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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 09:00

C'est presqu'un genre à soi tout seul: les films concernant les batailles et conquêtes coloniales de l'empire Britanniques, sensés jouer sur le parfum d'aventure exotique, tout en offrant un pendant au western, avec lequel les  passerelles sont nombreuses. Dans tous ces films, la dimension d'aventures subsiste aujourd'hui, et les penchants coloniaux, et autres stupidités liées à l'honneur de l'armée (Honneur et armée, deux mots tellement vomitifs...) restent toujours aussi insupportables... Justement, la Warner en 1936 est à la recherche d'un nouveau souffle, et l'a prouvé dès l'année précédente en mettant en chantier un grand nombre de films, réalisés par des auteurs prestigieux, qui quittent la peinture de l'Amérique de la crise pour s'attaquer à de grands sujets littéraires et d'aventures... Anthony Adverse (Le Roy) et Black Fury (Curtiz) en ont représenté deux versants, le premier une adaptation littéraire de grande classe, le deuxième un plaidoyer social magnifique. A midsummer night's dream (Reinhardt, Dieterle) de son coté, est venu apporter ue caution 'artistique', pendant que Captain Blood (Curtiz) semblait faire la synthèse: film épique, adaptation littéraire populaire d'un roman qui certes avait déjà servi, et grand film d'aventures, avec création de star à la clé: Erroll Flynn est né. et son succès est si immédiat, que la Warner lance un nouveau film en chantier, qui reprend le romantisme aventurier, les pseudo-prétentions littéraires (Un poême de Tennyson), les deux stars (Flynn et Olivia de Havilland), ainsi que le metteur en scène.

 

En Inde, sur la frontière, les agissements politiques d'un indépendantiste turbulent, liés à des mouvements de troupe russe, inquiètent les Anglais; en même temps, deux frères, les Vickers, se disputent l'affection d'une femme...

 

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Je pense que contrairement à Captain Blood, Curtiz n'a pas été spécialement interessé par ce nouveau film; il n'en a signé que la photographie principale, et le morceau de bravoure en est parait-il du principalement à des assistants... Mais il a réussi à y apposer sa marque d'une façon intéressante, et bien dans sa manière: ironiquement, bien sur... D'une part, il y a du désespoir chez Flynn, qui doit ici jouer l'échec total de sa vie amoureuse. Curtiz le souligne, montrant une Olivia de Havilland qui se sent forcée à devoir l'épouser, prisonnière d'une affection aveugle... La complicité des acteurs rend ces scènes qui auraient du être mièvres (Qu'on les compare avec les scènes des deux tourtereaux, Patric Knowles et De Havilland...) gagnent une forte ironie, et la vision romantique de Curtiz en ressort grandie. Mais surtout, devant un film conçu pour gagner par des scénaristes qui ont tout verrouillé, Curtiz choisit une scène et la soigne particulièrement: dans les dix premières minutes, la colonne de lanciers arrive chez Surat Khan, pour lui signifier son changement de régime, qui n'est en rien favorable, puisqu'un importante subvention lui est retirée. Les scènes dans son palais, un endroit baroque avec des relents art déco, sont toutes de politesse, et de gentillesse: "quel brave homme, ce Surat Khan, il a très bien pris la chose..." Seul Flynn semble amer: il a flairé que l'ennemi veille, et qu'il va se passer quelque chose. Mais Curtiz l'a pris de vitesse: toute la première entrevue entre les lanciers et le Khan est filmée par un Curtiz goguenard, qui a multiplié les ombres de danseuses projetées sur les murs effrayants de blancheur... Pendant que les hommes parlent, et empilent deux trois fadaises, les ombres qui s'agitent nous rappellent ironiquement à l'ordre, et de fait, l'atmosphère entre les deux factions ne va pas tarder à se refroidir...

 

Le héros Flynn, de plus, se voit attribuer un sacrifice, qu'on veut nous faire croire idéaliste et politique, mais Curtiz souligne la nature privée et romantique de ce qui est bien un suicide. Baroque, puisqu'à l'instar de Custer dans They died with their boots on, Vickers entraine des soldats dans la mort... Sinon, fidèle à son habitude, Curtiz a particulèrement soigné certaines scènes: massacres, escarmouches, scènes de panique, et bien sur diverses parties nocturnes. Ce n'est donc pas le meilleur Curtiz-Flynn, qui ne doit sans doute sa  réputation qu'à la présence de la star, mais certains films ont une vie propre: des passages répétés à la télévision durant notre jeunesse ont fini d'en faire un classique, qu'on le veuille ou non... Cela dit, j'ai fait une allusion à They died with their boots on, de Walsh: celui-là est un chef d'oeuvre, un vrai.

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Olivia de Havilland
27 février 2011 7 27 /02 /février /2011 15:25

Habitué à décrire des êtres à la dérive, Curtiz fait les choses en grand avec ce film superbe, qui commence par une vue d'un quartier foisonnant d'une grande métropole à l'aube du 20e siècle. Les gens y sont, majoritairement, d'origine Irlandaise, ce qui ne sera jamais dit mais transpirera du début à la fin du film. Jerry Connolly et "Rocky" Sullivan sont deux amis, des ados grandis trop vite, qui sont toujours à l'affut d'un mauvais coup. Coursés par la police, ils vont être rattrappés, mais Jerry court plus vite et Rocky lui fait comprendre de sauver sa peau. Il ira seul en maison de correction... Les années passent, et Rocky (James Cagney) devenu un gangster revient suite à sa libération sur les lieux de sa jeunesse. Il retrouve son ami jerry (Pat O'Brien), devenu prêtre, "father" Connolly, et passe du temps avec une jeune femme qu'il connaissait durant sa jeunesse (Ann Sheridan), qui a perdu son mari à cause du gangsterisme. Mais surtout, il va se frotter à plus fort que lui, en affrontant le système mafieux du gangster Mac Keefer (George Bancroft), et son associé l'avocat douteux Frazier (Humphrey Bogart), tout en s'occupant d'un groupe de jeunes voyous dont le père Connolly tente par tous les moyens de faire des bons garçons honnêtes, mais qui sont plus attirés par le clinquant d'un Rocky...

 

La foule de choses qui précèdent ne doit pas nous leurrer, ce film est d'une simplicité cristalline. ce qui nous est conté est le crépuscule d'un homme, contrairement aux films de gangsters des débuts des années 30 qui s'intéressaient à l'ascension puis la chute, ce film, tout comme The roaring twenties, passe assez rapidement par les années de formation, pour s'intéresser à la façon dont Sullivan va chuter. Chuter? Pas si sur... le fait que Curtiz ait convoqué la foule des grands jours, et se soit beaucoup plu à filmer au plus large dans les décors très réalistes de Robert Haas, magnifiquement filmés par Sol Polito, nous renseigne sur l'importance que le metteur en scène a accordé personnellement à ce film. Il l'a tout bonnement inspiré, et il s'est suffisamment retrouvé en Cagney pour lui donner un écrin en forme de crescendo émotionnel... Parmi les "héros" qui ont inspiré Curtiz, on retrouve des idéalistes, le plus souvent sur le retour (Bogart dans Casablanca), des criminels fous et vaguement artistes (Lionel Atwill, Mystery of the wax museum, et Claude Rains, The unsuspected), des femmes perdues (Crawford dans Mildred Pierce) ou des démiurges fascinants (Doctor X, Mad genius...). L'anti-héros crépusculaire représenté par Cagney ici fait à la fois partie d'une nouvelle catégorie, qu'on retrouvera dans d'autres films Warner, dont bien sur High Sierra, mais il est aussi un démiurge, à sa façon. on y reviendra...

 

Mais revenons en arrière, à ce moment où Jerry et Rocky s'en vont, poursuivi par les forces dl'ordre... Rocky tombe sur une voie ferrée, et va pousser Jerry à continuer sans lui. Rocky va donc devenir un gangster en allant en maison de correction et en suivant le cursus habituel, mais Jerry va se repentir, et devenir prêtre. Et si il fallait considérer cela, tout simplement comme les deux posisibilités offertes à tout être humain? Sectionnés ironiquement par le passage d'un train, ils vont garder tout au long du film cette amitié presque contre nature, et qui poussera Jerry à ne jamais juger ni abandonner Rocky, y compris lorsque celui-ci polluera ses petits protégés. Le film devient un combat, non entre le bien et le mal, mais entre l'attirance du bien et l'attirance du mal... de plus, l'anecdote nous pousse dans l'idée que Rocky devient par ce geste le bon génie qui va permettre pas son sacrifice à Jerry de prendre de la heuteur, et de fait de les sauver tous les deux. Ce qui n'est pas rien...

 

Ce n'est pas la première fois que Curtiz réalise un film dans lequel une exécution se met en place: il a déjà exploré le sujet avec le très beau 20,000 years in Sing-sing dans lequel un gangster affrontait son destin jusqu'au bout. Ici, il place son propos un cran au-dessus, en ayant recours à une astuce de scénario qui brouille les cartes et donne à la mort de Rocky une connotation sacrificielle, sans jamais nous donner la solution d'une petite devinette... Tendre à l'égard des petits protégés de son ami Jerry, Rocky sait quelle influence il a sur eux... A la fin, lorsque Jerry lui demande de mourir en geignant, en faisant semblant de pleurer, en se comportant comme un lâche, Rocky refuse fermement mais poliment. Puis, au moment de mourir, il pleure, geint, supplie. Le message passe, les gamins l'apprennent, et suivent Jerry, le coeur gros. Ils sont sauvés. Bien sur on ne sait pas si le héros s'est volontairement prêté à cette mise en scène,et on ne le saura jamais. Curtiz, qui de toute façon n'a sans doute pas le droit de montrer de façon directe cette exécution, passe par sa méthode habituelle, de montrer les ombres de l'exécution, de nous montrer de façon furtive quelques gestes de désespoir de James Cagney, de jouer sur la bande-son. En faisant semblant de vouloir montrer l'exécution sans la montrer, il la fait passer au rang du mythe. Seules les larmes de jerry qui assiste à l'exécution nous renseignent sur l'interprétation que celui-ci fait du geste de son ami. Cette  façon inattendue de retourner le film, et le final qui suit (Jerry vient chercher les jeunes voyous dans leur repaire, et ils montent un escalier avec lui, ascension littérale), nous donnent le pouvoir de cropire que Curtiz laisse à chacun des spectacteurs le choix. L'élégance de la mise en scène, le coté "baroud d'honneur" des aventures de Rocky et l'amitié que les gens lui portent, ainsi que la sympathie qu'il inspire au spectateur, de toutes façons, tout fait de lui cet élégant manipulateur qui fait de sa propre mort une mise en scène afin de dissuader six ou sept gamins de suivre son exemple, tout comme il s'est symboliquement sacrifié pour permettre à son ami Jerry de s'en sortir. Magnifique.

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz
28 janvier 2011 5 28 /01 /janvier /2011 18:38

La comédie, chez Curtiz, donne souvent l'impression, en particulier en ce début des années 30, que le metteur en scène se désintéresse complètement du propos, laissant les gags au dialogue (Dont le director est un certain Arthur Glenville Collins), et se concentrant plutôt sur l'enluminure de la mise en scène. C'est flagrant avec ce film mineur qui se laisse regarder, mais dont la mise en scène semble parfois se désolidariser de l'ensemble, et parfois commenter le film avec ironie. Le cadre trouvé par Curtiz à cette histoire de détective privé (George Brent) qui tombe amoureux de la femme qu'il doit espionner (Kay Francis) est en effet un trou de serrure, cet accessoire de voyeur, qui encadre les personnages des premières images de la première scène, et qu'on retrouve à la fin, comme pour signaler la fin de l'autorisation de regarder.

 

Avec ce film visuellement élégant (Décors du fidèle Anton Grot), il faut bien dire qu'il n'y a pas grand chose d'intéressant en effet dans cette intrigue ressassée, pas plus dans les dialogues amoureux assez tartes. heureusement, Brent est bon, Francis aussi: celle-ci interprète une jeune femme, Anne Vallée, qui dissimule à son vieux mari un fait embarrassant: elle était déja mariée, et son mari, le falot Maurice, la fait chanter plus ou moins. Le nouveau mari, Schuyler, la soupçonne d'infidélité. Lorsqu'elle lui demande à partir seule en croisière, Schuyler lui met dans les jambes un détective privé, Brent, flanqué d'un "valet" comique, Hank Wales interprété par le pittoresque Allen Jenkins. Il n'est pas très difficile de deviner que les deux héros Brent et Francis vont à un moment ou l'autre tomber dans les bras l'un de l'autre. Mais la comédie est surtout fournie par les mésaventures de Hank Wales au prise avec une jeune femme, Dot (Glenda Farrell) qui cherche à se caser auprès d'un homme riche, et qui a cru flairer en lui le pigeon idéal; ils vont donc à eux deux écluser un grand nombre de verres, en profitant du passage du bateau hors des eaux territoriales peremettant d'chapper à la prohibition, et de l'enveloppe conséquente des faux frais des deux détectives dont Wales est justement le trésorier.

 

L'histoire tient donc toute seule, avec un Curtiz qui en souligne selon son style habituel, et son sens du rythme sans faille, tel ou tel aspect. On n'y croit pas plus que lui, mais le spectacle devient plaisant quand on s'amuse à observer de quelle manière Curtiz renvoie les motifs mis en lumière par l'ouverture-trou de serrure. La façon dont il utilise les hublots du bateau pour encadrer Kay Francis met en valeur le regard, mais aussi l'emprisonnement de la jeune femme, souligné par un autre plan, qui voit la jeune femme rentrer chez elle en voiture, alors que la caméra est placée derrière la grille d'un balcon: Chez Curtiz, les plans zébrés de barreaux n'ont pas besoin de l'univers carcéral d'un 20,000 years in Sing-Sing pour proliférer... Sinon, le film se terminera d'une façon moins polissée que bien des comédies, et l'humour très noir viendra à bout de tous les problèmes de nos deux tourteraux...

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Pre-code
26 janvier 2011 3 26 /01 /janvier /2011 11:52

Au-delà de sa durée très typique de l'époque (75 minutes environ), 20,000 years in Sing-sing est un grand film. Comme d'autres Curtiz (The cabin in the cotton), voire d'autres Warner (I am a fugitive from a chain gang, de LeRoy) de l'époque, le film prend le prétexte de l'actualité, et est adapté, ou peut-être inspiré d'un livre écrit par l'ancien directeur de Sing-sing... Mais après avoir trompé son monde durant une trentaine de minutes, et fait semblant de réaliser une oeuvre polémique, engagée, Curtiz abat ses cartes, et livre en réalité un grand film baroque et romantique, aidé par la photo de Barney McGill, les décors d'Anton Grot, et l'interprétation puissante de Spencer Tracy, Louis Calhern, Arthur Byron  et Bette Davis. Il y a encore un dialogue director, crédité en tant qu'associate director, sur ce film, comme sur de très nombreux films du metteur en scène, mais il s'agit d'un réalisateur relativement anonyme, contrairement à William Keighley qui officiait à ce poste sur The cabin in the cotton: Stanley Logan. Compte tenu du coté journalistique affiché par les intentions des producteurs, on ne s'étonnera pas de voir le nom de Darryl F. Zanuck parmi ceux-ci... Pourtant, c'est bien Curtiz qui tient la barre.

Le petit gangster Tommy Connors (Spencer Tracy) est enfermé à Sing-Sing, et développe une relation d'abord marquée par la confrontation, puis par un respect mutuel avec le directeur de la prison (Arthur Byron), à plus forte raison après que Tommy ait refusé de participer à une tentative d'évasion spectaculaire, qui se solde par la mort de deux gardiens. Mais Fay (Bette Davis) sa petite amie, a un problème, dans lequel le très véreux avocat de Tommy (Louis Calhern) serait mêlé, et Tommy obtient du directeur de sortir provisoirement pour aller l'aider, selon le célèbre (Et controversé) "honor system". Il semblerait que le destin en veuille au héros...

The honor system, titre d'un film perdu de 1918, signé Raoul Walsh, était considéré par un John Ford déterminé comme le meilleur film jamais fait... Le film basait son intrigue, un peu à l'instar du progressiste The regeneration (1915) du même Walsh, ou de Alias Jimmy valentine (1915) de Tourneur, sur une idée d'instaurer une certaine forme d'indulgence vis-à-vis des bagnards, de réfléchir aux moyens de les réintégrer dans la vie sociale avant leur sortie. Les idées de ce type étaient dans l'air, et comme en 1930, le film The big house (George Hill) a remis le "film de prison" en selle, pour la MGM, vite suivie par la Fox et son Up the river (Ford) la même année, puis par Hal Roach et Laurel & Hardy avec leur parodie Pardon us (1931), la Warner ne faisait finalement qu'emboîter le pas de tous ces films; mais avec Zanuck, on pouvait d'attendre à un peu de spectaculaire et d'épices secrètes dans le mélange; avec Curtiz aussi.

 

Tommy Connors et le directeur de la prison sont du début à la fin du film les héros objectifs du film. Evidemment, les conditions carcérales sont évoquées du point de vue du prisonnier ordinaire, et certains prisonniers sont interprétés au-delà de l'anonymat. mais le dialogue essentiel de ce film se joue malgré tout entre le directeur, un homme persuadé que le système doit être équitable envers tous, et qui prône une vraie clémence, et Connors, un homme dont le code d'honneur trouve un écho favorable dans le point de vue du directeur. La scène de l'évasion, passage obligé de ce genre de film, est un moment formidable, et a été préparée par les trente minutes qui précèdent: Tommy a dit à qui voulait l'entendre (le directeur, les autres détenus, Fay...) qu'il allait mettre les voiles, mais il réalise que l'évasion, située un samedi, son jour de poisse, ne peut réussir. Le refus de participer, qui fait tout à coup de Tommy un observateur, un commentateur presque, le marginalise définitivement aux yeux des autres prisonniers, et le rend plus proche encore du directeur, mais le prétexte de la date fatidique renvoie le film à un symbolisme, auquel le décor de plus en plus stylisé de Anton Grot, l'usage de la lumière et des ombres propres à Curtiz, nous ont finalement préparé. Soumis à son destin, Tommy quittera la prison un samedi, selon le système d'honneur, sauvera Fay des griffes de Finn, son avocat, mais reviendra accusé d'un meurtre, sauvant du même coup la tête du directeur qui était dans la tourmente suite à "l'absence" consentie de Tommy. Du moment où Curtiz s'arrête de décrire la vie de la prison pour s'intéresser au destin, à la poisse et à la vie de Tommy, on entre de plain-pied dans un nouveau territoire. La jungle de le prison devient un enfer métaphorique, les cellules un purgatoire, et échapper à la prison, voire à la mort devient impossible. Tommy a choisi son camp, et le tremblement de la main du directeur dans la dernière scène, lorsque les deux hommes sont confrontés une dernière fois à l'ombre de la chaise électrique, est le signe que le passage sur cette terre de Tommy Connors n'aura pas été vain.

On le sait, Curtiz retournera dans cet enfer, avec l'un de ses chefs d'oeuvre, Angels wirth dirty faces. Mais en attendant, ce film est riche, en images comme en moments forts, bénéficiant de toute la franchise et de toute la nervosité du style Warner Pré-code. Curtiz signe le film de ses célèbres ombres, profitant de la nuit de l'évasion, ou de la pénombre des lieux. Trois exemples:

20,000 1

Au début du film, dans une séquence de montage symbolique qui sera répétée à la fin, afin de justifier le titre (20,000, comme le nombre de lieues sous les mers: ce film de prison est une immersion!), les prisonniers projettent aux murs des ombres gigantesques, sur lesquelles les peines de prison qui leur ont été données sont inscrites en lettres blanches. Une façon de mettre en scène le prisonnier anonyme, dans toute sa splendeur. Un usage lyrique des ombres, qui contraste avec l'ouverture plus classique du film, après le générique.

20,000 2

Seul dans sa cellule, Tommy Connors lit un journal, daté du jour: Samedi. Il choisit de ne pas participer à l'évasion qu'il a contribué à préparer. Il voit défiler le monde extérieur, Nous voyons les ombres obsédantes des barreaux de sa cellule, qui l'enferment jusque sur sa couchette. En apparence, il choisit objectivement de rester enfermé, comme il le soulignera plus tard au directeur, en lui montrant que sa cellule est ouverte, et qu'il n'est pas parti.

20,000 3

Un plan très ambigu: durant leur évasion, deux des trois prisonniers ont revêtu des uniformes de gardes. En captant leur ombre, Curtiz les rend anonymes, et durant une seconde, nous ne savons effectivement pas s'il s'agit des prisonniers dont nous suivons avec intérêt l'évasion, ou de gardes. Le moment est celui ou tout bascule: les trois hommes se rendent objectivement coupables de meurtre, et on va implicitement désormais être en faveur de la répression de cette mutinerie. Ainsi, on rejoint Tommy dans son refus...

Voilà, son goût pour les aventures formelles, son incroyable sens plastique, Curtiz les a une fois de plus utilisés pour rendre le film baroque. Tant mieux: si l'intention réelle était sympathique, on peut imaginer qu'un traitement plus frontal aurait pu donner un film bâtard et désordonné, aussi bien intentionné soit-il. En choisissant la voie du baroque, Curtiz a fait entrer le film dans le cercle des grands. Il est inoubliable, et absolument superbe: des films noirs sont en gestation dans ce beau film romantique.

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Pre-code
25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 17:11

 

Dès le départ de ce "drame social" , un carton nous annonce, pendant que la bande-son égrène des airs du folklore sudiste, les intentions documentaires du film, censé nous éclairer de façon objective sur le problème qu'il dépeint: l'injutsice ressentie par certains devnat l'inégalité flagrante du système des plantations de coton, qui aprtiennent à des "grands seigneurs" riches, et qui laissent des paysans cueillir leur coton, en l'échange du minimum vital. Les auteuirs assurent le spectateur de leur impartialité, mais on verra très vite que c'est on ne peut plus faux. Mais la recherche d'un moyen de pendre parti, dans ce film qui nous expose un problème souvent révoltant, voilà ce qui en fait l'intérêt, et voilà, apparemment, ce à quoi sert le personnage principal...

 

Richard Barthelmess incarne Marvin Blake, un jeune homme du Sud qui fait partie de cette classe de gens exploités. Contrairement à bien des jeunes de son age, il va à l'école, souhaite se sortir de sa condition. A la mort de son père, leur employeur, le planteur Lane Norwood (Berton Churchill), l'embauche pour être son comptable personnel, et le laisse aller à l'école, tout en lui demandant de tenir la boutique locale, dont il est le propriétaire. Le jeune homme, par gratitude et par loyauté, va en effet tenir la boutique et les comptes, mais va aussi fermer les yeux sur les vls perpétrés par les siens. Son désir de se situer entre les deux, sans prendre parti, est mis à mal par un lynchage auquel Norton est mêlé.

 

Ce petit résumé ne serait pas complet si on ne mentionnait que tout en étant tiraillé entre deux partis et deux loyautés, Marvin est aussi sollicité par deux femmes, la sage Betty (Dorothy Jordan), fille de ses voisins, et qui a grandi dans la même misère et la même promiscuité que lui, et la délurée Madge (Bette Davis), la fille de Norwood, qui vaut au film d'être entrée dans la légende, grâce à sa fameuse phrase dite d'un accent sudiste par la jeune femmeà Marvin: "I'd like to kiss you, but I just washed my hair" (J'aimerais bien t'embrasser, mais je viens de me laver les cheveux)...

 

Les doutes que j'ai émis concernant le parti-pris d'objectivité sont dus à l'évidence ignominie de la situation dans laquelle les cueilleurs de coton vivent, mise en évidence dès la première scène: la famile Blake est en plein travail (Parents et enfants, à l'exception de Marvin), et Norwood, en costume blanc et grosse voiture, passe, s'étonne de l'absence de Marvin, entend le père l'excuser, lui dire que le jeune homme est à l'école, et Norton dit, en toute simplicité, que la famille n'a pas les moyens d'envoyer leurs enfants à l'école. en un simple échange, on a de quoi définitivement prendre parti, et on n'aura pas grand chose pour aller dans l'autre sens: biens ur, les vols commis par les amis de Blake ne sont pas jolis, jolis, et les vexations auxquelles le jeune homme est soumis, ou l'intimidation, ou le fait qu'on lui force la main pour commettre un vol.. quoi qu'il en soit, la condition des paysaons ecuse tout, ici, y compris un incendie volontaire... c'est tout le sens d'une réunion finale au cours de laquelle un juriste et Marvin Blake rendent la justice, et accablent clairement e système, c'est-à-dire les patrons...

 

Curtiz est connu pour son intérêt pour ce genre de situations, dans lesquelles il montre un homme ou un groupe d'hommes face à un choix cornélien. Il est aussi connu pour son parti-pris formel, qui le pousse à s'engager d'abord au niveau visuel, laissant les scénaristes et les acteurs faire leur travail. Ce film a un autre metteur en scène crédité, en tous petits caractères, puisque ce bon William Keighley y est mentionné au titre d'associate director". Habituellement, le poste est mentionné chez Curtiz sous l'appellation dialogue director, mais ici, il est probable que l'importance du dialogue a entrainé cette modification de titre... Je ne veux pas dire que Curtiz se soit désinterressé de cet aspect, au contraire, les films 'sociaux' de ce genre (Black Fury, pour commencer, Alias the doctor) sont nombreux dans son oeuvre. Mais le fait est que ce film passe par beaucoup de dialogues, et que d'autre part l'acteur principal, choisi en fonction de son allure modeste et ordinaire, Richard Barthelmess, est décidément pâle. Il est bon lorsqu'il incarne le type modeste qui ose l'ouvrir, ce qu'il est réellement, et ce qui donne du poids à la fin; mais l'essentiel de ce film, c'est la symbolique hésitation entre la sécurité incarnée par la jolie Betty (Explicitement une enfant), et la folie sensuelle représentée par la garce Madge, qui demande à marvin de se retourner pendant qu'elle enfile un vêtement confortable, et lui demande de se retourner une fois qu'elle est nue... Ou encore cette scène de battue dans les marais, pour laquelle Curtiz a obtenu des cadrages extrêmes, dans lesquels on n'aperçoit presque plus les hommes qui cherchent leur proie. Enfin, un petit montage discret, au début du film, montre l'intérêt ici de la main, de ses actions, du fait qu'elle puisse signifier le travail, mais aussi l'engagement (La loyauté de Marvin), prendre (Norton prend, Madge prend, les paysans se servent, et le beau-père de Marvin force la main de sa mère), le travail scolaire, voire la caresse... Un beau motif, qui sert ici de fil conducteur d'une courte série de scènes, bien dans le style de la Warner de l'époque.Ccotton 2CCotton 3 

Bref, un film qui a peut-être des défauts, et Curtiz fera mieux, mais... Même imparfait, Curtiz y a imprimé sa marque du début à la fin, et son caractère touche-à-tout le rend particulièrement intéressant à voir... De plus, le cinéaste reviendra à ce genre d'environnement social dans un film extrêmement culotté, Mountain Justice en 1937.

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Pre-code
22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 18:23

Tourné en 1932, à la même époque donc que Doctor X et Cabin in the cotton, ce film au joli titre est typique de la période post-The front page, de Lewis Milestone : ce qui aurait pu être un mélodrame pur est en fait inflitré par des scènes de comédie durant lesquelles des journalistes parlent avec le débit d’une mitraillette. Lee Tracy est présent, mais son rôle est moins léger que dans Doctor X, puisque le Strange love (L’ « étrange passion » en Français) du titre, c’est lui. On nage en pleine atmosphère risquée et pré-code : Molly Louvain (Ann Dvorak) est une jeune femme qui travaille dans un hôtel où elle vend des cigares. Elle fréquente un jeune homme de bonne famille qui disparait de l’histoire au moment ou il allait la présenter à sa famille : Et pour cause, elle attend un enfant de lui. Elle confie l’enfant à une nourrice, et trouve refuge dans les bras d’un gangster (Leslie Fenton), mais répugne à participer à ses mauvais coups. Elle se retrouve malgré tout à ses cotés, par hasard, lorsque celui-ci commet un meurtre. On cherche partout Molly Louvain, jeune femme brune, elle sera donc blonde, et se cache avec Jimmie, un jeune étudiant amoureux d’elle, dans un immeuble ou habite Scotty, un journaliste qui enquête précisément sur l’affaire Louvain.

On s’attache à Molly, qui restera le principal point de vue jusqu’à l’arrivée de Scotty. La première scène donne le ton : un homme et une femme s’approchent d’une mare, reflétés dans l’eau, pour une promenade bucolique. Mais la femme pleure : on n’en saura pas vraiment la raison avant de découvrir l’enfant. L’homme tente de la rassurer, lui promettant que tout ira bien et que sa mère acceptera leur mariage. On sait que ce ne sera pas le cas. Dès le début, Curtiz place Molly en porte-à-faux avec les protagonistes masculins, systématiquement sur un autre agenda qu’elle : Nick lui ment, son fiancé trop faible l’abandonne pour faire plaisir à sa maman, et Jimmie idéalise Molly au point de s’aveugler. Le seul qui ne tentera pas de lui raconter des bobards, c’est Scotty, mais il l’enverra malgré tout en prison involontairement.

La mise en scène, fluide et dynamique, repose beaucoup sur des mouvements de caméra qui partent des détails présents dans le champ : journaux, valises, vêtements, Les jambes d’Ann Dvorak, etc. L’élégance habituelle de Curtiz rend la vision très plaisante, et c’est un bonheur cinématographique complet. Pas un chef d’œuvre, non, il y manque sans doute le grain de folie qui se retrouve dans Doctor X, ou l’urgence baroque de 20,000 years in Sing-sing. En attendant, la vision de ce film excitant est totalement recommandée, et nous permet de retrouver l’étrange Ann Dvorak, dont la Warner voulait faire sa grande star avant de remarquer Bette Davis… après Three on a match de Mervyn Le Roy Elle joue ici une autre femme au destin fatal, mais c’est plus la frustration d’un passé que l’on devine (L’absence de sa mère, le sentiment d’être pourrie -rotten- comme elle le dit souvent) plus que les circonstances fatales qui motivent l’approche de Curtiz dans ce film. Cela dit, des détails de mise en scène portent l’accent sur un thème familier au metteur en scène, puisque Molly est en exil permanent. La fuite de l’héroïne avec Nick, le gangster, est symbolisée par les plaques d’immatriculation de leurs voitures successives, indiquant des états différents (Missouri, Ohio, Illinois) et des années d’émission différentes : 1930, 1931. Un moyen purement visuel d’indiquer à la fois la fuite en avant, le passage du temps et le déplacement dans l’espace. La fuite perpétuelle de Molly trouve un écho dans l’indécision de Scott, qui dit en voyant la jeune femme boire avec aplomb son bonheur de l’avoir trouvée, et ironise aussi souvent que possible sur leur compatibilité. Mais le fait est qu’il a raison, ces deux-là se sont trouvés, et ils sont faits l’un pour l’autre.

Le happy-ending de rigueur ne doit pas masquer qu’après tout, même si Scott se battra pour l’en sortir, Molly va quand même en prison, et la partie ne sera pas facile. Une fois de plus, le pessimisme de Curtiz transcende tout, même le film lui-même…

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Pre-code
20 janvier 2011 4 20 /01 /janvier /2011 11:25

The mad genius, sans être le chef d'oeuvre de Michael Curtiz, est un film essentiel pour comprendre le génie fou qu'était le metteur en scène. Et tout d'abord, Ivan Tsarakoff, c'est lui.

Ce film nous conte l'histoire de ce marionnettiste minable, interprété par John Barrymore, qui un beau jour quitte sa Russie natale: un gamin, Fedor (Frankie Darro), poursuivi par son père (Boris Karloff) a trouvé refuge dans son théâtre ambulant, et Tsarakoff l'a caché, et a décidé après l'avoir vu gambader comme un capri d'en faire le danseur étoile que lui, Tsarakoff, né infirme, n'a jamais pu être.

Puis le film nous transporte à Berlin, où le riche et prospère Tsarakoff a une entreprise artistique qui tourne rondement, et va nonchalamment de coulisse en coulisse chasser la jeune donzelle, veillant d'un oeil discret mais jaloux la destinée de son étoile, Fedor (Donald Cook), qu'il appelle "Mon fils" à chaque fois que possible. celui-ci est amoureux de la prima ballerina, Nana Karlova (Marian Marsh), à laquelle tout le monde est attaché, en particulier Serguei, le maître de ballet, que Ivan tient en son pouvoir, puisque il est cocaïnomane, et que c'est à Ivan qu'il revient de lui fournir ses doses. Lorsque Fedor annonce à Ivan qu'il va se marier avec Nana puisque celle-ci refuse de se contenter de coucher avec lui, Ivan sent le danger et va tout faire pour les séparer, en gardant bien enrendu le controle de Fedor...

Dès la première bobine, qui constitue le prologue du film, la personnalité de Tsarakoff est cernée visuellement par un Curtiz en forme: les deux marionettistes sont quasi seuls dans le théâtre, seul Fedor est la qui assiste à la représentation. la marionnette que Ivan agite a un problème, Fedor la tire à lui, et l'observe. Pendant ce temps, Karloff est arrivé dans le théatre de toile, et s'est saisi de Fedor: au moment même ou il le saisit, Ivan brise la marionnette, et on entende le cri de douleur de Fedor... Cette marionnette-Fedor reviendra plusieurs fois dans le film. Toujours dans le prologue, le petit s'est enfui de la poigne de son père, qui le cherche autour de la tente, et on devine que Fedor est en réalité revenu chercher refuge auprès d'Ivan: un plan nous montre Karloff entrer sous la tente, pendant qu'un ombre gigantesque, celle d'Ivan bien sur, l'attend tranquillement. Les jeux d'ombres, toujours virtuoses, et leur fréquence, permettent souvent de signaler l'intérêt que Curtiz a pris dans un film: il a du adorer faire ce Mad genius.

La deuxième bobine entame un passage de 30 minutes environ, qui se situe intégralement dans le théâtre, aux décors hallucinants d'Anton Grot. Quelques plans nous montrent le théâtre en lui-même, mais l'essentiel est constitué du dédale des coulisses, qui auraient bien pu être celles d'un studio. Les tractations entre Tsarakoff, son danseur étoile, sa prima ballerine, son maitre de ballet et tous les autres membres de la troupe peignent un microcosme dédié à l'art de la danse, à peine coupé de quelques interventions du comte Renaud, un jeune aristocrate français interprété par André Luguet, qu'on devine mécène de ce théâtre qui peut lui fournir de jolies ballerines moyennant ses largesses pour la troupe. Et justement, il a des vues sur la Karlova... Mais quoi qu'il fasse, ce brave Renaud sera finalement un bon génie dans ce film, par amour pour la Karlova justement. et ce, malgré toutes les tentatives de Ivan Tsarakoff pour étouffer l'amour des jeunes gens. Le moins qu'on puisse dire, c'est que dès qu'on rencontre Renaud, on est à l'aube d'une grande amitié pour lui.

La deuxième moitié du film étend son champ d'action en multipliant les décors: les jeunes tourtereaux se sont enfuis pour Paris, ou la vie est dure et chère pour deux personnages désormais privés de leur gagne-pain. Leur appartement est d'abord le théâtre de leurs amours, mais va vite se muer en un inquiétant reflet de l'influence de Tsarakoff: celui-ci a reçu Nana avec laquelle il a négocié un arrangement; il s'engage à redonner son statut de vedette à Fedor qui se morfond d'avoir abandonné en pleine gloire, si Nana le quitte pour aller avec le Capitaine, pardon le comte Renaud. La scène de l'entrevue était située dans un décor presque vide. Lorsque Fedor rentre chez lui ce soir-là, dans un premier temps seule la porte est faiblement allumée: il entre dans un monde d'ombres, inhabituel pour lui. il allume, et le vide de la pièce, privée de la présence de Nana, est un écho à la scène précédente. il se rend dans la chambre, apparement vide et tout aussi sombre, jusqu'à ce qu'une petite lumière s'allume: Ivan est là, allumant une cigarette, maitre de ce théâtre d'ombres comme il était le maitre d'un théâtre de marionnettes.

Le final est sublime, dans lequel tout le film nous revient en pleine figure, depuis les mauvaises habitudes du maitre de ballet, finalement frustré d'avoir été tout ce temps le jouet d'un homme qui le tient en son pouvoir, jusqu'à l'abnégation de Fedor qui se jette à corps perdu dans la danse, en passant par le jusqu'auboutisme d'Ivan qui a toujours été frustré de ne pas avoir été la vedette de son ballet: il va malgré tout, enfin, être au centre, après une altercation musclée avec Serguei, devenu fou sous l'influence de la cocaïne.

Toute la moralité du film, mais aussi toute son ironie macabre, repose dans la réaction épouvantée du public lorsque le corps d'Ivan apparait au beau milieu du décor du ballet, tel le corps d'un homme dans la bouche de Moloch, car décidément, chez Curtiz il ne peut y avoir d'art sans cannibalisme, et le destin de tout démiurge est de succomber à son art, qu'il s'agisse de sculpture (Lionel Atwill, Mystery of the wax museum), de pièces policières (Claude Rains, The unsupected), d'agitation politique (Raymond Massey, The Santa Fe trail), ou de musique(Kirk Douglas, The young man with the horn). Ivan Tsarakoff est peut-être fou, sûrement même, mais il est très proche de Curtiz, qui lui donne bien sur le premier rôle (Après tout, c'est John Barrymore), qui est plus un vieux maniganceur qu'un être diabolique, et en prime il s'exprime avec un accent étranger envahissant, il collectionne les figurantes-petits rats, tout comme le metteur en scène. La première scène, qui voit Barrymore quitter précipitamment son pays, est comme un écho à l'exil de Curtiz, un motif qui revient de façon obsessive dans son oeuvre: celui-ci ne s'est donc pas contenté de répéter une formule, il s'est approprié le film et l'a rendu personnel dans son ton baroque, pessimiste et fondamentlement ironique. Bien sur, il y a des défauts, notamment ces scènes par trop bavardes qui alourdissent la performance de Barrymore, mais comment les éviter? C'est Barrymore le patron, et comme Curtiz s'est pris d'affection pour le personnage... sinon, Donald Cook n'est pas beaucoup plus qu'un bellâtre, et le couple qu'il forme avec Marian Marsh se vautre un peu trop dans le doucereux. Qu'importe: The mad Genius est la première pierre d'une thématique Curtizienne qui va se prolonger de film en film jusqu'à la fin des années 40, et marquer de son empreinte noire les films les plus personnels, qu'ils soient bons, ou moins bons, de son auteur.

 

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Pre-code
17 janvier 2011 1 17 /01 /janvier /2011 21:46

curtiz-michael-03-g.jpg

Sortis après Noah’s ark, les quatre films parlants de 1929 étant tous perdus, ce panorama de l’oeuvre parlante de Michael Curtiz de 1929 à 1935 commence donc avec Mammy. Certains des films sortis immédiatement ensuite ne sont pas disponibles au grand public, et par ailleurs, j’ai volontairement laissé de coté tous les films signés par d’autres metteurs en scène Warner, auxquels Curtiz a prêté main forte le temps d’un séquence ou de deux semaines de travail, que ce soit officiel (The mayor of hell, de Archie Mayo, 1933) ou pure spéculation de ma part (Svengali, Lloyd Bacon, 1931).

On note dans cette filmographie partielle la prépondérance certes de quatre genres ou sous-genres (Comédie, Film d’aventures, Drame social, Proto-film noir) et la présence d’autres films de genres différents: des comédies musicales, notamment, qui servent ici à prouver que Curtiz ne se sentait pas à l’aise, avec le genre, ce que sa filmographie ultérieure prouvera, puisqu’il ne se départira jamais d’une tendance à vouloir rendre les musicals… réalistes! D’autre part, il y a bien sur deux films fantastiques, franchement à part, mais ce sont bien sur deux chef d’œuvres dans lesquels la puissance formelle de Curtiz apparait dans toute sa splendeur.

Je me suis volontairement arrêté, symboliquement, juste avant Captain Blood, afin de revenir ensuite sur la période suivante, dominée par Eroll Flynn, en plusieurs temps. Je reviendrai ultérieurement plus en détail sur un certain nombre des films mentionnés ci-dessous, parmi lesquels bien sur les plus importants, les plus intéressants, ou tant qu’à faire, mes préférés… Doctor X et 20,000 years in Sing-Sing en tête.

5279269423_bf4fff61f7.jpgThe Glad Rag Doll (1929)

Film perdu; Drame, avec Dolores Costello, l’héroïne de Noah’s ark. Chef-opérateur : Byron Haskin.

Madonna of Avenue A (1929)

Film perdu; Drame, avec Dolores Costello. Chef-opérateur : Byron Haskin.

Hearts in Exile (1929)

Film perdu; comédie romantique, avec Dolores Costello, l’héroïne de Noah’s ark. Chef-opérateur : William Rees.

The gamblers (1929)

Film perdu; Drame, avec H.B. Warner et Lois Wilson. Chef-opérateur : William Rees.

Mammy (1930)

mammy.gifFilm musical. Avec Al Jolson et Lowell Sherman, présentant des séquences en Technicolor. Certaines ont été conservées mais ne sont pas disponibles sur toutes les copies. Chef-opérateur : Barney McGill.

Hélas… Ce film souffre bien sur d’être bien statique, et il nous offre une première incursion de Curtiz dans un domaine ou il ne sera jamais à l’aise : le musical. Tous les numéros ici sont encadrés par la scène, comme si Curtiz se refusait à imaginer qu’on puisse faire autrement. Bien sur, Busby Berkeley mènera à la Warner une révolution qui ne commencera qu’en 1932, mais dès 1929, bien que très archaïques, il existe déjà des musicals qui essaient justement de faire éclater le cadre music-hall du genre… Gardien d’une certaine forme de réalisme, fut-il baroque, Curtiz ne s’y laissera jamais entrainer. Sinon, le film est à l’image d’Al Jolson : si vous l’aimez, ça va, sinon… passez votre chemin. On notera toutefois, une fois de plus, une thématique chère à Curtiz : sa troupe de comédiens est en errance perpétuelle.

 

Under a Texas Moon (1930)

Western musical, avec Frank Fay, Raquel Torres, Myrna Loy. Le premier film de Curtiz à être entièrement en Technicolor. Chef opérateur : William Rees.

 

The Matrimonial Bed (1930)

Comédie, avec Frank Fay et Lilyan Tashman. Chef opérateur : Devereaux Jennings.

Matrimonialbed19302.jpgEncore une petite comédie pour le sombre Curtiz. si on finit par admettre qu'il n'était qu'un (immense) talent gâché à ses débuts à la Warner, cette petite adaptation gonflée d'une pièce de Yves Mirande est notable pour son dialogue tellement rempli de sous-entendus que ça déborde... En homme amnésique soudain revenu sur le lieu de sa vie passée, Frank Fay est comme toujours fatiguant de vacuité. Sinon, on retrouve un Curtiz qui s'implique un peu plus, dans une séquence ...d'hypnose.

 

Bright Lights (1930)

Comédie musicale, avec Dorothy Mackaill et Frank Fay. Chef-opérateurs : Lee Garmes et Charles Schoenbaum.

Entièrement en Technicolor, mais la version intégrale en couleurs n’a pas été retrouvée. Une version raccourcie, en noir et blanc, est donc la seule possibilité de voir ce film.   Une énième comédie musicale, avec Dorothy Mackaill en nouvelle vedette de Broadway aux prises avec son ancien petit ami, un autre artiste qui ne parvient pas à la laisser partir. Le ton est léger, le film aussi. On retrouve le Curtiz des coulisses dans ce film, qui frappe par les moyens de la mise en scène, très fluide, et le rythme global, très enlevé. Pour le reste, ce sont des moyens gâchés, la vedette du film étant Frank Fay: on peut difficilement rêver d'un premier rôle plus antipathique.

 

A Soldier's Plaything (1930)

Drame, avec Ben Lyon et Harry Langdon. Chef opérateur : Barney McGill.

Le film a été tourné en deux versions; une en 35 mm, l’autre en Vitascope, le procédé Warner qui faisait concurrence aux autres procédés d’écran large utilisés à l’époque par Fox (« Grandeur », The big trail de Walsh, 1930), Paramount (Magnascope, Wings de Wellman, 1927) et MGM (Realife, Billy the kid, de Vidor, 1930). Tous seront mis au placard très vite, et il y des spéculations sur le fait que le film ait jamais été projeté dans ce format… quant à la participation de Langdon, elle donne bien entendu envie de voir ce film.

River's End (1930)

Film d’aventures inspiré de James Oliver Curwood, avec Charles Bickford, Evelyn Knapp et J. Farrell McDonald. Chef-opérateur: Robert Kurrle

Tourné en studio pour une grande part, le film se situe dans le grand nord Canadien, qui n’inspire Curtiz que pour les 20 premières minutes, qui voient trois hommes aux prises avec la mort. Le reste, l’histoire d’un homme qui a pris la place d’un autre et va devoir sacrifier son bonheur, laisse peu de place aux prouesses visuelles, en raison d’une tendance au dialogue lourd. Dès que McDonald disparait de l’écran, Bickford et surtout Knapp ont du mal à être naturels…

Dämon des Meeres - Version Allemande de Moby Dick (Lloyd Bacon)(1931)

Drame. Avec William Dieterle. Chef-opérateur: Sydney Hickox.

Unique version étrangère d’un film américain à laquelle ait participé Curtiz. Perdu?

God's Gift to Women (1931)

Comédie (musicale). Avec Frank Fay, Laura LaPlante, Joan Blondell, Louise Brooks. Chef-opérateur: Robert Kurrle.

Ne nous emballons pas : le casting féminin fait très envie, mais en particulier Louise Brooks a un rôle très restreint ici, étant à l’époque une has-been… Joan Blondell et Laura LaPlante, toutes deux supposées jouer l’adoration face à Frank Fay, sont sacrifiées sur l’autel de ce comédien, qui vient de tourner quelques films avec Curtiz, mais qui est particulièrement fade. Par ailleurs, ce film était une comédie musicale, avant de perdre une partie de son métrage : toutes les chansons ont été évacuées, la production ayant peur que le genre ne lasse le public. L’année suivante, heureusement, la Warner s’est ravisée. Pas Curtiz. De toute façon, cette comédie de marivaudage est lourde, et pas franchement drôle.

The Mad Genius (1931)

Drame. Avec John Barrymore, Marian Marsh. Chef-opérateur: Barney McGill

Avec ce film, on entre enfin dans un univers qui semble beaucoup plus convenir à Curtiz que les aimables comédies et les Musicals tièdes. La création du personnage de maître de ballet fou par John Barrymore, qui s’approprie ses danseuses et danseurs comme autant de créatures, vient bien sur dans le sillage de son Svengali, avec Marian Marsh, et le film de Curtiz reprend dans les grandes lignes le style du metteur en scène, qui trouve en cet artiste malade un premier cas intéressant de démiurge. Il s’y livre à des expériences sur le décor, entremêle à loisir le spectacle (Tout ce film se déroulant dans les coulisses d’une troupe de ballet) et la vie, et met tout son poids dans le personnage incarné par Barrymore, à tel point qu’on associe le plus souvent ce film certes baroque aux deux films d’horreur de Curtiz à la Warner dans les années 30, bien que le film ne possède aucune fibre vraiment fantastique… A part peut-être l'apparition brève de Boris Karloff.

The Woman from Monte Carlo (1931)

Drame. Avec Lil Dagover, Warren William, Walter Huston. Chef opérateur: Ernest Haller.

Une sombre histoire, dans ce film  intéressant à plus d’un titre : un capitaine de bateau (Huston) soupçonnant que sa femme (Dagover, bien sur) le trompe (Avec Warren William, évidement) va laisser perdre son navire, et les gens qui sont dessus. Errance, noirceur du destin, triangle amoureux tordu, et un meneur d’humains qui perd le nord… Tous ces thèmes ont bien sur des résonnances sur l’œuvre de Curtiz. On aime le mélange savant et baroque entre boulevard et romantisme, l'impeccable composition de Warren William. Lil Dagover, trop agée pour le rôle et mal à l'aise en Anglais, s'en sort plutôt bien; mais Curtiz est totalement dans son élément. Il passe sans aucun effort d'éléments de comédie épicée (Les marins qui regardent sous les jupes des femmes d'officiers qui montent sur le bateau), à l'action et au drame, sans oublier un procès chargé en tension...

Alias the Doctor (1932)

Drame. Avec Richard Barthelmess, Marian Marsh.Chef-opérateur: Barney McGill.

Ce film a été commencé par Bacon, mais celui-ci a été remplacé par Curtiz, qui lui a imprimé sa marque, sans pour autant réussir un grand film. La faute en incombe-t-elle à ce brave Barthelmess, toujours franchement mou ? L’atmosphère de cette Europe recréée dans ce drame de la rédemption d’un homme qui doit se battre pour avoir le droit d’exercer son art. Un sujet pourtant propre à intéresser Curtiz, mais celui-ci a du surtout s’intéresser à ses décors…

ANN+DVORAK,+LESLIE+FENTON+STRANGE+LOVE+OThe Strange Love of Molly Louvain (1932)

Drame. Avec Ann Dvorak, Lee Tracy, Richard Cromwell. Chef-opérateur: Robert Kurrle.

Dans ce petit film nerveux, mené par une Ann Dvorak énergique et émouvante, on suit avec intérêt la chute mélodramatique de la belle héroïne, puis son combat pour la rédemption. Un film marqué par le succès du film The front page, de Lewis Milestone, avec l’apparition de Lee Tracy en journaliste qui parle très vite. Un Curtiz essentiel, qui montre bien la patte du réalisateur dans le rythme, la peinture du monde moderne, et de ses turpitudes. un film, enfin, qui anticipe sur le film noir, avec une sacrée longueur d'avance...

 

doctor-x-madman.pngDoctor X (1932)

Film fantastique. Avec Fay Wray, Lee Tracy, Lionel Atwill. Chef-opérateur: Ray Rennahan. Entièrement en Technicolor.

Chef d’œuvre baroque, film ahurissant qui entremêle cannibalisme et utilisation douteuse de cadavres, perversion et amputation… Le Technicolor deux bandes inspire manifestement notre metteur en scène. Une chance qu’on ait retrouvé une copie couleurs toutefois…

 

Cabin in the Cotton (1932)

Drame Avec Richard Barthelmess, Bette Davis. Chef-opérateur: Barney McGill

Cet étrange classique n’a qu’un seul défaut, en la présence de Barthelmess. Sinon, l’histoire de rivalité entre les riches et les pauvres, sur fond de provocation sexuelle, est fascinante. Le personnage de Bette davis, et une de ses plus fameuses répliques, aussi. Par de nombreux aspects, on peut trouver ici des points communs avec une autre œuvre « sociale » ultérieure, Black fury.

 

Twenty Thousand Years in Sing Sing (1932)

Drame. Avec Spencer Tracy, Bette Davis. Chef-opérateur: Barney McGill

Superbe film que je me permettrai de qualifier de proto-noir, on y voit Spencer tracy payer à sing-Sing pour tous les crimes du monde. Une vision splendide du système carcéral, et un grand film tout de passion et de violence. …avec la jeune Bette Davis !!

 

The Mystery of the Wax Museum (1933)

Film fantastique. Avec Glenda Farrell, Fay Wray, Lionel Atwill. Chef-opérateur: Ray Rennahan. Entièrement en Technicolor.

Comme Doctor X, le Technicolor deux bandes est un argument de vente à lui tout seul, mais cette histoire horrifique, qui resservira, est un écrin plus raisonnable sans doute pour la gourmandise de Curtiz en matière de représentation de l’horreur; voilà un autre film dont on ne se lasse pas...

 

The Keyhole (1933)

Comédie. Avec George Brent, Kay Francis. Chef-opérateur: Barney McGill

Petite comédie charmante, et assez épicée. Curtiz s’amuse à mettre tout ce petit monde, en peine folie adultère, derrière le trou d’une serrure, et souligne par sa mise en scène le travail du détective joué par Brent. Kay Francis, forcément, est très bien aussi.

 

Private Detective 62 (1933)

Film d’aventures. Avec William Powell. Chef-opérateur: Tony Gaudio.

Ce film mené tambour battant est un véhicule pour le grand William Powell qui passe du film d'aventures improbables à la comédie avant de devenir un film policier plus classique… Distrayant, en effet.

 

Goodbye Again (1933)

Comédie. Avec Warren William, Joan Blondell. Chef-opérateur: George Barnes

Adaptation d’une pièce, avec Warren William en roue libre, et la fabuleuse Joan Blondell, dans un marivaudage pré-code sympathique en diable.

 

The Kennel Murder Case (1933)

Comédie policière. Avec William Powell, Mary Astor, Eugene Pallette. Chef-opérateur : William Rees.

Un crime improbable dans une vieille bâtisse Bourgeoise, un William Powell, une liste de suspects, une casting étendu, un flic bourru et ventru... tous ces clichés n’ont pas gêné Curtiz. Passant outre les pesanteurs de l'adaptation théâtrale, le metteur en scène, comme Hitchcock finalement, choisit d'innover partout, ne répétant jamais un angle de caméra, plaçant celle-ci de manière inattendue dans les endroits les plus improbables afin de continuellement varier ses compositions, et bien sur utilisant sa magie des ombres au moment ou Powell expose ses théories, accompagnées en flash back par une vision du meurtre: le criminel y est une ombre...

Female (1933)

Comédie. Avec Ruth Chatterton, George Brent. Chef-opérateur: Sydney Hickox.

Commencé par William Dieterle, le film a été fini par Curtiz, est pose un problème : faut-il le lui attribuer? après tout, il a été signé par lui, et porte souvent sa marque, tant thématiquement que dans l’impeccable réalisation. C’est sans doute le plus célèbre de ses films « pré-code » osés, avec Ruth Chatterton en patronne dynamique qui pratique la promotion canapé sur ses ingénieurs, avant de tomber sur un os : Un incorruptible, amoureux, et son égal…

Mandalay (1934)

Film d’aventures Avec Kay Francis, Ricardo Cortez. Chef-opérateur: Tony Gaudio.

Aventures exotiques menées tambour battant, le film fait la part belle à un érotisme léger et parfois canaille, qui n’est pas sans rappeler le cinéma Français de l’époque. Francis et Cortez sont deux aventuriers en fuite, mais Cortez est malhonnête dans l’âme, alors que Francis cherche la rédemption… Elle la trouvera, mais il y aura des morts…

British Agent (1934)

Film d’espionnage. Avec Leslie Howard et Kay Francis. Chef-opérateur : Ernest Haller

Le choix difficile entre le devoir et l’amour : l’agent Britannique du titre tombe en effet amoureux de son ennemie, l’espionne jouée par Kay Francis… Des choix impossibles, des pays en révolte, des foules sanguinaires… comment s’étonner que le metteur en scène soit inspiré quand on lui donne ses jouets préférés ?

Jimmy the Gent (1934)

Comédie Avec James Cagney, Bette Davis. Chef-opérateur: Ira H. Morgan.

Comédie dans laquelle James Cagney et Bette Davis se font concurrence sur le marché des agences matrimoniales. Ancien gangster, le personnage joué par Cagney ne recule devant rien, le film ne fait donc pas toujours dans la dentelle. Un film sur la débrouille, donc la crise, et sur les multiples opportunités offertes par le rêve Américain…

The Key (1934)

Drame. Avec William Powell. Chef opérateur: Ernest Haller.

Un rappel de British Agent, en mineur. Film un peu trop bavard, malgré la présence de ce bon William Powell…

Black Fury (1935)

Drame. Avec Paul Muni, Karen Morley. Chef opérateur: Byron Haskin.

Splendide film « social », traité de façon spectaculaire par un Curtiz en verve, qui reprend le flambeau social là ou l’avait laissé son propre Cabin in the cotton. Merveilleux film passionné, habité par un Paul Muni survolté, parfois trop, mais tant pis. A voir !

The Case of the Curious Bride (1935)

Comédie policière. Avec Warren William, Margaret Lindsay. Chef opérateur: David Abel.

Comme avec The Kennel Murder case, un film policier mené à vive allure, dans lequel, on le sait, un jeune acteur tasmanien fit ses débuts Américains. Bref, sans ce film très recommandable, pas de Captain Blood !!!

Annex%20-%20Davis,%20Bette%20(Front%20PaFront Page Woman (1935)

Comédie journalistique. Avec Bette Davis, George Brent. Chef-opérateur: Tony Gaudio.

Bette Davis en journaliste prête à tout, et qui doit se battre contre la concurrence, la police, l’humanité toute entière… ce type de comédie à la Front page était un genre à part entière… Sinon, un film qui nous rappelle, avec Female, Mandalay, Molly Louvain, ou même Mystery of the wax museum, que Curtiz est un cionéaste de femmes. Eh oui !

Little Big Shot (1935)

Comédie. Avec Sybil Jason, Robert Armstrong, Edward Everett Horton, Glenda Farrell. Chef-opérateur: Tony Gaudio.

Dernier arrêt avant Captain Blood, cette aimable petite comédie sans prétention ressemble à un premier balbutiement d’un futur genre souvent exploré par Curtiz (Imposé par la Warner ?) : la comédie familiale. Ici, elle tourne autour d’une compétente concurrente de Shirley Temple. Elle se retrouve flanquée de deux escrocs minables. Un film tendre, dans un contexte pourtant assez dur : le film, bien que pour toute la famille, est situé dans l’Amérique de 1935, et la débrouille est liée à la survie.

 

Au sortir de ce panorama, on peut bien sur estimer avoir du mal à cerner la personnalité de Curtiz ; elle est pourtant présente dans ces films, y compris les médiocres. Son génie de filmer, son style, appelez ça comme vous voulez, mais ces films pleins de vitalité nous réparent aux fêtes à venir, à Captain blood qui suivra, mais aussi à The adventures of Robin hood, Angels with dirty faces, ou encore Mildred Pierce, dont la mise en scène vient en droite file de ces fascinantes années de formation. Curtiz entre 1929 et 1935 a appris très vite à avoir le contrôle absolu sur la composition, le montage, le rythme, la dynamique sonore, le contenu des plans (une constante, les plans séquences en guise de master-shots, avec des douzaines de figurants, et une caméra qui nous montre tout le studio avant de foncer sur les acteurs… des plans impossibles à couper. Qu’importe : Curtiz montait comme John Ford, dans la caméra, et avait la réputation toujours comme Ford de ne filmer que le nécessaire. Sinon, il faut parler de sa petite manie des ombres. On constate que la plupart de ces films porteront cette particularité en guise de signature, ces petites scènes durant lesquelles le cinéaste passe par les ombres plutôt que les acteurs... on ne va pas pouvoir faire la même remarque de mauvaise foi que Lotte Eisner dans son ouvrage sur Murnau, qu'elle n'aimait guère, prétendant que ses innovations étaient dues à Karl Freund, son chef-opérateur sur Der Letzte Mann. Curtiz ne tournait pas avec le même chef-opérateur, on peut le voir, il y avait un sacré roulement. on remarquera quand même la présence du grand Tony Gaudio, et d'autres grands noms, tel le déja vétéran Byron Haskin, qui sera plus tard réalisateur, ou encore Georges Barnes, avant sa collaboration avec Hitchcock. Pour en finir avec ces ombres, si le metteur en scène avait déja un sens aigu du visuel en Europe, on le sait maintenant, cette fascinante caractéristique que tant d'historiens attribuent à "la formation Expressionniste de Curtiz" (Rudy Behlmer!!!!) est en fait née à la Warner. Le Michael Curtiz que j'admire tant y est né aussi.

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz
17 janvier 2011 1 17 /01 /janvier /2011 18:54

Premier film de Curtiz sorti en 1938, premier de ses films en Technicolor trois bandes, Gold is where you find it est intéressant à plus d'un titre. D'une part, il nous offre la première de deux collaborations entre le metteur en scène et Olivia de Havilland, sans Erroll Flynn (La deuxième sera The proud rebel de 1958); d'autre part, il est sa première incursion dans le western, si on excepte Under a Texas moon (1930), qui était probablement plus un musical qu'un western. Western est sans doute un bien grand mot, car après tout le renouveau du genre, ce sera plutôt l'année suivante, avec Stagecoach. Enfin, le metteur en scène retourne avec le charmant George Brent, qui était déja l'une des vedettes du fascinant Mountain justice en 1937...

 

L'histoire nous conte la lutte entre les grandes corporations qui exploitent les filons d 'or dans les hauteurs de Californie du Nord, et les agriculteurs qui tentent de cultiver du blé, et des vergers en contrebas: l'eau utilisée pour provoquer l'érosion des filons finit toujours par inonder les champs... Intéressant, mais ce film, qui prend directement l'approche historique avant de nous entrainer sur un terrain typique du western la lutte entre les anciens et les modernes, et les conflits inter-corporations, ne réussit pas ses paris. Trop sage, à l'image d'une Olivia de Havilland cantonnée à un rôle de trop jeune femme passionnée, ou à l'image du gentil George Brent. la menace n'est pas clairement identifiée, et la principale qualité de ce film qui aurait pu le voir déchainer les passions (qu'on songe à Duel in the sun), reste ses très belles couleurs. Du reste, la Warner devait être au moins satisfaite de cet aspect: c'est afin de tenter l'aventure des extérieurs en couleurs que ce film mi-figue, mi-raisin a été lancé. On pourra se consoler aussi en prêtant attention à la performance de ce vieux Claude Rains, dans l'une de ses nombreuses apparitions impeccables chez Curtiz. Pour l'année 1938, ce dernier n'avait pas dit son dernier mot: quatre autre films suivront, deux sont parmi les plus importants films du metteur en scène, si pas les plus importants films du cinéma Américain. Et un observateur attentif de l'univers de Michael Curtiz pourra toujours s'amuser à voir George Brent louvoyer entre le progrès (L'or) et son coeur, éternel insatisfait ayant du mal à choisir son camp, tentant vainement de rester un témoin impartial de la folie des hommes, qui se déchaîne quand même d'assez belle façon, vers la fin de ce film trop sage. Et on appréciera un clin d'oeil dans cette production Cosmopolitan (Le studio de W. R. Hearst): on y rencontre le sénateur Hearst, de Californie, qui se plaint lors d'une soirée du fait que son fils ainé qui veut se lancer dans le journalisme vienne d'acheter un journal, l'Examiner...

 

Sinon, mon premier contact avec ce film date de la vision en 1987 du film Daffy Duck à Hollywood sorti la même année: le héros de Tex Avery, cinglé comme jamais, y massacrait le montage d'un film Warner de ce titre, tourné par un autocrate porcin à fort accent Européen...

 

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Western Olivia de Havilland
16 janvier 2011 7 16 /01 /janvier /2011 17:10

Petit film d’épouvante réalisé en plein cœur de la vague des films d’horreur entamée par les succès en 1931 de Dracula et Frankenstein pour Universal, Doctor X était la réponse de la Warner, tout comme Freaks et Fu-Manchu étaient celle de la MGM, Dr Jekyll celle de la Paramount et The most dangerous game celle de la RKO. L’énumération le montre bien : tous ces films évoluent dans des univers différents, et on peut schématiquement affirmer que chaque firme répond avec ses propres armes, son propre style. Doctor X sera un film super-Warner ou ne sera pas, il est donc fait appel à Michael Curtiz. En ces années 1931-1933, WB sort selon Jean-Pierre Coursodon 17 films de Curtiz, c’est donc une valeur sure. Mais Doctor X possède sur toute la concurrence un atout de poids : il est tourné en couleurs, à l’aide du système Technicolor deux bandes : le film consiste en deux bandes de celluloid de couleurs(Composite, ce ne sont pas des couleurs primaires)différentes qui une fois placées l’une sur l’autre recomposent la palette de l’image. Ce sera le même principe grosso modo avec le Technicolor 3 bandes utilisé plus tard(Robin Hood, Gone with the wind)mais les trois couleurs primaires seront utilisées, de manière à obtenir des teintes plus variées, et notamment du vrai bleu, du vrai rouge… ce qui n’est pas le cas ici. Une parenthèse s’impose: les réalisateurs détestaient le Technicolor, qui avait surtout été utilisé pour quelques scènes occasionnelles dans certains films lors des années 20. Le recours au long métrage était toujours une expérience, voire un gimmick ; rare sont les réalisateurs qui y ont eu recours plusieurs fois. Curtiz qui récidivera l’année suivante avec The Mystery of the Wax Museum en fait partie, et ses deux films en 2-strip Technicolor sont, aux cotés de The Black Pirate de Douglas Fairbanks, parmi les plus merveilleuses œuvres en couleurs de l’époque.

Doctor X n’a sans doute pas été considéré à sa sortie comme un chef d’œuvre : il est vrai que cette histoire de cannibalisme et d’expériences sadiques ne fait pas dans la légèreté. Mais c’est peut-être ce qui fait le sel de cet incroyable petit long métrage: souvent erratique, mélangeant constamment les registres, le réalisateur ne discutant rien et laissant les anecdotes les plus gratuites et illogiques sur l’écran, le film fonctionne en permanence comme un rêve des plus baroques, et la couleur n’atténue en rien cette impression, au contraire. Cette dernière ajoutée à la gourmandise de Curtiz pour l’utilisation de la lumière et du clair-obscur, permet d'obtenir des effets souvent somptueux.


Voici un petit rappel de l’histoire pour le cas ou elle ne vous serait pas familière, mais sachez que je parlerai de la fin (Et de certains petits secrets) d’ici peu : un meurtrier apparemment cannibale sévit dans les bas-fonds de New-York, utilisant du matériel chirurgical qui l’identifie comme un médecin appartenant à l’académie du docteur Xavier (Lionel Atwill) ; celui-ci va tenter de démasquer le criminel lui-même avec la collaboration de ses collègues (Dont le monstre, bien sur), sous le regard appréhensif de sa fille Joan (Fay Wray) et le tout se déroule également sous les yeux d’un reporter en mal de scoop (Lee Tracy). A l’épouvante, totalement maîtrisée (La mise en scène de Curtiz se régale de ces jeux d’ombres et de ces coups de théâtre visuels et gratuits), s’ajoutent des fragments de comédie épicée : on est en pleine époque « Pré-code », et Fay Wray, pas plus que dans King Kong n’est portée sur les pyjamas de fourrure. Il y a des relents de films de gangsters, le début du film, avec ces mouvements de police autour d’une morgue sous le regard d’un journaliste fouineur aurait pu être une annexe de Public Enemy, et on y trouve des réminiscences des comédies à la Front Page (Ce succès de 1931 était alors dans toutes les mémoires, et se retrouve ici dans les conversations entre Tracy et son patron : c’est à qui parlera le plus vite). La mise en scène tend globalement à nous faire penser que Curtiz a laissé le script se débrouiller tout seul, tournant tout y compris ce qui est illogique (Les fausses pistes et les actes manqués abondent : tout ce qui peut produire un effet, même mensonger, est utilisé), et a comme d’habitude évité de privilégier un acteur ou un groupe de vedettes, laissant le casting habiter l’action, et permettant à chaque personnage d’acquérir une vérité troublante, et une vie intérieure assez effrayante. Il y aurait beaucoup à dire sur le sadisme du majordome, qui se délecte de l’atmosphère horrifique en terrifiant la bonne en permanence, ou des tendances de certains des médecins qui lisent des revues cochonnes en cachette, ou observent d’un air mystérieux la fille de leur patron bronzant sur la plage… Curtiz utilise bien sur ses marques de fabrique, les jeux d’ombres, les plans composés de façon impeccable avec les objets du décor à l’avant plan, les conversations filmées derrière des paravents, et d’une certaine façon ne montre jamais rien de front : les ombres au lieu des acteurs, les personnages vus derrière un drap soulevé à la morgue, l’utilisation des miroirs pour les transitions, le tout forme un ensemble tortueux et visuellement excitant d’actions suggérées et cachées, en coulisse ou en son off : le film est, comme d’habitude pour un Warner des années 30, admirablement monté.


Cette mise en scène tire par ailleurs sa cohésion, d’autant plus remarquable si l’on se penche sur l’aspect hybride (Genres, acteurs de style différents…) du film, de la volonté de Curtiz de relayer le X du titre par sa mise en scène: les docteurs dissimulent tous un handicap ou une cicatrice, une malformation ou un vice, et le film est couturé de partout : combien de grilles, de croisement de fenêtres, d’ombres, de colonnes de rampe d’escalier viennent se placer entre nous et les acteurs pour participer à la dissimulation générale? Et du même coup, comment ne pas s’interroger sur le Docteur Xavier lui-même, y compris une fois le film vu, et une fois qu’il est disculpé ? Lorsqu’il examine le corps mutilé d’un collègue, se content-t-il d’examiner ou…? Il est frappant de constater que pour un directeur d’académie médicale, il a de drôles de motivations, s’étant efforcé de rassembler autour de lui une bande de bras-cassés (Littéralement) obsédés par les fanges déliquescentes les plus tortueuses de l’ame humaine : cannibalisme, influence de la lune… cela ressemble ç un appel d’offres pour savant fou. Et d’ailleurs, la première fois que l’on voit e Docteur Xavier avec sa fille, c’est pour le voir gêné par la lumière du jour. Pourquoi? On me répondra qu’il s’agit principalement de fournir du suspense au public, ce qui est vrai, mais il s’agit aussi d’ouvrir des portes, et le fait qu’on ait négligé de répondre à ces questions dans le cadre du scénario ne gêne en rien Curtiz lui-même, qui contrairement à d’autres réalisateurs qui auraient trouvé certaines scènes redondantes ou inutiles, les garde et les traite avec le même perfectionnisme que toutes les scènes plus importantes… Cela sert son dessein, et c’était le principal contentieux avec le studio, et cela s’apparente sans doute à toute l’histoire de sa vie de réalisateur…

Au-delà de l’apparente décérébration de ce film, s’agite un monde typiquement Curtizien : a ces galères microcosmiques, au bateau en provenance de l’Ile du diable (Passage to Marseille), au café Américain de Rick (Casablanca) se substituent ici l’académie et la « maison hantée » du docteur Xavier, repaires de gens de provenance diverses (Otto le majordome, Docteur Xavier et son accent appliqué, Docteur Rowitz…)bien définis et finalement tous inquiétants. Tous ont bourlingué, beaucoup ont survécu à des circonstances extraordinaires : ces exilés font de plus écho au propre exil de Curtiz, qui les peint comme de véritables névrosés, des accidentés de la vie, impossibles à réparer… De plus, il nous montre le meurtre comme un acte de création (Cannibale, bien sur) : le meurtrier ne mange pas ses victimes, il en utilise les chairs pour créer un produit qui sera la solution à toutes les blessures: ce type d’expérience absurde est bien sur l’apanage des savants fous, mais le coté créatif, allié à l’obsession de Xavier pour le théâtre, lui qui recrée les meurtres pour provoquer des réactions chez ses collègues Sinon, l’utilisation de figures de cire renvoie à l’art, sous toutes ses formes, y compris les plus sordides. Curtiz a filmé en 1931 un maître de ballet rendu fou et devenant criminel dansThe Mad Genius, et on verra avec Mystery of the Wax Museum ce que cette vision cannibale de l’art peut entraîner…

Bref, un film à voir tous les six mois.

 

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