/image%2F0994617%2F20221008%2Fob_18e98e_mv5bnzrlzjgwzgmtzja0mi00ztmxltlhmwytzt.jpg)
E.V. Marshall, que tout le monde surnomme Marsh (Tom Tryon), entretient une relation avec Paulie Nevins (Carol Ohmart), l'épouse de son patron. Ce dernier (James Gregory) est un homme violent et imprévisible, qui passe sa jalousie en accès de rage sur sa femme. Marsh enjoint à cette dernière de le quitter, mais elle refuse car elle a pris goût à l'aisance matérielle... Lors d'un rendez-vous, ils ont entendu une conversation entre trois mystérieux hommes, qui planifiaient un vol de bijoux spectaculaire! Paulie va décider de s'en mêler et de voler le butin aux voleurs...
On pourrait s'arrêter là, tant l'intrigue installée à partir de ces ingrédients suffit à elle seule à faire un film. Et puis, si on enlève le mari colérique, on est assez proche du scénario de Double indemnity, de Billy Wilder qui est non seulement le seul film noir de son auteur, mais aussi un chef d'oeuvre et un modèle du genre!
Mais l'histoire, concoctée avec l'aide de Frank Tashlin, l'ancien réalisateur-animateur de la Warner, ne s'arrête pas là, et contient une forte dose d'ironie mordante. Ces personnages sont maudits, on le comprendra très vite, et si le spectateur est très vite amené à prendre le parti de Marsh et à se défier de la belle Paulie, celle-ci doit également compter sur un mari qui ne se laissera pas faire, et qui ne va pas rester dans son coin: lors de la nuit du vol, il suit les amants pour les confronter et dans la pagaille, il est tué.
Qui a tué? Peu importe, en l'occurrence. Car même si c'est une balle perdue, Marsh et Paulie sont tout autant des victimes que lui, et vont devoir faire face à une enquête... Une enquête dans laquelle Marsh va découvrir qu'il a suivi la mauvaise personne en tombant amoureux de Paulie, et que pendant ce temps, la secrétaire de son patron (Jody Lawrence) est prête à tous les sacrifices pour lui!
Bref, ça se complique, et plus ça se complique, plus tout le monde est dans la panade. Suivant, à l'envers, le principe d'Hitchcock (plus le méchant est réussi, meilleur est le film), les scénaristes ont aussi créé des personnages de flics intègres mais assez ordinaires, tout comme Edward G. Robinson d'ailleurs dans Double indemnity, décidément on y revient!
Dans le film, son premier film noir depuis The breaking point, Curtiz trouve très vite ses marques, dans une mise en scène qui se concentre constamment sur le destin mal parti des deux protagonistes, et la mécanique implacable qui va les broyer. On est dans un territoire à la Thérèse Raquin, du coup: à partir du moment où les deux amants mettent le doigt dans la mécanique du crime, ils sont foutus et leur histoire ne tiendra pas le choc; on reproche beaucoup à Curtiz, c'est le cas du biographe Alan K. Rode, d'avoir choisi dans ce film personnel des acteurs inconnus, mais il me semble que ce choix renforce l'ironie et la délicieuse plongée vers les abîmes de la noirceur. Là encore, ce qu'avait imposé Wilder à ses stars, c'était l'ordinaire, la vulgarité même... Ici, Curtiz joue à fond sur le manque de glamour des parfaits inconnus qu'il dirige.
Avec un bémol: on sent bien qu'il a tout fait pour mettre en valeur sa star féminine, Carol Ohmart, qui joue de sa séduction en femme fatale, et... ça ne marche pas. D'autant que les seconds rôles en imposent, et apportent dans le film une vie, un tonus qui renforce encore le côté ironique: il faut voir ce que Elaine Stritch, qui joue le rôle de la bonne copine qui n'a rien compris à rien, apporte à une actrice comme Ohmart, à laquelle Curtiz a probablement donné l'instruction d'être aussi proche de Patricia Neal (dans Breaking point) que possible...
Mais avec son inimitable style flamboyant, ses jeux de mouvements à la précision diabolique, le goût pour un noir et blanc d'une incroyable beauté (les scènes nocturnes) ses ombres, une fois de plus, la vedette du film, c'est Curtiz lui-même!
/image%2F0994617%2F20221008%2Fob_2180cd_mv5bowq3mtq3zdktmmi2zi00yzlilwfmztutzm.jpg)
/image%2F0994617%2F20221008%2Fob_6ce7f5_mv5bztriogy0ntutymmzny00n2e3lwexzdctzj.jpg)