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19 février 2020 3 19 /02 /février /2020 16:04

Ceci est le quatrième long métrage de Micheaux, et le deuxième à avoir survécu. A l'instar de Within our gates, il y expérimente avec un style qui lui fait jongler avec les genres, entre pamphlet sérieusement anti-ségrégationniste, mélodrame basique et tragédie baroque. 

De même que pour Within our gates, il y a un passage du Sud vers le Nord, présenté comme un endroit moins propice à la ségrégation, mais dans lequel on retrouve quand même un peu de ces lois et convenances que les Noirs du Sud avaient regroupées sous le terme ironique de Jim Crow... Evon (Iris Hall) est une jeune femme qui a perdu sa famille, en particulier son grand père, et qui prend possession d'une cabane qui lui appartenait. Elle va se retrouver au milieu d'une série d'intrigues, entre le mulâtre qui refuse d'admettre son appartenance à la communauté Afro-Américaine, le brave voisin noir qu'elle voudrait tant aider, et les blancs qui s'organisent en société secrète (du genre qui ne sort que la nuit, et avec des déguisements encore) afin d'exproprier les noirs...

On est bien sûr tenté de dire "quelle salade", mais ce serait une erreur, car les films de Micheaux ont tous en commun d'être en effet soumis aux lois du genre mélodramatique. La seule façon pour le réalisateur, de pousser son avantage, lui qui réussissait, parfois au prix de grands sacrifices, à financer des films qui allaient ensuite être montrés dans les cinémas pour la clientèle noire, savait à quel point il lui était important de fidéliser son public en lui proposant, en quelque sorte, une version totalement acceptable de qu'ils pouvaient éventuellement voir du cinéma des blancs: donc, dans ce film comme dans les autres, il y a des larmes, des coïncidences, des flash-backs appropriés, des gags aussi (et comme dans Within our gates, ils impliquent E.G. Tatum, un acteur de comédie qui joue un noir assez proche de la caricature des afro-américains vue dans les comédies...).

Tout était permis, qui permettait à Micheaux de montrer le racisme en action, de questionner la suprématie blanche, de montrer aussi cette obsession ignoble de la race et de la pureté, mais l'ironie était que Micheaux était par ailleurs forcé, si'l ne voulait pas être censuré et emprisonné, de se soumettre aux lois du pays, et donc de montrer les blanches avec les blanches et les noirs avec les noires, d'où une scène finale un peu étonnante, où tout rentre enfin dans l'ordre. Un autre aspect de ses films apparaît ici: la façon dont il attribue les rôles des gens les plus sophistiqués à des acteurs et actrices (souvent des amateurs, incidemment) qui sont plus pâles que les autres. c'est gênant, bien sûr: mais il n'avait sans doute pas le choix...

Il est dommage que ce film soit incomplet: sous-titré "A story of the Ku-Klux-Klan", il montrait la société secrète en action dans deux bobines, ce sont justement celles qui se sont décomposées, pourtant à l'abri de toute intervention des "chevaliers", puisqu'on a retrouvé l'unique copie du film, avec des intertitres Français et Flamands, à Amsterdam...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1920 Oscar Micheaux
18 février 2020 2 18 /02 /février /2020 17:45

Sorti en 1920, le deuxième long métrage de Micheaux est aussi, aujourd'hui, le plus ancien de ses films à avoir survécu, et l'un des seuls trois rescapés de sa période muette... Micheaux, réalisateur indépendant, est un autodidacte noir qui a tout fait pour devenir à sa façon un incontournable du cinéma Afro-Américain, ce qu'on appelait les "race films", destiné d'abord et avant tout à la clientèle des cinémas exclusivement noirs des grandes villes. Mais surtout, c'était quelqu'un qui, s'il lui arrivait (plus souvent qu'à son tour, selon l'expression consacrée) de sacrifier aux tendances les plus éculées du mélodrame le plus vil, tendait aussi à vouloir choquer les consciences, en rappelant les habitudes folkloriques des blancs du Sud, comme il le fait dans ce film: selon la légende, c'était sa réponse au dégoût engendré par The birth of a nation, sorti en 1915 par Griffith...

L'intrigue du film est un peu confuse, et touche à un grand nombre de thèmes qui sont brassés par Micheaux avec parfois la main lourde d'un réalisateur qui veut tout faire et trop vite: le désir d'élévation des populations noires, les différences Nord-Sud (soulignées dès le début par un intertitre qui ne fait pas dans la dentelle), la criminalité importante, mais aussi l'existence d'une bourgeoisie cultivée: la jeune Sylvia Landry (Evelyn Preer) s'apprête à se marier avec un géographe, Conrad James Ruffin), mais celui-ci rompt après un traquenard tendu à Sylvia par sa cousine Alma (Floy Clements) qui aime Conrad. De dégoût, Sylvia retourne vers le Sud où elle s'intéresse à une école qu'un révérend noir souhaite promouvoir afin d'avancer la communauté: Sylvia retourne donc dans le Nord pour y prospecter d'éventuels donateurs et mécènes. Elle va aussi bien tomber sur des blancs progressistes que des racistes soucieux d'empêcher l'étendue du savoir des noirs. Et surtout, elle va rencontrer le Dr Vivian, un afro-américain qui va tomber amoureux d'elle...

Les scènes s'enchaînent, les coups de théâtre et autres secrets inavouables aussi. Mais on ne s'en plaindra pas trop, car le coeur du film est précisément un de ces secrets, révélé sur la fin du film par Alma, lors d'un flash-back: on apprend à la fois que Sylvia est la fille légitime d'un blanc marié en secret à une noire dans le Sud, mais aussi qu'elle a échappé à un lynchage géant, organisé autour d'une machination ignoble. La scène de lynchage est impressionnante, et Micheaux y utilise le montage avec énergie sinon avec adresse. Et il fustige non seulement les blancs et leur tendance à avoir la corde chatouilleuse, mais aussi les "Oncle Tom", ces noirs accusés de vouloir jouer trop facilement la carte de leurs tortionnaires en se faisant bien voir: le portrait de Efrem (E.G. Tatum), le noir qui dénonce la famille de Sylvia, est un étrange mélange d'excès indigne et d'humour corrosif, et on verra que dans le film, celui qui a voulu s'attirer les bonnes grâces des blancs finira lynché à son tour, pour passer le temps...

Within our gates, y compris avec ses maladresses, sa tendance à l'excès en tous genres, son interprétation parfois erratique, est malgré tout un moment important: non seulement la communauté Afro-Américaine a commis le film, mais on y aborde des thèmes qui n'étaient jamais exploités, ou alors tellement dilués dans le cinéma mainstream Américain de l'époque. Il s'y exprime une conscience dure, froide et peu encline au pardon, de l'injustice ethnique aux Etats-Unis. Et rien que pour ça, sa valeur est immense...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1920 Oscar Micheaux
17 février 2020 1 17 /02 /février /2020 16:39

Deux jeunes amoureux ont prévu de se marier, mais, alors que le fiancé vient retrouver sa promise, il rencontre une ondine, ou sirène... Il est désormais condamné à abandonner son mariage et à tenter de rejoindre la créature...

C'est un film essentiellement décoratif, dû (ou attribué, car la prudence reste de mise quant aux films produits durant ces années de formation) à Georges Denola, acteur et metteur en scène qui a généralement tourné chez Pathé des fééries, un genre dont Capellani se lassait... C'est en couleurs, c'est charmant, mais ça sent le théâtre fin de siècle...

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Published by François Massarelli - dans Muet
17 février 2020 1 17 /02 /février /2020 16:23

Alors que le tumulte de la terreur commence à se mordre la queue, on assiste aux difficiles amours entre Tallien (Jacques Grétillat) et la prisonnière Royaliste Térésa Cabarrus, Marquise de Fontenay (Marie Ventura). Celle-ci, emprisonnée en compagnie de Josephine de Beauharnais (Angèle Nadir), estime que sa seule chance de salut réside en la possibilité d'une chute de Robespierre (Georges Saillart)...

Une copie en couleurs de ce film est préservée au musée Eye d'Amsterdam. La fin de ce film est, semble-t-il, perdue. On en sait assez peu sur un film qui est passé au travers des mailles des filets de plusieurs historiens, en raison probablement de plusieurs titres différents ce qui rend toujours le travail des archives compliqué. Il est toutefois mentionné dans l'indispensable biographie rédigée par Christine Leteux.

Notons pour les amateurs de seconds rôles muets, que l'acteur des futurs films de Erich Von Stroheim Cesare Gravina, venu d'Italie, aurait tourné dans ce film, quelques années avant son départ pour les Etats-Unis... Mais je me contenterai du conditionnel, ne l'ayant pas reconnu.

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Published by François Massarelli - dans Albert Capellani Muet
17 février 2020 1 17 /02 /février /2020 09:43

Aux tous débuts du western, d'une part il s'agit de bien comprendre qu'il n'y a aucun besoin de vernis passéiste ou de distance mythique: ce qui rend les westerns des premiers temps précieux, est le fait que nombre d'entre eux sont strictement contemporains! Ce qui n'est pas forcément le cas, mais il y a néanmoins toujours des liens avec la vérité; ce film a été produit en réaction à la multiplication des films produits par d'anciens bandits, le plus célèbre étant Al Jennings qui dans la plus pure tradition du western, avait une façon bien à lui de se mettre en avant. Des anciens hommes de loi ont donc décidé d'utiliser l'arme du cinéma eux aussi, pour rappeler les spectateurs à une certaine décence vis-à-vis de la loi!

Ainsi Bill Tilghman, qui ne se met pas trop en avant, nous montre dans ce film la façon dont les forces de l'ordre balbutiantes du territoire de l'Oklahoma ont fait face à des bandes organisées qui écumaient la région. Le film est fortement authentique, du moins dans la partie qui nous est parvenue: une seule bobine sur les six du long métrage a survécu, mais on y sent un réalisme et un besoin de règlement de comptes particulièrement marqués, comme dans cette scène finale où les bandits abattent gratuitement un passant, suivi d'un intertitre: c'est parce qu'ils sont comme ça que ce sont des bandits...

Bref, on est loin, très loin, de la vision romantique du hors-la-loi comme un Robin des Bois moderne...

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Published by François Massarelli - dans Muet Western 1915
15 février 2020 6 15 /02 /février /2020 14:05

Ce film est le troisième rescapé des productions de Ebony Pictures de Luther Pollard, et propose une nouvelle fois un scénario de pur slapstick sur une comédie qui se situe cette fois clairement juste entre Sennett et Roach... Au début, le héros vit une situation à la Harold Lloyd: il est réveillé en sursaut par une propriétaire irascible et qui lui réclame des impayés avec l'aide d'un agent... Il s'échappe et trouve refuge dans une blanchisserie, où la police va venir le débusquer, mais entre-temps il aura eu le temps de confondre de l'opium et de la mort aux rats...

Ca fait beaucoup, ça fait même trop, et l'irruption d'une troupe de policiers en uniforme est aussi une indication que Luther Pollard et son équipe souhaitaient proposer une version Afro-Américaine des Keystone cops! Mais ce qui me semble le plus frappant dans cette comédie très moyenne, c'est de voir la façon dont les concepteurs noirs du film se sont réfugiés avec leur personnage de blanchisseur chinois dans une vision largement alimentée par une certaine forme de racisme: le cercle vicieux, assez paradoxal, d'une industrie qui est largement basée sur l'exploitation des stéréotypes pour plaire au vaste public.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie
15 février 2020 6 15 /02 /février /2020 13:56

Ce film de 1921 est réduit aujourd'hui à quelques disparates minutes (4 en tout!) qui ne sont que le pâle reflet d'un long métrage pourtant ambitieux, produit par Lincoln, la première compagnie dont le capital était justement Afro-Américain, au contraire de Ebony pictures détenu par des blancs. Cette histoire apparemment compliquée de détective qui enquête sur la mystérieuse disparition d'une héritière est soignée, mais évidemment aussi peu compréhensible qu'une bande-annonce...

Quoi qu'il en soit, c'est une pièce historique, une fois de plus, unique reflet d'une compagnie créée par les frères Johnson (dont nous connaissons bien Noble, celui des frères qui s'est reconverti en acteur et qui a été immortalisé par sa participation à King Kong), et qui montre comment une compagnie destinée à faire du cinéma noir pour le public noir, entendait ne pas se contenter de miettes, et comptait bien s'essayer à une certaine sophistication.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921
12 février 2020 3 12 /02 /février /2020 18:25

Un scientifique un peu fou a besoin d'une authentique momie égyptienne pour se livrer à des expérimentations. Un jeune homme qui souhaite se marier avec la fille du professeur, lui fournit une fausse momie, en fait un comparse sous des bandelettes. L'affaire se complique quand deux Egyptiens (en costume!) interviennent, car ils recherchent une momie sacrée qui leur a été dérobée...

Comme Two knights of Vaudeville, ce court métrage d'une bobine sauvé de l'oubli est une production de Luther Pollard pour Ebony films, qui entendaient fournir au public Afro-Américain des grandes villes des comédies taillées sur mesure pour eux, avec des acteurs noirs. L'histoire n'a pas retenu le nom des protagonistes de cette pochade, qui est bien meilleure que le film cité plus haut... Mais dont les marques irrémédiables de décomposition rendent le visionnage parfois malaisé.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie
12 février 2020 3 12 /02 /février /2020 18:13

Ce court métrage sauvé de l'oubli et de l'auto-destruction est historique à plus d'un titre: non qu'il soit bon, on va évacuer la question tout de suite: il est même d'une impressionnante médiocrité... mais le producteur Luther Pollard avait créé une structure destinée à concurrencer les films Blancs produits à Fort Lee et à Hollywood, pour donner aux salles fréquentées par les afro-américains des films qui les mettaient aussi en vedette. Et comme le standard contemporain des comédies de Sennett ou de Rolin, les films y voyaient des acteurs payer de leur personne et ne pas hésiter à se tourner en ridicule.

C'est d'ailleurs là que le bât blesse: les trois protagonistes principaux sont deux hommes, Jimmy Marshall et Frank Montgomery, et une femme, Florence McCain, qui après une nuit désastreuse au music-hall décident de monter un spectacle qui s'avérera une autre catastrophe. Mais comment ne pas constater que les trois héros du film sont eux-mêmes tellement au bas de l'échelle qu'on ne peut que tiquer... Ils tendent à renvoyer, cette fois à un public supposé être 100% noir, l'image de faire-valoir imbécile que les films 100% blancs avaient forgé des afro-américains. Donc si le film vaut par sa rareté iconique (en gros, le film "officiel" le plus ancien d'un cinéma destiné au public noir), il n'en reste pas moins un témoin gênant d'une tendance du cinéma des origines à forger et anticiper le racisme de ses spectateurs...

...Tout en montrant, objectivement, des héros confrontés aux deux communautés, et rejetés par l'establishment blanc du music-hall dont il se font expulser, puis rejetés par un public noir qui ne trouve pas leurs numéros à son goût.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie
12 février 2020 3 12 /02 /février /2020 16:42

On ne réussit pas à tous les coups, et ce film le prouve: alors que la formule des courts métrages de Charley Chase en deux bobines a permis à de vraies merveilles de voir le jour entre 1925 et 1927, il arrive que le génie ne soit pas au rendez-vous... Cette histoire de jeune oisif qui se fait passer pour un chauffeur aux yeux du père de la femme qu'il aime, est par trop compliquée, tout en mobilisant les vieux trucs les plus éculés du genre, vus en particulier dans de nombreux films du comédien.

Restent quelques moments de grâce, comme cette séquence ébouriffante au cours de laquelle Chase, Martha Sleeper (sa formidable leading lady la plus convaincante à mes yeux) et l'acteur Eugene Palette en flic au grand coeur, font les soldes... A leur corps défendant! On pourrait aussi penser le plus grand bien du moment où Chase se retrouve à jouer les ventriloques avec un mannequin dans un speakeasy, mais... ne serait-ce pas une réminiscence de A dog's life, de Chaplin? Incidemment, sa victime dans la dite scène n'est autre qu'Oliver Hardy.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie James Parrott Charley Chase