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2 novembre 2019 6 02 /11 /novembre /2019 16:31

Le 9 novembre 1979, un débat organisé à la BBC opposait deux représentants médiatiques de la Chrétienté et deux comédiens issus de l'éminente troupe trans-Atlantique Monty Python. L'objet du débat était justement ce film, et sa sortie qui avait déclenché une tempête de protestations délirantes de la part d'un grand nombre de groupes religieux. En Grande-Bretagne notamment, le film a été accepté par l'organisme de censure central, ce qui voulait dire que le censure deviendrait en réalité locale: ça n'a pas loupé, les instances locales ont commencé à se déchaîner, généralement sous l'influence directe de groupes de personnes qui n'avaient pas vu le film...

Durant le débat, Michael Palin et John Cleese faisaient face à Malcolm Muggeridge, journaliste, essayiste et Catholique fervent, et à l'évèque de Southwark Mervyn Stockwood. Le débat en lui-même est une merveille d'humour, souvent involontaire, mais ce qu'il en ressort est assez affligeant: d'une part, il semble qu'il soit toujours difficile, même quarante années plus tard, de consacrer un film à la religion. D'autre part, les deux "opposants" au film étaient tellement nuls qu'on peut vraiment se demander ce qui motive encore tous ces groupes... Tout ça pour que deux misérables vieilles badernes en mal de publicité se lovent sur un fauteuil en accusant les comiques qu'ils ne regardent pas même en face d'avoir trahi le Christ ("Vous aurez vos trente pièces d'argent", pour les citer)... Mais en dépit de la perte de temps, cette heure de débat largement disponible sur le net, est l'occasion d'entendre Cleese et Palin qui a eux seuls sont sans doute les seuls membres de Python à pouvoir réellement représenter le groupe, résumer la vision globale des six comédiens sur leur film, une oeuvre qu'ils continuent aujourd'hui (sauf Graham Chapman, du coup) à défendre comme leur oeuvre la plus importante...La vérité donc est que loin de tailler un costard au Christ, le but des six membres de Monty Python était de s'intéresser au processus de mythification présent dans la Judée de l'époque des Evangiles, et de la prendre comme une sorte de terrain idéal pour représenter la naissance de toutes les religions. Et comme le soulignent les deux comédiens, durant tout le film, Jésus continue à vivre son destin, sans qu'il se passe quoi que ce soit pour l'empêcher de parler: le sermon sur la montagne est pris en exemple dans le débat, et c'est justement le moment qu'ont choisi les Pythons pour souligner qu'ils s'éloignaient de la vie du Christ littéralement, pour s'intéresser aux coulisses.

Rappelons donc l'intrigue de ce film unique en son genre: né le même jour, à la même heure et une étable à côté de Jésus, Brian (Graham Chapman) a eu l'étrange destin d'être considéré comme un messie, et d'aller jusqu'au bout alors que tout ce qu'il voulait, c'était globalement de vivre, en particulier pas trop loin de la belle Judith, mais aussi de régler son conflit intérieur: né de père inconnu, il lui est a en effet été dit qu'il était très probablement le fils d'un légionnaire Romain...

C'est une intrigue, beaucoup plus solide que celle de Monty Python's Holy Grail; et pour une fois, toutes les digressions possibles et imaginables sont totalement inscrites dans la continuité du film... Outre le fait qu'il soit luxueusement mis en scène par Terry Jones à son meilleur, le point fort de Life of Brian est précisément que l'humour, méchant voire corrosif, ne touche jamais la religion: il tourne autour, mais tout simplement parce que la cible est constamment les hommes qui l'exploitent... Le degré de réflexion du film est d'ailleurs impressionnant, avec un parallèle constant entre les épisodes et la manière dont les hommes se sont joyeusement fourvoyés ensemble, puis entre-tués, pour des histoires de liturgie, de saintes reliques et de lieux sacrés: en témoignent en particulier les scènes qui voient les curieux suivre Brian comme le Messie par malentendu... Ca commence par des gens qui décident d'enlever une sandale parce qu'il en a perdu une, et ça se termine par le lynchage d'un infidèle! Ce n'est pas la croyance qui est la cible, mais le dogme et l'insupportable tendance à l'obscurantisme.

Les Pythons réussissent même à se mettre d'accord sur un apport idéologique dans cet étonnant film puisque la leçon à retirer de tout ceci (et qu'auraient du suivre tous les critiques auto-proclamés de ce film, mais aussi les poseurs de bombes dans les cinémas qui  projetaient The last temptation of Christ sept années plus tard) c'est qu'avant de se jeter sur n'importe quoi pour en faire un dogme il conviendrait que l'homme réfléchisse. Et par ailleurs, comme le dit Brian à la foule, "vous êtes tous différents": la réponse dans le film est comique, je la cite donc... La foule, d'une seule voix: "oui, nous sommes tous différents!"... Puis un quidam seul au deuxième rang: "pas moi"...

Si j'ai cité cet incroyable débat au début de cet article, c'est sans doute parce qu'il montrait la noblesse de la comédie face aux arguments rassis, et aux manigances dogmatiques des deux invités qui n'étaient pas des Monty Python. L'âge désormais vénérable du film aidant, on a fini par vivre avec Life of Brian en bonne intelligence, et c'est tant mieux: d'abord parce que c'est un excellent film, et ensuite parce qu'il cristallise pour toujours le talent du seul groupe de rock dont aucun des six membres ne jouait ni ne chantait (sauf Eric Idle, bien sûr)... Et c'est parce qu'ils ont tous fini par tomber d'accord, que les six comédiens ont réussi à ce point à faire un film ensemble. C'est la force de cette production, qui est sans conteste la plus grande réussite cinématographique du groupe. Je pense aussi que c'est la seule, tant le premier film (Holy Grail) était, admettons-le, une vaste fumisterie, aussi soignée soit-elle, et le troisième, The meaning of life, ma foi, est surtout un épisode allongé du Flying circus. Pas le meilleur, du reste...

Mais je digresse à mon tour. Je vous invite à ne pas tenir compte de tout ce qui précède, et à prendre ce qui suit comme l'essentiel de ce qu'il faut savoir sur le film:

Life of Brian est une tentative de satiriser le passage de l'anecdote à la religion, et de faire de la comédie brillante dans les coulisses du sacré. C'est fait avec un texte brillant de bout en bout, des acteurs fabuleux, qui ne se limitent pas aux Monty Python, puisqu'on y reconnaît les amis Carol Cleveland, Neil Innes, George Harrison, Charles McKeown, Sue Jones-Davis, Spike Milligan et Terence Bayler (qui a presque autant de rôles que John Cleese)... On y raille aussi les leçons excessives de latin (Romani, Ite Domum) et Star Wars, dans une séquence idiote due à l'esprit malade de Terry Gilliam, on s'y moque avec classe des différences culturelles et de l'antisémitisme, on se moque de l'extrême gauche et de la révolutionnite aigue se muant essentiellement en diarrhée verbale (c'était il est vrai une époque où la gauche avait encore des cellules grises)...

Deux scènes pour finir: dans une séquence située au cirque, un supplicié fait courir le gladiateur qui doit le tuer, et ce dernier meurt d'une crise cardiaque: le condamné (Neil Innes) remercie la foule en faisant des bras d'honneur; dans la deuxième, les révolutionnaires ont un énième débat, et Reg (John Cleese) commet une erreur, celle de demander ce que les Romains ont apporté... Tous les participants ont alors un exemple à donner, rendant le message du leader impossible: les routes, le système d'évacuation d'eau, le vin... Un des présents avance même "la paix romaine", à l'approbation de tous!! 

Bref, c'est un classique. Quand à Muggeridge et Stockwood, tout le monde les a oubliés...

Addition (29 janvier 2020):

Depuis l'écriture de ce texte, deux de ses protagonistes nous ont, tristement, quitté: Neil Innes, compagnon de route, Python numéro 7bis, et musicien légendaire. Et bien sûr le grand Terry Jones: two down, four to go...

 

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20 avril 2019 6 20 /04 /avril /2019 17:37

Voilà ce qui arrive quand un groupe de comédiens-auteurs, qui ont tout dit, et ont pour mission de faire un film, sans avoir la moindre idée de ce qu'on peut mettre dedans: une sorte d'épisode géant du Flying Circus, avec un budget pharaonique, un semblant de direction ("parlons du sens de la vie"), une sorte de conclusion pré-déterminée (la vie et l'humanité ne servent à rien, n'écoutez pas ce que vous disent les corps constitués, surtout l' église, l'armée et l'éducation), et une envie de faire le tout d'une manière tellement folle qu'on ne vous confiera plus jamais les rênes d'un film...

Et c'est donc ce à quoi il fallait s'attendre: un film qui vous fera passer du sourire au rire gras, en envoyant aux orties toutes les occasions de finir proprement, à tout les sens de cet adverbe. Un accouchement traité comme une formalité, une comédie musicale sur l'interdit de la contraception interprétée par une famille pauvre et Catholique du Yorkshire, une leçon d'éducation sexuelle particulièrement graphique, une série de chapitres particulièrement sordides sur l'armée, la mort vue sous les angles les plus idiots, les plus scandaleux ou les plus crétins possibles, et au final, bien sûr on n'a pas avancé. Alors c'est un film, oui, par moments hilarant.

Mais je ne sais pas, et ne saurai jamais quoi en penser: escroquerie du siècle, ou coup de génie? John Cleese, lui, pense que ce bouquet de transgressions n'aurait jamais du exister. Terry Jones, pour sa part, le préfère à tous les autres. On ne les réconciliera jamais, ces deux-là!

Ce film qui joue avec sa forme comme jamais auparavant (laissant le court métrage de complément de programme le parasiter...) est une énigme, qui possède l'avantage de vous faire chercher le poisson.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Lemon Curry Monty Python Terry Jones Comédie Fish Terry Gilliam John Cleese
30 décembre 2010 4 30 /12 /décembre /2010 12:45

"Crimson" est le dernier lien concret de la filmographie commune des Monty Python et de Gilliam. Son histoire est simple: les Pythons faisaient un nouveau film, sous la direction de Terry Jones, et Gilliam, désormais plus un cinéaste qu'un animateur, ne voulait pas cantonner sa participation à quelques rôles (Mal) joués et quelques séquences d'animation. Il a obtenu d'avoir un budget eu une équipe pour un court métrage, dont on peut parier qu'il a coûté au moins aussi cher que le long métrage qu'il accompagnait en salles.


Ce film nous présente une fois de plus une satire de la bureaucratie Anglaise, versant Thatcher: de braves comptables se mutinent dans leur vieille entreprise contre leurs patrons, et se lancent das la piraterie financière au sens propre: ils lèvent vraiment l'encre, et se lancent dans d'hilarants abordages de multinationales. Gilliam s'en est donné à coeur joie, et les techniques de maquettes et de trompe-l'oeil utilisées dans Time bandits sont ici combinées avec des prises de vues très réussies. Le film se finit sur un clin d'oeil, mais les Pythons, beaux joueurs, ont permis à Gilliam de laisser son court métrage refaire une apparition dans The meaning of life, leur long métrage paru en même temps, faisant de The Crimson permanent Assurance le premier court métrage à avoir piraté un long métrage dans l'histoire du cinéma...
Après ce film, Gilliam vole désormais de ses propres ailes. Et l'étape suivante va faire couler beaucoup d'encre.

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Published by François Massarelli - dans Terry Gilliam Monty Python