L'un des derniers films à présenter Stan Laurel en personnage secondaire, cette comédie de deux bobines appartenait à la série fourre-tout des "All-stars", qui permettait au studio de bâtir des films autour d'acteurs sur le retour, d'anciennes stars qui tentaient de retrouver un semblant de splendeur... à un prix modique. On a vu Priscilla Dean, Creighton Hale ou encore Mabel Normand se prêter à l'exercice... Ici, c'est Agnes Ayres.
Celle-ci est une dame mariée à un dandy, et ils ont tout pour être heureux, mais un maître chaneur veille: il adresse à la jeune femme un ultimatum, car il possède des lettres compromettantes. Avec son valet, l'épouse se lance à l'aventure...
C'est une charmante et loufoque comédie qui se veut largement une parodie de mélodrame conjugal, ce qui n'a aucun mal à être drôle! Laurel y est un intéressant majordome, avec de la ressource, mais dans lequel on voit parfois poindre certains traits de son personnage en devenir... Et il assure une bonne part du show à lui seul, un signe qu'on avait compris chez Hal Roach qu'il y avait décidément d'excellents acteurs de génie dans le studio... Surtout un.
A noter: le film exploite beaucoup la complicité des personnages de Laurel et Ayres, qui doivent à tour de rôle assumer le traits d'une mystérieuse inconnue... Et quand Laurel, à l'avenir, allait se déguiser en femme, elle serait souvent prénommée Agnes...
Voici un film intrigant, à l'histoire bien compliquée... Pas l'intrigue en soi, à plus forte raison dans ce qui reste du film: seuls deux fragments tirés de la deuxième bobine, et totalisant 4 minutes, ont été conservés. Je parle bien sûr de l'histoire de sa production...
Dans ce qui reste du film, deux policiers, James Finlayson et John T. Murray, se déguisent l'un en pierre tombale et l'autre en arbre (oui, cest authentique) pour prêter main-forte à un valet afro-américain (Oliver Hardy) déguisé en agent de police, et qui doit surveiller les agissements interlopes d'un groupe de trafiquants dans un cimetière la nuit.
Un: oui, Oliver hardy est en blackface, de quoi nous embarrasser fortement...
Deux: et oui, il doit se comporter selon la convention en vigueur, qui vouait les afro-américains à la peur superstitieuse de la mort et de ses manifestations, dans les films de l'époque. C'est tout aussi embarrassant...
Une fois dit ceci, ce film loufoque est, en l'état, un festival de la gestuelle accomplie et maîtrisée à l'extrème de l'acteur, qui pourtant dans la version intégrale n'est qu'un personnage secondaire!
Le film a du déplaire, d'ailleurs, ou ne pas apparaître comme facilement exploitable, à l'heure où Roach se diversifiait un peu trop. Tourné en 1926, il a reçu son copyright (chez Pathé) en 1927 mais n'est sorti qu'une fois la collaboration entre Roach et la MGM entamée... Soit en 1928. Pathé avait gardé quelques films sous le coude, celui-ci est passé dans le lot. Peut-être quelqu'un a-t-il jugé qu'il était peu exploitable en capitalisant sur Hardy, puisqu'on ne le reconnaitrait pas... Quoi qu'il en soit, nous voici avec ces étranges quatre minutes sur les bras...
Film typique de ce que Michel Chion a appelé l'inter-rêgne entre le muet et le parlant, The younger generation est hybride, majoritairement muet avec quatre séquences parlantes qui ne doivent pas totaliser plus de vingt minutes. Adapté d'une pièce de Fannie Hurst, l'auteur de Humoresque, qui fut un gros succès pour Frank Borzage en 1920, le film est tout comme celui de 1920 l'une des rares incursions de Hollywood dans la communauté Juive, et le film ne ménage pas sa tendresse. Premier acteur cité au générique, Jean Hersholt y interprète Julius Goldfish, un marchand du Lower East Side, dont la maison brûle à cause de l'animosité de son fils Morris pour son voisin Eddie Lesser, qui est très proche de la soeur de Morris, Birdie.
Morris, qui travaille, va faire preuve d'esprit d'initiative, et la famille va grâce à lui gravir les échelons. Les années passent, et les Goldfish sont désormais une famille huppée sur la 5e avenue, dont le chef est Morris (Ricardo Cortez). Outre Julius et son épouse (Rosa Rosanova), la fille est interprétée par Lina Basquette, la "Godless girl" de DeMille l'année précédente. comme dans le ghetto, la famille fonctionne selon une division très claire: la mère est toute entière dévouée à son fils, mais le père et la file sont plus proches l'un de l'autre. Morris se comporte en dictateur, imposant des règles en fonction de son désir d'avancer en société. il intedit à son père tous ses plaisirs, revoir ses amis, voire se montrer dans son ancien quartier. Pire, il interdit à Birdie de revoir son amoureux Eddie Lesser (Rex Lease). Et lorsque celui-ci fait de la prison pour avoir été complice d'un cambriolage, Morris chasse Birdie...
Le héros semble être Julius, et la verve de Hersholt attire beaucoup l'attention, mais le titre est aussi suffisamment explicite. Le film nous conte, à travers les parcours très différents de Birdie et Ed d'une coté, et de Morris de l'autre, épris de respectabilité et de réussite au point de se renier, la difficulté à se situer des enfants d'immigrés Juifs qui sont nés Américains. L'émancipation pour Birdie passe par un respect affectif de ses parents, mais pour Morris, elle doit passer par le gommage de toutes les aspérités. Celui qui souffre le plus de cette volonté de mentir sur ses origines (symbolisée d'ailleurs par un mensonge explicite dans le film, lorsque Morris renie ses parents face à eux, dans une scène d'une grande cruauté), c'est bien sûr Julius: il y a un peu de Mr deeds au début, lorsqu'il se réveile et ne parvient pas à adapter son bon sens à de nouvelles habitudes luxueuses que voudrait lui faire prendre son fils. Une scène dans laquelle la tendresse de Capra et Hersholt à l'égard du personnage est évidente, le voit tenter de blaguer avec le majordome, et sourire lorsqu'un livreur le suit dans sa tentative d'humour. Ces quelques secondes de complicité sont l'une des rares ocasions pour le vieil homme de rire, il s'en plaint, d'ailleurs, et va littéralement décliner lorsque Birdie sera chassée. On le voit, seul dans une pièce, se plaindre des persiennes qui lui cachent le soleil. Ricardo Cortez a le rôle délicat d'assumer d'être le méchant du film. Il est raide, sec, mais à la fin, lorsqu'une fois sa famille partie le riche Morris s'assied dans un fauteuil, les persiennes dessinent une ombre sur son visage: son père lui a légué son malheur... Son assimilation est peut-être réussie, mais il a raté tout le reste...
Les scènes muettes sont les meilleurs moments du film, ce qui n'est pas une surprise, le rythme des dialogues étant typiquement lent, comme c'était la règle en 1929. La première bobine en particulier, celle qui se termine par l'incendie, est typique du talent technique de Capra, très à l'aise dans la description du quartier, et la l'exposition des personnages. Mais si les scènes parlantes sont moins intéressantes, Capra a fait des efforts pour maintenir un montage assez fluide, et ne pas laisser le dialogue faire la pluie et le beau temps. Certains dialogues sont lourds, d'autres marqués de beaux moments: un quart d'heure entier, à la fin de la troisième bobine et sur toute la suivante, est consacré à des scènes parlantes par lesquelles le cinéaste nous montre les personnages dans leur nouvel environnement du à la persévérance de Morris. Elle servent un peu de complément à l'exposition des personnages, et tous les cinq participent aux dialogues. une autre scène vers la fin, voir Julius retourner "chez lui", visiter la mère d'Eddie, afin de prendre des nouvelles de sa fille. Mrs Lesser ayant reçu une lettre, Capra utilise le son pour nous faire entendre la lecture de la lettre par un enfant.
J'ai déja mentionné le passage durant lequel Julius Goldfish se comporte ccomme un Deeds, au réveil, cherchant désespérément des joies simples qui lui sont refusées, mais le film est empreint d'un autre thème typique du metteur en scène: l'ennemi, ici, vient de la famille, comme dans Mr Smith goes to Washington Claude Rains est à la fois un ami de Stewart et un corrompu, ou dans Meet John Doe dans lequel Cooper est manipulé par la femme qu'il aime, comme dans It's a wonderful Life le péril vient de la ville elle-même, à travers la volonté hégémonique de l'un de ses citoyens. On pourrait aller jusqu'à citer les nombreuses organisation tordues dans ses films, voire la famille de cinglés de Arsenic and old lace: chez Capra, le mal est d'abord très proche, il faut aller le chercher au fond de soi. C'est un constat très Catholique à faire pour un cinéaste Italien, mais qui peut surprendre devent un film qui ne sort jamais ou presque jamais de la communauté Juive. Pour finir, le film confirme l'intérêt de l'oeuvre de capra, et bien sur son incroyable vitalité, tout autant que son talent à faire des mélodrames qui vont loin. Pas jusqu'au miracle, on n'est pas chez Frank Borzage, mais le mélodrame à la Capra est plus réaliste, moins enflammé, et finalement aussi attachant.
Ce film est le premier de Capra à sortir du cadre des petits compléments de programme (Policiers, comédies, mélos, tous réduits en durée, et en budget) à la Columbia. Comme on le sait, ces compléments de programme sont généralement d'une qualité bien supérieure à ce qui était attendu, donc il est probable qu'Harry Cohn était à l'aise pour lui confier un budget conséquent... Ce film sera non seulement un gros succès, mais il consolidera encore plus la position du metteur en scène au studio, tout en inaugurant un cycle de film d'hommes, dont les deux qui suivront (Avec les deux mêmes acteurs dans les rôles principaux) seront parlants: Flight et Dirigible.
Jack Dorgan (Jack Holt) et Bob Mason (Ralph Graves) sont deux marins et scaphandriers, habitués à remplir des missions ensemble. Ils ont sillonné la terre entière, et se sauvent mutuellement la vie à chaque occasion qui se présente, sans jamais arrêter de se chamailler comme des gosses. Bref, des hommes, des vrais... Mais Mason, plus jeune que son copain, est généralement le plus rapide à séduire les dames. Il a même un truc: il leur offre des jarretières affriolantes... Mais alors que son compagnon est en mission sans lui, Dorgan rencontre dans un bar la jolie Bessie (Dorothy Revier), tombe amoureux, et l'épouse. Quand il part en mission à son tour pour une semaine, elle retourne faire la fête, et rencontre un beau marin qui la séduit tout de suite: Bob Mason...
Tout ce qui précède occupe essentiellement la première moitié du film, un prologue au drame, que Capra utilise pour installer du suspense dans la relation des deux amis. La deuxième moitié de ces 90 minutes concerne un naufrage, celui du sous-marin dans lequel travaille Mason. Le seul homme qui pourrait plonger et permettre de dégager le sous-marin de l'extérieur, c'est Dorgan. Le problème, c'est qu'il ne veut pas, en dépit de ses remords: la trahison de Mason lui reste en travers de la gorge.
Oui, mais... s'agit-il vraiment d'une trahison? Le moins qu'on puisse dire, c'est que dans ce film d'hommes, donc, les femmes n'ont pas une image très reluisante. Dorothy Revier n'a pas d'autre rôle que celui de garce, et à ce titre elle anticipe furieusement sur la Viviane Romance de La belle équipe! Donc, on est dans un monde de conventions dramatiques, mais celles-ci servent surtout à nous accrocher à l'histoire. Pour moi, l'important dans ce petit grand film, c'est de voir à quel point Capra a su trouver la mise en scène la plus efficace pour le projet. En terme de montage, d'atmosphère, de petites touches par-ci et par-là, le film est un sans fautes, parce que la mise en scène ne faillit jamais... Capra, dans son sous-marin dont les hommes meurent à petit feu, laisse l'urgence de la situation lui dicter un suspense impressionnant. Et même si le film louche sérieusement du côté des autres films de ce genre, qui étaient légion depuis The blue eagle de Ford ou What price glory de Walsh, la caractérisation musclée des deux acteurs principaux emporte sérieusement l'adhésion.
Et puisque on est à parler de ces films Fox avec Victor McLaglen ou George O'Brien, il me semble utile d'ajouter que si A girl in every port, de Hawks, est sorti en février 1928, et ce film de Capra en novembre de la même année, il serait déloyal de les comparer. Non par rapport au statut "supérieur" de la Fox sur la Columbia à cette époque, non: le Capra est franchement le meilleur des deux.
Lors de ses débuts à la Columbia, le jeune Capra connaissait déjà furieusement son métier, et privilégiait la vitesse, avec une sûreté d'exécution qui laisse pantois. Cette histoire de reporter ambitieux est excellente: Clem Rogers, journaliste, est las de devoir faire les chiens écrasés (Ou la météo), et obtient une dernière chance de son patron. Il se retrouve dernier arrivé sur les lieux d'un crime mais le hasard fait bien les choses: il assiste à la fuite d'une jeune femme, et suite à un quiproquo, écrit un papier qui accuse la jeune femme, la fille d'un politicien en campagne... mais la jeune héritière victime de l'histoire en question se rebiffe, et les deux font alliance pour faire éclater la vérité.
Energique, élégant, et attendrissant. un film pré-Tintin qui a bien pu inspirer Hergé, qui était très fan du cinéma Américain (plus que des Etats-Unis eux-mêmes, d'ailleurs...). On y retrouve cette vitesse, cette atmosphère des salles de rédaction qui va envahir en quelques années les films des années pré-code, et Douglas Fairbanks Jr, dont le personnage est souvent considéré comme un ado capricieux par ses collègues, avance dans cette enquête cousue de fil blanc avec humour et charme. Et puisqu'on en parle, il y a aussi un atout fantastique: face à lui, la délicieuse Jobyna Ralston!
Pour vraiment anticiper sur les futures réussites de Capra, il aurait peut-être fallu développer une partie consacrée au doute, mais Clem Rogers, en route vers une carrière prestigieuse, n'a pas de temps à consacrer à une remise en question. Et puis... c'est une comédie.
Handsome Williams (Mitchell Lewis) est un gangster, un vrai dur... Sa seule faiblesse, apparemment, est une jeune femme (Alice Day) qu'il aime à écouter en cachette quand elle joue du violon le soir... Car il est épouvantablement laid et elle est aveugle... Un jour qu'il l'écoute, la concurrence tente de l'éliminer. Il recueille la jeune femme comotionnée, et commence alors un étrange rapprochement: elle lui est reconnaissante de sa délicatesse mais il ne peut accepter qu'elle lui touche le visage... Il utilise donc un de ses "protégés", Dan (Theodore Von Eltz), un pianiste qui n'a pas ses cicatrices.
Le film de gangsters était très à la mode après Underworld, de Sternberg (1927)... Et ce film lui doit beaucoup, transposant les personnages de George Bancroft et Clive Brook, à travers ce chef de gang impitoyable et qui cache sa sentimentalité derrière la brutalité, et ce pianiste alcoolique qui est réfugié dans la pègre pour enrayer sa chute... Mais Capra n'est pas Sternberg, il traite différemment son sujet, allant plus directement à l'expression des sentiments, sans les écarter ou les masquer d'un rideau de fumée. Et il s'amuse de la peinture de tout un milieu en donnant vie aux ennemis du "héros", une bande menée par "Tiger Louie" (William Norton Bailey) auprès duquel on reconnait Margaret Livingston...
Il faut admettre que le film semble omettre un point important dans son déroulement: le fait est que ces gangsters s'entretient, oui, mais c'est comme si les honnêtes gens n'existaient pas! On ne verra donc jamais Handsome dans l'exercice de sa profession... Mais Capra a tout misé sur l'histoie d'amour, un vrai triangle amoureux d'ailleurs, enytre le boss, son protégé qui bien sûr va tomber amoureux de la jeune femme, et cette dernière. Et pour bien comprendre l'importance de cette intrigue sentimentale, les bandes vont se déchainer autour du kidnapping de la jeune femme... La laideur d'Handsome (au passage, l'adjectif devenu son surnom est à prendre évidemment dans le sens contraire) n'en reste pas moins une métaphore de la laideur de son âme de gangster sans doute...
Un excellent petit film en tout cas, qui montre la versatilité de Capra, qui sans jamais s'abstenir de verser dans la comédie, minimise cet aspect de son style, pour se concentrer sur les éléménts stylistiques du film noir tels que Sternberg, Milestone ou Browning les ont établis depuis quelques années... Et Mitchell Lewis, qu'on a vu dans tant de comédies, est impressionnant dans ce rôle de gangster qui ne peut vivre son amour fou jusqu'au bout...
Don Wilson (Johnnie Walker) est une vedette de Broadway, à la carrière parfaitement placée sur ses rails, mais le succès lui pèse parfois... Il décide de s'octroyer un peu de repos et de s'aérer, et se rend dans la campagne... Où il tombe en panne avec son agent et des amis. Durant la réparation, les quatre hommes se rendent à un spectacle de théâtre itinérant donné par des saltimbanques, et reconnaissent que c'est "tellement mauvais que ça en devient bon". Don, sous un faux nom, participe même au spectacle et joue lamentablement un petit rôle dans la pièce (un abominable mélo de la guerre de Sécession). Mais il est intéressé par la personnalité de l'actrice principale, Ginger Bolivar (Bessie Love), la fille du directeur de la troupe: il décide demanoeuvrer pour faire venir la troupe à Broadway dans le but de les utiliser, en faisant rire les spectateurs à l'insu des acteurs...
Ca rappelle souvent Spite Marriage de Buster Keaton, sorti l'année suivante, et il est probable que les deux films ont été inspirés de la même pièce: les similitudes entre les deux versions d'une pièce de répertoire sur la guerre civile sont troublantes. Sauf quand dans le cas du flm de Keaton, c'est un spectacle supposé d'une grande dignité qui est saboté par les inepties d'un figurant, quand ce film de Capra pose finalement le cas contraire... En acteur doué qui tente d'adapter son style à son incognito d'une part, et à la mauvaise qualité de son entourage, le très spiritueux Johnnie Walker fait du beau travail. Le reste de la troupe est pour le metteur en scène l'occasion de développer une galerie de portraits parfois un peu outrés, mais qui se situent dans les habitudes de la comédie: Bessie Love, bien sûr, se détache particulièrement, en dominant par son investissement physique la distribution...
Mais cet aspect de farce n'occupe que les vingt premières minutes dont le tempo et le ton sont ceux d'un court métrage de deux bobines: Capra développe différemment sa deuxième partie, en se concentrant surtout sur le point de vue des acteurs: aussi médiocres soient-ils (et ils le sont, vous pouvez me croire...), il apparaît qu'ils croient à ce qu'ils font, et le film souligne à quel point finalement leur public rural est après tout satisfait de l'offre théâtrale des acteurs de troisième choix. Et Don Wilson, en faisant son malin, va découvrir à ses dépens que bonne ou mauvaise actrice, Ginger vaut la peine. Une sorte de préfiguration de Mr Deeds et Mr Smith, avec ses naïfs ruraux pris dans la tourmente citadine, nous apparaît ici.
Et la mise en scène de ces Capra muets réalisés pour la Columbia est toujours aussi dynamique et enthousiasmante, on y sent la rapidité à l'oeuvre (même si cette impression est certainement accentuée par un montage qui a été revu, pour une version qui n'est pas aussi longue que l'originale), et l'efficacité du metteur en scène fait merveille. Dans le cadre de la comédie, bien sûr, et sa touche est déjà bien présente, mais il s'octroie une très jolie scène de révélation sous la pluie, avec Bessie Love au sommet de son art, un mélange subtil de comédie de situation, et même de tragédie, la jeune actrice comprenant qu'elle a été roulée dans la farine par l'homme qu'elle aime...
Hilda Jenson travaille dans la petite épicerie d'un quartier populaire, où elle reçoit souvent la visite du caïd du quartier, Spike Mullins. Celui-ci, un boxeur terriblement imbu de lui-même, ne la remarque pas... Celui qui la remarque en revanche, c'est Jerry, un assistant chez le tailleur d'en face de l'épicerie. A l'occasion d'un bal, il l'invite et lui fournit même des vêtements de sa boutique. Lors de la danse, elle est enfin remarquée par Spike, qui décide d'en faire sa petite amie... de force. Jerry désapprouve, mais Spike le tient à distance par la menace... Et Hilda, revenue de ses sentiments, est touchée par l'opposition de Jerry, mais agacée par son incapacité à se défendre. Jerry va donc apprendre à boxer. Mais Hilda va l'aiderd'une façon spectaculaire...
Le cinquième long métrage de Capra, et le deuxième pour la petite compagnie Columbia (Après That certain thing), c'est aussi sa première vraie comdie pour le studio. Et déjà, on y voit quelque chose qui surpasse radicalement les capacités affichées d'une petite entreprise qui ne s'était pas illustrée vraiment, jusqu'à présent... Mais qui avait sans doute rouvé son champion. Et celui-ci avait trouvé son univers, c'est indéniable...
J'ai bien dit que c'est une comédie: c'est l'un des traits les plus "Capraesques" du film, que de développer de la comédie sur une intrigue de mélo, à moins d'ailleurs que ce ne soit le contraire! Et cette histoire lui permet de laisser libre cours à un de ses péchés mignons, la peinture, pour l'instant discrète, d'un milieu éminemment populaire, entre le snack où on mange des sandwiches douteux, la petite boutique du tailleur (Katz, qui est une caricature d'immigré Juif comme on n'en ferait plus, ni exempte de clichés agaçants, ni surtout vile: le metteur en scène aime ce personnage et lui donne presque le dernier mot), un décor de rue particulièrement sommaire, et l'ambiance joyeusement bordélique d'un match de boxe!
Il n'oublie pas non plus de donner à ses deux héros cette ambiguité, entre la faiblesse (les deux sont bien mal partis dans la vie au tout départ), la gaucherie du héros comique (il transpose les habitudes prises auprès de Harry Langdon lors de leurs films communs), et une force acquise au fur et à mesure de la découverte de leur amour. On pioche ici aussi dans le conte de fée (le tailleur sert de bonne fée, qui laisse Jerry fournir des vêtements de princesse à Hilda, qui la transfigurent)...
Le rythme est énergique, et le jeu soutenu. Certes, Johnnie Walker en fait des tonnes dans le rôle de Mullins, mais son fier-à-bras totalement désinhibé est un intéressant méchant de cinéma, à commencer par le fait qu'il n'est sans doute pas totalement méchant, il a juste besoin d'une bonne correction!
Reste à raffiner la formule et l'univers, et à choisir: ici, entre Shirley Mason (déjà aguerrie, elle est une actrice de cinéma depuis 1910, autant dire le déluge à cette époque) et le jeune William Collier, Capra a du mal à choisir. L'actrice la plus connue est la star en titre, et son personnage nous est convenablement développé... Mais Capra aura toujours tendance à donner plus de voix à ses protagonistes masculins.
Tout un symbole: ce premier film de Frank Capra pour la Columbia, le studio qui va le mener au firmament malgré sa petite taille (le studio, pas Capra) est sorti le 1er janvier 1928. C'est en fait le quatrième long métrage de celui qui fut longtemps un gagman chez Sennett, puis un scénariste, et que Harry Langdon avait promu au rang de metteur en scène pour Long Pants, son premier long métrage indépendant.
Si That certain thing est d'abord une affaire très économique, avec des vedettes considérées comme étant de seconde zone (Ralph Graves, Viola Dana, Burr McIntosh, tous des oubliés des années 20), l'énergie des comédies de Capra est déjà la: l'histoire est celle de Molly (Viola Dana), une jeune femme qui survit dans un quartier populaire, jusqu'au jour ou elle rencontre le fils (Ralph Graves) d'un milliardaire (Burr McIntosh), et l'épouse le jour même. Le milliardaire déshérite son fil illico, et le jeune homme vient s'installer chez sa belle épousée. Afin de s'en sortir, ils montent une entreprise de confection de déjeuner tout prêts, qui va faire de la concurrence aux restaurants du père...
Le sujet se passe donc dans l'Amérique qui travaille, et le lien entre capital (le père, le fils qui devient chef d'entreprise) et travail (Les ouvriers qu'il faut nourrir) renvoie à l'optimisme Républicain de Capra, qu'il affichera toute sa vie, le mâtinant toutefois d'une générosité que les Républicains d'aujourd'hui ne connaissent plus. Il montre vraiment un vant-goût de son univers chaleureux quand il nous donne un aperçu du quartier populaire où habitent Molly et sa famille... Les ethnies et les cultures s'y mélangent, en bonne logique du melting-pot: la façon dont tout le monde se côtoie, s'épaule dans l'immeuble ou habite Molly nous donne à penser que finalement, tous ces voisins forment une petite famille, soudée dans l'adversité.
...Jusqu'à un certain point: la scène où Viola Dana rentre chez elle après avoir quitté son mari, et se fait accueillir par ses voisins qui la traitent de tous les noms après avoir vu l'annonce de son mariage express dans le journal, est un grand moment de cruauté. ...Qui se termine par la comédie, par la grâce d'une série bien placée de coups de rouleau à patisserie!
Le film est une comédie sentimentale centrée sur deux personnages, dont le début n'est finalement pas très éloigné de ce qu'aurait fait Harold Lloyd, même si ce dernier aurait certainement privilégié une approche plus centrée sur le jeune homme. Mais Viola Dana bénéficie de cette attention, et elle semble "manoeuvrer" pour se rapprocher du jeune homme qu'elle rencontre, avec efficacité, sans qu'aucun intertitre n'ait besoin de nous expliquer la situation. Le futur metteur en scène de It's a wonderful life nous rappelle s'il en était besoin qu'il a commencé dans la meilleure école qui soit, celle de la comédie muette. Ce qui ne l'empêche jamais pour autant d'afficher un savoir-faire en matière de rprésentation des sentiments, sans jamais s'interdire le premier degré de l'émotion.
Ce film n'a sans doute pas fait la moindre vague à cette époque, tant il était acquis que la Columbia était un studio sans envergure. Ca n'allait pas durer...
Toots (Thelma Hill) et Casper (Bud Duncan), un couple marié sans histoires (?) arrive au bout du voyage: M. prétend que San Diego est au Sud, alors que Madame affirme que c'est au Nord. Ils décident donc d'en statuer devant une cour de divorce...
Tiens donc: j'ignore si ce film est un remake officiel de Now I'll tell one, le film de James Parrott avec Charley chase (aujourd'hui cruellement amputé de sa première bobine), mais le fait est que si ce n'est pas le cas, c'est plus que troublant: même situation globale (un couple souhaite divorcer et madame raconte des mensonges tous plus gros les uns que les autres), même intrigue secondaire (un avocat totalement à l'ouest pour Monsieur), et même recours à des flash-backs filmés lors du procès...
Charitablement, on dira que ce n'est pas aussi bon. Ca reste un gentil moment de gentille loufoquerie...