Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
  • Contact

Recherche

Catégories

29 mai 2024 3 29 /05 /mai /2024 19:06

On n'a pas conservé beaucoup des premiers films de Germaine Dulac... Par exemple, il ne restait jusqu'à 2020 plus que deux séquences à peu près cohérentes de ce film, premier script de Louis Delluc. C'était une grande perte si j'en crois Henri Langlois, grand admirateur du film et qui lui l'avait vu en entier. Aujourd'hui, depuis la découverte d'une copies fragmentaire, on en possède le tiers, et la Cinémathèque Française a pu enfin en donner à voir une continuité, sur 26 minutes, qui restituent l'argument principal ainsi que son style si particulier.

Eve Francis y interprète une femme, Soledad. Elle est danseuse, et s'est plus ou moins retirée, et deux hommes, deux propriétaires terriens (Gaston Modot et Jean Toulout) sont très amis mais l'un comme l'autre sont aussi fous amoureux de la mystérieuse danseuse. Pendant qu'ils s'entretuent dans un geste aussi chevaleresque qu'absurde, elle se laisse séduire par un jeune homme qu'elle a subjugué...

Le film est d'une impressionnante amertume, incarnée en particulier par la lassitude d'Eve Francis qui se retrouve en chaînon manquant entre Asta Nielsen (la danse chaloupée, qui renvoie à L'abîme d'Urban Gad) et d'un coté les divas Italiennes, les Francesca Bertini et Pina Menichelli, et de l'autre les futures stars Greta Garbo ou Marlene Dietrich... La quête romantique ultime ("Puisque nous sommes amis et que nous l'aimons tous deux, massacrons-nous mutuellement") est raillée par une fin d'une méchanceté particulièrement notable. Le scénario de Louis dellux, servi par la réalisation de Germaine Dulac, joue une partition forte et provocante. Le voir ainsi enfin un tant soit peu représenté de façon plus continue, dans un cadre impeccable (ces plans nocturnes du duel), est essentiel...

Le film a l'air de bénéficier de plans "volés" lors de véritables célébrations populaires, et semble anticiper toute la vague dite "impressionniste" du cinéma Français: Delluc bien sur, mais aussi Epstein. Dans le fragment auparavant disponible, ces éléments prenaient toute la place, ce n'est heureusement plus le cas... Et on est devant un foisonnement à des années-lumières de la rigueur sage de La cigarette, l'autre film conservé réalisé par Mme Dulac en 1919. On comprend que ce fut un classique. Il ne nous est pas restitué, mais on peut commencer à en deviner les contours...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet Germaine Dulac 1919 *
11 juin 2017 7 11 /06 /juin /2017 11:07

C'est sans doute avec ce film que les choses vraiment sérieuses commencent pour Germaine Dulac... Elle qui a expérimenté avec les formes établies du drame bourgeois (Voir La fête Espagnole ou La cigarette), rêvait de s'affranchir de l'intrigue pour placer l'intérêt sur la transcription visuelle des émotions et des impressions, et c'est ce film qui va lui permettre de faire exactement ce qu'elle souhaitait.

L'histoire proprement dite est un petit argument qui semble par bien des aspects être un pendant "réaliste" de l'intrigue de La cigarette: une femme, mariée à un homme plus âgé et qui la néglige, se prend à rêver de mieux. Ces rêves viennent comme en écho à l'imagination  débordante du mari du film précédent, qui se voyait cocu parce qu'il réalisait que son épouse était trop jeune pour lui. Pourtant elle lui restait fidèle du début à la fin du film! En revanche, si Madame Beudet (Germaine Dermoz) avait pu, elle ne se serait pas privée! Et son mari (Alexandre Arquillère) ne se serait probablement pas aperçu du moindre problème.

Germaine Dulac choisit de privilégier le point de vue de l'épouse, souvent délaissée pendant que son mari travaille ou sort. Cette solitude n'est pas forcée: Madame Beudet n'a pas très envie, manifestement, de s'afficher avec son mari... surtout quand pour faire rire ses amis, il joue la comédie du suicide en public! Mais dès qu'il est absent, elle l'imagine remplacé par d'autres: Dulac utilise, lors d'une scène assez drôle, la surimpression d'un tennisman qui entre dans l'appartement du couple, et débarrasse Madame Beudet de son mari! Mais la rêverie débouche souvent sur l'impasse, car l'épouse lasse est bien obligée d'admettre que le seul qui franchira le seuil pour la rejoindre sera toujours M. Beudet.

On l'aura compris: si le film est essentiellement une étude psychologique en surface, il n'en reste pas moins que ce dont il est question ici c'est d'amour physique et de frustration, celle de ne pas pouvoir se laisser aller à la passion...

Afin de terminer son arc narratif, Dulac choisit de nous montrer une réconciliation en demi-teintes: Beudet comprend que son épouse est tellement déprimée qu'elle menace de se supprimer, et il lui fait comprendre qu'il ne peut pas vivre sans elle...

Ce qui clôt en effet l'intrigue sur une note positive. Ce qui en revanche n'empêche pas Dulac de nous montrer à la fin du film le couple marchant côte à côte dans la rue, à une certaine distance l'un de l'autre. Un intertitre dévastateur assène le coup final, nous expliquant qu'ils sont unis 'par l'habitude'...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1923 Germaine Dulac **
4 juin 2017 7 04 /06 /juin /2017 14:31

Il s'agit du plus ancien film conservé de l'une des plus éclectiques de tous les réalisatrices et réalisateurs Français. Féministe, touche-à-tout Madame Dulac a contribué à créer un courant qu'on a baptisé l'impressionnisme, et a mis un peu d'ordre dans le fourre-tout de l'avant-garde en s'associant avec Antonin Artaud pour La Coquille et le Clergyman... Scénarisé par Jacques de Baroncelli, La cigarette ne porte pas en lui toutes ces innovations, bien sur, mais c'est un film de dimension modeste (51 minutes) qui mérite le détour, en faisant volontiers le lien entre le mélodrame bourgeois et les préoccupations formelles des cinéastes curieux de tout: il comprend des points communs avec l'oeuvre de Gance qui venait de sortir Mater Dolorosa et La dixième Symphonie, par exemple...

M. et Mme de Guérande s'aiment, mais on voit bien que Monsieur (Gabriel Signoret) est bien plus âgé que Madame (Andrée Brabant). Aussi lorsque l'auguste passionné d'Egyptologie voit son épouse aimée passer du temps avec un playboy qui prétend lui apprendre à jouer au golf, la jalousie s'installe et le parallèle avec la vie légendaire d'une momie dont il vient de faire l'acquisition le trouble: la princesse momifiée, en effet, a tourné plus d'une tête en son temps, quand elle était jeune et jolie, et frivole, alors que son époux était quand à lui bien plus âgé qu'elle...

La cigarette du titre est un moyen poétique d'ajouter un peu de suspense: le digne professeur tente de prendre du passé une leçon de romantisme, et imagine une fin digne d'un pharaon: il empoisonne une cigarette parmi toutes celles qu'il a, et attend tranquillement le moment où il mourra, libérant ainsi sa trop jeune épouse... Une hypothèse qu'on pourrait aussi bien qualifier de grotesque.

Le film prend donc beaucoup sur le drame bourgeois, l'obsession pour l'Egypte prenant ici la place des velléités artistiques des héros des films de Gance, par exemple. Par sa construction qui inclut un retournement de situation, Dulac fait se terminer un drame assez ampoulé par de la comédie assez légère ce qui est fort bienvenu! Et elle s'amuse avec le point de vue, nous donnant l'occasion de suivre le cheminement du mari pour une bonne part du film, sans jamais nous cacher la vérité des allées et venue de la femme, qui reste bien vertueuse de A à Z. Les ruptures de ton sont bienvenues, et le cadrage, ui n'oublie jamais de nous montrer tapie dans un coin, cette satanée momie, est très étudié... Bref, ce film qui ne révolutionne pas grand chose est au moins plaisant et très soigné...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet Germaine Dulac 1919 **