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11 août 2022 4 11 /08 /août /2022 19:17

C'est la guerre, et il faut se méfier des vantards et des distraits, qui comme Eddie Bracken en soldat qui téléphone à sa petite amie, finissent par en dire trop alors que forcément, et en tous lieux, des oreilles ennemies sont à l'écoute...

C'est un court métrage, un des premiers efforts de la collaboration entre l'industrie du cinéma et le gouvernement Américain, pour installer une forme de propagande saine. Comme on le sait, des gens aussi divers que Frank Capra (Why we fight), John Ford (The Battle of Midway), les studios Disney (Der Fuehrer's face), les studios Schlesinger, dont Bob Clampett, Friz Freleng (Bugs Bunny Nips the Nips) ou Chuck Jones (Private SNAFU), et même Tex Avery à la MGM (Blitz Wolf) ont tous participé, et ont apporté leur pierre à l'édifice impressionnant d'une communication nationale dans le but d'unifier l'Amérique derrière l'effort de guerre...

On y retrouve donc Eddie Bracken, mais aussi Walter Huston en officier sérieux, qui prête sa dignité à un personnage qui apporte un éclairage rigoureux, didactique et austère à l'exercice. Mais occasionnellement, l'efficacité narrative et une envie de s'amuser un peu avec le caractère du personnage d'Eddie Bracken, nous rappellent qui a écrit le scénario. 

...et, peut-être, réalisé le film. Mais ce n'est pas si sûr.

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Published by François Massarelli - dans Preston Sturges
1 mars 2020 7 01 /03 /mars /2020 16:26

A Budapest, le dirigeant d'un cinéma (Alan Hale) se rend dans un orphelinat pour y proposer l'embauche d'une jeune fille pour être ouvreuse dans son établissement. Il choisit Luisa Ginglebusher (Margaret Sullavan), l'une des plus âgées, mais aussi des plus fantasques, des locataires de l'établissement... Nous ne la verrons pas beaucoup faire son métier pour autant, car elle va très vite découvrir l'un des désavantages de son métier: il attire les hommes. Quand elle se retrouve en compagnie d'un séducteur, Luisa trouve la solution, elle prétend être mariée...

Ayant rencontré lors d'une séance de cinéma Detlaff (Reginald Owen) qui travaille comme garçon dans un hôtel de luxe, il l'invite à l'accompagner, afin de réussir à manger à l'oeil. Mais... Luisa, décidément peu au fait des aléas de la séduction, se retrouve dans les bras d'un important et riche homme d'affaires, Konrad (Frank Morgan). Afin d'échapper à ses assauts, elle prétend être mariée. Beau joueur, Konrad lui suggère de nommer son mari afin qu'il lui rende la vie plus facile. Luisa sélectionne dans l'annuaire le nom d'un avocat, Max Sporum (Herbert Marshall): celui-ci va donc bénéficier, sans trop y comprendre, des largesses de Konrad, et entrer malgré lui dans la vie de la jeune femme...

Qui est "la bonne fée"? Est-ce Luisa, qui essaie de profiter de son influence sur Konrad et ses millions, pour faire le bonheur d'un inconnu qui en a bien besoin (c'est un avocat, mais l'annuaire indique qu'il vit dans un quartier peu reluisant)? Est-ce Konrad, qui est prêt à tout pour séduire la jeune femme (mais qui a des intentions bien équivoques)? Ou ne serait-ce pas plutôt le grognon Detlaff, irascible mais dont la tendresse pour sa protégée n'a pas besoin d'être exprimée? Voire... ne serait-ce pas tout simplement Maurice Schlapkohl (Alan Hale, dans un rôle minuscule mais mémorable), l'homme qui a tout déclenché?

C'est un film formidable, dont William Wyler, qui n'adapte pas la pièce de Molnar puisque le script en est éloigné, fait son traitement coutumier, privilégiant des prises longues afin de laisser les dialogues respirer. Et quels dialogues! Preston Surges a du batailler ferme pour maintenir un certain niveau de coquinerie, d'autant qu'on en est aux premiers temps de l'application du code de production, mais il est impossible de ne pas y voir les aventures d'une innocente (Luisa), protégée par un brave homme qui la veille comme un oncle (Detlaff), aux prises avec un vieux garçon (Konrad) qui aimerait vraiment la faire passer à la casserole! On peut bien sûr ajouter le personnage de Max, l'avocat idéaliste, et admettre qu'il est probablement aussi innocent que Luisa, et on est en pleine screwball comedy, délectable et enlevée.

Cette fois, en dépit de la pièce écrite par Ferenc Molnar, on n'est pas vraiment dans l'esprit de Mitteleuropa... On n'est pas vraiment chez Wyler non plus, même si la mise en scène est impeccable: on est entré dans l'univers loufoque de Preston Sturges, où tout le monde ment sans mauvaises intentions... Et suivre Margaret Sullavan en folle ingénue dans cette équipée, est décidément un grand plaisir.

 

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Published by François Massarelli - dans William Wyler Preston Sturges Comédie
6 juillet 2014 7 06 /07 /juillet /2014 17:35
Unfaithfully yours (Preston Sturges, 1948)

Sir Alfred de Carter (Rex Harrison) est un homme heureux, comblé: héritier richissime d'une famille qui fabrique des montres en Grande-Bretagne "depuis Waterloo", chef d'orchestre, l'un des plus grands parmi les plus grands, il est marié à Daphné (Linda Darnell), une adorable Américaine qui l'aime de tout son coeur. A moins que... Lorsque Sir Alfred revient aux Etats-Unis après une tournée, il s'attend à ce que sa vie continue comme elle a toujours été, pas du tout à ce que son beau-frère, l'insupportablement médiocre August (Rudy Vallee) lui annonce avoir utilisé les services d'un détective (Edgar Kennedy) pour surveiller Daphné, et encore moins à ce que les conclusions du détective amènent à l'inévitable assurance que Daphné avait fricoté avec le secrétaire de son mari, Tony (Kurt Kreuger). Blessé au plus profond de son âme, Sir Alfred va livrer son plus beau concert, en imaginant tout en conduisant diverses façons de se débarrasser de son épouse.

Le consensus autour de ce film est généralement très favorable, ce que j'ai du mal à comprendre. Car ce modèle de comédie n'est dans l'ensemble pas excessivement drôle. Avec une longue scène de répétition de l'orchestre, on sent bien que le film tout entier tient dans ces quelques trente minutes au cours desquelles Sir Alfred laisse galoper son imagination autour du meurtre de sa femme, et si cela reste un moment intéressant de cinéma, la répétitivité finit par l'emporter sur l'intérêt. Et lorsque Harrison rejoue dans la vérité l'une des scènes de meurtre, la comédie semble toute entière dans le décalage embarrassant entre l'exécution réussie (Rêve) et mise en oeuvre ratée (réalité), dans une scène aussi lourde que démonstrative. Restent quelques moments de grâce, tel ce merveilleur passage dans lequel Edgar Kennedy, détective privé, s'avère un mélomane, qui aime tant la façon dont Sir Alfred s'occupe de Haendel ("The way he handles Handel"). Pour ce qui est sans doute le dernier film de Sturges dans lequel celui-ci se soit vraiment investi, c'est bien dommage.

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Published by François Massarelli - dans Preston Sturges
5 juillet 2014 6 05 /07 /juillet /2014 16:13
The sin of Harold Diddlebock (Preston Sturges, 1947)

Au moment de tourner ce film, Preston Sturges vient de quitter la Paramount où il a été le wonder-boy ultime, mais a fini par enchaîner les flops, et Harold Lloyd s'est tenu à l'écart des studios depuis sa dernière production, Professor Beware. C'est Sturges qui a appaté Lloyd avec le projet de ce film, que l'acteur devait même mettre en scène lui-même, songeant à un moyen de continuer à travailler dans un domaine qu'il ne parvenait pas à quitter... Finalement mis en scène par Sturges et produit par Howard Hughes, le film a été un échec, pas une fois, mais deux: sorti sous son tire initial, puis repris par Hughes, remonté, retitré (Mad Wednesday), il est ressorti en 1950 devant un public toujours pas convaincu. Il a depuis rejoint la cohorte maudite des films tombés dans le domaine public dont on a l'impression qu'on ne les verra jamais que dans des copies ignobles...

Harold Diddlebock (Lloyd) a gagné un match de football important en 1923 pour son université, ce qui lui a valu un contrat immédiat chez un publiciste, E.J. Wiggleberry (Raymond Walburn); mais après 20 ans passés dans l'ombre de son glorieux passé, Harold est jeté par son patron. Avant de partir, il s'entretient avec une jeune collègue, miss Otis (Frances Ramsden), avec laquelle il aurait aimé se marier (Comme avec ses cinq soeurs qui l'on précédée!) et se retrouve dans un bar, où le garçon (Edgar Kennedy) va lui faire gouter un cocktail qui va changer sa vie de fond en comble...

Le film commence par... la fin de The Freshman, dans laquelle s'intercale le film! Un clin d'oeil à Lloyd, et une façon de transcrire le personnage joué tant de fois par le comédien, de naïf au grand coeur auquel le courage et l'honnêteté permettent de triompher, dans une période dans laquelle la comédie est moins tendre. Mais la mayonnaise a du mal à prendre, et le film souffre à mon sens d'un certain nombre de défauts: d'une part il est bavard, jusqu'à en être irritant. Ensuite, pour une fois, le sens du rythme de Sturges ne joue absolument pas en sa faveur, au point où on a parfois l'impression d'assister à une crise d'hyéterie collective dans laquelle il est difficile au public d'entrer... Et puis la comparaison avec d'autres films de Lloyd s'impose, après tout, Sturges a lui-même recyclé quelques dix minutes de The freshman. Et c'est sans appel, surout lorsqu'il ajoute à cette réappropriation d'un classique une scène de haute voltige sur la façade d'un immeuble avec un lion, réalisée de façon plate et peu convaincante: quiconque a vu Safety Last sait que Lloyd et son équipe ont en ce domaine plus qu'une longueur d'avance...

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Published by François Massarelli - dans Preston Sturges
26 juin 2014 4 26 /06 /juin /2014 07:08

Le beurre, l'argent du beurre, le sourire de la crêmière, un tour de manège gratuit et la queue de Mickey: il y a des films qui vous donnent tout, et The Miracle of Morgan's Creek, comédie loufoque et parfaitement dosée, en fait partie. Et par dessus le marché, c'est un tour de force particulièrement remarquable par la façon dont Sturges déjoue la censure, tout en faisant exactement ce qu'il ne faut pas faire: appeler un chat un chat; Pour résumer la portée de ce film, qui n'est pas qu'une comédie, je le prends en plus comme un manifeste de son auteur, au même titre que Sullivan's travels, disons qu'il part du principe de tester les limites de l'acceptabilité dans le pays dont la majorité des citoyens suivent les enseignements d'un homme qui est supposé être né dans une étable, et dont les parents terrestres ne sont que les dépositaires. Non qu'il y ait effectivement miracle religieux dans le film, loin de là, mais il y a beaucoup à avaler, et beaucoup de compromis à faire...

1942: Gertrude Kockenlocker (Betty Hutton), la fille ainée du constable local (William DeMarest) est une jeune femme délurée, qui a décidé de faire comme les copines, en allant à une soirée organisée autour du départ des jeunes recrues de l'armée Américaine qui s'apprêtent à partir en Europe. Son père, qui sait à quoi s'attendre (Il a fait la guerre),s'y oppose, et Gertrude surnommée Trudy n'a pas d'autre solution que de demander de l'aide à Norval Jones (Eddie Bracken), son meilleur ami: elle sait qu'il est amoureux fou d'elle et qu'elle peut tout lui demander. Supposée accompagner Norval au cinéma, elle va en fait danser à la soirée folle où elle veut se rendre, et récupérer Norval à la sortie du cinéma, ni vu ni connu... Du moins le croit-elle, car la fête va dégénérer, et une Trudy totalement éméchée va finir par rejoindre Norval au petit matin, et ce qu'elle finit par réaliser à l'issue de cette nuit, après avoir été accueillie par son père en compagnie de son ami à une heure indécente, c'est qu'elle est mariée. A qui? Elle ne s'en rappelle pas... Mais en plus, elle est enceinte jusqu'aux yeux... Il lui faut donc déterminer si elle est vraiment mariée, puisque la cérémonie s'est déroulée dans le cadre d'une soirée très agitée, à qui, comment trouver le coupable, et le cas échéant, est-ce que quelqu'un, pourquoi pas Norval, voudrait bien d'elle, le tout sans éveiller les soupçons de la population de Morgan's Creek, en particulier ceux du policier Kockenlocker dont la gâchette est particulièrement chatouilleuse...

Il a fallu attendre environ dix-huit mois pour que le film sorte... C'est une période faste, et la Paramount a beaucoup de films en chantier, ce qui l'autorise à en mettre sur les étagères... Mais surtout, dans ce film réalisé par leur metteur en scène star (Avant qu'il ne devienne l'enfant terrible), il y avait largement de quoi émouvoir la censure: faire peser tout le suspense du film sur une grossesse, à plus forte raison aussi illégitime que l'engrossage d'une fille saoule par un soldat à la veille de partir, et le nombre de discussions autour de la triste réalité du sexe, le fait aussi que Trudy se soit laissée faire aussi facilement (Un truc de scénario est présent pour expliquer cette légèreté: pendant la soirée, on la voit se cogner douloureusement la tête à un élément de mobilier, mais c'est bien peu au regard de la dureté du code de production de l'époque) était tout bonnement impensable... voire miraculeux. Sturges teste les limites de la censure afin de traquer la vérité dans une comédie qui s'attache à nous montrer des personnages certes souvent gentiment ridicules, aux accents exagérés, au style de jeu volontairement poussé, mais ils sont aussi et surtout profondément humains.

Et si le sort s'acharne sur ce pauvre Norval Jones (Accusé de 19 motifs d'inculpation lors de ses tentatives pour trouver une solution pour que sa Trudy puisse affronter la vie la tête haute!), si Gertrude et sa soeur Emmy (Qui a quatorze ans, mais semble en connaître un rayon niveau sexualité...) utilisent des stratagèmes inavouables et souvent immoraux pour faire passer la situation, on ne cesse jamais de les aimer... Ni de rire, car le film reste jusqu'au bout une comédie sur-vitaminée, hystérique, mais hautement réjouissante. L'une des meilleures du genre... Et quant au miracle, il a bien lieu, et est annoncé dès le début car tout le film n'est qu'un flash-back, tellement bien accompli qu'on ne peut pas détourner ses yeux une fois la machine lancée.

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Published by François Massarelli - dans Preston Sturges
10 juin 2014 2 10 /06 /juin /2014 10:20
The great moment (Preston Sturges, 1944)

The great moment est une exception dans la carrière de Sturges, et un film qui trahit de façon parfois cruelle la confusion qui a prévalu lors de sa confection. Que le film ait été un pensum imposé à l'auteur où qu'il ait vraiment souhaité le tourner importe peu: le film est un biopic déguisé fort maladroitement en comédie. Il contient un grand nombre de thèmes et de points communs à tous ses films, et en particulier à The Great McGinty et Hail the conquering hero, mais la comédie y est supposée venir en bonus dans la mesure ou le film reste l'histoire d'un homme, le Dr Morton, premier dentiste utilisateur de l'éther, et pionnier de la lutte contre la douleur... celui-ci est mort pauvre et oublié, donc faire une comédie à la Sullivan's travels, dans ce cas, reste compliqué! Le film, de fait, n'épouse absolument pas le cheminement d'une comédie classique, commençant par une scène de triomphe, puis sautant à la période qui suit la mort du héros, avec ses amis et familles se lamentant de l'oubli dans lequel il est tombé. Un premier flash-back montre les difficultés rencontrées par le Dr Morton pour se faire reconnaitre comme l'inventeur objectif d'une pratique désormais reconnue par tous, et un deuxième flash-back, pour de bon, nous montre enfin le cheminement vers une technique pour soulager la douleur. C'est l'épisode le plus riche en comédie... Finir la-dessus, c'est au moins en phase avec le message de Sullivan.

Si on peut comprendre, en voyant le film, que la mort évoquée du personnage principal ait été donnée dès le départ, la structure reste quand même embarrassante, voire boiteuse. Elle fait reposer tout le film, c'est sans doute voulu, sur un moment, situé en fin de film, lorsque le docteur finit par admettre l'importance de son "invention", et l'inutilité de la revendiquer. Mais elle tend à contredire objectivement le début du film, forcément situé après cette fin, qui montre le docteur revendiquer la paternité de cette pratique, d'où un certain malaise! Pour autant, le film reste un film de Sturges, dans lequel un héros oublié va, avec l'énergie et la manière qui caractérisent les personnages de Sturges, se débattre sans fin dans une situation perdue d'avance, avec naïveté, comme une énième victime de l'illusion grandiose d'un rêve Américain...

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Published by François Massarelli - dans Preston Sturges
8 juin 2014 7 08 /06 /juin /2014 08:36
Hail the conquering hero (Preston Sturges, 1944)

Woodrow Truesmith n'a pas de chance, d'une certaine façon: il est le dernier né d'une lignée de héros, préparé dès son plus jeune age à glorieusement prendre la suite de ses aînés. Pour lui comme pour son père, la route est toute tracée: ce sera les Marines... Sauf que non: atteint d'un rhume des foins calamiteux, il est réformé et renvoyé à la vie civile... Ce qu'il ne peut admettre ni avouer à sa maman, qui vit dans le culte du papa, sergent chez les Marines et disparu symboliquement le jour même de la naissance de Woodrow. Celui-ci s'est donc résolu à prétendre être toujours un soldat, et se cache en attendant une meilleur idée. Il a rompu avec sa fiancée, et est bien déterminé à ne jamais retourner dans sa petite bourgade. Au début du film, il est dans une taverne, à boire plus que de raison, lorsqu'il croise un groupe de six Marines, six héros qui viennent de Guadalcanal. Il leur offre un verre, parle avec eux... et ils décident de l'aider à rentrer chez lui en prétendant qu'il est non seulement parti à Guadalcanal avec eux, mais aussi qu'il a commis action d'éclat sur action d'éclat. En rentrant, toute la ville est en émoi, on fête le nouveau héros, la maman est aux anges et l'ex-fiancée (Qui s'est entre-temps trouvé un bellâtre pour se consoler) hésite à mettre en oeuvre ses plans de mariage ou à retourner vers Woodrow le héros. Celui-ci, quant à lui, vit un cauchemar devant la façon dont la situation dégénère...

Qu'est-ce qui fait un héros, c'est la question posée en substance par ce film, qui renvoie en filigrane à The great mcGinty, le premier film de Sturges: la première scène est située ici aussi loin de tout, et Woodrow cherche l'oubli comme McGinty dans le film initial. Mais là ou McGinty engendre un flash-back par sa narration, ce nouveau film va de l'avant grâce à une troupe de bonnes fées, les six Marines, qui vont s'attacher, parce que l'un d'entre eux est très chatouilleux en ce qui concerne les relations entre une mère et son fils, à faire de Woodrow le réformé un héros glorieux... Et la foule, qui gobe tout de A jusqu'à Z, va aller jusqu'à vouloir faire de cet escroc malgré lui, un homme politique providentiel, en vue des élections municipales situées deux jours plus tard. Et Woodrow, quant à lui, se laisse plus ou moins mener dans cette escroquerie qui dégénère essentiellement parce qu'il trouve, jusqu'à un certain point, la vérité plus embarrassante que le mensonge. out ça fait beaucoup pour un pays qui a l'habitude de confier sa destinée à des héros certifiés; mais le sont-ils vraiment? Sturges prend la précaution de tout faire rentrer dans l'ordre au final, en permettant à Woodrow de dire la vérité en public, ce qui va avoir pour effet d'émouvoir les gens. Il remet les choses en place en rappelant que les fameuses "bonnes fées", les six marines, sont après out eux d'authentiques héros, ce que personne ne songera à mettre en doute. Mais le mal est fait: on a ici une attaque satirique de mécanismes douteux, d'une société qui tend à privilégier les codes usés et artificiel de l'héroïsme préfabriqué, mais ne s'attache pas suffisamment à la vraie valeur de l'individu. Et comme souvent dans un film de Sturges, la communauté avance lorsque les gens commencent à penser par eux-mêmes au lieu de suivre la marche imposée.

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Published by François Massarelli - dans Preston Sturges
31 mai 2014 6 31 /05 /mai /2014 17:33

McGinty (Brian Donlevy) a tout vu, tout vécu: comme il le raconte, devenu barman dans un bouge situé à l'autre bout du monde, il a même été gouverneur d'un état Américain. Et sa vie se déroule sous nos yeux, telle qu'il la raconte, sans aucun oubli ni arrangement avec la vérité... c'est qu'il est profondément, et paradoxalement, honnête: toutes les mauvaises actions qu'il a commises l'ont été sans rien dissimuler. Clochard, il a été engagé comme d'autres pour voter à plusieurs reprises par l'équipe mafieuse du maire de sa ville, et a été particulièrement zélé, puisqu'il a réussi à voter par 37 reprises en une nuit. Devenu récupérateur de sommes dues, il est tellement efficace, qu'il ne peut que devenir maire à son tour. Mais afin d'être élu, il lui faut séduire, et pour séduire, il se doit d'être marié: il épouse sa secrétaire (Muriel Angelus), dans une union qui va rester durant 6 mois un simple arrangement avant que l'amour ne se manifeste... La dernière étape, inévitable, sera la conquête de l'état, toujours appuyé par la même équipe de truands... Mais le "grand McGinty" a semble-t-il d'autres plans que de s'en mettre plein les poches...

Fulgurant, le film accumule avec brio les anecdotes en moins de 80 minutes. Pour son premier film en tant que metteur en scène, Sturges, qui a vendu son script à la Paramount pour 1 dollar à condition d'en être le réalisateur, fait merveille avec une oeuvre au ton nouveau: aucune naïveté dans la peinture d'une politique corrompue, mais au visage si humain. On peut faire dire ce qu'on veut à ce film, qui n'épouse jamais le si pratique et trop facile 'Tous pourris', mais montre que du bien peut sortir de toutes les situations crapuleuses, et vice-versa. Et le film joue sur les ruptures de ton, du burlesque au cinéma satirique, en passant par la comédie sentimentale... Les acteurs, étonnants, car en dehors des clichés, font merveille. Il est d'ailleurs notable que le film semble n'avoir été tourné qu'avec des "character actors", ces acteurs de second plan qui s'en donnent à coeur joie: Donlevy bien sûr, mais aussi Akim Tamiroff en mafieux en chef, ou la surprenante Muriel Angelus, d'autant plus crédible qu'elle ne ressemble pas à la jeune première classique...

Un metteur en scène était né, il allait aller loin. Pour dix ans, du moins.

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Published by François Massarelli - dans Preston Sturges
22 février 2014 6 22 /02 /février /2014 08:12

Ca commence de façon très inattendue, par une scène d'action trépidante: deux hommes se battent sur un train en marche, et tombent tous deux dans une rivière. Ils meurent et le mot fin, acccompagné d'une musique dramatique, vient nous déstabiliser un peu plus... Nous sommes à Hollywood, dans une salle de projection; un homme explique que ce qu'on vient de voir, c'est le capital et le travail qui se détruisent mutuellement... le metteur en scène John L. Sullivan vient de montrer un nouveau film à ses producteurs, qui se demandent pourquoi le réalisateur de comédies à succès veut à tout prix réaliser des drames à message. Mais celui-ci n'en démord pas: à presque quarante ans, il n'a rien fait de valable, et souhaite se lancer dans son grand oeuvre: une adaptation de O Brother where art thou? , un roman social (Fictif) qui dépeint la vie des millions de vagabonds qui vont sur les routes. Afin de se rendre capable d'aborder le sujet, Sullivan annonce donc à ses employeurs qu'il va partir sur les routes à son tour et ramener des expériences authentiques qui lui permettront de réussir son film... La mort dans l'âme, afin de ne pas froisser la poule aux oeufs d'or, les responsables du studio acceptent, mais tentent de superviser un peu la lubie de leur poulain... Qui n'est pas au bout de ses mésaventures.

 

Dans une première partie, l'ironie gentille de Sturges fait que Sullivan, joué par Joel MCCrea (Qui est parfait avec son humeur teigneuse) ne peut jamais s'éloigner d'Hollywood: chaque coup du destin, chaque route qu'il prend, chaque initiative d'improvisation dans son périple, le renvoie à son quartier, son studio, ou un bus spécial affrêté par les producteurs pour le suivre à distance. Une façon comme une autre d'amener l'idée, qui fait un peu partie du 'message' du film: on ne peut pas se renier, et Sullivan, quoi qu'il fasse, ne sera jamais totalement un vagabond. Mais on ne s'en tient pas à cet aspect comique de l'intrigue, puisque deux facteurs vont jouer un rôle important: d'une part, Sullivan rencontre une jeune femme, aspirante actrice, dont il tombe vite amoureux (Veronica Lake, qui n'est pas nommée comme pour en faire une sorte de symbole féminin; à coup sur, un choix ironique de la part de Sturges). Ensuite, il va prendre une décision généreuse, et un peu stupide, celle de distribuer les dollars à des compagnons d'infortune... Ce qui va évidemment attirer les convoitises, puis les ennuis. C'est donc lorsque Sullivan a décidé d'abandonner l'expérience qu'il va vraiment la vivre: il est arrêté pour avoir agressé un homme en sortant d'un train, et par-dessus le marché, apprend lors de son séjour au bagne, qu'on a retrouvé son corps. Désormais mort, condamné à six ans de travaux forcés, il n'a plus rien, et c'est à ce moment qu'il a une épiphanie: au milieu d'autres forçats, il est amnené à la fin d'un service religieux (Dans une communauté exclusivement Afro-Américaine) ou l'on va projeter un film. Précisément, il s'agit de Playful Pluto, un Mickey Mouse de la grande époque, présenté sur un vieux drap, muet. Les hommes rient et s'abandonnent, et Sullivan presque malgré lui, se laisse aller à rire aussi: un geste qui va bouleverser sa vie de façon durable...

 

Le film nous propose un message à la fois ironique, bien tourné et paradoxal: à savoir que le cinéma ou l'art ne doivent pas se sentir obligés justement de délivrer un message ou d'engager les consciences, mais se doivent de tenir jusqu'au bout, contre vents et marées, crises, inquiétudes, guerre, leur rôle d'amuser les gens. L'idée n'est absolument pas de critiquer la conscience de la culture, et d'ailleurs on cote ouvertement Capra comme un exemple contemporain d'artiste soucieux à la fois du grand public et de l'édification des spectacteurs... Et Preston Sturges, qui sait de quoi il parle, met en avant l'indispensable existence de la comédie. Pour appuyer son propos, il passe en revue presque contre Joel McCrea lui-même, dont le Sullivan est un incorrigible bougon, les différentes sortes de comédie, en multipliant les faire-valoirs (Tous les secrétaires, attachés de presse, valets et producteurs qui entourent le héros, mais aussi la fille interprétée par veronica lake, ou encore un prisonnier durant les scènes de bagne), les séquences de slapstick, la screwball comedy... Il rend aussi hommage au cinéma muet à plusieurs reprises. Et surtout, s'il prend l'exemple de Capra qui a tendance à parler des petites gens qui cherchent à s'élever, on notera qu'il nous parle d'un Américain parvenu qui cherche à s'abaisser même si ce n'est que momentanément. Pour l'auteur de Christmas in July, c'est contre-nature...

 

Aucun mépris pourtant, aucune condescendance dans la peinture des paumés, des vagabonds, avec des images qui parfois feraient presque documentaires... Ces gens auxquels le réalisateur Sullivan voudrait ressembler, ils semblent bien mériter le surnom collectif, The great unwashed: sales, aux vêtements élimés, revenus de tout, pouilleux... Le film n'édulcore pas, mais ne se réfugie pourtant dans aucun misérabilisme. Sullivan, heureusement, reprendra ses esprits. Il revient à sa vocation, utilise son influence pour pistonner sa petite amie, etc... Mais ce sera sa rédemption, d'autant qu'il est presque mort dans le film. Faut-il le dire? Sullivan's travels est un film passionnant, capital et pour tout dire, magnifique.

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Published by François Massarelli - dans Preston Sturges screwball comedy
19 février 2014 3 19 /02 /février /2014 21:55

Avec son troisième opus, Sturges réalise une superbe comédie, qui tend à se situer sans efforts au pinacle du genre: avec Barbara Stanwyck en garce au coeur tendre, et un Henry Fonda inattendu mais dont la transition vers la comédie loufoque est une réussite, The lady Eve est un classique instantané. Après l'Amérique profonde et les petites gens de Christmas in July, Sturges s'attaque à la représentation d'un tout autre monde, avec la famille Pike, des parvenus (Foncièrement sympathiques toutefois, le père est interprété par Eugene Palette, c'est tout dire) dont le dernier exemplaire, Charlie (Fonda), ne s'intéresse absolument pas à l'industrie de brasserie qui a fait leur fortune. Non, son hobby, ce sont les serpents, qu'il a été étudier et chercher en pleine Amazonie. Sur le bateau qui le ramène aux Etats-Unis, il va faire la connaissance de trois escrocs, interprétés par Charles Coburn, Melville Cooper et Barbara Stanwyck. Ils se font passer pour des gens de la bonne société et se chargent de plumer le jeune naïf, mais Jean, la jeune femme, tombe amoureuse de Charlie... et lorsque la romance est bien partie, la vérité vient tout gâcher...

Il y a finalement, une double raison au titre: d'une part, Stanwyck est amenée à jouer une femme, supposée être un sosie de Jean, mais qui serait une noble Britannique; cette 'Eve' est celle par laquelle Charlie va découvrir à quel point il lui faut retrouver Jean... Mais Eve est aussi et surtout une allusion à la Genèse, à laquelle le film renvoie par de multiples indices: le serpent de Charlie, qui va d'ailleurs semer la pagaille dans une courte scène, est également présent au générique sous la forme d'un cartoon, et s'accompagne lors de la première rencontre entre Charlie et Jean d'un jeter de pomme: la jeune femme lance en effet un trognon sur le jeune homme qui s'apprête à embarquer sur le paquebot afin qu'il lève la tête et qu'elle puisse juger de son physique. Le film va nous montrer, à travers les marivaudages pilotés par une Stanwyck en très grande forme, un jeu très allusif du chat et de la souris dans lequel le jeune homme est la proie: non seulement des escrocs (Dont Charles Coburn on s'en doute, compose un chef saisissant), mais surtout... de la femme. Avec un grand F. Bref: une grande comédie intemporelle, réjouissante et indispensable. Un classique, quoi.

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Published by François Massarelli - dans Preston Sturges Comédie