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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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30 mai 2019 4 30 /05 /mai /2019 15:47

The man I love, c'est bien sûr la célèbre chanson de Gershwin, qui va jouer les fils rouges dans ce très beau film de Raoul Walsh, un retour au film noir, un retour à Ida Lupino aussi, mais surtout un film qui se tient à l'écart de tous les sentiers battus: il aurait pu être un musical, après tout, ou un film réaliste qui ausculte l'état des Américains au lendemain du traumatisme de la guerre. Voire un film de gangsters sanglant... A la place, on aurait presque un conte de Noël, avec une bonne fée très inattendue...

Petey Brown (Ida Lupino) chante, c'est son métier et sa vie. Ce qui veut dire que pour elle, la stabilité ne signifie pas grand chose: d'engagements en contrats de quelques jours, elle a l'habitude de sillonner les Etats-Unis. Pour Noël, elle a pris la décision de retourner vers sa famille, chez sa soeur Sally (Andrea King) qui vit avec leur petite soeur Virginia (Martha Vickers), leur petit frère Joey (Warren Douglas), et Buddy, le fils de Sally. Le mari de cette dernière est revenu amoché de la guerre, et il est pour l'heure interné en hôpital psychiatrique... Toute la famille vit plus ou moins dans l'ombre de la famille Toresca: l'oncle, un brave homme, emploie Sally dans son restaurant, et le neveu Nick (Robert Alda), un jeune séducteur avec des accointances louches, tient une boîte de nuit dans laquelle Joey travaille. Il a des vues sur Sally, et Petey décide d'intervenir pour alléger les soucis de sa soeur... Elle rencontre Nick Toresca, et ça va avoir des conséquences...

Durant cette histoire qui voit Nick tourner de façon insistante aur=tour de Petey, cette dernière va rencontrer un homme pour lequel elle aura le coup de foudre: San Thomas (Bruce Bennett) est un ancien pianiste qui a gravé quelques disques formidables, mais qui a disparu de la scène jazz: et pour cause: son lien avec une femme, dont il fut le premier mari, et dont il ne parvient pas à se débarrasser, le maintient à l'écart des studios. Cette prépondérance de la musique dans le film ne débouche pas sur une utilisation baroque de séquences musicales telles qu'on en trouverait dans de nombreux films et en particulier bien sûr dans les comédies musicales. Ca permet de souligner l'univers très particulier dans lequel évolue l'héroïne, et on tend justement à éviter bien des clichés. Même si on râlera bien sûr de voir dans le film le jazz représenté uniquement par des musiciens blancs, au moins la plupart d'entre eux sont-ils d'authentiques jazzmen.

Petey, une femme qui a roulé sa bosse et qui est toujours plus seule que jamais, va être la bienfaitrice d'à peu près tout le monde dans le film, agissant comme une bonne fée de Noël, au mépris généralement de son propre bonheur. Je ne vois pas beaucoup d'actrices qui auraient pu jouer le rôle aussi bien voire mieux que Ida Lupino ne l'a fait: elle est parfaite, même s'il a fallu la doubler pour les rares scènes où elle chante, par Peg La Centra, une illustre inconnue en ce qui me concerne. Par un ton souvent noir, une tendance à tourner de nuit, et son personnage principal, The man I love est un regard d'une grande humanité sur la vie nocturne et sur ces gens qui se tiennent à l'écart de certaines tentations, même si Petey, qui le souligne dans une des premières scènes, sent bien qu'elle est extrêmement dépendante de l'alcool, et si la mise en scène ne le souligne jamais, elle boit une quantité impressionnante de verres dans son film...

Enfin, le personnage de San Thomas, le pianiste génial mais lessivé, et amoureux d'une saleté qui l'a complètement assujetti au point d'avoir ressorti de lui toute volonté de se remettre à l'oeuvre, pourrait être bien des exemples de jazzmen géniaux: Charlie Parker (qui commençait à peine à émerger), Fats Navarro, ou même Bix Beiderbecke viennent à l'esprit. Mais en ce qui les concerne, ce n'était pas une femme qui a eu leur peau... Raoul Walsh avait-il eu cette tentation de passer par une métaphore pour parler de ces parcours de génies usés en peu de temps par les drogues dures? je ne sais pas, mais c'est en tout cas troublant, et ça augure assez mal d'un avenir pour Petey Brown, encore une belle âme qui se sacrifie pour le bien-être de tous...

 

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Published by François Massarelli - dans Raoul Walsh Noir
30 mai 2019 4 30 /05 /mai /2019 08:53

La Birmanie est un élément essentiel du puzzle de la guerre dans le Pacifique, et quand elle tombe aux mains des Japonais, le commandement Américain est déterminé à mettre tout en oeuvre. Un groupe de parachutistes conduit par le capitaine Nelson (Errol Flynn) est donc envoyé en mission pour détruire un radar. La mission se passe sans le moindre incident, jusqu'à ce qu'au moment d'être récupéré, une forte troupe Japonaise arrive et empêche le sauvetage. La trentaine de soldats doivent donc partir vers d'autres points de ralliement, et se séparent: les ennuis commencent...

Pour rendre le film aussi fluide et clair que possible, le scénario a . ajouté un personnage formidable: Henry Hull joue un reporter décidé à ramener l'article de sa vie, et qui se joint aux soldats et va partager en dépit de son âge la vie à la dure... jusqu'au bout. Une idée très pédagogique qui fonctionne très bien dans le film, tout en permettant de voir l'humanité profonde des hommes engagés dans cette mission, qui vire très vite au très sale boulot...

Je vous préviens tout de suite, si vous n'avez jamais vu ce film: au moment de sa confection, la guerre était en cours, et le ton est engagé sans la moindre ambiguité. Si le point de vue est surtout celui de soldats Américains qui sont dans la jungle à se battre contre un ennemi souvent invisible, on n'est absolument pas épargné, et la mission de détruire le radar passe par un massacre pur et simple, présenté par les protagonistes Américains comme une excellente chose. Par contre, les Japonais eux se livrent bien sûr à des exactions atroces, qui font dire au journaliste que ce sont des monstres... pour le reste le film est raisonnable et d'un réalisme impressionnant. Walsh n'a cédé à aucune concession romanesque, dans un film qui raconte un parcours d'un point A à un point B, en détail, et avec la rigueur démontrée par le metteur en scène depuis sa participation à The Birth of a nation en 1915: on s'en doute, devant raconter l'errance d'un groupe en proie à l'incertitude et au danger, Raoul Walsh auteur de The big trail est parfaitement à son aise, servi en prime par la photo superbe du sorcier du noir et blanc, James Wong Howe, par une musique efficace de Franz Waxman et par des acteurs dont beaucoup sont inconnus, renforçant le côté réaliste du film.

Je le disais, la guerre est ici montrée comme un sale boulot, mais un boulot à faire. Peu de discours patriotique, peu de triomphalisme, juste une humanité en proie au danger, et des hommes qui se réfugient dans leur camaraderie, dans leur pudeur aussi, pour rester solides jusqu'au bout. Errol Flynn est ici confronté à l'un de ses plus beaux rôles et s'en acquitte avec génie, et le film est structuré en trois parties. La première se termine par une scène de suspense fabuleuse: les hommes se sont séparés en deux groupes, et l'un des deux groupes arrive à son point de ralliement. Ils n'ont aucune nouvelle de leurs camarades, et sont prêts au pire, lorsqu'un bruit de déplacement de feuillages se fait entendre... Deux de leurs amis sortent d'un bois, et annoncent que tous leurs camarades ont été massacrés: c'est le début de l'horreur...

Walsh n'a sans doute qu'un seul concurrent dans ce style de film, ce serait pour moi le William Wellman sans concession de Battleground, mais le vétéran Irlandais garde quand même un petit côté boy-scout que "Wild Bill" Wellman, lui, a éliminé de son cinéma. Ce qui rend du reste ce film d'aventures guerrières parfaitement attachant en plus d'être fortement réaliste... Construit comme un voyage au bout de la terreur pour la plupart des protagonistes, est sans doute l'un des chefs d'oeuvre de Raoul Walsh: voilà qui en impose...

 

 

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Published by François Massarelli - dans Raoul Walsh
25 mai 2019 6 25 /05 /mai /2019 23:59

Dans l'histoire de la Warner, les années 40 sont irrémédiablement marquées par les films sur la résistance, étrange groupe de films romantiques dans lequel surnage inévitablement Casablanca. Tous possèdent un je-ne-sais-quoi de baroque et d'exagération qui nous rappelle constamment qu'on est en pleine propagande, et beaucoup semblent obéir à une formule, celle qui fit la réussite totale de Casablanca, justement. Pas ce film, qui se concentre sur une improbable parabole autour d'un acte de sabotage, et dont Walsh fait un film d'aventures prenant et un "buddy movie", avec l'amitié inattendue entre un policier et la fripouille qu'il passe sa vie à tenter de punir... Erroll Flynn et Paul Lukas sont les principaux atouts du film.

1943: Jean Picard (Flynn) va être guillotiné lorsqu'un raid Britannique bombarde et anéantit la prison. Il s'évade, mais est rattrapé avant son passage en Espagne par l'inspecteur Bonet (Lukas) sa Nemesis. sur le trajet qui les ramène à Paris, Picard demande à Bonet de l'aider à mettre en place une mystification: condamnation pour condamnation, il souhaite se dénoncer pour un sabotage qu'il n'a pas commis, afin de sauver la vie de 100 otages. Bonet, scrupuleux mais très patriote, accepte, et les deux hommes mettent tout de suite à exécution leur plan un peu délirant.

Jean Picard, voleur, escroc, menteur et dragueur, est aussi un meurtrier. On sent Flynn désireux de casser son image, ce qui ne l'empêche pas, au terme d'un suspense quant à ses intentions, de se comporter en héros. De fait, le "couple" qu'il forme avec Lukas-Bonet est le principal intérêt, et renvoie à cet étonnant moment final d'un autre film qu'on ne présente plus, lorsque Bogart dit à Claude Rains qu'ils sont au début d'une belle amitié. Mais la comparaison avec Casablanca est inutile, c'est un tout autre genre de film, ici. La promenade dans une France meurtrie, au plus près des gens, est un moment certes peu réaliste, mais qui donne au film du corps. Et le fait d'y représenter certains Français moyens, oublieux des sacrifices de la Résistance, prêts à dénoncer le premier venu pour sauver leurs proches, ne verse pas dans l'imagerie habituelle. Lukas, de son côté, donne à voir le dilemme du policier sous l'occupation, chargé de faire respecter des lois contre lesquelles il souhaiterait se battre. Si le film peine à être bien sur aussi flamboyant que les films d'aventure avec Flynn, on y sacrifie avec bonheur, grâce bien sur à un talent de conteur exceptionnel, celui du grand Raoul Walsh.

Pour finir, comment ne pas voir dans cette histoire d'un homme qui finit par mentir pour se sacrifier et sauver toute une communauté, au mépris de sa propre gloire qu'il lui faudra taire, plus que l'esprit de résistance, mais bien une trace tangible du catholicisme de la forte tête qu'était Raoul Walsh, un bien curieux bonhomme, décidément!

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Published by François Massarelli - dans Raoul Walsh
24 mai 2019 5 24 /05 /mai /2019 17:21

Un sous marin fait surface en baie d'Hudson, et une troupe de nazis en sort pour venir remplir une mission sur le sol Canadien... Si ça ne vous rappelle rien, c'est que vous n'avez pas vu le film de Michael Powell 49th Parallel... Mais il y a de sérieuses différences: tout d'abord, le film de Powell était grave, avec le souhait affiché d'être une fable visant à encourager l'engagement, tout en prenant, ou en feignant de prendre, le point de vue de l'ennemi. Pas ce film... Ici les nazis sont des nazis, d'authentiques ordures promptes à dégainer leur arme pour se débarrasser de celui auquel ils viennent de jurer qu'ils ne lui feraient aucun mal... Des gros balourds de mirlitaires obsédés par le rang et la pureté raciale. Des nazis, quoi: des meurtriers sanguinaires et bornés. Sinon, dans le film Anglais, les nazis se rendent vers le Sud, afin de tenter de rallier les Canadiens à leur cause, pour ensuite disparaître par les Etats-Unis qui étaient encore neutres à l'époque. Dans Northern pursuit, comme l'indique le titre, la direction est plutôt toujours plus vers le nord...

Du reste la petite troupe sera vite décimée par une avalanche providentielle. Tout surhommes qu'ils se croient, les fils d'Odin ne pèsent pas lourds face aux forces de la nature! C'est donc à un seul nazi, le colonel Von Keller (Helmut Dantine) que le capitaine Wagner, de la police montée, va avoir affaire... Et réciproquement: Wagner est d'origine Allemande, et dès la rencontre entre les deux hommes, Walsh installe le doute: en raison de ses origines, Wagner est-il sensible à la cause nazie, et aux victoires Européennes dont lui parle le colonel? Bien sûr qu'il feint d'afficher une sympathie, ce qui lui permet d'avoir une mission d'espionnage à accomplir. Mais ce n'est pas à proprement parler formidable: le film fait partie de ces petites oeuvres sans envergure, tournées à la Warner par walsh, dans le cadre de son contrat. Flynn a sans doute apprécié de pouvoir jouer un peu avec son image, mais le film vaut surtout pour certains à-côtés: par exemple, si vous aimez les poursuites à chiens de traîneau, dans la neige sous les arbres, vous serez ravi...

Disons que le film se situe quand même solidement dans une tradition propre au metteur en scène, de décrire l'aventure en mouvement. Mais malgré ça, ce film soigné mais sans génie n'est ni The big trail, ni Objective Burma!

 

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Published by François Massarelli - dans Raoul Walsh
20 mai 2019 1 20 /05 /mai /2019 14:48

Nous suivons les aventures de James "Gentleman Jim" Corbett, 1866-1933, champion de boxe Américain basé à San Francisco: son enthousiasme pour le noble art qui lui fait abandonner une position tranquille de caissier dans une banque, ses amours compliquées avec une autre Irlandaise née elle d'un autre côté de la ville, et ses vantardises accompagnées d'authentiques victoires, pour monter toujours plus haut, toujours plus loin... et toujours avec plus de bruit.

...Le personnage de Jim Corbett, grand boxeur d'origine Irlandaise, est déjà lié au cinéma par le fait qu'il a tourné un film pour John Ford, en 1920: The prince of Avenue A est aujourd'hui un film perdu, mais si le bonhomme était aussi menteur et culotté que l'interprétation d'Errol Flynn le sous-entend, alors la rencontre entre les deux Irlandais de seconde génération a du être explosive! Et c'est justement l'un des aspects les plus remarquables du film, justement, cet "irlandisme", qui est mis en avant d'une façon assez soutenue par Walsh, et relayé en particulier par Alan Hale qui interprète le père Corbett, une interprétation dont la saveur n'est en aucun cas due à la subtilité!

Ensuite, Walsh qui ici remplit une mission que lui a confié la Warner, voire deux missions (un biopic de Corbett, et participer à la tentative de changer le registre de Flynn), s'est beaucoup intéressé à une histoire qui doit être liée à sa vie et sa famille d'une façon ou une autre; il y a fort à parier que chez les Walsh, dans le Bowery, quand le gamin est né, on devait certainement avoir une certaine tendance à s'identifier, soit à Corbett, avec son incroyable culot, soit à ses nombreux adversaires. Après tout, Walsh n'avait-il pas demandé à son frère George d'interpréter le rôle de John L. Sullivan, le légendaire champion auquel va s'attaquer Corbett dans la dernière partie du film? C'était dans The Bowery, et ne nous y trompons pas: si Gentleman Jim commence à San Francisco, il se finit bien à New York, et participe de toute façon en plein de la tendance "nostalgique" des films de Raoul Walsh, dont c'est à mon sens l'un des chefs d'oeuvre: une façon classique et totalement satisfaisante de raconter des histoires, des personnages qu'on suivrait au bout du monde, un parfum de comédie, et... une vision superbe de l'histoire ressentie au plus près de l'homme.

Car ce Jim Corbett, qui arrive avec ses gros sabots et ses dents blanches, véritable butor, goujat auto-satisfait, c'est un peu une certaine vision de la modernité, d'un siècle qui s'apprête à tout balayer sur son passage. Et en affrontant un John L. Sullivan (Ward Bond dans un de ses plus beaux rôles), Jim Corbett fait avancer le monde, qu'on le veuille ou non... Et ce face-à-face homérique, d'un Irlandais face à un autre, devient une profonde réflexion poétique sur la part de l'Irlandais dans la marche de ce nouveau siècle: peut-être qu'à l'instar de cette famille Corbett, qui doit déménager pour s'accommoder de sa nouvelle richesse, Walsh est-il en train de nous dire que le XXe siècle est celui où les natifs d'Irlande ont pu jouer leur carte en Amérique... 

N'empêche que si c'est une méditation sur cet aspect des choses, il ne pouvait pas être fait de façon plus plaisante qu'avec ce film joyeux, braillard, drôle et impertinent. Voilà.

 

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Published by François Massarelli - dans Raoul Walsh Comédie
19 mai 2019 7 19 /05 /mai /2019 08:29

L'aventure, la propagande et le plaisir, chez Walsh, s'accommodent bien, si on en juge par le nombre de films que l'auteur de High Sierra a consacré à "leffort de guerre", le plus souvent sous la forme de films de genre. Sabotage, espionnage, coups de poings divers et péripéties à la suite les unes des autres: il est vrai que celui qu'on pourrait définir comme "le cinéaste de l'action" ne pouvait qu'y trouver son compte... Quoique.

Dans ce film, nous suivons cinq valeureux aviateurs alliés, un Australien, un Américain, un Irlando-Américain, un Canadien et un Britannique, qui lors d'une mission sur le territoire Allemand, sont touchés par la DCA. Ils sont vite faits prisonniers, mais s'évadent, et se lancent dans une dangereuse aventure pour sortir du pays et rallier l'Angleterre. Dit comme ça, ça sonne tout de suite engageant, tout en rappelant furieusement One of our aircraft is missing de Michael Powell, sorti quasi simultanément... 

Mais la déception vient vite, car tout ça est expédié, et franchement vain. Les rouages d'un scénario mécanique et qui semble avoir désintéressé Walsh au plus haut point, sont visibles, et les acteurs (malgré de belles trouvailles, dont Raymond Massey en officier nazi comme on les aime, c'est à dire particulièrement pourri) sont en pilotage automatique: Flynn reste Flynn, Ronald Reagan qui partage avec lui la première place au générique interprète un soldat Américain qui tape d'abord, qui réfléchit ensuite, Edward Kennedy est le Canadien dont tout le monde se méfie parce qu'il jouait toujours le mauvais rôle dans les films (sauf ici), et Alan Hale en fait des tonnes... Et ça ne s'arrête jamais, le film accumule les rebondissements, au point que la guerre finit par ressembler à une partie de plaisir, et ça fait un peu tâche.

La dernière phrase du film ("au tour des Japonais!") donne finalement la clé: capable de s'investir au moins en faisant son travail de conteur d'histoire, Walsh pensait à autre chose, préoccupé comme beaucoup à Hollywood de la grande menace qui pesait sur les Etats-Unis, à savoir le risque venu du Japon. D'autres films de guerre 'engagés' allaient suivre, mais ce n'est sans doute pas un hasard si le meilleur d'entre eux allait justement être consacré à cet aspect des conflits mondiaux...

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Published by François Massarelli - dans Raoul Walsh
17 mai 2019 5 17 /05 /mai /2019 16:21

Avant de s'attaquer à ce qui est un admirable monument, considérons un instant l'histoire, la vraie. Celle avec un grand H... Quand Custer meurt à Little Big Horn, c'est la dernière chance d'un homme que la politique Américaine a sévèrement rejeté, qui a trop longtemps été considéré comme non fiable, et qui meurt d'envie de devenir le président des Etats-Unis. Militaire compétent mais impulsif, il a gagné des médailles pour le Nord durant la guerre de Sécession, mais la vie civile ne lui a pas été clémente. Il a vu d'un oeil de plus en plus jaloux le général Grant, ancien alcoolique notoire, devenir président en 1868, 'est s'est dit que son tour viendrait. Mais plus soucieux de son image, de sa publicité que de stratégie ou de plan à long terme, il n'a pas réussi à s'imposer... La bataille de Little Big Horn, c'est donc un cas atterrant de manque total d'intelligence, de forfanterie, et d'aveuglement, qu'une publicité posthume a transformé en sacrifice divin: la vérité, c'est que Custer refusait d'ouvrir les yeux devant le fait que ses 700 hommes, face aux milliers d'Indiens exceptionnellement unis entre trois branches normalement antagonistes, ne faisaient tout bonnement pas le poids, et que non, une fois confrontés aux demi-dieux blancs et blonds, les hommes rouges n'allaient pas battre en retraite. Il a donc, par sa bêtise, sur un coup de poker, envoyé plus de trois cents bonshommes à la mort, et forcé le gouvernement Américain, pour gérer la confusion qui s'ensuivit, à pendre des mesures encore plus féroces contre les Sioux vainqueurs... Bref, Custer, historiquement, est une nuisance, qu'on a trop facilement transformé en un héros... un peu à la façon d'un Napoléon, le chapeau à la con en moins...

Venons en au film, qui prend le contre-pied, s'assoit allègrement sur l'histoire, et propose un spectacle western de toute beauté. Walsh est un artisan de l'histoire, avec un petit h, il en a raconté toute sa vie, a aussi menti toute sa vie, comme tant d'autres, et ses contes ne sont pas près de nous lasser, donc on ne va pas, pour une fois, se plaindre, ou alors il faudrait jeter tous les westerns! Car je ne sais pas si vous le savez, mais un western, c'est forcément un ramassis de stupidité, et si ce film ment, c'est en nous montrant la politique politicienne qui n'hésite pas à s'asseoir sur un traité de paix avec les Indiens, pour protéger des intérêts privés... Ce 'est un mensonge que par déplacement, et si on fait de ce pauvre imbécile de Custer un chevalier blanc tentant de protéger les intérêts des Indiens, et se sacrifiant plutôt que de cautionner le mal qui leur est fait, interprété par Errol Flynn qui plus est, c'est historiquement faux, mais tout à fait valide de mon point de vue!

Donc, on suit Custer, de son arrivée à West Point en 1857 jusqu'à Little Big Horn, 19 ans plus tard. On voit comment le cadet incorrigible, impétueux, mais sympathique gaillard se voit dépêché à Washington avant la fin de ses études par les dirigeants de l'école comme un officier potentiel, et ruser pour obtenir un poste. On le voit changer la donne à Gettysburg, courtiser Olivia de Havilland, à laquelle je souhaite à nouveau un bon anniversaire puisqu'elle eu 100 ans hier, on le voit, et c'est Errol Flynn! Et Flynn plus Raoul Walsh, dont c'était la première collaboration, c'est un alliage fantastique. C'était un film, une fois de plus, prévu pour Michael Curtiz, mais Flynn y a mis son veto (Lassé de servir un metteur en scène certes génial, mais qui ne savait qu'aboyer sur les acteurs), et je pense que le film en a bénéficié: Walsh, depuis The birth of a nation sur lequel il était en charge de la coordination des batailles, est parfaitement dans son élément dans ce genre de film, et le montre en permanence. Tout ici est fait pour nous agripper, et ne plus nous lâcher avant la fin du film, qui bien sur passe par une spectaculaire et galvanisante reconstitution de la boucherie de Little Big Horn...

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Published by François Massarelli - dans Raoul Walsh Western Olivia de Havilland
12 mai 2019 7 12 /05 /mai /2019 16:12

Hank et Johnny sont deux copains qui partagent le même travail, et une camaraderie de tous les instants: ils sont employés à intervenir lors des dommages électriques sur les lignes à haute tension, avec toute une équipe de durs... Difficile dans ces conditions de maintenir une vie de famille, et d'ailleurs aucun des deux n'est marié. Johnny est un séducteur assez chevronné, mais Hank, lui, a du mal à trouver une femme qui accepte de rester. Deux accidents successifs vont changer le cours des choses; d'une part Hank est électrocuté lors d'une intervention, et perd la mobilité de sa jambe: il sera désormais contremaître; d'autre part leur copain "Pop" Duval perd la vie dans un autre accident, et c'est à Hank et Johnny que revient la tâche de prévenir sa famille: une fille unique, qui sort de prison. Hank tombe amoureux de la femme fatale, mais Johnny se méfie...

Fay, la femme en question, est interprétée avec son style habituel par Marlene Dietrich, ce qui veut dire que mais oui, elle chante. Ou "chante", c'est vous qui voyez... Mais il y a aussi de bonnes et très bonnes nouvelles: Walsh est ici entouré d'un casting de luxe, avec George Raft (excellent) dans le rôle de Johnny et Edward G. Robinson pour interpréter Hank. Et on peut ajouter Alan Hale, Frank McHugh et Ward Bond pour les copains-collègues, donc vous imaginez bien que le film se situe pour une bonne part dans une franche atmosphère de camaraderie bourrue! Pourtant, les passions se déchaînent, soulignées à l'envi par des orages et autres temps bien moches des interventions à haut risques des hommes au travail. On n'est pourtant pas chez Hawks...

Non: c'est bien l'univers de Raoul Walsh: les hommes se définissent dans l'action, et il y a bien une atmosphère de mort, la chronique d'un décès à venir, dans un film qui s'appelle justement Manpower. Manpower... L'électricité, le travail, l'entraide masculine, me direz-vous? Non, plutôt cette différence essentielle, soulignée en permanence, entre Johnny le séducteur et Hank que les femmes évitent. Surtout après son accident, qui l'empêche d'aller là-haut pour bricoler les câbles... Quand Hank va se marier avec Fay, celle-ci va attendre assez peu de temps avant de s'intéresser à Johnny. 

Hautement distrayant, le film n'est de toute façon ni un documentaire sur la psychologie qu'elle soit féminine ou masculine, ni un film sur le travail. Plutôt une de ces oeuvres dans lesquelles le metteur en scène met en route des situations d'action directes, sans fioritures, superbement mises en images... pas beaucoup plus, certes. Mais ce n'est pas si mal, non?

 

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Published by François Massarelli - dans Raoul Walsh Noir
10 mai 2019 5 10 /05 /mai /2019 18:21

Le flash-back, dans le Hollywood classique, reste toujours une affaire de choisir son camp: Welles, en 1940, en use et en abuse avec génie; Hawks, du début à la fin de sa carrière, l'évitera avec une constance bornée... Raoul Walsh, conteur pourtant ô combien classique, n'avait pas cette pudeur, et pour cause: tant de films le montrent, le réalisateur restera toute sa carrière durant coincé dans la nostalgie de ses années de jeunesse à New-York, celles-là mêmes qui font le sel de Regeneration et de The Bowery... Et en deux films-clés, The Strawberry Blonde et Gentleman Jim, le vétéran revenu au premier plan grâce à son passage à la Warner va se replonger dans ce bain de jouvence fortement nostalgique, et fortement teinté d'un humour solide, Irlandais, et... profondément humain.

Comment le dentiste Biff Grimes (James Cagney) a-t-il fini pour se marier avec Amy Lind (Olivia de Havilland) alors qu'il en pinçait sérieusement pour une autre (Rita Hayworth), et pourquoi a-t-il fait de la prison? A l'occasion d'un retour inattendu d'un ancien ami dans sa vie, le personnage se souvient du début de son vingtième siècle à lui, à une époque ou tout semblait modestement lui sourire, et surtout, il allait sans doute réussir à séduire Virginia, la femme de sa vie...

Avec son sens phénoménal du conte, Walsh fait de l'or avec presque rien, une petite histoire nostalgique, avec le soupçon d'une vengeance qui se dégonfle comme une baudruche, et la satisfaction d'une vie finalement pas ratée, des petits bonheurs d'avoir finalement trouvé le partenaire idéal alors que tout faisait craindre le contraire... On aime Biff Grimes et ses idées rétrogrades, et surtout on adore Amy et son sens de la provocation, il faut dire que James Cagney et Olivia de Havilland, c'est l'alliance du bien et du bien. Comme en plus Walsh se plaît une nouvelle fois, quoique de façon plus policée que dans The Bowery (mais c'est d'une autre époque, plus permissive que date ce dernier) à recréer le New York de sa jeunesse, à travers ses quartiers ("allons faire un petit tour tranquille à Harlem"), ses moeurs (le rendez-vous arrangé sous trois tonnes de prétextes afin de préserver les faux-semblants), et même son langage, le plaisir ne peut qu'être au rendez-vous.

Film-bonbon, film-madeleine, The Strawberry Blonde est l'un des plus beaux films de Walsh. Il n'a pas son pareil pour recréer une époque jusque dans ses moindres détails, sans en faire tout un plat, et pour adopter la meilleure façon de raconter une histoire qui vous accroche et ne vous lâche plus... Parce qu'il aime ses personnages, son dentiste autodidacte, son infirmière amoureuse, et son coiffeur Grec, et qu'il nous les fait aimer.

 

 

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Raoul Walsh Comédie Olivia de Havilland
8 mai 2019 3 08 /05 /mai /2019 15:42

Roy Earle (Humphrey Bogart)sort de prison: ce gangster des années 20 a bénéficié d'une remise de peine, mais ne se fait pas d'illusions: il sait qu'il a été aidé pour cette opportunité par un caïd qui va lui confier un travail. Il rejoint donc les jeunes bandits auxquels il doit prêter main-forte, des bleus sans relief, et attend son heure. Il commence aussi à échafauder des plans d'avenir: sur la route, Roy a croisé une famille de fermiers qui ont tout quitté pour partir vers la Californie. parmi eux, Velma, une jeune femme qui émeut particulièrement Roy avec son pied-bot. Tout en préparant un casse, il va lui venir en aide...

La première chose que fait Roy en sortant de prison, c'est de s'asseoir sur un banc, dans un parc, au milieu des enfants qui jouent. ca lui semble presque idyllique, mais la caméra nous montre bien vite un journal jeté par son lecteur par terre, sur lequel on voit sa photo en première page, accompagnée d'un texte sans équivoque: non seulement le public doute de l'opportunité de sa sortie de prison, mais en plus il occupe la une des journaux. En fait, l'impression qu'il est cuit domine dès le début. Roy va pourtant trouver des interlocuteurs: pour commencer, Big Mac (Donald McBride), le gangster "à l'ancienne" qui l'a fait sortir, croit en lui. Mais lui aussi (avec lequel Roy a une conversation à bâtons rompus sur les jeunots et leurs différences avec les vieux de la vieille) est cuit: son coeur menace de lâcher à n'importe quelle occasion, et il consume la vie par les deux bouts... Sinon, il y a le grand-père (Henry Travers) de la petite Velma, avec lequel Roy sympathise tout de suite, presque instinctivement: ils se reconnaissent en quelque sorte, l'un et l'autre venant du même type de milieu. Enfin, il y a le chien Pard et surtout Marie (Ida Lupino).

Marie, c'est un petit bout de bonne femme qui vit plus ou moins avec les deux apprentis gangsters qui attendent Roy: elle est sans doute plus intelligente et plus dure que les deux réunis, et elle aussi, comme Roy, a beaucoup vécu. Elle a connu les salles de danse où on la traitait comme une moins que rien, et elle a de l'expérience malgré sa jeunesse. Les deux vont se reconnaître, et l'amitié va s'installer. Enfin, pour Marie ce ce sera pas de l'amitié. Et pour Roy, ça prendra son temps, mais...

Pard, le chien, n'est pas seulement un petit détail pratique de l'histoire: il a une identité inattendue, car une histoire qu'on raconte sur lui, pourrait bien avoir de l'intérêt en dépit de son incongruité: il porte la poisse. Mais alors, pour de vrai: ses deux propriétaires précédents sont morts dans des circonstances dramatiques, alors Roy, qui se prend de sympathie pour lui, aurait bien fait d'y regarder à deux fois...

Le romantisme absolu du film est l'une des marques de fabrique des films de Walsh, et c'est d'ailleurs ce qui relie de la façon la plus évidente High sierra au reste des films de Walsh: cette impression que Roy Earle, en se rendant ainsi au pied du Mont Whitney, l'endroit où son destin tragique s'accomplira, il choisit plus ou moins consciemment sa liberté, LA chose qu'il souhaite le plus au monde. Mais surtout il finit de se mettre à l'écart du monde, d'un monde qui l'a oublié, d'autant plus anachronique que le gangstérisme qu'il a probablement connu, celui des années 20, a totalement disparu avec l'abandon de la prohibition. Il est clair que Roy a plus en commun avec les petits fermiers qui partent de chez eux pour tenter leur chance en Californie, qu'avec ces gangsters de pacotille, qui pensent plus à leur image ("Now we're big", dit l'un d'eux) qu'à faire le boulot...

C'est heureux que Bogart, qui avait eu vent du projet, ait réussi à persuader Walsh et la Warner de lui laisser sa chance sur ce film. Raft était prévu, et quelles que soient ses qualités, il ne peut en aucun cas rivaliser avec la façon dont Bogart a construit son personnage et l'a joué. High sierra, c'est enfin la naissance du monstre sacré Bogart, qui peut non seulement jouer un gangster sympathique, humain, mais aussi le faire aussi dur que possible. Voilà un homme qui aura la faveur du public, qui certes possède une morale, et agit un peu en Robin des Bois avec la famille qui va l'aider (et dont incidemment la petite Velma qui est la première bénéficiaire de cette aide, va finir par se comporter en garce écervelée), mais quand il parle de son regret de ne pas avoir descendu un mouchard, on le croit sur parole... Raft n'avait aucune chance, et le film bénéficie grandement de son retrait, et de son remplacement par Bogart. Et que dire du tandem fabuleux composé de ce dernier et d'Ida Lupino. Celle-ci joue probablement le rôle de sa vie.

C'est donc un grand, un très grand film, qui possède toute la rigueur d'un film d'aventures, tout en étant dans la plupart des scènes, une chronique des allées et venues d'un homme fascinant, qui incarne à lui tout seul le crépuscule de toute une époque. D'un coup, tout s'éclaire: le point de vue de Walsh, cette profonde nostalgie qui s'exprime à travers tant d'aspects de son oeuvre, est aussi et surtout l'expression d'une forte incompréhension devant un monde qui selon lui, clairement, tourne à l'envers. Et comme Rockliffe Fellows dans Regeneration, Wayne dans The big trail, Charles Farrell dans The red dance, Victor McLaglen dans What price glory?, Wallace Beery dans The Bowery, Cagney dans The roaring twenties, le personnage de Roy Earle est un homme qui a choisi son destin, et  assume la course qu'il va prendre. Sa fin sera donc grandiose: cette fois, ce ne sera pas aux pieds d'une église, mais sur le flanc d'une immense montagne, sous les yeux de policiers avec une certaine décence morale, de la femme qu'il aime qui aura par respect pour lui décidé de ne pas aider la police même si ça doit le condamner, et d'une presse désormais suffisamment puissante pour être partout: un reporter raconte en direct l'opération à la radio...

Ah, oui, j'oubliais: parmi les témoins de la chute, il y a aussi un petit chien.

 

 

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Published by François Massarelli - dans Humphrey Bogart Noir Raoul Walsh