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11 avril 2022 1 11 /04 /avril /2022 15:53

Ce film est basé sur un opéra de 1829, La muette de Portici, composé par Daniel-François-Esprit Auber, sur un livret d'Eugène Scribe et Germain Delavigne. Et le principal atout du film est sa star, la grande ballerine Anna Pavlova pour une unique apparition au cinéma. Et le film diffère profondément du reste de l'oeuvre connue de Lois Weber: aux drames sociaux et psychologiques modernes et urbains de longueur modeste, se substitue ici une intrigue en costumes, haute en couleurs et en émotion grandiloquente, qui s'étale sur près de deux heures; un film muet basé, c'est un paradoxe, sur un opéra... On peut émettre deux hypothèses pour en expliquer la production: d'une part, Lois Weber voulait sans doute en faire une démonstration de force en même temps qu'une façon de faire concurrence au spectaculaire Birth of a nation de Griffith; ensuite, la Paramount venait de lancer la cantatrice Geraldine Farrar, dans Carmen de Cecil B. DeMille, et s'apprêtait à la mettre en valeur dans Joan the woman, du même auteur. Weber, elle, avait la Pavlova...

Dans une région Italienne qui est soumise à une gouvernance Espagnole, les paysans attendent de moins en moins patiemment l'occasion de se révolter. Une occasion va être fournie par un petit drame de pas grand chose: Fenella (Anna Pavlova), la soeur du plus remonté des pêcheurs locaux, Masaniello (Rupert Julian), est séduite par un noble de la cour (Douglas Gerrard). La suite va être une vengeance en forme de révolution avec tout ce que peut ça peut amener comme chaos...

Je parlais de The Birth of a nation tout à l'heure, mais on pourra penser à une autre production spectaculaire de Griffith: Intolerance était-elle dans tous les esprits à cette époque? Il y a un peu de son souffle épique dans ce film: déjà, Weber a engagé une armée de figurants, dont elle utilise la force décorative assez souvent. Elle a mobilisé toute une partie du littoral pour y construire une ville, un palais, et un village de pêcheurs; enfin elle utilise la danse pour exprimer de nombreuses choses: la joie simple des pêcheurs sur la plage; la concupiscence d'un noble, dans une scène qui fait quand même sérieusement bouche-trou (un certain nombre de préludes dansés sont sans doute placés pour faire écho au spectacle original); elle oppose d'un côté la richesse et l'oisiveté des nobles Espagnols, et la pauvreté absolue des Italiens; enfin bien sûr une large part du film (environ un quart) est consacrée à la révolte, qui sera longue, sanglante et pleine de débordements. On pourra aussi assister pour finir à l'inévitable défoulement de la populace dans une orgie de boisson et de nourriture qui ressemble à un ballet (filmé avec un mouvement à la Cabiria, quand je vous dis que Griffith et sa Babylone ne sont pas loin!)...

De la danse, quand la vedette s'appelle Pavlova, quoi de plus normal? L'héroïne, muette comme nous indique le titre, s'exprime de fait avec le corps, mais elle est un peu noyée dans la masse de figurants durant la première moitié. Le jeu histrionique généralisé n'arrange pas les choses, non plus, dans toute l'exposition du drame. Quand le film s'emballe, son jeu étrange et totalement corporel devient intéressant, culminant dans une scène sans ambiguité où elle se donne à son amoureux: c'est par la danse qu'elle commence la parade. Mais le film devient formidable dans sa deuxième partie, quand Weber nous montre le déchaînement de la révolution dans une série de scènes de chaos particulièrement maîtrisées. Tout y passe: destructions, tortures, tentations de viol (on en connaît les codes dans le film muet), brutalités diverses, invasions de pièces occupées par des nobles, etc... La mise en scène fait feu de tout bois ici, et on comprend enfin dans ce déferlement de violence cinématographique ce qui a attiré la réalisatrice (et son mari, l'inévitablement crédité Phillips Smalley) dans cette entreprise étonnante.

Le film a été sauvegardé dans un certain nombre de copies, dans un certain nombre de formats aussi, et a du être reconstitué à partir de toutes ces sources disparates, ce qui n'arrange pas le confort de visionnage... Mais c'est une grande date à sa façon: pour Lois Weber bien sûr, qui commence en beauté sa période Universal qui sera très importante pour sa carrière; pour Pavlova, sans aucun doute; et surtout, pour la petite compagnie Universal, qui peut enfin commencer à sortir des films d'envergure...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1916 Lois Weber **
25 septembre 2021 6 25 /09 /septembre /2021 11:03

The Marriage Clause est l’un des derniers films de Lois Weber, le premier qu’elle ait réalisé après le hiatus de 1923: elle revenait à la Universal, mais son statut n’était décidément plus du tout le même qu’avant, en particulier durant les années 10…

Barry Townsend (Francis X. Bushman) repère une aspirante actrice, Sylvia (Billie Dove) dont il tombe amoureux : il fait d’elle une star, et en dépit de l’ombre que cela projette sur leur relation, il accepte qu’elle donne une réponse favorable à une offre très lucrative d’un autre impresario, Max Ravenal (Warner Oland). Mais le contrat avec ce dernier contient une clause qui interdit à la jeune femme de se marier… elle va devoir se séparer de son fiancé, et en dépit du succès phénoménal qui est le sien, va peu à peu perdre toute envie de vivre…

Le film n’existe plus que sous la forme d’un fragment réduit à 20 minutes, contre environ 80 au départ, et ça se sent : chaque étape importante de l’intrigue est réduite à la portion la plus congrue qui soit… Et pourtant on obtient, de ce fantôme de film, une image qui est sans doute en accord avec ce qu’il était : une œuvre de transition, à la fois versée dans des clichés du mélo (le grand méchant impresario contre l’amour pur, par exemple) et tournée vers des thèmes sensibles et différents, qui ont fait la réputation de la réalisatrice : notamment le fait non seulement de représenter une femme qui devient la principale source de revenus d’un couple, mais aussi la souffrance « sociale » d’un homme qui en finit par ne plus vouloir sortir de chez lui. Cette tendance, probablement prudente, à vouloir couvrir tous les aspects d’un sujet polémique en ménageant une porte de sortie objective, avait fait les grandes heures de la carrière de Weber. Par-dessus le marché, la photo semble ouvragée, et l’interprétation est splendide… Pour autant qu'on puisse en juger, du moins.

 

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Published by François Massarelli - dans Lois Weber Muet 1926 **
24 avril 2021 6 24 /04 /avril /2021 16:13

Lois Weber est l'une des pionnières et pionniers qui ont construit Hollywood, et tout a sans doute été trop vite: ses films, productions indépendantes, ont défrayé la chronique dans les années 10 à cause de (Où grâce à, c'est selon) leurs sujets polémiques (le contrôle des naissances dans l'étrange Where are my children), ou leur traitement osé (La présence d'une représentation symbolique de la Vérité sous le déguisement d'une femme nue, image récurrente qui a beaucoup fait pour le succès du film, dans Hypocrites). Les années 20 l'ont vue s'embarquer dans la production de semi-comédies ou de chroniques de la vie contemporaine, qui observaient avec subtilité la société Américaine, et on peut citer les films Too wise wives, ou The blot, qui font d'elle une cinéaste proche des frères DeMille... Donc pas n'importe qui, mais en prime une cinéaste dotée d'une vraie originalité et d'une thématique propre: à la fois observatrice et partie d'une société réformatrice inspirée des préceptes fondateurs du protestantisme, à la fois juge et partie de la société Américaine.

C'est de la fin précipitée de sa carrière qu'elle a réalisé ce film, pour Universal, qui lui a permis de continuer son oeuvre à sa guise... On y conte la rencontre inattendue entre un pasteur progressiste et pas encore marié (Raymond Bloomer), avec la plus scandaleuse de ses paroissiennes... potentielles (Billie Dove), car elle ne vient pas beaucoup à l'église. Ils vont tomber amoureux l'un de l'autre, mais elle va sacrifier cet amour, afin de le préserver... avant que la situation ne s'inverse pour elle lors d'une tempête qui la voit faire littéralement naufrage. 

D'un côté, Weber s'amuse à nous montrer une jeunesse qui tend à s'évader des préceptes religieux et chercher à jouir à tout prix de la liberté que leur confère un statut social élevé. Les principaux coupables sont le père Hagen (Un riche oisif interprété par Phillips Smalley, l'ex-mari de Weber) et sa fille Luena dite Egypt (Billie Dove). Le premier boit plus que de raison dans des bouges, et la deuxième va de fête en fête, de beuverie en beuverie, à la recherche de sensations fortes et faciles... 

Et pourtant...

La cible de Weber était probablement plus les vieilles commères de la paroisse que la belle flapper, qui est jouée à l'écart des clichés par Billie Dove. Cette dernière est la vedette en titre, et le principal atout du film, mais Weber enfonce souvent le clou d'une société plus préoccupée des apparences  que de ses valeurs. Dans ces conditions, la sceptique à la recherche du plaisir en lieu et place d'un sens à sa vie devient une proie facile pour ces gens qui passent du temps sur leur terrasse à épier les voisins. Et quand le pasteur commence à recevoir (en tout bien tout honneur pourtant) la pécheresse chez lui, on s'émeut et on lui envoie l'évêque! Bref, avec son intrusion dans une petite communauté qui entre avec réticences dans le XXe siècle, avec 27 années de retard, Lois Weber a encore une fois réalisé un film passionnant. Son avant-dernier film muet, et le dernier qu'on ait conservé, hélas... Enfin disponible chez Kino dans une version manifestement intégrale.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Lois Weber **
24 avril 2021 6 24 /04 /avril /2021 11:40

Une petite fille, Jewel (Jane Mercer) vient vivre chez son grand-père (Claude Gillingwater) pour une courte période, après avoir été ignorée (le père et l'aïeul sont fâchés) pendant des années. Dans la maisonnée, tout le monde se déteste: le grand-père vit en effet avec sa bru, une femme remariée dont la fille ne trouve absolument pas sa place, jusqu'à la gouvernante qui hait tellement les deux femmes qu'elle souhaite les voir décamper... Quand la petite Jewel arrive, pourtant, elle va révolutionner son monde en les aimant en dépit de tout...

C'est un remake de Jewel, une autre adaptation par Weber du même roman, sortie en 1915. Weber avait aussi écrit le script d'un court métrage de deux bobines, The discontent, qui racontait l'arrivée inopinée dans une famille d'un vieil homme qui finissait par séduire son monde en dépit de son côté bourru. Le film, bien sûr, prend le contrepied avec ce personnage de petite fille angélique, qui vient au monde avec une certaine naïveté, même si elle n'a pas sa langue dans sa poche.

Weber en 1923 est plus que rompue à l'exercice de style qui consiste à familiariser les spectateurs avec les personnages qui cohabitent dans un environnement bien défini, et elle est très à son aise, même si on sera un peu plus impatient face à des intertitres qui alourdissent inutilement le début en mettant un point d'honneur à nous détailler absolument tout des éléments de l'intrigue, ce qui fait qu'on lit, plus qu'on ne regarde, la première bobine... Elle a recours, aussi, à un symbolisme qui renvoie un peu à son célèbre Hypocrites de 1915, à travers un court insert, qui représente la musique jouée par un personnage, sous la forme d'une danseuse drapée d'un voile diaphane... Une fantaisie qui a du trouver un écho dans une scène ultérieure, mais l'insert en a été coupé.

C'est l'un des derniers films de la réalisatrice, qui voyait le travail se faire de plus en plus rare. S'il n'apporte sans doute pas énormément, c'est un style très personnel, une façon de montrer les personnages, et des préoccupations émotionnelles (liées à la Christian Science, comme souvent) qui sont particulièrement singulières dans le cinéma Américain.

 

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Published by François Massarelli - dans Lois Weber 1923 Muet Comédie **
5 décembre 2018 3 05 /12 /décembre /2018 15:20

C'est en 1921, soit la même année que ses deux superbes films Too wise wives et The blot, que Lois Weber a réalisé pour sa propre compagnie ce film, qui est sans aucun doute son chant du cygne: après What do men want?, pour Lois Weber, plus rien ne sera comme avant, et pour cause: ce film qui étudiait avec un ton acide, les moeurs des couples mariés en usant d'un certain réalisme, franchissait un certain nombre de limites qui n'étaient auparavant pas infranchissables, mais en fin 1921, après les affaires de moeurs qui avaient entaché Hollywood, c'en était fini. Paramount a donc refusé de distribuer le film, Weber s'est retrouvée plus ou moins black-listée. Du coup, on a au moins envie de voir le film par lequel le scandale est arrivé.

Deux femmes ont des parcours différents: l'une, Hallie, se marie avec son petit ami, et ils ont tout pour être heureux: il est aisé, il est beau, il a des idées et de la ressource. Elle est belle, évidemment. L'autre est plus mal lotie, son petit ami n'est pas sûr de ses sentiments, et il n'a pas autant de ressource. Elle va donc commettre une bêtise, le genre qui a des conséquences, avec lui, et... il va partir pour fuir la médiocrité de sa vie. Du coup, l'infortunée Bertha se jette dans le lac... Mais la réflexion que se fait Hallie (Claire Windsor) devant l'indifférence de plus en plus appuyée de son mari, c'est que l'une comme l'autre ont raté leur vie... 

C'est dur, et Lois Weber n'a pas son pareil pour peindre avec talent la petitesse tranquille de l'existence, en deux ou trois touches, dans un cadre si simplement proche de la vie. Et pourtant tout tient à une façon d'explorer le détail, le geste de l'un ou l'autre des protagonistes, et de lier les anecdotes entre elles par un thème. Ici, c'est vraiment le questionnement sur la motivation des hommes dans leur commerce avec les femmes: les posséder un soir, ou tout une vie? Les laisser refléter une jeunesse hypothétique, ou les laisser vous accompagner jusqu'au bout? Certains commentateurs de l'époque ont parlé à propos de ce film d'un prêchi-prêcha insupportable, mais bon: c'étaient des hommes, aussi! Et je ne peux pas plus parler du film, dont seules trois bobines sur six ont survécu (les deux premières et la dernière ont disparu!), si ce n'est en disant qu'une fois de plus on est confronté à une justesse de ton (Claire Windsor est magnifique de bout en bout), à une morale visuelle, et à un sens cinématographique uniques en leur genre.

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Published by François Massarelli - dans 1921 Lois Weber Muet **
5 décembre 2018 3 05 /12 /décembre /2018 15:03

Tout commence, dans un décor rarement évoqué dans le cinéma Américain, par une arrivée d'une jeune femme, Molly (Lois Weber), chez les ouvriers du pétrole. Sur un champ de derricks, elle vient s'installer et devient l'une des attractions des moments de détente: ne vous méprenez pas, Molly travaille à la cantine, et est très populaire, mais elle sait se faire respecter: tout le monde aime Molly, ses collègues, les hommes qui viennent souffler dans leur travail pénible, et surtout Bull (Phillips Smalley)... Mais le problème de Bull, c'est que quand il aime, il ne souhaite pas se retenir. Et c'est un problème aussi pour lui, car quand il a les mains baladeuses, Molly sait se défendre...

Après l'acide film Hypocrites, réalisé lui aussi en indépendance pour la compagnie d'Hobart Bosworth et distribué par Paramount, Lois Weber se serait-elle lancée dans la comédie? Pas tout à fait, car si le ton de Sunshine Molly est souvent enjoué, elle y maintient un intérêt pour une cause à défendre, et s'attaque au harcèlement sexuel "normalisé", celui qui fait dire à Bull que quand une femme est jolie, pourquoi se priver? Une certaine forme de tentation de la domination masculine par la violence, qui est légèrement atténuée par le fait, après tout, que Molly sait se défendre, comme je le disais plus haut... Mais le film est intéressant pas son rejet de tout manichéisme, car derrière ses mains baladeuses et son désir qui prend toute la place, le film (ou du moins ce qu'il en reste) nous montre Bull comme un brave type...

La direction de Lois Weber est entièrement conditionnée au fait que nous sommes confrontés (dans les trois bobines restantes, du moins, soit les deux premières, et la cinquième et dernière) à peu de décors, et tous situés sur les lieux cités: le champ de pétrole, les baraques, et la cantine. Ces gens qui vivent sur leur lieu de travail, et dont la vie est rythmée par l'extraction de cet or noir, me semblent souvent proches d'un Germinal à l'Américaine. Je ne sais pas dans quelle mesure c'est une coïncidence. En tout cas, une fois de plus, on va se plaindre: qu'un film soit mutilé par le temps, c'est toujours rageant. Quand en plus il est formidable, c'est à pleurer...

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Published by François Massarelli - dans 1915 Lois Weber **
2 décembre 2018 7 02 /12 /décembre /2018 16:54

Ca devient une habitude, mais je vais encore commencer par dire que ce film a beaucoup souffert des vicissitudes du temps qui passe et de la négligence calculée des ayant droit... Donc il ne subsiste aucune copie en bon état, encore moins complète, de Scandal, ou de Scandal mongers (le titre utilisé lors de la ressortie de 1918). Mais au moins on a une assez bonne idée, à travers deux copies qui rassemblent des fragments 35mm qui étaient en voie de décomposition quand ils ont été localisés, de ce que le film était... 

Pour commencer, Scandal est situé à un tournant: c'est après un contrat de quelques films (Dont le fameux Hypocrites) pour Hobart Bosworth, que Lois Weber qui a ainsi pu passer au long métrage, est revenue au bercail de la Universal avec une certaine tranquillité quant à sa liberté de choisir les sujets de ses films. Elle a donc décidé de continuer à creuser le même sillon, et de tourner en priorité des films à caractère social. Le premier est justement Scandal, consacré à la façon dont la communauté peut utiliser n'importe quel prétexte pour se tourner vers un de ses membres, avec ou sans raison objective. Le film est moraliste au même titre que Hypocrites, et plus basé sur le constat d'un fait que la recherche d'une réponse aux questions qui se posent: une habitude chez Weber qui aime à faire bouillir son public.

Tout se passe bien dans la petite communauté banlieusarde: tous les matins, les gens se rendent à leur travail; Mr Wright (Phillips Smalley) quitte son foyer, salue ses voisins, son épouse se félicite de la réponse positive de son père à leur demande de prêt. Daisy Dean (Lois Weber), sa secrétaire-sténographe, quitte la maison où elle vit avec sa mère, suivie du regard par l'un des voisins (Rupert Julian), un célibataire qui aimerait bien l'approcher pour la demander en mariage. Ce que sa soeur (Adele Farrington) désapprouve, car la jeune femme n'est pas de son goût! Bref, tout va bien, jusqu'à ce que la secrétaire ait un accident en sortant du bureau. Son patron ayant proposé de la reconduire, c'est la goutte d'eau qui va faire déborder le vase des ragots... Et les répercussions seront terribles...

Comme elle l'avait fait avec le mannequin Margaret Edwards qui parcourait les dernières bobines de Hypocrites dans le plus simple appareil en jouant "la vérité", Weber a choisi pour représenter les ragots un personnage hirsute sorti (selon elle, mais on demande à le prouver) de l'imagination du dessinateur Winsor McCay, ce qui est pour le moins étrange, mais en phase avec les tendances allégoriques de l'époque. Mais surtout elle situe son drame dans l'intimité des consciences, et chaque personne se révèle en fonction de sa jalousie, de sa facilité à suivre le troupeau bêlant des commères... ou tout simplement comme Wright à deux reprises en fonction de sa gentillesse et de son altruisme. En choisissant d'incarner l'infortunée Daisy, Lois Weber donne à voir une nouvelle héroïne qui souffre parce qu'elle est mise au ban de son entourage...

Le film ne fait pas dans la dentelle, mais il prouve au moins que grâce à des metteurs en scène comme Weber, aucun sujet ne semble résister à la cinématographie... et on retrouvera avec The blot (que Miss Weber écrira et tournera pour la Paramount en 1921) une autre façon de traiter le stigmate social, avec une maîtrise confondante cette fois...

 

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Published by François Massarelli - dans 1915 Lois Weber Muet **
1 décembre 2018 6 01 /12 /décembre /2018 16:30

C'est sans doute, à en juger par les quatre minutes dont on dispose aujourd'hui de ce film, une comédie inhabituelle pour le tandem Weber-Smalley. D'ailleurs, si Monsieur joue dedans, Madame n'est visible nulle part, et le crédit officiel, cette fois, met Smalley avant Weber. On n'ira pas plus loin dans la spéculation, Smalley ayant par ailleurs signé des films tout seul... 

Mais ce film, dans lequel selon le synopsis la présence d'un homme flamboyant dans la bonne société relègue tous les autres au second rang, est intéressant pour les concepts visuels: la façon dont on nous présente les protagonistes en rang d'oignon, en les faisant répéter le même geste, débouche sur une mise en scène burlesque, qui anticipe certains films (Keaton en tête) de quelques années, et donne envie d'en savoir plus... Hélas...

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Published by François Massarelli - dans Lois Weber Muet Comédie
1 décembre 2018 6 01 /12 /décembre /2018 16:10

Dans ce qui est sans doute l'un de ses films visuellement les plus remarquables, Lois Weber trouve un moyen de traiter un sujet, qui poussait les metteurs en scène dans une dimension épique (rien que The Birth of a nation deux années plus tard, mais on pourrait aussi citer The Coward), en lui gardant un côté intimiste, voire privé; le film prend la forme d'un poème dont chaque vers est visualisé dans un plan en cache: un chapelet est enroulé autour d'un "hublot" par lequel on peut voir des plans du film se succéder, tous fondus les uns dans les autres.

Un homme (Smalley) et une femme (Weber) s'aiment, c'est le printemps, la nature est en fête... Mais c'est aussi la guerre civile, et les Sudistes sont aux portes du village: il fait se défendre. L'homme part donc au combat, et les deux amants gardent le contact par leur chapelet... Jusqu'au jour où la nouvelle de la mort du jeune homme est annoncée à la famille. Alors bien sûr qu'il est vivant. Le coeur brisé, elle décide d'entrer dans les ordres...

C'est un ressenti personnel que le film donne à voir, celui de deux êtres séparés par le destin et la guerre; le choix de tout filmer comme si on le voyait à travers un chapelet est incongru, mais ça donne une imagerie très particulière au film. Et l'objet, qui sert de lien entre les amants, va devenir le symbole cruel de leur séparation lorsque le chapelet de la jeune femme servira non plus le souvenir de ses amours, mais plutôt son sacrifice personnel vers la religion... Très plastique et un peu vain, le film a eu un énorme succès et était considéré à son époque comme un modèle de mise en scène.

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Published by François Massarelli - dans Lois Weber Muet
1 décembre 2018 6 01 /12 /décembre /2018 11:38

Toujours pour la firme Rex, comme tous ses courts métrages d'avant 1915, Lois Weber a réalisé avec ce Fine feathers une histoire qui sous une forme mélodramatique assez classique, cache en fait un film à la richesse thématique impressionnante. Comme souvent, il y est question de la négligence des hommes pour les femmes, mais aussi du don des femmes à la création: l'actrice-réalisatrice y interprète Mira, une jeune femme qui est martyrisée par son père cordonnier. Quand un artiste, Vaughn (Smalley), entre et est témoin d'une scène de violence, il recueille l'infortunée, et lui donne un travail de domestique dans son atelier. 

Très vite, il se rend compte que la jeune femme ferait un tableau merveilleux, et la peint en haillons. Mais elle n'apprécie pas le résultat, et tente de le persuader de la repeindre, cette fois avec une belle robe. Il accepte et les deux tableaux, considérés comme un chef d'oeuvre en deux parties, se vendent. Mais si Vaughn atteint la gloire, l'acheteur est aussi très intéressé par Mira. celle-ci aimerait que Vaughn se déclare, mais il tarde...

Donc, un artiste, un homme (dont l'atelier au passage forme un certain nombre d'élèves, toutes des femmes), ne voit en la femme qu'il devrait aimer, qu'un prétexte à sa propre création. Création d'ailleurs, dont l'impulsion de Mira sera la vraie source: on est ici dans un commentaire ironique, comme souvent chez Weber, sur la place importante de la femme. Et cette fois encore, la négligence masculine est au coeur du film, avec toutes les ramifications possible et imaginables: s'il ne voit en mira qu'un modèle, on peut se demander dans quelle mesure le film offre une métaphore de l'absence de désir; et c'est uniquement quand elle disparaît de son atelier que le peintre se réveille et comprend enfin son amour pour sa muse...

L'humour se manifeste parfois en douce, comme dans une scène située au début du séjour de Mira chez Vaughn: sagement, promue femme de ménage, elle commence par essuyer une toile et efface sans s'en rendre compte les esquisses d'une des élèves de l'atelier...

 

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Published by François Massarelli - dans Lois Weber Muet