
1896: John Wesley Hardin (Rock Hudson) sort de prison, et sa première visite sera pour le journal local: il y dépose son histoire, celle d'un hors-la-loi paradoxal, et le rédacteur en chef entame de suite la lecture qui s'avère passionnante: on y apprend comment Hardin, à peine sorti de chez son père qui l'a élevé à la dure, a tué un homme durant une partie de poker, mais en légitime défense... Pourchassé pour un crime qu'il estime ne pas en être un, désireux de s'affranchir de la conception morale rigoriste de son père, Hardin a aussi deux femmes dans sa vie: la gentille Jane Brown (Mary Castle), sage et réfugiée sous l'aile protectrice mais sévère du pasteur Hardin le père de Wes, et Rosie la fille de saloon (Julia Adams), qui sait très bien qu'elle vient après Jane dans le coeur du fougueux outlaw, mais ça ne l'empêche pas d'espérer... de jeu en évasion, de fusillade en poursuite, John Wesley Hardin tente d'échapper à une loi à laquelle il ne croit plus...
On se rappelle de George Custer: pas le vrai, celui que Walsh a concocté avec Errol Flynn; un maverick, un homme sans scrupules qui cherchait à compter quand même dans l'écriture de l'histoire des Etats-Unis. A sa façon, le John Wesley Hardin de Walsh, héros populaire dont on nous dit et on nous répète que certes il a tué des hommes, mais c'était lui ou eux, est un personnage totalement Walshien, un homme qui se définit par son action d'abord, mais qui paiera quand même sa dette à la société. Certes, c'est un peu manichéen, d'autant qu'à chaque choix, Hardin se retrouve confronté uniquement à l'adversité: la blonde ou la brune? la loi "divine" et forcément trop stricte de Papa Hardin, ou la loi aveugle de l'Ouest en devenir?
Mais Walsh maintient, après quelques films un peu trop lâches, une sorte de rigueur morale autour du personnage de Wes Hardin, auquel Rock Hudson et son manque total de flamboyance finissent par donner le meilleur des visages: un homme simple, aspirant au bonheur, mais sûr de son bon droit... Tout en étant soumis dans une évolution salutaire au doute de l'âge adulte. Et le doute ici est apporté par l'amour d'une femme, interprétée avec intelligence par Julia (Future Julie) Adams, elle aussi une créature totalement Walshienne. Il y a, dans l'amour entre Rosie et Wes, une série de réminiscences formidables, on y retrouve le couple Lupino-Bogart de Hugh Sierra, ou encore Virginia Mayo et Joel McCrea dans son remake Colorado Territory; on pourrait aller jusqu'à tenter une comparaison avec Gloria Swanson et Raoul Walsh lui-même qui lui donnait la réplique (muette) dans Sadie Thomson, et constater que le metteur en scène à la réputation d'indicible macho se laisse ici aller à une représentation d'amour fou assez inattendue. Rien que pour ça, ces 83 minutes en Technicolor de western impeccable valent le détour!