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6 mars 2024 3 06 /03 /mars /2024 16:05

La Grande Guerre bat son plein: du côté de Douaumont, 12 hommes accomplissent une mission suicide. Mais c'est le 11 novembre, et leur sacrifice paraît bien pâlot. L'un d'entre eux, Jean Diaz (Victor Francen) a survécu, mais il est déterminé à faire son possible pour utiliser son expérience afin de rendre impossible la guerre...

Dans les années 50, Gance survit lui aussi, aussi bien à l'oubli dans lequel il est plus ou moins relégué, qu'à son propre génie et aux idées particulièrement saugrenues qu'il a toujours eues. Son envie d'expérimenter étant la plus forte, il s'est allié à la jeune cinéaste Nelly Kaplan, et les deux vont confectionner un programme appelé Magirama, qui présente des films avec deux procédés nouveaux: l'un, inspiré de la Polyvision utilisée sur certaines copies de son Napoléon en 1927 (trois écrans qui diffusent des images antagonistes ou complémentaires), et l'autre, la Perspective Sonore, qui spatalise le son...

Parmi les éléments montés dans le Magirama, une version raccourcie de J'accuse (de 1938), qui utilise aussi des éléments du J'accuse de 1919, et quelques séquences de La fin du Monde... Sans oublier une Marseillaise chantée avec Damia, qui vient ajouter un soupçon de Napoléon (version 1935) dans la soupe...

C'est situé quelque part entre l'anecdotique et le génial, avec comme toujours chez Gance l'impression qu'il aurait peut-être fallu quelqu'un qui lui dose quand s'arrêter. Mais pour ce qui est de la séquence la plus spectaculaire, celle de la "levée des morts", comment lutter contre cette désespérante poésie... du désespoir?

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Published by François Massarelli - dans Abel Gance Première guerre mondiale
23 juillet 2023 7 23 /07 /juillet /2023 15:06

Dans un coin rural très reculé, vit une petite famille. Johanna (Mary Pickford) est la fille de la maison, et elle n'a que très peu de temps libre, entre les tâches ménagères et le jardin. Néanmoins elle est heureuse si ce n'est qu'elle rêve d'un prince charmant... Alors quand un groupe de soldats en manoeuvres, et en formation avant de partir sur le front, viennent s'installer sur la propriété, elle commence à s'intéresser à tous ces militaires, dont certains ne sont pas indifférents à son charme rustique...

C'est une comédie légère, mais le thème patriotique, bien que subtil, y est bien présent. Mary Pickford, et avec elle Douglas Fairbanks et Charles Chaplin, était du reste très impliquée dans la propagande de l'effort de guerre, et on retrouve ici (comme dans le film The little American de Cecil B. DeMille sorti l'année précédente) une sorte d'évidence: il faut s'engager en Europe...Mais force reste à la comédie, avec ce portrait comique d'une jeune fille un peu plus âgée que d'habitude, mais pas beaucoup plus dégourdie que ses rôles coutumiers...

Car Johanna n'est pas une petite fille, et le film est l'histoire de son éveil, aussi, de sa trasformation enfin. Johanna aspire à l'amour, à devenir adulte ou du moins à être traitée comme telle... Mais pour ses soupirants (dont Douglas MacLean et Monte Blue) elle EST une femme... La comédie passe par des moments cocasses, et l'un d'entre eux quoique bien innocent, a fait l'objet d'une censure dans certains états (dont, comme d'habitude, la si chatouilleuse Pennsylvanie): Johanna cherche à plaire et s'inspire de la photographie d'une danseuse, qui porte uniquement un drap plus ou moins transparent, façon Isadora Duncan... Ses parents la punissent immédiatement. La photo a été censurée sur bien des copies distribuées dans l'Est. Johanna ira jusqu'à prendre des bains de lait, confirmant l'importance du corps dans sa vision de la séduction. Une scène traitée avec délicatesse, mais dont la présentation étonnera quand même les admirateurs de Miss Pickford qui sont plus habitués à la voir assumer le rôle d'une pré-adolescente...

C'est un film de William Desmond Taylor, qui était réputé à cette époque comme un escellent réalisateur à l'aise dans tous les styles. Sa direction d'acteurs est excellente, et on sent la vedette totalement à l'aise. Elle avait la réputation d'être assez difficile à diriger vraiment et se chargeait le plus souvent d'habiter ses rôles, mais elle avait beson d'un cadre bien mené, et d'une troupe sous contrôle. Elle qui revenait souvent à ses metteurs en scène favoris parce qu'elle était en confiance, a fait appel à lui à plusieurs reprises, mais seul deux films ont survécu dont celui-ci, et aucun n'est entier actuellement. Il manque la troisième bobine de Johanna Enlists...

 

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Published by François Massarelli - dans Mary Pickford William Desmond Taylor Muet Première guerre mondiale 1918 **
21 juillet 2023 5 21 /07 /juillet /2023 14:59

War Horse appartient à la veine épique de Spielberg, celle qu'il a inauguré avec The color purple en 1985, et qui a produit des films souvent mal accueillis (Empire of the sun), parfois avec raison (Amistad), mais aussi des triomphes justifiés (Schindler's list, Saving Private Ryan). Depuis Munich, on avait le sentiment que cette facette du metteur en scène était en sommeil, d'autant que son grand projet sur Lincoln semblait ne jamais devoir aboutir... Et puis comme d'habitude tout a été très vite: spielberg a vu la pièce tirée du roman de Michael Morpugo, Dreamworks s'est saisi du film, Spielberg a travaillé en collaboration avec Richard Curtis, réalisateur mais surtout scénariste Anglais. Le travail avec Curtis a poussé Spielberg à ne pas se contenter de la casquette de producteur, et il est donc devenu le réalisateur, d'autant que le travail d'animation sur The adventures ofTintin le contraignait à attendre. Comme à son habitude, le metteur en scène a fait en sorte que les choses se fassent en grand, et très vite.

Et le 26e long métrage de Steven Spielberg, s'il n'a semble-t-il pas attiré les foules de ce coté-ci de l'Atlantique, est une nouvelle preuve de la maitrise de son cinéma. Bien sur, il faut un minimum de foi et de romantisme pour s'y abandonner, mais une fois dans le film, on est en belle compagnie, le cinéaste y payant sa dette envers les plus grands, ses maitres, David Lean pour le souffle épique ou John Ford pour le sentimentalisme comique du début, mais aussi d'autres distingués collègues, dont Terrence Malick. Enfin, il retourne un peu à l'implication personnelle qu'il a pu avoir dans d'autres projets plus connus ou plus personnels.

Dans le Devon, au début du siècle, une famille de fermiers (Dont la terre appartient à un riche propriétaire, David Thewlis) se retrouvent flanqués d'un cheval, un demi pur-sang, suite à une enchère au cours de laquelle le père de famille Ted Naracott (Peter Mullan) a acheté la bête par fierté, pour montrer à son propriétaire qu'il le pouvait. Mais leur situation financière ne le leur permettait pas, et pour pouvoir trouver l'argent du loyer, il va falloir que le cheval travaille, ce pour quoi il n'est pas vraiment taillé. Mais l'abnégation du jeune fils Albert (Jeremy Irvine) et sa complicité avec le cheval qu'il a nommé Joey vont accomplir un miracle. Mais ce miracle est de courte durée, la malchance et la météo ayant finalement raison des récoltes. La guerre arive et le père décide de revendre Joey à l'armée. Albert se jure de le retrouver...

Joey se trouve donc dans la cavalerie Britannique, attaché à la personne du capitaine Nicholls (Tom Hiddleston), qui a compris le lien fort entre Joey et Albert et s'est juré de respecter et aimer l'animal... mais la première charge est fatale à Nicholls.

Joey est alors recueilli par des fantassins Allemands, dont deux jeunes frères (Leonard Karow et David Kross); l'un d'entre eux est trop jeune, et son frère s'étant promis de veiller sur lui, ils désertent tous les deux en compagnie de Joey...

Puis Joey se retrouve pendant quelques temps dans une petite maison Française, à coté d'un moulin, recueilli en compagnie d'un autre cheval par un homme seul (Niels Arestrup) avec sa petite fille, Emilie (Céline Buckens). Joey et cette dernière auront une complicité proche de celle avec Albert; le cheval est de nouveau récupéré par l'Armée Allemande, en position de plus en plus difficile, et en 1918, le cheval et Albert, désormais engagé, sont à quelques mètres l'un de l'autre...

La ronde dont Joey est l'objet qui passe de main en main, permet à Spielberg de privilégier le point de vue du cheval. C'est son regard qu'on voit le plus souvent dans le film; on sait l'importance de ce sens dans les films de Spielberg, mais ici pour une bonne part nous assistons aux combats à hauteur de cheval... Mais d'autres scènes font appel à la fonction de voir, à commencer par une superbe scène située sur la fin, durant laquelle le cheval est coincé dans le no man's land, entre les tranchées, et les soldats Français comme Allemands s'efforcent de définir quelle est cette forme qui bouge, au milieu de la fumée et de la brume. Mais à la fin, c'est un Albert privé de sa vue par les gaz qui va "trouver" Joey... la ronde a pour objectif de placer le film du coté du conte, de la fable, et de fait le metteur en scène n'hésite pas à mêler le réalisme des combats avec la naïveté et les invraisemblances, principalement des coïncidences, dans l'histoire. Donc une fois de plus, il faut se souvenir d'Hitchcock et de ses diatribes contre ceux qu'il appelait des "Vraisemblants". L'essentiel dans ce film, c'est qu'il ne rate pas sa cible, ou plutôt ses cibles. Le fait que le film utilise le point de vue d'un cheval, considéré comme un être vivant par les uns, comme du matériel par les autres (les officiers notamment), permet à Spielberg de montrer l'évolution technologique de la guerre en même temps que son évolution dans le temps.

La première bataille est un modèle du genre, une scène lyrique, superbe, et profondément ironique: les cavaliers Britanniques vont se lancer, bénéficiant de l'effet de surprise, sur un cantonnement Allemand. Ils vont fondre sur eux, et tous sont persuadés que cela va être rapide, et que la guerre même sera finie en quelques semaines. L'attaque, magnifiquement orchestrée, se déroule comme prévue, avec des plans superbes qui renvoient au viol de la nature par l'armée dans les films de Malick, des cavaliers qui piétient un champ. Les chevaux se voient à peine. La caméra adopte le plus souvent deux points de vue: celui des Allemands que l'attaque surprend d'une part, et un mouvement de droite à gauche (C'est à dire le mouvement le plus souvent des antagonistes), ce qui fait effectivement des Anglais les agresseurs. Mais le mouvement de fuite des fantassins sou la puissance de la charge s'arrête... sur une mitrailleuse; et à partir de là, le processus s'inverse, et les cavaliers Anglais sont décimés. Ils avaient tort: les Allemands ont anticipé, ils ont tout simplement réfléchi, et contrairement aux cavaliers Anglais, qui vivent toujours au XIX' siècle, ...ils ont évolué. D'une manière générale, Spielberg évite le piège de la prise de parti, et nous montre les souffrances des deux cotés.

Le suspense intervient dans le film, mais jamais à des proportions essoufflantes comme dans War of the worlds ou Jaws. Il s'agit ici de scènes courtes, comme celle durant laquelle Albert croit être suivi dans une tranchée par un Allemand, alors qu'il s'agit d'un copain; ou lorsque Emilie monte Joey pour la première fois, et qu'elle disparait. Le grand-père se précipite, et de l'autre coté de la butte qui l'empêchait de voir sa petite fille, il la voit, montée sur le cheval, se démenant contre des dizaines de soldats Allemands (Cette scène est un écho d'une autre scène de War of the worlds, lorsque le fils quitte Tom Cruise pour rejoinde l'armée). Des moments fulgurants, donc. Mais les péripéties du cheval, qui se promène au gré d'un conflit dont nous connaissons de toute façon l'issue, sont surtout pour Spielberg l'occasion de révéler la nature des êtres: le fils du propiétaire, envoyé au combat (Un officier, bien sur) dans la même compagnie qu'Albert, et qui continue à se comporter avec condescendance, avant qu'Albert ne lui sauve la vie; les petits et les sans-grades, qui recueillent volontairement ou non Joey et en tombent amoureux; cette scène superbe et douce-amère, durant laquelle les tranchées s'impoent une trève, et deux troufions, un Allemand et un Anglais, fraternisent le temps de dégager Joey des griffes du barbelé... Joey traverse la guerre comme un révélateur, il renvoie les hommes à leur humanité. Et c'est là sans doute que le dernier miracle s'accomplit, le sens de cette dernière scène presqu'onirique, en silhouette. joey est un miracle, le garant de l'humanisme de ceux qui le cotoient. il est aussi sublime que peuvent l'être les moments forts des films de Frank Borzage, ces instants ou tout basculent, dans des films taillés pour regarder en l'air. Bref, il n'a pas grand chose à voir avec le cynisme ambiant, voilà la raison pour laquelle le film est à voir avec une âme d'enfant...

Peu de choses à regretter dans ce film, sauf peut-être cette manie qu'a le réalisateur d'utiliser la convention de langage de faire parler les acteurs en Anglais, mais avec l'accent (Allemand ou Français) de leur nationalité. Si c'est pour les faire parler Anglais, pourquoi faire intervenir des acteurs nationaux? On avait déja cette tendance dans Schindler's list. Mais c'est un petit détail, une goutte d'eau, dans ce qui est un film de Spielberg très accompli, fédérateur, qui nous parle d'une rencontre, d'un échange, et qui renvoie à sa vision du sacré, comme le faisaient E.T. et Close encounters of the Third Kind.

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Published by Allen john - dans Steven Spielberg Première guerre mondiale
25 février 2023 6 25 /02 /février /2023 12:12

1918, Londres: une jeune chorus girl Américaine, Myra (Mae Clarke), qui a perdu son travail, rencontre sur le Waterloo Bridge un soldat Américain engagé au côtés du Canada en permission, Roy (Douglass Montgomery). Les deux tombent amoureux l'un de l'autre, alors que Myra ramène le jeune homme chez elle, et que Roy ne se rend pas compte qu'elle se prostitue. Il va aller jusqu'à la présenter à sa famille...

Je suppose que le jeu sur la nationalité des protagonistes a été une nécessité, pour une production située à Londres, mais entièrement tournée à Hollywood dans les studios de Universal. C'est frappant, de constater qu'un studio comme celui-ci, ait pu se lancer dans un tel pari, d'une part parce la pièce adaptée était hautement scandaleuse, mais surtout elle n'avait pas eu de réel succès. Mais Carl Laemmle Jr, le petit génie qui faisait de plus en pus la pluie et le beau temps à Universal, faisait justement ce genre de pari, et il avait été frappé de l'intelligence de la mise en scène de Journey's end, la première réalisation de James Whale, qu'il avait aussitôt engagé. 

Et c'est justement ce qui fait le prix et l'intérêt d'un film qui aurait pu être qu'une romance sentimentale tragique de plus ou de moins. Les acteurs n'avaient pas de génie particulier, mais ils sont impeccablement dirigés; et le travail de caméra ici, qui doit s'accommoder d'un scénario qui cantonne souvent les personnages et l'intrigue à l'unité de lieu et de temps, est absolument magistral: Whale et Arthur Edeson ont en effet adopté des prises de vues très mobiles, qui se manifestent aussi bien en extérieurs (le pont de Waterloo), que dans le théâtre au début (cette caméra qui se promène sur la scène d'un musical, cherchant Myra au début) que dans l'appartement, avec de soudains travellings sur des objets significatifs.

La dette du cinéaste (qu'il rappellera jusqu'à la fin de ses jours) envers le cinéma Allemand muet, Murnau en tête, est immense, et on comprend qu'à la suite de ce film il soit apparu comme le meilleur choix du studio pour tourner Frankenstein...

 

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Published by François Massarelli - dans James Whale Pre-code Première guerre mondiale
20 février 2023 1 20 /02 /février /2023 23:08

Contemporain de Shoulder arms, de Chaplin, ce film de Perez, toujours tourné à New York, est une variation sur l'idée d'un monde qui tourne autour de la guerre. La première bobine a disparu, mais établissait que Perez était un détective qui avait surpris des conversations et des messages secrets impliquant une femme qui pouvait bien être une espionne!

La deuxième bobine nous montre ainsi le limier ne lâchant pas sa proie de vue, et si le film repose sur une situation qui semble presque prise au sérieux, Perez semble déclencher partout où il va des situations absurdes: par moments, il semble plus incontrôlable encore que Coke Enniday, le détective cocaïnomane interprété par Douglas Fairbanks dans The mystery of the leaping fish...

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Published by François Massarelli - dans Muet Marcel Perez Première guerre mondiale
6 décembre 2020 7 06 /12 /décembre /2020 08:34

Trois amis, des Allemands, sont sur le front durant l'année 1918: aucun espoir ni de victoire, ni même d'armistice: pour eux, l'enjeu est surtout de survivre, entre deux permissions à l'arrière, ou deux occasions de souffler sur le front: par exemple, le plus jeune d'entre eux est amoureux d'une petite Française qui est stationnée dans les environs, et un autre, Karl (Gustav Diessl) a hâte de retourner chez lui pour revoir sa mère et son épouse... 

C'est le premier film parlant de Pabst et il y transpose ce qui a fait sa marque de fabrique depuis La Rue sans joie: un réalisme coup de poing, une réalité bien sûr transposée et organisée, mais qui est bien loin des manipulations de l'expressionnisme. Ce qu'on a appelé alors "la nouvelle objectivité, en l'occurrence, pouvait-elle se marier avec les exigences et contraintes du cinéma parlant, si peu efficace en ces années balbutiantes? Il le démontre avec un talent fou: oui, c'était possible! comme Lang qui l'année suivante va marquer les écrans avec M, dans un style radicalement différent, Pabst déploie une inventivité de tous les instants, et semble complètement s'affranchir des pesanteurs de la technique. Non seulement son film est parlant et sonore, mais en plus il a aussi souvent que possible été tourné en extérieurs, avec une caméra mobile. Le metteur en scène y combine en permanence prises de vue en studio avec son direct, prises de vue extérieures post-synchronisées avec adresse, et même des scènes tournées en extérieur en son direct, indispensables à son propos: ces nombreux moments où les tranchées sont soulevées par les attaques ou les explosions. Et la caméra balaye les tranchées au moment des assauts, dans un réalisme toujours tragique, car il n'y a aucune glorification de l'héroïsme là-dedans...

A l'arrière non plus, ce n'est pas rose. Pabst retrouve ici les accents sordides de sa peinture de la pauvreté ordinaire de la période de l'inflation dans Die freudlose Gasse: quand Karl rentre chez lui, il croise en effet une queue formée devant un magasin dont certains clients se plaignent d'avoir attendu toute la journée, et il va en arrivant à son appartement comprendre que sa vie ne tient plus à grand chose, quand en entrant dans sa chambre il trouve sa femme au lit avec, justement, le garçon boucher... C'est le portrait d'une Allemagne en totale perdition, où plus rien ni personne ne fonctionne: à l'antipode de la propagande nazie, qui prétendait que l'Allemagne et ses soldats avaient été trahis par l'arrière... Non, tout le monde souffrait dans ce conflit, nous montre le metteur en scène.

C'est que Pabst n'a pas abandonné son point de vue critique, celui d'un social-démocrate avec une sympathie pour la cause communiste (ce qu'il n'a par ailleurs jamais été, et ce qui le sauvera durant les années du nazisme, quand il se verra coincé en Bohême sans possibilité de sortir du territoire Autrichien); et comme de juste, le film accompagne la peinture réaliste de la guerre, proche des magnifiques films de Vidor, Wellman, Bernard ou Milestone, d'une solide dose de pacifisme militant. Il y montre des soldats qui ne cèdent jamais aux sirènes du nationalisme (contrairement aux films français guerriers muets qui eux y cédaient en permanence), qui fraternisent avec une cantinière française (Jackie Monnier) sans jamais se comporter en occupants, qui s'inquiètent d'entendre au loin la plainte d'un soldat français mourant: ça aurait pu être l'un des leurs...

On retrouvera dans la dernière séquence du film qui voit deux soldats ennemis, l'un mourant l'autre mort, main dans la main dans un hôpital de fortune, cette solidarité humaine, qui dépasse les camps, les frontières et les barbelés, et qui sera l'objet d'un beau film l'année d'après, le surprenant Kameradschaft (La tragédie de la mine) qui montrera l'entraide déployée sur une mine partagée entre l'Allemagne et la France, par les mineurs d'un pays pour venir à la rescousse de leurs collègues transfrontaliers. en attendant, il a réussi avec ce beau film de la guerre, l'une des très grandes oeuvres qui y ont été consacrées...

 

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Published by François Massarelli - dans Georg Wilhelm Pabst Première guerre mondiale
23 octobre 2020 5 23 /10 /octobre /2020 10:38

Les aventures tout sauf mémorables de deux troufions (Wallace Beery, Raymond Hatton), engagés malgré eux dans le conflit mondial, et cherchant par tous les moyens à échapper à toute forme d'héroïsme...

Perdu depuis longtemps, le film est aujourd'hui de nouveau visible à la faveur de la découverte à Prague de trois fragments, dont deux sont assez longs. Il en subsiste désormais 23 minutes... Il est sûr que le film à l'époque de sa sortie était bien plus intéressant que ne nous laissent imaginer les fragments disponibles, sur lesquels on ne va paradoxalement pas s'appesantir, car ce film est désormais condamné à n'être qu'un prétexte, un de plus, pour parler de Louise Brooks.

Pour commencer, rappelons les faits: à la faveur de trois films Européens (Die Büchse der Pandora mieux connu ici sous le titre de Loulou, Das tagebuch einer Verlorenen ou Journal d'une fille perdue, et enfin Prix de beauté, les deux premiers de G.W. Pabst, le dernier d'Augusto Gennina), on a de l'actrice une image assez erronée, celle d'une star ultime du cinéma muet. ..Ce qu'elle est effectivement pour ces trois productions! Pourtant quand Pabst l'engage, c'est une starlette lessivée, qui n'a absolument pas percé malgré un important nombre de participations à des films de premier plan... Elle a vu son rôle amoindri dans son dernier film Américain, the The Canary murder case qui aurait pu lui apporter une plus grande notoriété, et sa voix (il était partiellement parlant) doublée par quelqu'un d'autre... En retournant aux Etats-Unis en 1930, ça a été pire: condamnée à interpréter des tout petits rôles dans des films peu glorieux, puis à ne jouer que dans des films produits à l'écart des grands studios, Louise Brooks a fini par prendre sa retraite en 1938. Si tout le monde s'accorde à reconnaître aujourd'hui l'importance en particulier de sa période muette, il est triste de constater que tant de films de tout premier ordre (The American Venus, de Frank Tuttle, ou The city gone wild, de James Cruze) n'aient pas survécu, tout comme il est embarrassant de voir que jusqu'à 1928, elle a surtout été considérée comme une aimable silhouette à laquelle on confiait des rôles, disons, "esthétiques"... 

C'est le cas ici, où elle interprétait une paire de jumelles, Griselle et Grisette, dont seule une a survécu au cruel destin de la pellicule nitrate, et encore: devenue le seul argument sérieux pour regarder ces 23 minutes, Louise Brooks n'y apparaît (plus ou moins vêtue d'un affriolant tutu noir) que durant deux minutes...

Image 1: Grisette, image 2: Griselle

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Comédie Première guerre mondiale Louise Brooks
18 juillet 2020 6 18 /07 /juillet /2020 10:29

Un jour du printemps 1917, deux soldats Anglais (George McKay, Dean-Charles Chapman) stationnés au front reçoivent une mission dangereuse: les Allemands se sont retirés, et une offensive Britannique se prépare. L'état-major a reçu la confirmation que c'est un piège et toutes les troupes qui sont prévues pour l'attaque vont se faire massacrer... Les communications étant coupées, il faut que les deux hommes aillent eux-mêmes porter le message... 

Dès le départ, on a une méfiance inévitable: le choix de Mendes a été de traiter le film en faux plan-séquence, sur l'intégralité de ses presque deux heures. Depuis Hitchcock et Rope (1948) on se méfie de ce genre de petit caprice qui favorise la frime... Mais c'est réussi, une fois entré dans le dispositif, le spectateur a droit à quelques zones de respiration. Comment s'étonner, malgré tout, que le film soit une démonstration impressionnante de virtuosité?

Mais pas seulement: d'une part, on s'attache à ces deux soldats, puis un, qui découvrent la réalité du No man's land, cette zone dangereuse entre les deux camps, et arrivent dans une tranchée Allemande vidée de ses habitants, sauf les rats, et qui recèle quelques pièges... Puis on les suit dans leur aventure dans une campagne Française dévastée. L'intelligence du film est de nous faire attendre une hypothétique confrontation, mais elle tarde à venir et quand elle sera là on la prendra en pleine figure! Et Mendes a superbement capté le visage de la guerre sans la guerre, ces moments d'attente, de calme, qui recèlent finalement autant de possibilités que les moments de bataille.

Le metteur en scène enrichit avec son film la notion de point de vue, qui est essentielle au film puisque c'est une avancée dans l'inconnu, bulle en tête, la caméra à la remorque de ces deux jeunes hommes, qui nous est proposée. Le film est inspiré des récits que grand-père Mendes faisait à ses petits-enfants quand le metteur en scène était jeune, et une fois de plus, le cinéma a pu résoudre un paradoxe: cette première guerre mondiale, conflit titanesque, est de plus en plus clair dans l'objectif des cinéastes, au fur et à mesure qu'elle s'éloigne dans le passé.

Certes, il y a du flou dans cette improbable histoire de fausse retraite des "Boches", et on n'est en aucun cas devant un exposé historique de faits d'arme, mais ce n'est pas le sujet. Le sujet, comme dans Un long dimanche de fiançailles, Paths of glory, Sergent York ou The big parade chacun à leur façon, c'est le soldat, sa vie, sa survie, sa peur et ses éventuelles réussites, qu'il s'agisse d'une action d'éclat ou d'esquiver une balle, d'où qu'elle vienne. A l'heure où tous les poilus nous ont quitté, ce film est un nouvel appel, vibrant, au devoir de mémoire, et nous propose à nouveau une vision profondément humaine de la sale guerre.

 

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Published by François Massarelli - dans Sam Mendes Première guerre mondiale
27 avril 2020 1 27 /04 /avril /2020 13:11

Un chercheur qui vient de perdre son fils, engagé sur le front, s'efforce de trouver une formule de gaz qui puisse apporter une réponse musclée aux armes chimiques employées par l'ennemi. Pendant ce temps, des membres de sa famille intriguent pour le priver de son dernier héritier, son petit-fils...

Hautement mélodramatique, avec un recours constant aux retournements de situation et autres péripéties improbables, ce film de long métrage, l'un des premiers de son auteur, nous montre Gance faisant ses gammes. Il l'a souvent rappelé, les films de cinq bobines qu'il tournait à l'époque étaient généralement tournés par grappes de deux ou trois! 

On sent bien, dans ce film, la volonté d'offrir au public des péripéties qui permettent de rapprocher le film du cinéma populaire, tout en étant aussi original que possible, d'où une intrigue à tiroirs qui fait intervenir une étrange ferme aux serpents au Mexique, une mystérieuse orpheline maintenue en esclavage avec de l'alcool, et autres rebondissements plus baroques les uns que les autres. Mais deux aspects du film annoncent le Gance "adulte": un recours au montage à la Griffith pour une dernière bobine marquée par le suspense, et montrant une catastrophe plus grande que nature, qui symbolise un très grand danger pour l'humanité. Et sinon, le metteur en scène, déjà, campe un génie à part, marqué par un amour trop grand pour ses proches... Une tendance qui ne le quittera jamais.

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Published by François Massarelli - dans 1916 Muet Abel Gance Première guerre mondiale *
28 mars 2020 6 28 /03 /mars /2020 15:31

Produit par Pallas pictures, donc scénarisé et produit par Julia Crawford Ivers, ce film de cinq bobines est assez routinier. C'est pourtant, à sa façon, une rareté: un film d'espionnage, à l'époque où le genre était encore balbutiant...

Un inventeur Américain (Cecil Van Aucker) a créé une arme impressionnante, mais le gouvernement de son pays n'est pas intéressé. Le pays étant neutre, il se dit qu'il pourra sans doute sans aucun problème le placer en Europe, où les combats font rage. Ils trouvent des clients potentiels dans un pays jamais nommé dont les soldats ont des casques à pointe (et on y reconnait, quelques secondes, cette vieille fripouille Teutonne de Gustav Von Seyffertitz), et va faire affaire avec eux, mais il doit retourner au pays, accompagné du Baron Grogniart, dépêché par le pays acheteur, qui a pour mission de mettre la main sur l'invention, en l'achetant ou par tout autre moyen. Mais sur le bateau qui les amène aux Etats-Unis, se trouve aussi, déguisée en immigrante, l'espionne Sonya Varnli (Lenore Ulrich), chargée par un pays concurrent de faire tout ce qu'elle peut pour empêcher que l'arme tombe aux mains des affreux à casques à pointe...

On ne s'encombre pas trop de subtilité dans ce film fonctionnel, et sans un gramme de génie. Disons quand même qu'on y voit un Américain (le jeune premier en plus!) qui est prêt à vendre une invention vraiment effrayante (on l'essai sur un mouton, dans le film, et... c'est très efficace) à d'abominables Boches!! Mais bon, les USA étaient encore neutres. Et on notera que les casques à pointe sont plus ou moins des affreux, alors que les autres dépêchent une gentille espionne qui va, elle, tout faire pour que personne ne mette la main sur la chose! La morale est donc sauve...

Les acteurs font leur travail, la mise en scène est gentiment poussive, et curieusement l'intérêt du film monte d'un cran quand Lenore Ulrich adopte un déguisement d'immigrante pour faire son travail d'espionne... Et elle charge alors sa camériste, Florence Vidor, de jouer sa "doublure"...

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Published by François Massarelli - dans 1916 Frank Lloyd Muet Julia Crawford Ivers Première guerre mondiale **