Il sert essentiellement de caution érotique masculine, en permettant une série de scènes qui font s'affronter les deux hommes, torse nu, un fouet à la main, pour Elena, et la récompense: Elena va soigner de ses baisers le torse meurtri de Robledo.

Rien que ça...

Pour finir, c'est un film hautement divertissant, de par son exagération même, car il est impossible d'y croire un seul instant. La MGM fait malgré tout une démonstration de ses moyens, avec des effets spéciaux (Robledo construit un barrage, donc, dynamite, et inondation, sont au programme), des scènes de nuit particulièrement soignées. Le fait est que c'est aussi un film qui accuse la femme d'être à l'origine de tout le mal possible et imaginable, ce qui me fait préférer la version "rose" du film, celle qui dispose d'une fin heureuse: Robledo finit son barrage, et en attribue l'achèvement au fait qu'Elena a su le galvaniser. Dans l'autre version, il finit son barrage, mais Elena finit à la rue, complètement saoule dans un bistrot, croyant reconnaître Jésus dans un client anonyme de la terrasse...

Bref: mauvais, oui. Mais tellement soigné. Les personnages sont des stéréotypes navrants, absolument. mis ils sont tellement bien interprétés. Ce film rend fou.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1926 Fred Niblo Greta Garbo *
2 août 2015 7 02 /08 /août /2015 17:38

Fairbanks et D'Artagnan, c'est une longue histoire, qui n'allait bien sur pas être résolue avec un seul film adapté de Dumas, pas plus évidemment qu'elle n'avait trouvé son accomplissement avec A modern musketeer (1917), le film d'Allan Dwan si bien nommé, qui au moins avait prouvé avec panache que Douglas Fairbanks avait sans doute besoin de réinventer le film d'aventures... Donc, s'il était attendu que l'acteur-scénariste-producteur concrétise enfin sa soif d'incarner pour de bon le héros de Dumas, on pouvait légitimement se demander si en faisant cela il ne risquait pas de brûler sa dernière cartouche. Pourtant, il n'en est rien, au contraire. Plus encore que de prolonger le flamboyant mais un peu simpliste Mark of Zorro, son nouveau film passe à la vitesse supérieure, en offrant ce que personne n'osait faire aux Etats-Unis: un grand film à la fois ambitieux, riche et populaire, une oeuvre de deux heures (Douze bobines) mais riche en rebondissements pour tenir le public en haleine, un film en costumes, mais mené d'une façon tellement dynamique, que personne n'y trouverait à redire...

Le film suit la trame générale de la première moitié des Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas, en s'intéressant à l'exposition des personnages, l'idylle de D'Artagnan pour Constance Bonacieux (Marguerite de la Motte), sa confrontation avec le dangereux mais fascinant Cardinal Richelieu (Nigel de Brulier), sa camaraderie avec ses futurs frères d'armes que sont les "trois mousquetaires" du titre, interprétés par Leon Barry, George Siegmann et Eugene Palette... La concurrence effrénée pour le pouvoir entre Richelieu et le roi Louis XIII (Adolphe Menjou) passe bien sur par la manipulation des amours de la reine (Mary McLaren) et du duc de Buckingham (Thomas Holding), et Rochefort (Boyd Irwin) et Milady de Winter (Barbara La Marr) intriguent à tout va pendant que le fidèle Charles Stevens incarne le non moins fidèle Planchet.

Les passages obligés abondent (Bagarre à Meung, triple promesse de duel à l'arrivée à Paris, l'affaire des ferrets, la course à Londres), les duels et autres bagarres homériques sont réglés de main de maître. La seule entorse vraiment spectaculaire, mais après tout le film n'exploite que la moitié du roman, c'est bien sûr le fait que Constance est encore vivante au moment où se termine le film... Fairbanks et son équipe ont vraiment fait passer le film d'aventures à l'âge adulte avec cette oeuvre - et les suivantes, bien sur, Robin Hood en tête. La structure du film, le fait (Comme dans The mark Of Zorro) de faire arriver la vedette au terme d'une longue exposition, la mise en évidence du conflit politique fondamental qui règne au royaume de France par une partie d'échecs, la mise en valeur de Richelieu comme un homme certes manipulateur et maléfique, mais aussi comme un grand homme quoi qu'on fasse (Une adaptation de 1995, qui le transformera en vieux libidineux, n'aura pas tant de scrupules): tout est mis en oeuvre pour réaliser un film distrayant, mais sans en exagérer les contours, ni prendre le public pour des nigauds; et d'Artagnan, impulsif mais tendre, bagarreur mais juste, au service du roi mais aussi au service de l'histoire, est un héros riche, qui ne se contente pas de sauter dans les coins. Bon, admettons, pour faire bonne mesure, qu'il fait aussi des acrobaties dans tous les sens, avec la gourmandise enfantine d'une personne qui s'est en plus fait bâtir un terrain de jeux à la hauteur (Décors parfaits), et dont les amis ont revêtu des costumes effectués avec grand soin. La mise en scène de Niblo se met bien sur au service du dynamisme de l'ensemble, et on ne sera en aucun cas étonnés de constater qu'elle est excellente, ce qui ne sera vraiment pas le cas de son Blood and sand sorti l'année suivante! Plus que la longue version à épisodes de Henri Diamant-Berger sortie en France en même temps, cette édition des Trois Mousquetaires est un bon gros classique du cinéma muet.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 Fred Niblo Douglas Fairbanks **
22 juillet 2015 3 22 /07 /juillet /2015 09:25

Pour son premier film d'aventures situées dans le passé, Douglas Fairbanks incarne Zorro, le mystérieux "renard" Californien en lutte contre l'oppression d'un gouverneur félon qui compte depuis trop longtemps sur la confiance en ses intérêts d'une noblesse complice... Non seulement ce film a permis la spectaculaire reconversion de son principal artisan, l'acteur-producteur-scénariste-maître d'oeuvre Douglas Fairbanks, mais on peut probablement lui attribuer d'autres effets bénéfiques, et non des moindres: adapté d'un roman paru en 1919, The Curse of Capistrano de Johnson McCulley, le film de Niblo et Fairbanks crée un personnage cinématographique, une icône impressionnante qui a aujourd'hui une vie propre et une mythologie instantanément reconnaissable; en réadaptant le film "en costumes", un genre synonyme généralement de prétention et d'insuccès dans le cinéma Américain fondé essentiellement sur la vitesse e l'action, et en y insufflant un dosage savant de mélodrame, de comédie et une solide portion d'aventures bondissantes, Fairbanks a fait bien plus qu'une mutation de son propre style, il a inventé un genre à part entière, d'où viendront, finalement, aussi bien les héros incarnés par Errol Flynn, Burt Lancaster qui lui doivent tant tous les deux, mais aussi les films du cycle Indiana Jones. Et enfin, en en confiant la mise en scène à Fred Niblo, il a probablement eu un effet plus que déterminant sur la carrière de ce réalisateur freelance, qui allait ensuite réaliser une série impressionnante de films importants.

Le nouveau personnage incarné par Doug avait un atout de poids: il était double, ayant résolu sa crise d'identité, trait commun de tant de héros de l'acteur: le plus souvent, ils étaient des êtres sympathiques, mais marqués par un défaut, une inadéquation, une maladresse, voire une vulnérabilité dont il fallait se débarrasser afin de devenir un héros; chaque protagoniste était double, un excentrique qui devait découvrir sa part de flamboyance au travers de l'intrigue. Zorro-Don Diego, lui, a déjà résolu ce problème, mais Fairbanks étant malin, il a prévu un moyen de garder une part de cette révélation comme enjeu, puisque si le public (Ainsi que Bernardo, le fidèle, et muet, serviteur de Don Diego) sait que Diego et Zorro ne sont qu'une seule et même personne, personne d'autre parmi les protagonistes ne le sait. La révélation que Diego, cet insupportable nobliau détaché de tout, qui promène sa lenteur et ses tours de passe-passe minables de taverne en salon, est en fait Zorro devient le but à atteindre afin de retrouver l'équilibre final. Et pour commencer, cette révélation doit être la fin du parcours pour Lolita Pulido (Marguerite de la Motte), qui aime Zorro mais ne peut pas souffrir Diego. L'occasion enfin est trop belle pour que Fairbanks hésite à accentuer avec gourmandise les différences entre ses deux personnages (Zorro, au passage, est doté d'une moustache, mais elle est postiche. Encore un effort, Doug!). Ces huit bobines sont donc empreintes, à leur façon, de la mythologie mise en place par Douglas Fairbanks depuis 1915.

En revanche, le plaisir de recréer une Californie située cent ans auparavant se double cette fois d'un aspect pratique: The Mark Of Zorro a été tourné en décors naturels, pour la plupart, et bénéficie sans tricher du beau soleil local, ainsi que de l'architecture Hispano-Indienne. Ce sera l'une des rares fois que ce sera possible, bien sur, mais ça joue beaucoup dans le film, comme l'utilisation des décors spectaculaires du Grand Canyon dans A modern musketeer (1917) fournissait un souffle particulier à ce film d'Allan Dwan. Fairbanks utilise d'ailleurs le décor comme inspiration, pour mettre en place comme il en a le secret des scènes haletantes de poursuites spectaculaires: un plaisir constant, autant qu'une marque de fabrique. D'ailleurs, le film doit beaucoup au western, autant qu'au mélodrame dont Niblo était l'un des maîtres reconnus. The Mark of Zorro doit donc une grande part de son succès à une fusion de genres, fédérés dans une intrigue parfaitement irrésistible, et dont les implications dépassent en prime l'habitue thème des films de l'acteur: on ne parle pas seulement de révélation et d'accomplissement de soi, mais aussi de la lutte contre l'oppression (Le film à ce niveau ne fait pas dans la dentelle, avec trois intertitres d'introduction bien pompeux), et le triomphe d'une certaine idée de la démocratie; une façon de montrer une Californie ancestrale, qui aurait toujours eu foncièrement vocation à intégrer les Etats-Unis.

Après avoir eu recours aux services de metteurs en scène efficaces mais sans relief, les Joseph Henabery, Christy Cabanne et John Emerson (Je mets volontiers de côté Fleming et Dwan, qui étaient clairement au-dessus du lot), Fairbanks a fait appel à Niblo, qui n'a pas encore signé un seul de ses films importants, celui-ci étant le premier. Mis il a réalisé, pour le compte de Thomas Ince, un mélodrame flamboyant et volontiers excessif, dans lequel il a montré son sens du coup de théâtre. Et dans The mark of Zorro, Fairbanks a cette fois besoin d'un cadre qui doit être solide et aussi sérieux que possible. Zorro bondit, Don Diego nous fait rire par son inefficacité, fut-elle feinte, mais on doit croire à l'importance de cette lutte Californienne pour la liberté... Mais le film brille aussi pour l'ensemble de sa narration cinématographique: montage impeccable, et varié (Une scène montre une confrontation entre Zorro et l'un de ses ennemis en passant d'un plan large à un plan serré, puis un gros plan des deux visages l'un face à l'autre, aussi déterminés que dangereux l'un et l'autre... On ne rigole plus!), splendeur de a production, dont le sens du détail laisse pantois, tournage des scènes nocturnes de nuit, ce qui a du impliquer une sévère note d'éclairage, et utilisation superbe de la lumière, dans des scènes sombres: en particulier, Harry Thrope, William McGann et Niblo ont privilégié l'utilisation dramatique de sources lumineuses dans le champ, justifiant ainsi des compositions en clair-obscur qui ne sont pas courantes dans le cinéma Américain en 1920, à part chez DeMille et Tourneur: ainsi la libération des prisonniers de l'oppression s'effectue-t-elle à la lumière d'une lampe à bougie... Enfin, le metteur en scène utilise le point de vue pour rythmer les allée et venues des personnages dans une scène, sans passer nécessairement par un plan large pour établir la situation. Il utilise notamment un miroir dans lequel Marguerite de la Motte se regarde pour justifier des transitions qui maintiennent en permanence un dynamisme redoutable. L'acteur-producteur et son metteur en scène ont choisi des lieux emblématiques pour les extérieurs, vite identifiés par les spectateurs, et dans lesquels des scènes-clés vont se dérouler: la propriété de Diego et son père, la villa des Pulido, et la taverne du centre-ville permettent un ancrage sur du spectateur... Pour finir, Niblo et Fairbanks ont fait appel, pour la première fois, au talent de Fred Cavens, le spécialiste de l'escrime cinématographique. Ce ne serait pas la dernière fois...

Vu dans une superbe copie teintée, avec sa luxuriance de détails, The mark Of Zorro reste aujourd'hui un film excitant et superbe à voir. Une forme de classique instantané, dont Fairbanks a su tirer la leçon, puisque il allait se faire une spécialité de ce qu'on allait bientôt appeler le "swashbuckler", sous toutes ses formes, épuisant d'ailleurs en une décennie les sujets possibles, de D'artagnan à ...D'Artagnan! On peut aussi se demander, à propos, pourquoi l'acteur qui souhaitait tant incarner le héros de Dumas n'avait pas commencé ce cycle de films d'aventures par le sujet des Trois Mousquetaires, mais on ne va pas se poser la question très longtemps: potentiellement très cher, et si important pour lui, le sujet avait sans doute besoin d'une assurance suffisante pour être monté. Un Zorro à moindre frais ayant prouvé que la recette était valide, il ne lui restait plus qu'à mettre en chantier son D'Artagnan. Mais si The Mark of Zorro est, techniquement, un produit-test (!), c'est aussi un film suffisamment exemplaire pour avoir engendré une kyrielle d'imitations, ainsi qu'un hommage vibrant dans le film The artist, de Michel Hazanavicius, dédié à la grande décennie du cinéma muet Américain.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1920 Fred Niblo Douglas Fairbanks *
11 novembre 2014 2 11 /11 /novembre /2014 17:20

Un couple d'amoureux, très jeunes, rentrent tranquillement au village sur une charette. Ils traversent une voie ferrée, et quelques instants après un train passe. Un symbole qui sera repris à la fin de ce film, et qui représente le destin qui va croiser en permanence le chemin de Jean Leonnec (Ramon Novarro) et sa petite fiancée Marise La Noue (Enid Bennett)... Et le destin n'attend en réalité pas, puisqu' on annonce dès son arrivée au village à Marise que son père, le sabotier du village, vient de mourir. Orpheline, elle va donc devoir vivre chez des cousins, mais ça se passe très mal: menacée par son cousin, un homme brutal et alcoolique, elle trouve refuge dans la grange des Leonnec, ou Jean vient la rejoindre pour la réconforter. Au réveil, les deux amoureux qui sont restés bien sagement assis sur une chaise au coin du feu auront bien du mal à justifier de la pureté de leurs intentions, et fuient à Paris. Entretemps, la mairie a été cambriolée, et le maire, le père de Jean, fait le rapprochement un peu rapidement avec la soudaine fuite de son fils...

Et ce n'est pas fini: Niblo s'amuse à fouiller des péripéties à la Dickens et les accumule à loisir tout au long des 80 minutes du film, qui devient presque un catalogue de tous les aspects du mélodrame. Il choisit aussi de situer son film dans une France de pacotille, où s'entremêlent les époques dans un maelstrom de bérets et de casquettes d'apaches. La raison me parait simple: tout en se reposant sur les ficelles du mélo, le film accumule les scènes risquées et le metteur en scène a souvent recours à une violence graphique, frontale et sublimée, tout en montrant les bas-fonds avec un réalisme, certes baroque, mais suffisamment explicite pour qu'on ne s'y trompe pas: Jean va devenir une petite frappe, un apache, mais Marise va passer par la prostitution lors de leurs aventures Parisiennes. Le même script situé en Californie ne serait pas passé au travers des mailles de la censure, d'où me recours à une France d'opérette.

Auteur complet du film (Il en a écrit l'argument), Niblo se fait plaisir, rappelant qu'il pouvait à son meilleur être 'un des grands cinéastes d'Hollywood. En 1924, la toute jeune MGM semblait prête à honorer sa devise 'Ars gratia artis', et le film en est une éclatante preuve: tout en louchant du côté de l'univers de Rex Ingram, bien qu'en moins baroque, le film bénéficie aussi de la rigueur des compositions de Niblo qui a du génie du début à la fin du film pour son utilisation inventive du cadre, et son sens du timing en ce qui concerne ses séquences. Son réalisme, en matière de violence en particulier, est sans doute l'un des atouts qui feront de lui un candidat idéal pour reprendre le navire en perdition de Ben-Hur, et on retrouve dans les deux films des points communs troublants: la façon dont Enid Bennett et Ramon Novarro se perdent de vue, mais se croisent ensuite en permanence rappelle de quelle façon Ben-Hur passera à côté de sa mère et de sa soeur qu'il croit mortes dans le film de 1925, une situation certes de convention mais que la force de conviction de Niblo nous fait passer come une lettre à la poste!

Le metteur en scène est parfaitement servi par des acteurs qui sont eux aussi à leur meilleur, et fait bien passer la transformation permanente d'Enid bennett qui joue en particulier sur le maquillage pour figurer sa descente aux enfers. Une scène la montre à l'hôpital, à l'article de la mort, après avoir été abattue par la police: on l'a quittée enlaidie, les cheveux dégoutants, en fille déchue, on la retrouve avec de nouveau la couronne dorée de ses beaux cheveux blonds, et le visage angélique:c'est la signal de la rédemption pour nos deux héros. Les décors et les éclairages sont aussi utilisés à leur avantage du début à la fin de ce film mené tambour battant, d'un grand cinéaste auquel il arrivait certes de se laisser aller (Sex, Blood and sand, le fort moyen The temptress), mais qui a aussi beaucoup donné (The mark of Zorro, The three musketeers, Ben-Hur, The mysterious lady). Son chef d'oeuvre? Je le pense, en tout cas.

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Published by François Massarelli - dans Fred Niblo Muet 1924 *
28 décembre 2013 6 28 /12 /décembre /2013 18:12

Je ne vais pas cacher ma préférence: ceci est LE Ben-Hur. L'autre a, c'est vrai, raflé de nombreux Oscars, certains mérités, et c'est un film exceptionnel, luxueux, etc etc etc... Mais ce film de 1925 est une merveille du cinéma muet, l'un des films spectaculaires qui font du muet Américain un ensemble passionnant, à plus forte raison sur la fin de la période! Rappelons que le roman de Lew Wallace, paru en 1880, est l'une des oeuvres les plus populaires du XIXe siècle, une inspiration pour le théâtre d'abord, dont les promoteurs détenteurs des droits ont tout fait pour faire monter les enchères au cinéma. Rappelons aussi que si le roman est une des oeuvres les plus W.A.S.P qui puissent être, les deux films seront beaucoup plus oecuméniques... Mais celui-ci va plus loin encore, en mettant sur le tapis un conflit racial à la base de l'histoire, qui débouche purement et simplement sur une lutte contre l'antisémitisme, au-delà même du ralliement du personnage principal à Jésus (Le messie supposément attendu par les Juifs, justement, et qui va être surnommé Roi des Juifs aussi bien par ses disciples que par ses détracteurs...). Ben Hur contre Messala, c'est un Juif qui décide d'aller contre un homme qui le traite justement d'esclave, qui affirme la supériorité des Romains sur les Juifs... en 1925, à une époque ou les Juifs impliqués à Hollywood font tout justement pour gommer leur différence, et se refusent à faire des vagues, ce n'est pas banal. Mais un gros succès aussi voyant que celui-ci, ça l'est encore moins, même si soyons justes, The Jazz Singer, le soi-disant "premier film parlant", est de son côté à ses meilleurs moments une plongée dans le quotidien du ghetto.

 

Dans la Jérusalem du premier siècle, nous assistons aux tribulations de la famille Hur, des notables Juifs accusés à tort d'avoir fomenté un attentat contre un potentat Romain, et que leur ami personnel, le romain ambitieux Messala, a arrêtés. La mère et la fille sont emprisonnées dans un cachot, mais Judah, le grand fils, est envoyé aux galères, déterminé à rester vivant pour se venger de son ancien ami Messala. Il va ainsi survivre à bien des péripéties, et croiser assez souvent la figure de Jésus, dont il va même devenir l'un des premiers suiveurs...

 

L'un des désirs de Wallace, donnant son avis sur les éventuelles adaptations théâtrales, était de laisser le personnage du Christ à l'écart, de ne jamais le voir, ou en tout cas jamais directement; ce principe a été adopté par l'équipe du film, mais la plupart des scènes religieuses ont été malgré tout tournées en Technicolor, dont la nativité; cela a entrainé un refus de la part de Niblo qui se disait choqué qu'on enlumine à ce point une séquence dont il estimait qu'elle devait rester aussi sobre et humble que possible, eu égard à l'ensemble de la production, qui se voulait aussi consensuelle que possible. C'est un autre metteur en scène qui s'est chargé de la séquence incriminée. De fait, en dépit de l'incontournable thématique religieuse, le film est effectivement digne à ce niveau, et la nativité est sans doute la plus embarrassante des allusions au Christ, avec une Betty Bronson en Marie aussi blonde que Janet Gaynor dans Sunrise!

 

Ben-Hur a été mis en chantier en 1923, par la Goldwyn pictures Corporation, un 'studio' indépendant fort malade; le film était l'objet de toutes les attentions, de par la publicité autour de la recherche d'un réalisateur (Nombreux étaient les postulants, dont Sydney Franklin, Rex Ingram voire Erich Von Stroheim...) et d'un acteur; d'autre part, la décision de partir tourner en Italie a aussi fait des vagues, au sens propre comme au figuré. Charles Brabin s'est chargé de commencer le film, avec George Walsh et Francis X. Bushman dans les rôles principaux (Judah Ben Hur et Messala), mais Niblo a terminé le travail et confié le rôle principal à Ramon Novarro. On peut considérer que Niblo est responsable d'au moins les deux tiers du métrage actuel, en sachant que de nombreuses scènes sont dues à des équipes secondaires ou des spécialistes des scènes d'action (la course de chars notamment, bien sur, essentiellement due à B. Reeves Eason) et que peu de ce qu'a tourné Brabin a pu être utilisé. La production a de toute façon rapatrié les équipes en Californie après qu'une scène de bataille navale (L'une des premières scènes dirigée par Niblo) ait tourné à la catastrophe: c'est même une des premières décisions de la nouvelle direction de ce qui s'appelait désormais la Metro-Goldwyn, qui n'allait pas tarder à devenir la Metro-Goldwyn-Mayer. Compte tenu des dépenses pharaoniques, des délais, des changements, du retournage intensif du matériel tourné en Italie et des droits d'auteur et d'exploitation délirants de Wallace et des promoteurs, le film pouvait bien rapporter une somme considérable, il ne rentrerait jamais dans ses frais: c'était devenu une question de principe pour la MGM...

 

Et ce qui fait la grandeur du film, c'est qu'aucune des vicissitudes, aucun des ennuis nombreux, des retours à la case départ, ne se font sentir. Le film est cohérent, les monteurs ont il est vrai fait un travail impressionnant, et novateur, voire gonflé: lors d'une scène, une digression de quelques secondes se fait voir, un démenti apporté au spectateur, lorsqu'on annonce la mort de sa mère et de sa soeur à Judah, on les voit toutes les deux dans leur cachot, comme à l'écoute. On se croirait presque devant un fragment d'Intolerance! Les séquences, nombreuses et souvent bâties autour d'une attraction spectaculaire, se suivent et s'embriquent dans un souffle épique qui montre la MGM en route vers un avenir prometteur! Le mélodrame et l'aventure, la spiritualité et l'action spectaculaire (Ces ahurissantes batailles navales, ultra-violentes, filmées à l'intérieur des bateaux, à l'extérieur et depuis la côte!), l'intimisme quasi-symbolique comme ces scènes durant lesquelles les deux femmes, lépreuses, se rapprochent de Ben Hur endormi qu'elles ne peuvent toucher ni embrasser... Tous ces atouts se conjuguent avec l'interprétation généralement remarquable notamment de Ramon Novarro dont c'est le meilleur rôle. Le seul bémol, bien sur, c'est Francis X. Bushman, dont le jeu histrionique a facilement cinq ans de retard. Pour le reste, voilà un des plus grands films de 1925: soit l'année de The big parade, The phantom of the opera, Lady Windermere's fan ou The gold rush... Ca calme.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1925 Fred Niblo Technicolor **