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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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8 mars 2017 3 08 /03 /mars /2017 16:39

Curtiz était-il un auteur? C'est le genre de question dont on se demande encore qui elle peut passionner à l'heure de Netflix, le truc qui est train de tuer le cinéma à grandes enjambées, en commençant par gommer le rôle du metteur en scène dans sa logistique! Mais Curtiz a en effet la réputation, pas vraiment usurpée, d'avoir durant son passage à la Warner été indifférent à la globalité de ses films, se concentrant sur une scène, voire un plan à la fois... Et obtenant des résultats parfois miraculeux.

C'est vrai qu'il y a tellement de stupidités révoltantes dans la Bible, qu'on a l'impression qu'il suffit parfois de se pencher pour en ramasser... C'est à peu près ce qu'a fait Darryl F. Zanuck, qui ne présidait pas encore aux destinées de la Fox, mais était une étoile montante du scénario en cette fin du muet. La mission que lui avait confiée la Warner était de faire du Cecil B. DeMille, ni plus ni moins, en se gardant toutefois de faire un démarquage des Dix Commandements de 1923, ce qui avait déjà été fait en Europe, lorsque Mihaly Kertesz et Sascha Kolowrat s'étaient lancés dans la production de L'esclave Reine, une superproduction Autrichienne qui piquait à DeMille ses meilleurs effets... En toute logique, la warner, qui préparait ce film depuis longtemps, a fait appel à Kertesz, l'a rebaptisé Curtiz, et lui a confié les clés. Et si on ne refaisait pas The ten commandments, rien n'empêchait de le singer à chaque fois que c'était possible!

On raconte dans ce film une anecdote hautement improbable, celle de deux Américains, dont l'un (George O'Brien) a rencontré dans des circonstances dramatiques la femme de sa vie, la danseuse Marie (Dolores Costello), une jeune Allemande. Mariés, il leur a fallu faire face à un dilemme en 1917... Mais le sens du devoir, n'est-ce pas... Donc O'Brien parti sur le front Français, Costello a du reprendre son métier en Europe. Mais une connaissance commune (Noah Beery) qui a une dent contre eux l'a reconnue, et l'a dénoncée comme espionne; Devinez qui sera dans le peloton... Comme dans tant de films de DeMille, une digression de luxe fait bifurquer les personnages vers l'époque biblique, tentant par tous les moyens de dresser un parallèle avec l'épisode de l'Arche de Noë. Je dis bien "tentant par tous les moyens", tant la ficelle est grosse...

Le "DeMille Autrichien" (Qui était comme chacun sait Hongrois) a fait ses gammes de 1926 à 1928, le temps que se monte cette production. Sorti trop tard, à l'époque du parlant, ce film est de toute façon un ratage, une histoire symbolique, d'un genre auquel DeMille lui-même ne touchait plus en 1928. dans cet ahurissant mélange (Scènes parlées dans un film muet, histoire contemporaine appuyée par des séquences bibliques) on voit bien ce qui fait l'essence du cinéma du jeune Curtiz: il tourne ce qu'on lui donne à tourner, y trouvant ou non son intérêt, mais fait de l'image à tout prix. Un cinéma donc de l'émotion, de la séquence, dans lequel l'élément humain est ballotté, maltraité. Des "attractions" selon l'expression de Mauritz Stiller: train qui déraille, explosions et batailles sur le front, un obus qui déclenche un glissement de terrain, et autres déluges. Le film s'appelant L'arche de Noë, ça va sans dire. Bien sur, on le sait, la légende honteuse de ce film fait de Curtiz un fou dangereux, responsable d'un nombre mal défini mais hélas réaliste de morts de figurants. Une étrange façon de prendre congé du cinéma muet, que ce film qui est mal fichu, mais considéré comme un classique...

La religion dans ce film n'a aucun sens, c'est un toilettage passe-partout, une série de clichés lénifiants, auxquels la cinéaste n'a apporté aucun crédit. Il est même probable, occupé qu'il était à tenir une cravache dans une main, une méthode Assimil dans l'autre pendant qu'il tentait d'établir une communication avec les figurants qu'il s'apprêtait à noyer, que Curtiz n'a même pas réalisé qu'il y avait quoi que ce soit de religieux dans son film!

On peut se rassurer en imaginant que la version intégrale (environ 135 minutes selon les filmographies) sans doute perdue était plus cohérente, mais j'en doute fort. Du reste, autant le film est raté, autant il en devient distrayant, par les moyens engagés, par l'ahurissante puissance de feu d'un réalisateur capable de tant de choses, y compris pour le pire... Baroque, ça oui, le film est quand même bien plus intéressant que, disons, Mammy, The woman from Monte Carlo, God's gift to women, ou The soldier's plaything, tous ces films réalisés par Curtiz en 1930 - 1931! Et puis, ce film raté qui fut un échec reste symboliquement un bon moyen de clore une période de la vie d'un cinéaste marquée par le baroque, l'énorme, la grandiloquence, au moment-clé ou un nouveau type de cinéma, moins ambitieux, allant à l'essentiel, plus proche des gens va commencer à exister, dont paradoxalement le hautain Michael Curtiz sera l'un des plus intéressants artistes durant le début des années 30.

 

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Muet 1928 Première guerre mondiale *
29 janvier 2017 7 29 /01 /janvier /2017 11:50

Le cinquième des films de Curtiz tournés en 1930 (Il y en a eu six) a subi à peu près le même sort que la plupart des autres: comédie musicale à sa sortie, le film a été recoupé afin de se transformer en comédie tout court, même si deux chansons, mais parfaitement en situation, ont survécu. C'est aussi une comédie militaire, avec tout ce que ce terme peut faire soupçonner en matière de délicatesse et de subtilité: coups de pieds au fondement, confusion de grade, punition... Le comique troupier, dans toute sa splendeur. Et pourtant...

Il y a des moments où on sent un peu la patte de Curtiz, cette incapacité à torcher le travail, ce point d'honneur à tout risquer: les cinq minutes qui sentent bon le film de gangsters au début par exemple: Ben Lyon joue le membre d'un gang qui se bat avec un autre, et lors de l'altercation il le fait tomber de plusieurs étages. Il n'attend pas, et suivi par les autres intègre la parade des soldats qui s'apprêtent à partir en Europe pour combattre. La foule mobilisée, la maîtrise de la mise en scène et du montage, on sent bien que le réalisateur n'a absolument pas traité la scène par-dessus la jambe.

Et de nombreuses séquences témoignent de son insistance à couvrir tous les aspects d'une scène, et à mobiliser tout le studio pour ça s'il le faut. Il fait respirer ce qui n'aurait pu être qu'une production parlante de plus, en mélangeant prise de vue à l'extérieur (Donc muettes) et scènes tournées en studio avec des mattes paintings. et du coup le travail de caméra et le montage encore une fois, gardent un dynamisme qu'on ne trouverait pas dans beaucoup de films de 1929 ou 1930.

Mais A soldier's plaything, qui d'ailleurs a été tourné en écran large, mais sans que l'on sache si ce système (Le format "Widescreen" de la Warner/First National, VitaScope) a été réellement exploité à cause des mauvais résultats des films MGM, Fox ou Paramount tourné dans ce type de procédé, reste à la base "juste un film de Michael Curtiz de 1930": bien, voire très bien fait, mais entièrement tributaire de la volonté du studio, de son script et de ses acteurs.

Parmi lesquels Harry Langdon, qui n'a pas besoin d'être dirigé. Si vous voulez mon avis, la voix ne lui sied pas, mais lors pas du tout. Pour le reste il est lui-même... Son capital de sympathie est probablement le principal ingrédient de ce petit film mal foutu.

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Harry Langdon Michael Curtiz Comédie Première guerre mondiale
14 décembre 2016 3 14 /12 /décembre /2016 18:24

Au début des années 20, la jeune Helen Morgan (Ann Blyth) monte à Chicago pour y percer dans le show-business... Des rêves plein la tête, elle va surtout tomber dans l'alcool de contrebande, entre deux engagements pour Ziegfeld, et attendre toute sa vie le prince charmant, qui bien entendu ne vendra jamais...

Après quatre années d'absence, michael Curtiz revient momentanément à la Warner et pour la seule fois durant ses années "free-lance", fait un film pour le studio ou il a tourné Casablanca, Mildred Pierce, Captain Blood, Angels with dirty faces... A moins que ce ne soit Mammy ou Night and Day: Car ce film tardif de l'auteur de Doctor X appartient en fait plus ou moins au genre "musical" tel que le metteur en scène le concevait. C'était un maître indéniable du film noir, de l'aventure, du drame aussi; un cinéaste baroque, inventif et exigeant... Mais lui qui travaillait dans le studio de 42nd street n'a jamais été foutu de comprendre le musical! Alors tous ses films qui sacrifient au genre sont en fait des films situés dans le milieu du spectacle, qui sacrifient à une demi-douzaine de chansons, toutes présentées dans un contexte "réaliste": les musiciens jouent sur scène, et la mise en scène ne s'autorise qu'un discret habillage, sans jamais aller chercher ailleurs!

Et ce film qui fouille mollement les années 20 pour y dénicher des anecdotes de la vie d'Helen Morgan, de jeune femme qui monte à la capitale en scènes de speakeasies, enquille cliché après cliché dans une construction morne de deux heures environ, et rien ou presque ne surnage. De plus, si on compare avec Some like it hot, sorti deux années plus tard, on réalise à quel point il n'est pas donné à tout le monde de recréer les années 20!

 

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz
20 juillet 2016 3 20 /07 /juillet /2016 16:32

Ce film est une preuve supplémentaire du fait qu'il faut se garder de sous-estimer la carrière de Curtiz après son départ de la Warner; La période "free-lance" qui commence avec The egyptian et s'achève avec The comancheros et la mort du réalisateur est en effet riche et même si quelques films ne valent pas grand chose (A breath of scandal, St Francis of Assisi), on y trouve quelques joyaux... Dont cet impeccable western.

Tout commence par l'arrivée du "proud rebel" à Aberdeen, une petite ville, L'homme est un ancien soldat Sudiste, et il va dans le Nord pour oublier. Il est accompagné de son fils, devenu muet pendant la guerre suite à un traumatisme, et sinon ils ont un cheval et un chien. Le but de Chandler (Allan Ladd) est de se rendre dans le Minnesota pour y dénicher un docteur qui rendra la parole à son fils. Celui-ci, David (David Ladd) pourtant semble s'accommoder de son handicap, et a développé une solide amitié avec son chien Lance, qu'il a d'ailleurs dressé avec succès. Du coup l'animal devient un objet de convoitise, en particulier pour deux bergers qui tentent de le voler. dans l'altercation qui suivra, Chandler n'aura pas le dessus, et devra en prime, à cause de l'hostilité de la population à son égard, passer en jugement. Linett (Olivia De Havilland), une femme qui vit seule, un peu à l'écart de la ville, et qui a pris David en affection, se propose de payer la caution de John Chandler en échange d'un peu de travail. Mais le séjour de l'homme et de son fils ne sera pas de tout repos: non seulement il s'avère que le prix d'une opération de la dernière chance pour David est très cher, mais la lutte avec les voisins, les éleveurs de moutons rencontrés au début, sera âpre...

Le "rebel" du titre est un "reb", un ancien Sudiste qui a participé à ce que le Nord a appelé "civil war", et le Sud "Guerre de rébellion"... Et de fait, dans ce film comme toujours Allan Ladd incarne un homme fier, campé sur ses principes, en butte à la folie humaine et pas spécialement un rigolo. le contraste avec la bonté chaleureuse de Linett ne dure pas longtemps, on se doute que ces deux-là sont faits l'un pour l'autre et qu'ils se sont trouvés. Mais le film n'est pas que l'histoire d'un amour tardif et poétique, c'est aussi une étude de l'éternelle violence des pionniers, y compris dans une ville pacifiée, établie et dont les affaires marchent rondement. on y dénombre des éleveurs, des agriculteurs, et un roche éleveur de chiens. il y a aussi un docteur, un quaker qui va beaucoup aider John pour tenter une opération... mais en dépit de ces gages de civilisation, Curtiz nous montre les hommes en proie à la lutte pour la terre, des bergers faisant exprès de faire brouter leurs bêtes sur la terre des agriculteurs, pour affirmer leur puissance et les faire dégager... Des gens qui assènent, du hait de leur suffisance, que "tout s'achète, si le prix est le bon" avant de perdre bêtement ce qu'ils ont acheté au jeu. Au milieu de tout ça, John Chandler, gentleman sudiste qui a tout perdu sauf l'honneur, apporte justement un souffle de vraie civilisation à Linett, qui redevient une femme grâce à sa présence... Allan Ladd est fidèle sa légende, à l'austérité de Shane, mais il est aussi, avec ses illusions perdues et sa volonté de survivre à l'abri des autres, et des conflits, un héros Curtizien, un homme revenu de tout qui va apprendre en bon Américain à s'impliquer un peu au moment opportun...

Le film est délibérément chargé en émotions, non seulement par le truchement d'Allan ladd, qui a beaucoup à gagner dans cette aventure, lui qui est décidément très mal vu (On l'appelle "Le reb" partout où il va), mais aussi par le biais de David Ladd, qui est absolument parfait. Je n'ai pas besoin de dire qu'Olivia De Havilland est formidable dans un rôle qui lui fait assumer son âge avec panache, mais ce qui est aussi très frappant dans le film, c'est la façon dont, dans une superbe scène d'une grande cruauté, le metteur en scène adopte le point de vue... du chien. Superbe film quoi qu'il en soit.

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Western Olivia de Havilland
10 février 2016 3 10 /02 /février /2016 16:30

Des soldats de l'Union dont l'officier Kerry Bradford s'évadent d'un pénitencier Sudiste, avec une nouvelle qui intéressera beaucoup leur état-major: le colonel Vance Irby, qui dirigeait leur lieu de détention, va partir pour Virginia City, Nevada, une ville nouvelle à l'écart des Etats, mais qui a la réputation d'être une place forte Sudiste; Irby, avec l'aide de la belle Julia Hayne, y prendrait en charge une cargaison d'or qui pourrai bien sauver la mise du Sud agonisant... L'or devient l'obsession de chacun: Irby et Hayne pour le Sud, Bradford pour le Nord, et le bandit Murrell pour lui-même... Pour tout compliquer, Bradford et la belle Julia ne sont pas indifférents l'un envers l'autre...

A la fin de Dodge City (1939), Errol Flynn et Olivia de Havilland se rendaient à Virginia City afin d'y faire régner l'ordre... Je ne sais pas s'il y a eu un moment une intention à la Warner de réaliser une suite de ce premier film, mais en tout cas, un an plus tard on est bien face à une toute nouvelle intrigue... Ou du moins un nouvel assemblage, car l'art du recyclage façon Warner n'est pas un vain mot: ce n'est pas tant une intrigue ici qui est répliquée, c'est plus une impression de redistribution de choses déjà vues. L'intrigue compliquée n'a pas grand chose à envier à celle, parfois délirante, de The sea hawk (1940); les personnages, particulièrement Flynn (Bradford) et Randolph Scott (Irby), renvoient à la coupure fondamentale entre le Nord et le Sud telle qu'elle apparaît en filigrane dans The santa Fe Trail (1940); la présence d'une bande organisée (Avec Bogart à leur tête) qui met la pagaille dans la ville, mais aussi une série de scènes liées à une complicité entre Flynn et un gamin, renvoient à Dodge City. Pourtant, la sauce ne prend pas aussi bien qu'on l'aurait espéré... Trop riche? Trop compliqué? Trop de redites? Pas de Olivia De Havilland, qui est ici supplantée par Miriam Hopkins pour ce qui a tout du come-back?

Reste le plaisir, ou la curiosité, de voir Bogart en méchant de western...

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Western Errol Flynn
9 février 2016 2 09 /02 /février /2016 16:33

1575. Un groupe d'hommes, dans un immense palais, contemplent une immense carte, et l'un d'entre eux couvre de son ombre une importante partie de la carte, et annonce quelque chose qui ressemble beaucoup à "Aujourd'hui l'Espagne, demain le monde!" Philippe d'Espagne vient de lancer un processus qui va le conduire à défier la plus puissante nation du monde, la Grande-Bretagne, et son impressionnante reine Elizabeth. Mais dans cette séquence, où Michael Curtiz joue de l'espace, de l'ombre, de la composition et du costume (Les hommes sont tous habillés en noir et ressemblent à des dignitaires fascistes), il est difficile d'oublier que le film date de 1940, et qu'une telle volonté malsaine d'hégémonie sonne un peu trop contemporaine pour que ce soit innocent... Car, et c'est vite évident, ce Sea hawk n'a aucun rapport avec la première version tournée en 1924 par Frank Lloyd. c'est un véhicule pour Errol Flynn, dans lequel Michael Curtiz semble une fois de plus partir en mission pour les frères Warner, toujours plus rooseveltiens que la Maison Blanche, et anticiper sur l'inévitable retournement à venir: car en 1940, les Américains ne comptent pas encore s'engager dans la guerre... pour l'instant.

L'intrigue du film suit les aventures de Geoffrey Thorpe, un corsaire qui agit essentiellement pour sa reine, et qui va être aux premières loges des conflits à venir. Il va bien sur y trouver l'amour, en la personne de Dona Maria Alvarez, une noble Espagnole qui a des affinités avec l'Angleterre. En chemin, il va y avoir des combats navals, des coups de théâtre, des évasions spectaculaires, des traîtrises, et bien sur un duel fantastique. Ce film offre tout ce qu'on peut espérer d'un film de Michael Curtiz avec Errol Flynn, mais de fait, le vieux maître est inspiré! Le budget de ce film a du être colossal: le luxe visuel, le soin apporté aux décors, la beauté constante de l'image sont admirables, et Curtiz a signé le film de bout en bout: séquences de balayages d'immenses espaces remplis de figurants, scènes d'actions tournées au plus près des corps, et ombres gigantesques qui prennent la place des acteurs... Il s'est trouvé à l'aise dans cette histoire de corsaire qui doit convaincre sa reine de ne pas écouter les mauvaises personnes, et qui doit tout sacrifier s'il le faut pour un idéal plus grand que tout.

Et le film n'est bien sur pas qu'une fête esthétique, c'est aussi une impressionnante métaphore de l'urgence dans laquelle l'Europe se trouve à l'époque de la réalisation du film. Curtiz allait récidiver avec The Santa Fe Trail, mais il réussit vraiment ici à placer son intrigue du XVI e siècle Elizabethain au coeur du XXe siècle, grâce à sa première séquence, mais aussi et surtout grâce à un discours final d'Elizabeth, qui dit clairement la détermination des Anglais à dresser un rempart contre la barbarie... Et ce n'est pas un hasard si on a confié le rôle de la souveraine à une Anglaise, Flora Robson. Celle-ci est parfaite, du reste, mais elle connaissait déjà le rôle... Tout le reste de la distribution est excellent, de Henry "Le traître" Daniell, à Alan Hale en passant par le vieux copain de Curtiz Claude Rains, et Donald Crisp. On regrette l'absence de Olivia de Havilland, remplacée par Brenda Marshall (Qui?) mais la dame de compagnie de Dona Maria n'est autre que la grande Una O'Connor, qui joue, une fois n'est pas coutume, une Anglaise. Enfin, l'image bénéficie du métier de l'impeccable Sol Polito, avec un passage en sépia durant un intermède dans les mers chaudes, et la musique est signée de Erich Wolfgang Korngold: Bref, du grandiose, quoi!

The sea hawk (Michael Curtiz, 1940)
The sea hawk (Michael Curtiz, 1940)
The sea hawk (Michael Curtiz, 1940)
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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Aventures Errol Flynn
7 février 2016 7 07 /02 /février /2016 16:57

Sur les décombres du film de gangsters, Curtiz fait pousser une nouvelle espèce: le film de boxe... Edward G. Robinson y incarne Nick Donati, le manager honnête d'un champion qui vient de perdre face à un grand costaud, un poulain de son grand rival Turkey Morgan (Humphrey Bogart). Et lorsque celui-ci vient jouer les trouble-fêtes dans l'appartement ou Nick s'est enfermé pour une petite beuverie entre amis, ils ont la surprise de voir un gaillard que personne ne connaissait (Wayne Morris) faire son affaire au champion... Nick se saisit de l'affaire et va degenir le manager du nouveau venu, Ward Guisenberry, rebaptisé Kid Galahad en raison de son hygiène de vie. Le problème, bien sur, c'est que derrière tous ces hommes, il y a des femmes. La petite amie de Nick, Louise (Bette Davis), mais aussi sa soeur Marie Donati (Jane Bryant) vont quant à elles tomber amoureuses du vaillant boxeur, de quoi compliquer sérieusement la donne avec le très jaloux et très Italien Nick...

Impeccablement mis en scène, forcément, et construit au millimètre, ce film est une occasion de ne pas perdre une heure et quarante-et-une minutes de sa vie. Maître des ambiances et de l'esthétique, Curtiz sait exactement comment transformer un match de boxe en une fête cinématographique de tous les instants, car ceci, après tout, est l'un des premiers films qui ait su se rendre compte du fait que la boxe n'est pas seulement un sport brutal pour débiles profonds, mais aussi au cinéma l'une des plus photogéniques matérialisations du suspense... Et Nick Donati, interprété avec son génie habituel par Edward G. Robinson, est une fois de plus un héros dans la lignée de ceux qui font l'univers de Curtiz: son propre patron, intouchable du moins le croit-il, mais il va devoir, à un moment crucial de sa vie, faire un choix et ne pas se tromper. Les conséquences seront de toute façon désastreuses pour lui, car son heure est passée...

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz
29 janvier 2016 5 29 /01 /janvier /2016 18:34

Ce film très controversé est le troisième des westerns de Michael Curtiz avec Errol Flynn. Ce dernier y interprète le personnage historique de Jeb Stuart, un militaire sudiste qui a bien, comme le dit le film, été à West Point avec Custer, mais qui est ici bien plus romantique que son modèle. L'histoire est surtout celle de John Brown (Raymond Massey), un prédicateur fanatique qui trouvait que les anti-esclavagistes prenaient bien trop leur temps pour passer à l'action contre le Sud, et qui a été un important agitateur durant la décennie qui a précédé la guerre civile.

Si des gens (nordistes, dont le fameux Custer -Ronald Reagan- dans le film) ont eu tendance à le suivre ou l'excuser, il était malgré tout considéré comme un dangereux terroriste: il souhaitait tout simplement libérer tous les esclaves, par la force s'il le fallait. Flynn-Stuart (Ce dernier était effectivement esclavagiste dans la réalité) adopte une position légitimiste: ce n'est pas à une initiative privée de trancher entre les états du Sud et ceux du Nord. Le sous-entendu est clair: c'est à un président démocratiquement élu de le faire...

Ce que Lincoln fera d'ailleurs, mais ça n'a pas du plaire à Jeb Stuart!

Fidèle à son habitude, Curtiz n'a que faire de la politique, par ailleurs très ambigue, de ce film: les seuls politiciens présents sont le Général Lee, et un ministre de l'administration démocrate qui précéda Lincoln, du nom de Jefferson Davis. Le premier est connu pour avoir rejoint le Sud dont il était originaire au moment de la guerre de Sécession, et avoir embrassé la cause des esclavagistes alors qu'il n'en était pas un partisan... Le deuxième est surtout connu pour avoir été le président de la confédération du Sud durant la guerre.

Le scénario rappelle la sympathie toujours observée aux Etats-Unis non pour la cause de l'esclavage, mais pour la défense par les états du Sud de leur légitimité; ce que Curtiz met en valeur, c'est le destin de tous ces gens, la marque de John Brown qui en fait un futur pendu, ou la visite de tous les jeunes soldats à une voyante Indienne, qui leur annonce leur "brouille": celle-ci, dit-elle, a déjà commencé et fera d'eux des ennemis mortels.

John Brown a permis d'allumer le feu de la guerre civile; en attendant, Curtiz nous montre les uns et les autres qui vont devoir choisir leur camp et s'entre-déchirer s'il le faut; un thème typique de ses films de la période, donc, même si le metteur en scène, fidèle à son habitude, reste neutre, et nous décrit des Etats-Unis en proie au chaos. Il se laisse volontiers aller à quelques séquences baroques, et Raymond Massey a beau être le méchant de l'affaire, le dernier mot lui revient: il sait que le destin l'a choisi pour entamer ce conflit, et bien qu'on célèbre un mariage (dans un train en marche, tout un symbole! Et avant que vous ne posiez la question, oui, c'est bien Olivia De Havilland...), c'est vers une guerre nécessaire que les Etats-Unis se dirigent.

On passera sur le traitement des noirs dans le film, désignés naturellement comme des esclaves dans un train où les braves gens s'offusquent de leur présence, ou se rendant eux-mêmes à la conclusion que la liberté que leur promet Brown n'est pas tant plaisante, et que dans ce cas ils préfèrent retourner à la servitude! Il n'y avait pas vraiment de progressisme à attendre en matière d'ethnicité de la part des dirigeants de la Warner en 1940, et Curtiz continuait à filmer en contournant les obstacles avec prudence!

Ce que le film ne dit jamais, mais sous-entend, tant par les prédications foldingues de Brown que par la prudence du soldat Jeb Stuart, c'est que la raison pour laquelle les USA ont tardé à régler leur problème d'esclavage, c'est que les gouvernements qui ont précédé Lincoln étaient trop timorés pour faire quoi que ce soit: Le statu quo observé dans le film a duré 40 ans... Il ne faut sans doute pas trop s'attacher à la politique de ce film, pas plus qu'à celle de Casablanca ou Passage to Marseille; mais il recèle de nombreux détails, visibles ou non, qui en font un film Curtizien très classique, même mineur.

 

The Santa Fe Trail (Michael Curtiz, 1940)
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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Western Olivia de Havilland
3 janvier 2016 7 03 /01 /janvier /2016 19:01

Un groupe de délinquants est envoyé dans une maison de correction, dans laquelle la discipline, le régime et les méthodes globales employées par la direction sont tout bonnement inhumaines. Thompson (Dudley Digges), le patron de l'établissement, traite les gosses sans aucun égards, et l'infirmière, Dorothy Griffith, fait tout ce qu'elle peut pour leur témoigner de l'humanité... Jusqu'au jour où un administrateur d'un genre nouveau apparaît: c'est Patsy Gargan (James Cagney), un gangster qui a hérité d'un faut emploi suite à des services rendus à des politiciens; même si la mission est fausse, il lui faut quand même visiter l'établissement une fois par an. La belle infirmière, ou un sursaut de tendresse paternelle aidant, il va se prendre d'intérêt pour le lieu, et tout faire pour améliorer la vie des pensionnaires... Jusqu'au drame.

A la suite de I was a fugitive from a chain gang la réputation de la Warner en matière de drame social et de films polémiques n'était plus à faire... Mais ce film, par son thème du moins, est loin du brûlot de Mervyn Le Roy. Sur un sujet voisin, et avec des acteurs en commun (On reconnait le génial Frankie Darro, par exemple), il est également assez éloigné de Wild boys of the road, de William Wellman. Mais avec The mayor of hell, le propos est plutôt d'utiliser les ressources d'un drame baroque pour pointer du doigt un système qui a grand besoin d'être réformé... et depuis fort longtemps, le cinéma s'étant déjà penché sur le problème des "reform schools" dès 1915. D'un autre côté, avec James Cagney qui est ici à la fois un gangster et un administrateur de maison de redressement, comme on dit pudiquement, il est difficile de prétendre au réalisme. On n'a donc qu'à se laisser aller à la narration, au style habituel de la Warner avec ses dialogues à la mitrailleuse, et à constater: Cagney sera toujours Cagney, mais ici, il se fait voler la vedette par Darro et ses copains... Et par un final grandiose, confié à Curtiz après que la fin initiale dirigée par ce brave Archie Mayo ne convainque la direction de la Warner qu'un film pareil ne devait se finir que dans les flammes de l'enfer...

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Pre-code
5 décembre 2015 6 05 /12 /décembre /2015 08:54
The hangman (Michael Curtiz, 1959)

Sorti en 1959, ce western de relativement petite envergure fait partie de la fin de la carrière souvent atypique de Michael Curtiz, décédé en 1962, et qui ne s'est pour ainsi dire jamais arrêté de tourner, y compris après son départ des studios Warner pour une carrière freelance. Au milieu d'un ensemble de films disparates, tournés dans de nombreux studios (La Fox pour The Egyptian, la MGM pour Huckleberry Finn, la Paramount pour A breath of scandal, etc), The Hangman (Paramount) brille de tous ses feux, et fait un peu oublier la médiocrité du reste. Le film est riche de questionnement moral, et me semble prouver que Curtiz, y compris au bout de quarante-cinq années de bons et loyaux services dans le médium qu'il s'est choisi, a su rester au fait des nouveaux développements... Plus encore, il le fait sans trahir en rien ses thèmes de prédilection, et en continuant, comme du reste dans ses films noirs, à montrer une vision humaniste et flamboyante, constamment généreuse, de la vie. Et ce qui me semble encore plus intéressant, il le fait aussi en se situant clairement à l'opposé des tendances les pires de la chasse aux sorcières poussiéreuse qui a eu lieu dans le Hollywood du début de la décennie.

Rappelons que le film raconte l'histoire d'un justicier à l'ancienne, droit dans ses bottes et rigide dans ses conceptions, interprété par un Robert Taylor assumant totalement son âge. Il est à la recherche d'un homme qui a commis une erreur de jeunesse, mais dont la population de la ville qui l'a accueilli se porte garante de son intégrité, acquise depuis qu'il s'est installé. Le "Bourreau", comme on l'appelle, n'en a cure, et est bien décidé à trouver, voire acheter, des témoins pour pouvoir arrêter l'homme...

Dans un noir et blanc ultra-classique, Curtiz va droit au bit, et nous fait suivre les pérégrinations d'un héros paradoxal, un jusqu'au-boutiste fascnant mais dont il n'est pas possible un seul instant de douter qu'il puisse effectivement se tromper. Bien sur, c'est l'amour d'une femme (Tina Louise) qui va faire triompher le bien, et tout rentrera dans l'ordre, mais cette critique moralement haute, et impeccablement distrayante sur les 87 minutes du film, est l'une des grandes réussites de Curtiz, et pas seulement de cette fin de carrière.

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Published by François Massarelli - dans Western Michael Curtiz