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11 novembre 2024 1 11 /11 /novembre /2024 20:35

Le catholicisme d'Hitchcock n'a probablement jamais été aussi amer que dans ce film austère et dépouillé, bien différent des oeuvres flamboyantes que le metteur en scène allai tourner à la Paramount dans les années suivantes; mal-aimé en raison de son manque d'humour, mal connu aujourd'hui (Après tout, il n'y a ni Grace Kelly, ni Cary Grant, ni la musique de Bernard Herrmann. Les repères manquent sans doute, le noir et blanc - magnifique - est un autre argument qui hélas joue contre le film!) I confess est pourtant bien plus qu'un intrigant interlude dans lequel le metteur en scène se tirerait une balle dans le pied en montrant sa star en prêtre ayant fait le voeu de chasteté...

Le film commence par une séquence d'une grande rigueur qui montre le metteur en scène en pleine possession de ses moyens: à Québec, au crépuscule, on suit un parcours fléché sous l'intrigante musique chargée en appréhension de Dmitri Tiomkin: des panneaux marqués "Direction" nous indiquent littéralement la marche à suivre... et pointent vers une fenêtre ouverte. La caméra y entre, et nous dévoile un corps à terre. La caméra ressort, et nous voyons une silhouette, celle d'un homme habillé d'une soutane, qui quitte la maison. Le plan suivant montre deux témoins, deux jeunes filles, qui ont aperçu l'homme. Celui-ci se rend ensuite à l'église la plus proche, et demande au prêtre, le Père Logan, de le confesser. Il lui avoue avoir commis un meurtre, celui d'un homme qu'il venait de dévaliser. Puis l'homme s'en va, et le père Logan, empêché par le secret de la confession, ne pourra rien révéler de l'entretien... Le meurtrier, Keller (Otto Hasse), est un Allemand réfugié avec son épouse Alma (Dolly Haas) après la guerre, et il travaille justement au presbytère, où il côtoie justement le père Logan (Montgomery Clift) tous les jours. Celui-ci, on l'apprendra bien vite, connaissait la victime. L'influent Villette avait en effet, quelques années auparavant, été témoin d'une relation entre le jeune homme qui n'était qu'un séminariste, et une femme mariée, la belle Ruth Grandfort (Anne Baxter). Il faisait chanter la jeune femme, et cela donne bien entendu au jeune prêtre un motif de le tuer... car bien sûr Logan ne pouvant absolument pas trahir le secret de la confession est vite le suspect numéro 1.

On le voit, Hitchcock confronte dans ce film sa propre vision de la culpabilité partagée des hommes, avec son propre catholicisme, qui pourtant n'est jamais aussi explicitement représenté dans son cinéma. Une critique assez répandue sur I confess est d'ailleurs qu'il est assez difficile à croire que Clift puisse être un prêtre, et Hitchcock a pour sa part dit que les Américains avaient rejeté le film à cause d'une incompréhension des protestants vis-à-vis du secret de la confession. C'est un peu court, à mon avis, d'autant que le film fait comme d'habitude preuve d'une vraie pédagogie à ce sujet!

Je crois plutôt que le rejet serait plus clairement du aux difficultés du public à accepter l'apparente inaction du personnage principal. Car Logan subit une vraie crise, à tous points de vue: il est trahi par Keller, qui sans jamais directement le dénoncer va tout faire pour que les soupçons se portent sur son confesseur. Il est trahi aussi par ses sentiments qu'il doit combattre, d'autant que Ruth n'est pas décidée à complètement abandonner la compétition pour le coeur du jeune homme! Il est enfin trahi par son implication, même indirecte, dans l'affaire: il ressent une part de culpabilité de savoir sans pouvoir s'en ouvrir, et par ailleurs de ressentir la délivrance grâce la mort de Villette, n'arrange rien: on peut dire que le principal motif pour l'inspecteur Larrue (Karl Malden) de soupçonner Logan est bien sûr le fait qu'on ressent inévitablement son trouble et son sentiment de culpabilité marqués sur son front dès qu'il est en face du policier!

A côté de Logan, le personnage de Keller est véritablement scindé en deux: d'un côté Monsieur, qui se confesse à son ami Logan dans la douleur, puis rentre chez lui et se sent si léger ("Dieu m'a pardonné"!) qu'il avoue le crime à son épouse sans aucun scrupule. De l'autre, Alma, qui va elle aussi, autant que le prêtre, ressentir la culpabilité de son mari, qu'elle ne peut dénoncer, de l'intérieur. Jamais la notion de culpabilité collective, du pêché de l'un dont la faute est partagée par tous, n'aura été aussi évidente chez Hitchcock.

Bien sûr, il y a des défauts, mais le manque d'humour parfois dénoncé ne me semble pas être à proprement parler si embarrassant. Après tout, le sujet ne prête pas forcément à la rigolade non plus. Et contrairement à Topaz, un autre film d'Hitchcock souffrant de cette absence d'humour, l'histoire au moins est passionnante! Et il y a une finesse d'observation chez Hitchcock qui le pousse à user d'un ton léger, notamment dans la description de la vie quotidienne du presbytère. C'est d'ailleurs amusant de constater à quel point les prêtres, dans la fiction, sont les protagonistes les plus à l'aise pour parler du trivial: ici, on débat d'un vélo mal placé, de la couleur des murs, comme si on devait résoudre une affaire de théologie compliquée!

Non, en revanche, Hitchcock a chargé avec une certaine méchanceté le personnage de Ruth, qui n'est pas qu'une oie blanche... Elle est assez ambiguë (Anne Baxter sera-telle toujours un peu Eve Kendall sur les bords?) voire manipulatrice: elle donne parfois l'impression de vouloir utiliser l'affaire et le scandale pour tester son mariage, et éventuellement reconquérir le père Logan. Lors d'un flash-back, elle apparaît comme une femme qui pourrait bien avoir utilisé un moyen de promotion assez classique... Bref, la misogynie légendaire d'Alfred Hitchcock, parfois, est plus qu'une légende. Mais la confusion sentimentale qui entoure les rapports de Logan et de Ruth reste un des aspects forts du film, car elle nous donne à voir la tempête sous le crâne du père Logan, et si jamais le jeune homme n'évoque explicitement le moindre doute quant à sa foi,on sait que ce lien avec une femme est sans doute son principal risque. Le chemin de croix (Rendu évident par une célèbre séquence) n'en sera que plus douloureux... Et qui mieux que Montgomery Clift pour incarner la douleur?

Et il ya un final d'une forme inattendue, fait de ruptures, de passage d'un procès à une scène de foule, d'un crime inattendu à un suspense lié à la présence du héros face à un homme qui risque de le tuer, de sacrifice et de vérité qui éclate en éclaboussant un peu plus les braves gens qui étaient prêts à montrer le héros du doigt. ...Et Logan trouvera le moyen de laisser la vérité se faire connaître sans trahir la loi de la confession, ce qui confirmera une bonne fois pour toute la pertinence de sa vocation.

Film sans doute mineur au regard de l'oeuvre exceptionnelle, I confess, avec la présence dans son titre de la première personne du singulier, est bien plus qu'une simple halte: il possède de nombreux aspects intrigants, en plus d'une élégance visuelle, due largement à l'utilisation impeccable du noir et blanc de Robert Burks. Ce sera, avant The wrong man et Psycho, l'antépénultième film du metteur en scène à ne pas bénéficier de couleurs, mais c'est tellement approprié pour cette sombre quête intérieure, entre une hypothétique mais significative libération par l'amour, et un doute qui gangrène la vocation, le tout sous la tension apportée par la culpabilité fondamentale de l'homme. Encore, toujours le péché originel...

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Noir
8 septembre 2024 7 08 /09 /septembre /2024 16:04

Celui de ses films qu'a longtemps préféré Hitchcock commence par une séquence qui utilise un motif qui reviendra: comme l'oeil d'un entomologiste, la caméra s'insinue à New York, visitant un quartier puis une rue, puis une maison, puis une fenètre, et enfin pénètre dans une chambre où un homme, allongé sur un lit, fume un cigare. A coté de lui, sur une table de nuit, des billets de banque...

On reverra ce dispositif, plus fluide encore, à l'ouverture de Psycho. dans les deux cas, il nous attire de suite l'attention sur un crime ou une faute (Dans Psycho, un adultère). On va donc très vite savoir que Charlie Oakley (Joseph Cotten) est un tueur de veuves, un Landru moderne, et que la police est à ses trousses. Il échappe d'ailleurs de peu à une confrontation avec deux détectives. Il prend la décision de partir vers l'ouest ou il va visiter la famille de sa soeur. Hitchcock nous invite donc à le suivre à Santa Rosa, Californie, et nous présente la famille de "l'oncle Charlie": sa soeur, aimante et aveugle à la nature profondément noire de son petit frère chéri, le beau-frère Joe, un banquier modeste qui trompe son ennui en discutant de criminologie et de meurtre avec son voisin Herb, les deux petits Ann et Roger et surtout la nièce préférée, qui s'appelle elle aussi Charlie. Mais si l'arrivée de l'oncle tueur va bouleverser la famille, c'est surtout la jeune charlie (Teresa Wright) qui va le ressentir: en effet, elle va découvrir la vérité sur son oncle, un homme qu'elle a toujours vénéré, et grandir de façon spectaculaire par la même occasion.

Charlie et Charlie: dès leur introduction, Hitchcock lie les deux membres de la même famille en les présentant dans la même position, pris dans une étrange connection télépathique... Alors que son oncle est en route pour Santa Rosa, la jeune Charlie qui s'ennuie, seule allongée sur un lit comme l'était Charlie Oakley dans sa chambre à New York, finit par aboutir à la conclusion que ce dont la famille (Et elle en particulier) a besoin, c'est de son oncle Charlie, pour les secouer un peu... Au moment d'envoyer un télégramme pour le faire venir, elle apprend qu'il est déjà en route. Cette connection entre eux (soulignée par un geste au début: l'oncle Charlie offre une bague à la jeune Charlie, un acte particulièrement chargé symboliquement) est l'élément principal qui précipite le drame: s'il dit souvent que Charlie est "sa nièce préférée", l'oncle sait aussi que la jeune femme est la plus à même de découvrir la vérité sur lui. Elle va en attandant se rendre compte assez vite que l'homme est un misanthrope, et un misogyne qui justifie ouvertement le meurtre de femmes inutiles dans une conversation à table, qui devient glaçante par l'utilisation d'un travelling lent et très précis, qui se termine sur le visage terrifiant du criminel...

La dualité entre les deux permet à Hitchcock d'explorer avec bonheur l'idée de l'intrusion du mal dans une famille Américaine aussi conventionnelle que possible (Certes, ils s'en défendent, et ils sont de braves gens, un peu excentriques, mais comme il en existe des milliers). Un Charlie est-il l'équivalent d'une Charlie? La jeune femme découvre avec effarement la proximité du crime, qui va de pair avec sa proximité avec l'oncle chéri... qui va vite devenir l'oncle dangereux, puis un meurtrier qui manquera par deux fois de la tuer.

Dans ce qui est le prototype de ses films noirs à venir, d'une rigueur impressionnante, Hitchcock observe une ville entière se mettre aux pieds d'un homme tellement flamboyant, si beau parleur, si séduisant, mais qui est le mal incarné. Je ne pense pas qu'il y avait chez le metteur en scène une intention de dénonciation des idéologies extrémistes en vigueur en Europe (Même si... le discours froid de l'oncle Charlie sur le fait de se débarrasser de vieilles dames inutiles, ou le plan qui voit le voyageur satisfait arriver et laisser toute sa famille courir devant avec ses valises, pendant que lui, l'homme supérieur prend son temps et flâne avec plaisir); il généralise, et fait de Charles Oakley le symbole du crime, qui nous est montré comme étant une possibilité dans des petites bourgades aussi normales et tranquilles que Santa Rosa: sans que personne ne s'en rende compte, le diable est arivé chez eux. Et quand il mourra, tout le monde le pleurera et lui fera même des funérailles en grande pompe, parce que dire la vérité, c'est admettre que le mal est partout, et ni la jeune Charlie ni son grand benêt de fiancé détective ne le souhaitent sans doute...

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Noir
30 août 2024 5 30 /08 /août /2024 22:09

On peut difficilement faire plus Hitchcockien que ce film merveilleux, l'un des chefs d'oeuvre du metteur en scène. Il se fait plaisir, avec une adaptation d'un livre, dont il a confié la mise en oeuvre à son épouse Alma, assistée de Joan Harrison; le roman Before the fact, de Francis Iles, avait presque tout pour intéresser Hitchcock: une intrigue classique située dans le sud de l'Angleterre, une narration à la première personne par une femme qui allait être la victime d'un meurtre, et le découvrait progressivement. Parmi d'autres mensonges du maître, naïvement colportés par François Truffaut, Hitchcock est supposé avoir regretté toute sa vie avoir "trahi" son idée initiale en changeant le personnage de Johnny Aysgarth qui dans son film devient innocent de tout crime. On ne croit pas une seule seconde à cette hypothèse: d'une idée amusante dans le roman, Hitchcock passe à une étude noire sur l'âme humaine, doublée d'un regard impressionnant sur la psychologie d'une femme qui a toute sa vie réprimé sa sexualité, et éprouve les plus grandes difficultés à y faire face...

Johnny Aysgarth, meurtrier potentiel et play-boy invétéré, ce sera donc Cary Grant, pour le premier de quatre rôles en or pour Hitchcock. Et face à lui, déjà sollicitée par Hitchcock pour Rebecca, on trouve Joan Fontaine dans ce qui est peut-être son meilleur rôle...

Lina, une jeune femme très comme il faut d'une famille respectable, rencontre le flamboyant Johnny Aysgarth, un play-boy aux manières déplaisantes... dont elle tombe amoureuse de suite. Sans trop attendre, et bien sûr contre l'avis des parents de la jeune femme, ils se marient, et commencent à vivre une vie de luxe, avant que Lina ne se rende compte que son mari n'a en réalité pas un sou... Et si son comportement irresponsable et insouciant ne l'inquiète pas trop, elle réalise assez vite que le tempérament de Johnny ne s'accommode ni d'un travail à plein temps, ni de plaies d'argent. Lorsque il se lance en compagnie d'un ami dans une affaire un peu louche, et que cet ami meurt d'une façon étrange, se peut-il que Johnny ait provoqué sa mort pour mettre la main sur ses parts? Et quand viendrait donc son tour à elle?

Oui, le film est nettement plus intéressant si le soupçon de meurtre n'est qu'un soupçon, et si tout, finalement, est dans la tête de Lina. Tout commence dans l'obscurité, de façon inattendue: on entend la voix de Cary Grant, et la lumière se fait: nous sommes dans le compartiment d'un train qui vient juste de passer sous un tunnel, et Johnny Aysgarth vient d'entrer là ou seule Lina se tenait. Elle lisait, et tout est fait pour nous la présenter comme une vieille fille typique: lunettes, tenue très austère, et un livre de psychologie sur les genoux. Mais Johnny, quand il la reverra, aura le coup de foudre: débarrassée de ses lunettes, à cheval, le sourire aux lèvres, Lina est une femme bien plus belle qu'elle n'y paraissait... Une bonne part de la première moitié du film est consacrée à cette métamorphose à caractère sexuel. Et Hitchcock fait jouer tous les éléments en faveur de la séduction de Lina par Johnny...

C'est pourtant le point de vue de Lina qui est l'unique vecteur de l'intrigue, et c'est ce qui donnera à la deuxième moitié, celle durant laquelle les soupçons s'installent, tout son intérêt: tout commence lorsque Aysgarth, sans émotion apparente, dit à son épouse que leur ami Beaky ne devrait pas boire de Cognac, car ça le tuera un jour: on passe de la comédie sentimentale, basée essentiellement sur l'embarras d'une jeune femme riche qui découvre la vie un peu dangereuse de son flambeur de mari, à un drame psychologique dans lequel une femme qui s'est donnée à un homme découvre des facettes de plus en plus inquiétantes de son caractère. Et la mise en scène d'Hitchcock se métamorphose de séquence en séquence, tendant inéluctablement vers une confrontation entre les soupçons de l'une et la vérité de l'autre, qui est aussi du même coup un test pour les sentiments de l'une et de l'autre.

La séquence la plus célèbre de ce film est bien sûr celle du verre de lait, durant laquelle Lina, qui s'est apparemment résignée à l'hypothèse que son mari veuille l'empoisonner, va se coucher pendant que Johnny va lui chercher la boisson. La maison dans laquelle la plupart des scènes se passent est un endroit très lumineux, mais qui sait devenir inquiétant à l'occasion. Cette scène est fabuleuse pour la science des ombres et de la lumière du metteur en scène, et bien sûr pour une idée simple, mais géniale: une source de lumière cachée à l'intérieur du verre de lait, et il nous est impossible de regarder autre chose... Tout le film brille d'une mise en scène assurée, sans aucun effet gratuit, qui joue sur les impressions, le non-dit, et utilise toutes les ressources du décor, et de l'intrigue... Voire les deux: une scène voit Lina recevoir des nouvelles de l'ami Beaky, et comme elle commence à soupçonner son mari, elle reçoit des policiers qui lui donnent un article de journal à lire. Ce qu'elle fait, mais non sans avoir chaussé ses lunettes, et pris place sous le regard inquisiteur d'un portrait de son très sévère père disparu, qui désapprouvait tant son choix de se marier avec Johnny Aysgarth. Elle redevient à cet instant la vieille fille à la sexualité réprimée... En confondant systématiquement ces deux aspects du personnages, Hitchcock nous livre une fois de plus un portrait époustouflant d'un personnage. Il nous fait part aussi de ses propres vues sur la sexualité féminine; on remarquera au passage que parmi les personnages qui "aident" Lina à comprendre, ou plutôt à se méprendre sur Johnny, figure Isobel, une amie autrice de romans policiers, qui a quelques habitudes masculines, et vit avec une femme. Comme toujours hélas, l'homosexualité est indissociable de l'erreur chez Hitchcock!

Mais quoi qu'il en soit, ce film magnifiquement construit, qui voit Hitchcock faire semblant de retourner en Grande-Bretagne, reconstruite en Californie (les matte paintings étaient nécessaires pour transformer le ciel radieux en univers nuageux...) est une oeuvre parfaitement maîtrisée, qui aboutit à une superbe étude du soupçon chez une personne autrement parfaitement sensée. Et nous, spectateurs, n'avons-nous pas eu les mêmes soupçons? Et n'en reste-t-il pas un peu au moment ou le mot fin apparaît? Ce film noir, élégant, est un plaisir sans cesse renouvelé, dans lequel on retrouve deux acteurs au sommet de leur art, et en prime la superbe musique de Franz Waxman.

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Noir Cary Grant
22 août 2024 4 22 /08 /août /2024 18:06

Dans un cabaret New Yorkais, les artistes vivent et survivent... Parmi eux, Deborah Hoople qui répond surtout au nom de scène de Dixie daisy (Barbara Stanwyck) semble savoir plus que les autres ce que survivre veut dire. Elle qui subit les avances d'un comédien insistant ne se laisse pas faire car elle en a vu d'autres... Mais la rivalité entre les différentes divas du burlesque confine à l'hostilité pure et simple... Jusqu'au jour où l'une des stars du show, la plus méchante au passage, se fait tuer, étranglée par son string! ...Qui aurait pu aller jusqu'à l'assassinat?

...d'autant que tout le monde avait une bonne raison de le faire!

C'est un classique: un lieu de spectacle, des numéros à accomplir, et un meurtre qui va provoquer une enquête. C'est le principe de The last warning de Paul Leni, ou de Murder at the vanities de Mitchell Leisen. Dans le cas de ce dernier film, d'ailleurs, le show primait au point où le film en devenait presque un musical. Ce n'est pas tout à fait le cas ici, même si Wellman a eu l'intelligence de demander à la grande Barbara Stanwyck de s'impliquer dans un peu de spectacle: chant et danse... Bien sûr l'effeuillage est limité au maximum, on est en pleine période du code de production. 

Mais il est fort probable que c'est cet aspect de domaine interdit qui a attiré Wellman dans cette adaptation d'un roman noir de Gipsy Rose Lee dont le titre est plus qu'évocateur, tout en étant partculièrement appropprié: The g-string murders, soit Les meurtres au string... Il faut sans doute préciser que l'autrice était justement une actrice de burlesque elle-même. Ainsi, sous couvert de raconter une intrigue criminelle, dans laquelle la solution sera inévitablement crapuleuse, elle avait à coeur de faire partager l'expérience fragile du quotidien dans un tel environnement. Que le cinéma s'y intéresse n'était pas inévitable, tant le sujet devait faire peur aux studios, peu habitués à s'aventurer dans un tel sujet!

C'est d'ailleurs sous la responsabilité de Hunt Stromberg, un producteur indépendant, et avec un contrat de distribution de United Artists, alors moins regardants que les autres structures de diffusion d'oeuvres cinématographiques, que Wellman a pu obtenir le feu vert. Il a su trouver la façon de faire en liberté son film, en dosant au plus près et au plus précis la peinture franche d'un univers, et les épices les plus difficiles à faire passer. A noter qu'il a demandé (et obtenu) de Barbara Stanwyck un investissement particulièrement important, elle qui passe le plus clair de son temps dans des tenues plutôt suggestives. Pourtant le seul grief de l'administration de censure sera l'impotance du string dans les meurtres!

Au final, ce film extrêmement attachant qui nous montre un univers assez fermé, aux codes inattendus, est une incursion presque tendre, souvent drôle, de la part d'un homme qui ne se fait jamais d'illusions sur les apparences, mais qui sait la valeur des humains. Et il semble presque compléter un cycle ouvert par le méconnu You never know women...

 

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Published by François Massarelli - dans William Wellman Noir
21 août 2024 3 21 /08 /août /2024 08:52

Ce film est le premier à aborder un sujet qui est associé uniquement, aujourd'hui, à la Guerre Froide, il est le journal d'une défection... Et il est aussi le premier à aborder (voire définir) ce qu'était, justement, la Guerre Froide, dans une scène: le héros, agent et fonctionnaire zélé de l'Union Soviétique, questionne l'idée qu'on puisse être ennemis entre alliés face à la menace fasciste. On lui répond qu'il n'y a pas lieu de sympathiser avec les capitalistes... Un aveuglement qu'on pourra bien sûr retourner en affichant le même fanatisme de l'autre côté, il suffit pour s'en convaincre d'écouter les propos des candidats Républicains à l'élection présidentielle de 2024...

Mais revenons au film: Wellman a toujours affiché dans la dernière parti de sa vie un anticommunisme acharné, dont ce film est le point de départ. Il raconte la défection d'Igor Gouzenko (Dana Andrews), fonctionnaire à l'embassade d'URSS à Ottawa, en poste durant la guerre... Arrivé en petit soldat zélé, il a progressivement laissé le style de vie plus chaleureux infuser son existence, et a fait venir son épouse (Gene Tierney), qui l'a aidé à encore plus se laisser convaincre... Très vite, le couple s'est trouvé en danger...

Dans ce qu'il a voulu traiter comme une chronique très claire et directe des événements, Wellman s'est de lui-même trouvé emprisonné dans un de ses traits narratifs les plus remarquables: cette propension à laisser de côté des événements, des aspects attendus qu'on ne montrera justement pas. Ici, il a choisi de ne jamais montrer directement les Soviétiques en action, autrement que dans leur paroles et attitudes. On ne verra jamais de torture, ni punition... On n'est pas dans un film de John Wayne! 

Mais le film en devient sec, austère, et avec Andrews et Tierney en transfuges soviétiques, je ne surprendrai personne si je dis qu'on a du mal à y croire! Le traitement en film noir, bénéficiant du savoir-faire des techniciens de la Fox,  est esthétiquement engageant, mais ce récit vaut sans doute surtout par un final en crescendo dans lequel les deux héros sont menacés d'un risque tellement invisible que personne n'y croit. Une sorte d'anticipation sur les flms de science-fiction anticommunistes dont Hollywood allait faire une spécialité...

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Published by François Massarelli - dans William Wellman Noir
1 juillet 2024 1 01 /07 /juillet /2024 15:47

A Londres, en 1929, juste un jour comme les autres pour la police: appréhension d'un coupable, manquement de délit de fuite, arrestation, interrogation... Un jeune détective (John Longden) retrouve sa petite amie (Anny Ondra), et ils sortent... Mais aussi se disputent. Il faut dire que la jeune femme a une idée derrière la tête: elle passerait bien un peu de bon temps avec un autre homme. Celui-ci la ramène chez lui, mais ils ne sont pas d'accord sur la marche à suivre, et elle le tue alors qu'il tente de la violer. Elle part chez elle, hagarde, et se réveille pour apprendre qu'il y a eu un meurtre dans le quartier; et non seulement elle a laissé suffisamment de traces de son passage pour que son fiancé comprenne qu'elle a fait le coup, mais en plus il y a eu un témoin (Donald Calthrop), et celui-ci a décidé de la faire chanter...

Film muet, film parlant? A en croire Hitchcock, il avait commencé ce film en muet, et a paré à toute éventualité en préparant chaque scène pour une hypothétique synchronisation... Pas sûr que ce soit la vérité, car j'imagine que la production d'un film parlant devait quand même, au moment de redéfinir complètement les contours du métier, mais aussi les studios, le matériel, etc, prendre un peu de temps, un peu de planification, et disons un peu de réflexion aux dirigeants d'un studio! et du reste, la compagnie British International Pictures a tout bonnement sorti les deux versions du film simultanément: la version parlante pour Londres, mais aussi pour se pavaner dans les festivals et aux Etats-Unis, où la transition du muet vers le parlant était déjà bien avancée; et la version muette pour le reste du monde.

Je pense que c'est justement cette version silencieuse qui a été vue le plus en cette année-là, mais jusqu'à une date récente, c'est malgré tout la version parlante qui faisait foi. Les différences sont infimes, et une bonne part du film parlant est effectivement une "redite" du film muet. Le début du film, pendant une dizaine de minutes, est d'ailleurs de fait totalement muet, avec accompagnement musical sur bande-son. Les différences se font sensibles sur deux scènes: celle du meurtre, qui se voit ajouter un accessoire intéressant avec un piano, et celle, célèbre, dans laquelle le mot "knife" est prononcé tellement de fois devant la coupable, qu'elle en perd le reste du dialogue...

La version parlante est riche en superbes idées, mais possède un défaut rédhibitoire: le son. Pas au point, bien sur, on est en 1929... Mais le film reste vraiment très intéressant, ne serait-ce que par le naturel (Relatif) des débits et des accents. Il y a quand même un souci de rythme, et une ou deux scènes qui traînent inutilement en longueur. Mais on peut noter que si la version muette est clairement supérieure, elle n'est qu'à peine plus courte! Et l'essentiel du film est là dans les deux, avec cette histoire de jeune femme qui, cette fois-ci, est bien coupable de meurtre! Que celui-ci soit justifié ou non importe peu finalement, car d'une part le film développe quand même une situation propre à alimenter la misogynie (un défaut qu'Hitchcock n'est pas près d'abandonner!), et d'autre part on peut quand même se demander quelle était la motivation de cette jeune femme, pour abandonner son fiancé, et venir chez ce peintre! Mais, et ça, le metteur en scène le sait déjà, le public se fait avoir dans les grandes largeurs: oui, elle a tué, et que ce soit légitime ou non importe peu: nous sommes désormais de son côté, instinctivement... Comme son fiancé qui va tout faire pour qu'elle se disculpe. Ce qui nous arrange, c'est qu'il y a bien pire qu'elle, et on peut applaudir la prestation de Donald Calthrop en maître-chanteur, il est fantastique!

En fait, en se frottant pour son dixième film à une nouvelle histoire policière à suspense (Et ce n'est que la deuxième fois après The Lodger), Hitchcock retrouve une situation qui le motive, qui lui permet d'organiser ses idées visuelles, les rendre très efficaces, et faire ses gammes: il joue avec le son pour passer d'une séquence à l'autre (La découverte du corps, un procédé qui reviendra dans The 39 steps), il imagine des visions délirantes (La jeune femme pour laquelle les enseignes lumineuses "rejouent" la scène du crime), et il utilise avec une maestria impressionnante le procédé Shüfftan pour faire croire au spectateur que'une scène de poursuite a été tournée au British Museum! Bref, il s'amuse, beaucoup plus que dans The Manxman, ou Champagne et on sait combien c'est important pour ce réalisateur! Et tout en nous attirant dans ses filets pour nous obliger à endosser une part de responsabilité dans un crime en en développant le suspense, il nous montre le renoncement d'un homme, un policier qui est désormais motivé pour que la vraie coupable d'un meurtre ne se fasse pas prendre! 

Avec ce film, certes, le cinéma Britannique fait brillamment le passage vers le parlant, mais Hitchcock, lui, trouve enfin sa vocation.

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Noir Muet 1929 **
26 juin 2024 3 26 /06 /juin /2024 08:48

Le Docteur Alex Cross (Morgan Freeman) est un inspecteur et psychologue basé à Washington. Il décide d'aider sa famille dans une affaire de disparition: sa nièce, en effet, est portée disparue dans le cadre d'une affaire d'enlèvements en série, et on a trouvé plusieurs corps de victimes... Il se rend en Caroline du Sud,autour de l'université, et mène l'enquête, pendant qu'une jeune femme médecin, Kate McTiernan (Ashley Judd) est enmevée à son tour. Mais elle parvient à s'évader...

C'est l'une des belles idées, qui permet d'ailleurs au film d'échapper à l'accusation de surfer sur le succès de Seven! Car le film de Fincher se tenait strictement dans le point de vue des enquêteurs, opposant les visions et méthodes sérieusement différentes de Brad Pitt et Morgan Freeman... Ce film en revanche va unir les points de vue de Kate McTiernan, victime mais pas du tout potiche, et d'Alex Cross.

Et un fantôme inévitable va se manifester, qui donne tout son sens au fait qu'Alex Cross se devait d'être un Afro-Américain: si le film se déroule en mettant en parallèle (de façon très embrouillée, si vous voulez mon avis) deux enquêtes, l'une à l'est, l'autre en Californie, une des clés du film reste strictement localisée en Caroline, dans le Sud, donc, dans une maison de l'horreur dont les fonctionnalités remontent à l'esclavage et à la Guerre Civile. Bref: on n'en sortira jamais...

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Published by François Massarelli - dans Noir
20 juin 2024 4 20 /06 /juin /2024 07:38

1989: Lou Langston (Kristen Stewart) gère une salle de sport, où elle est confrontée à un morne quotidien; elle rencontre Jackie (Katy O'Brien), une cliente de la salle, et elles sont très attirées l'une vers l'autre. Jackie, qui a besoin d'un toit, vient s'installer chez elle... Tout irait pour le mieux, s'il n'y avait un certain nombre de soucis: d'une part, Jackie travaille pour le père (Ed Harris) de Lou, et a du coucher avec le beau-frère (Dave Franco) de cette dernière pour obtenir le job; ensuite le beau-frère en question, J.J., est un tyran domestique et Beth, la soeur de Lou, vit un enfer de violence; enfin, le père est un trafiquant de tout et de rien, qui a pris l'habitude de se débarrasser des gens qui lui posent souci en les jetant dans une faille dans le désert...

Il y aura un meurtre, violent, déraisonné, et alimenté par l'addiction de Jackie à des produits dopants, car elle ambitionne de participer à un concours de culture physique: c'est qu'on est à la fin des années 80, et Rose Glass le souligne de manière permanente, avec un souci du détail qui est impressionnant. On s'y croirait: les mulets, les baskets sales, les jambières, un certain engouement pour le néon, et une musique synthétique qui serait à sa place dans les pires téléfilms... Elle a soigné sa partition jusqu'au bout, et ce n'est pas le moindre défaut.

Par ailleurs le film est bien un film noir, mais on y a trouve aussi un penchant pour le cinéma lesbien un peu militant, dans lequel la sexualité s'exprime agressivement (ce qui est justifié par l'univers, la culture physique, les stéroïdes, notamment), et un refus de l'humour: on aurait très bien vu le même scénario dans un film des frères Coen, par exemple, mais le traitement ici est tellement sérieux, qu'il peine à nous retenir. Et sinon, la violence extrême du film débouche à un moment sur des hallucinations qui vont très, très loin... J'ai lu ici et là que le film était une comédie noire... Bon, qu'il soit noir, ça c'est sûr. Mais au-delà de l'identification à l'univers des films de série B, je dois dire que l'humour m'en échappe.

Et surtout: le film baigne dans une représentation d ela culture physique. Faut aimer. J'aurais pu (j'étais tenté) me contenter de ces deux derniers mots pour l'ensemble de cette chronique. Et je m'en voudrais de ne pas mentionner le mulet de Dave Franco.

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Published by François Massarelli - dans Mulet Noir
12 mai 2024 7 12 /05 /mai /2024 12:30

Le film majeur d'Ozu, en cette année 1933, est sans doute le plus représentatif des qualités, du style et peut-être aussi des limitations, largement liées à la censure Japonaise, des films muets du metteur en scène...

Sa fascination du film de gangsters, clairement, est le plus important aspect de son amour du cinéma américain, et ce n'a jamais été aussi évident que dans ce film, situé dans un Tokyo  contemporain (pour l'époque du tournage évidemment), entre le monde de la journée (le travail des employés de bureau, dont la secrétaire Tokiko interprétée par Kinuyo Tanaka), et le monde de la nuit, qui est dominé par la pègre, et notamment Joji (Joji Oka), un chef de gang: c'est le petit ami de Tokiko, et s'il est évident qu'il est le leader d'un groupe de malfaiteurs, il dirige aussi un club de boxe. On le verra peu dans l'action d'un gangster: il fait attendre la dernière bobine pour le voir en action...

L'intrigue tourne autour de la jalousie de Tokiko, qui surveille de près son Joji, peu enclin à se modérer quand il croise une jolie fille. Lorsque Joji engage un étudiant, Hiroshi (Koji Mitsui), la soeur de celui-ci, une jeune femme très comme il faut Kazuko (Sumiko Mizukubo) l'attire de façon évidente... Tokiko, elle même à cheval entre les deux mondes, est tiraillée entre sa sympathie pour le sacrifice de Kazuko qui voit son frère glisser vers la criminalité, et sa jalousie à l'égard de la jeune femme...

Une bonne part du film se situe dans les bars, les clubs de billard et les clubs de boxe et bien sûr la nuit. On y verra un monde dont les traditions du Japon semblent absentes, et les vêtements, les attitudes, le décor (les affiches de films occidentaux sont partout, comme d'habitude), tout renvoie à une image sublimée d'une certaine idée du cinéma occidental... A côté, Kazuko, avec ses kimonos, incarne un type de personnage courant chez Ozu à cette époque, la jeune femme virginale et effacée derrière un homme, ici en l'occurrence ce sera son frère...

C'est par ce dernier, décidément une erreur de casting pour le gangster Joji, que le film se précipitera dans une action criminelle, d'une part, et c'ets aussi lui qui révélera qui et le centre de ce film, en l'occurrence Tokiko, une figure tragique pour son amour sans fin. 

Totalemet irréaliste, probablement, inspiré d'une vision du monde située clairement uniquement dans l'esprit de son metteur en scène (un peu à la façon décalée dont Sergio Leone voyait la conquête de l'ouest dans ses westerns), le film est aussi très différent de son cinéma austère des années 50, avec des idées stylistiques constantes, des angles de caméra notables, des mouvements de caméra aussi, qui renvoient une fois de plus à ce cinéma de 1927/ 1928 dont le cinéaste s'abreuvait...

Et une fois de plus, Ozu questionne ici les valeurs Japonaises traditionnelles, à travers ces personnages de femmes qui doivent choisir entre deux voies contradictoires, ces gangsters à l'Américaine qui passent finalement plus de temps à paraître être des gangsters, qu'à commettre de mauvaises actions... Fasciné, il oppose le cheminement à petits pas de Kazuko, et les robes élégantes de Tokiko, mais ce sont deux femmes Japonaises, prises au piège des hommes et de leur morale conquérante, qu'ils soient gangsters, étudiants... ou chef d'entreprise.

 

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Published by François Massarelli - dans * Yasujiro Ozu Muet Noir
1 mai 2024 3 01 /05 /mai /2024 13:33

1912: la famille Birling finit son repas du soir dans une atmosphère légère et auto-satisfaite... Le repas était excellent, et la jeune femme de la maison, Sheila (Eileen Moore), est présente en compagnie de son fiancé Gerald (Brian Worth), qui travaille aux côtés du père de famille (Arthur Birling). La mère (Olga Lindo) est également présente, ainsi que le jeune frère, Eric (Bryan Forbes), qui a probablement bu plus que de raison... C'est au moment où ce dernier, un peu éméché, va se coucher, qu'un inconnu se présente: l'inspecteur Poole (Alastair Sim) a une mauvaise nouvelle à annoncer: la mort d'une jeune femme, Eva Smith (Jane Wenham) qui a ingurgité un produit ménager pour se suicider... Ils ne se sentent pas concernés, jusqu'à ce que l'inspecteur ne leur prouve que chacun d'entre eux a croisé la jeune femme, et ça ne s'est pas très bien passé...

Le film est adapté d'une pièce à succès, présentée en 1945, et la bonne idée a été d'utiliser les nombreux flash-backs (tous liés aux révélations de l'inspecteur, mais aussi aux réactions de la famille Birling) pour aérer l'intrigue et la situer en dehors des lieux théâtraux de l'action... Ce n'est pas a priori un whodunit (puisque on sait que la jeune victime a commis un suicide) mais il y a, au fur et à mesure de l'évolution de l'histoire, des petits mystères qui viennent se placer, et maintiennent avantageusement l'intérêt...

Derrière la série de devinettes, et les numéros d'acteurs (on peut faire confiance à Alastair Sim pour vampiriser la distribution... mais les acteurs autour de lui ne sont pas mauvais, loin s'en faut), se cache une intéressante histoire qui se situe d'un certain côté de la morale, d'une part (ces bourgeois satisfaits vont en prendre sérieusement pour leur grade) mais aussi une petite satire sociale, dans laquelle les difficultés de la classe ouvrière sont incarnées par la jeune jane Wenham, dans le rôle d'Eva Smith...

Celle-ci va d'ailleurs profiter de l'abondance de points de vue: certains se souviennent d'elle comme d'une impertinente vendeuse, d'autres, comme d'une ouvrière trop revendicatrice et à remettre à sa place, un troisième comme d'une demoiselle en détresse, d'autres comme d'une intrigante qui tente de profiter de la charité. Mais à chaque fois, l'actrice opposera à toutes ces versions une sorte de cohérence humaine... 

A noter, ce film très critique vis à vis des différences de classe en Grande-Bretagne est adapté d'une pièce dont la première a été jouée... en Union Soviétique. Ca ne s'invente pas...

 

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Published by François Massarelli - dans Noir