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26 août 2023 6 26 /08 /août /2023 16:46

Retourner sur ses pas, se remettre dans la peau d'une sorte de soi-même en plus jeune, et s'amuser de mélanger son art tel qu'il est maintenant (gros moyens, CGI, direction d'acteurs) avec ce qu'on aurait fait à une autre époque... en matière de méta-cinéma, Ready player one est un auto-pastiche, un "à la manière de" parfaitement assumé. Cela s'imposait-il?

...Pourquoi pas, à une époque où le type de situation qui nous est montrée dans ce conte (le monde est tellement glauque qu'on préfère "vivre" dans un univers parallèle) devient pour beaucoup une réalité, Spielberg peut à nouveau confronter la science-fiction au monde actuel, comme il l'a déjà fait à plusieurs reprises. Mais qui s'attendrait à une fable pleine de sens en sera pour ses frais: RPO, adapté d'un best-seller écrit par un fan de tout ce qui vient des années 80 et donc incidemment des films dirigés ou produits par Steven Spielberg, c'est avant tout de la rigolade, du pur plaisir... 

Et je le dis haut et fort: pour réussir à me faire comprendre un film situé dans l'univers des jeux vidéo, et ne jamais me perdre, il fallait un sacré métier, donc je confirme une nouvelle fois: Spielberg connait son affaire. Ce n'est pas un scoop... Mais à travers ce film en forme de gros bonbon de plaisir, qui déroule une histoire assez classique (et très disneyienne) de jeunes un peu décalés qui vont s'imposer dans le vrai monde grâce à ce qu'il se passe dans leur univers virtuel, Spielberg nous livre aussi des autoportraits, inattendus: d'un côté, il se réinvente en créateur paradoxal (dont le destin réel est un easter egg à lui tout seul) qui se tient à l'écart du monde, dont il a raté l'examen d'entrée: fonder une famille. Le bon vieux complexe de Spielberg dans les années 70-80, et qui revient périodiquement dans ses films. Et il se montre aussi en petit adolescent surdoué mais socialement incapable, qui va réussir sa vie en creux dans le monde du jeu vidéo...

Et tout ça en mettant un point d'honneur à ne jamais s'auto-citer: car il y a de tout dans le film: du Zemeckis, du Star Wars, du Kong, des Looney Tunes... mais à part un T-Rex, rien qui puisse remonter à Tonton Steve. Si ce n'est, bien sûr, à travers deux trois trucs structurels, comme ces écrans explicatifs qui remontent tout droit à Minority Report...

Voilà, je m'étais dit en voyant ce film parfaitement plaisant, mais vide de sens, et totalement accompli et oblitéré dans le plaisir facile qu'on y prend, qu'il n'y aurait strictement rien à en dire. J'avais un peu tort, puisque je viens d'y consacrer quelques lignes. Maintenant, je le redis, je doute qu'il contienne le secret de l'univers, même bien caché: c'est seulement l'histoire d'une société qui s'est oubliée dans le fait de se vautrer dans du virtuel qui n'a rien d'une réalité, et qui réapprend au fur et à mesure à remettre les pieds sur terre.

Mieux, c'est une étape de plus dans un parcours singulier, qui a poussé le metteur en scène à constamment innover, marquer dans son parcours et dans l'histoire du cinéma des étapes essentielles, techniques, narratives, structurelles et thématiques, sans jamais y perdre son âme, ni la possibilité en passant de réaliser des Munich, ou des Lincoln. Et tant que c'est lui qui réalise ces étapes, pourquoi s'en priver?

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg Science-fiction
19 juillet 2023 3 19 /07 /juillet /2023 17:48

Faisons le compte des handicaps de ce film, si vous le voulez bien: Il est tout d'abord censé raconter ce que tout le monde sait déjà, à savoir qu'un univers entier va foncer vers le chaos, qu'une caste de sages gens de bien va être anéantie, qu'une héroïne douce et aimante va mourir après avoir donné naissance à deux jumeaux (un garçon une fille), que deux frères ou presque vont s'affronter dans un combat qui en laissera un dans un piteux état, que l'ambition démesurée d'un homme le mènera à prendre le pouvoir dans des circonstances dramatiques.

Pour le dernier point, j'admets que ce n'était pas officiellement évident, mais il fallait vraiment avoir regardé les deux films précédents les yeux fermés et les oreilles bouchées pour ne pas reconnaître que Ian Mc Darmid (déjà présent dans la première trilogie) jouait aussi bien Lord Sidious que Le chancelier Palpatine, de là à conclure que le futur empereur était bien le chancelier, il n'y avait qu'un pas à faire... je sais que cette évidence est intentionnelle, mais entre les intentions et l'exécution il y a des multitudes de possibilités. En donnant l'illusion qu'il croirait nous berner, Lucas se ridiculise. ...un peu plus.

George Lucas s'est confortablement assis sur sa création, devant sans doute juger que les gens se contenteraient certainement de prendre le film comme il est... Sauf que c'est du cochonnage. La première heure est répétitive et ennuyeuse, Christensen joue comme un phacochère, et Padmé n'en finit pas de ne rien remarquer du lent glissement de son mari vers le coté obscur. Et la banalité le ridicule redondant des dialogues, le jeu abominable de tous les acteurs devant un script absolument nul, et le manque total de conviction de l'ensemble ne peuvent être attribués qu'à la médiocrité du metteur en scène.

Une séquence qui voit même Yoda et Kenobi constater le massacre des jeunes Jedi par Annakin est tellement ridicule qu'on la croirait parodique (Kenobi: "Ca alors! Je n'en crois pas mes yeux!!"). Il est temps d'affronter la dure réalité: Lucas n'aime pas tourner des films. Il y a sans doute une raison pour laquelle il avait donné le poste de réalisateur à deux solides techniciens en 1979 et 1982... Ici il semble qu'il se soit beaucoup reposé sur un collègue célèbre pour assurer certains morceaux de bravoure dans la deuxième partie... Dont une scène qui aurait pu être anthologique, une confrontation finale entre frères ennemis, grandiose, et qui nous laisse rêver d'une version débalourdisée... Merci Steven au passage.

Mais ce que Tonton Steve ne sauve en rien, c'est que Lucas qui comme je le disais n'aime pas tourner, à tout fait pour que l'essentiel du film soit fait en CGI, donc aisément modelé. Ce qui nous occasionne un Yoda 100% numérique, l'une des choses les plus laides de la création, surtout quand il se bat. Je pensais les Jedi des ascètes, sages et réfléchis, mais le petit gnome a tendance à se battre en en rajoutant tellement qu'on se croirait aux commandes d'un jeu vidéo: et pour ceux qui me connaissent, ce n'est pas du tout, mais alors pas du tout un compliment... Les scènes de combat (sauf une, voir plus haut), tournent au grand n'importe quoi, avec soubresauts, voltige, effets de manche, et comme dans toute cette trilogie, des gros plans d'un ridicule achevé sur un des combattants qui toise l'autre et lui sort un "alors, c'est tout ce que tu as?"... 

Pitié.

Cette trilogie, on n'en avait pas besoin. Elle n'apporte absolument rien et dessert l'univers entier de cette saga. Au vu des trois films, mieux vaudrait qu'on ne l'ait pas eue. Voilà qui est dit.

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Published by François Massarelli - dans Georges Lucas Science-fiction Star Wars
4 juillet 2023 2 04 /07 /juillet /2023 16:06

En 1977, Spielberg a renouvelé de façon magistrale le suspense cinématographique en livrant dans Close encounters of the third kind une leçon du genre, dans une scène qui plus est ajoutée à la demande du studio, afin de corser un film qui risquait de s'enliser, selon la Columbia, dans la banalité. Bon, il me parait évident que sur ce dernier point, le studio avait tort, mais la scène est fabuleuse, et cet ajout de dernière minute est désormais un passage indispensable: elle montre le "kidnapping" du petit garçon par les extra-terrestres, à la fin d'une longue séquence de terreur durant laquelle la mère essaie de retenir le petit, emporté par une force inconnue et manifestement irrésistible, qui vient le chercher jusque chez lui, jusque dans les bras de sa mère. On le sait maintenant, il ne fallait pas s'inquiéter pour lui, mais la terreur était réelle, et tellement bien construite que partagée par le public: Spielberg y utilisait son forte, l'angoisse domestique, l'intrusion dans la maison, dans le quotidien et ses objets, de l'inconnu. Avec bien sûr suffisamment d'indices pour que le spectateur participe... Bien des films montrent l'intrusion du danger dans le quotidien ainsi, avec toujours pour corollaire la difficulté de montrer, généralement surmontée. Jaws a réussi à diluer durant deux heures un suspense sur des gens qui se font manger par des requins, en étant de moins en moins suggestif lors des 30 dernières minutes. Jurassic Park, au-delà du coté gadget du film, joue beaucoup sur le défi, à mon sens relevé, de mettre des dinosaures et des gens face à face, et de donner du sens au résultat: montrer fait partie de l'équation, chez Spielberg, c'est l'un des points sur lesquels son Schindler's list a choqué, ou a été applaudi, ça dépend: oser montrer, rendre ça montrable...

Et puis il y a l'oeil, organe numéro 1 chez Spielberg: son cinéma est le plus souvent concentré sur des gens qui regardent, qui voient, et qui font regarder. Qu'on songe à la fameuse scène de Jaws ou on voit Brody inquiet qui réalise que devant lui ce qu'il redoute est probablement en train de se passer, un plan avec zoom avant combiné avec un travelling arrière, sur Roy Scheider dont l'expression ne laisse aucun doute... Voir, mais aussi montrer, donc: c'est le grand thème de ce film qui raconte une histoire actualisée d'invasion extra-terrestre, avec un certain nombre de parti-pris. Le premier d'entre eux est d'adopter un ensemble de points de vue liés à trois personnages, et de ne jamais s'en départir, quitte à refuser ainsi le spectaculaire, ou se poser d'incroyables difficultés. D'aileurs, si le film possède une certaine austérité, il fait avancer le film de science-fiction d'une façon considérable en en proposant une vision contemporaine adulte et fascinante. Il utilise les ressources du cinéma et du point de vue sans jamais se laisser à des gadgets ou des gimmicks à la Blair witch ou Cloverfield, et on ne s'en plaindra pas. Et il nous livre des images, souvent liées au regard: En particulier les beaux yeux de la jeune Dakota Fanning, qui vit tout cela depuis son enfance, et qui a un certain nombre d'images terrifiantes à intégrer. la plus forte étant sans doute la vision de ces corps par dizaines, dans le cadre idylliques d'une petite rivière tranquille... Traumatisme inévitable.

Ray Ferrier (Tom Cruise) est divorcé, et son épouse (Miranda Otto) lui amène leurs enfants Robbie (Justin Chadwick) et Rachel (Dakota Fanning) pour un week-end. On ne peut pas dire que les enfants aient l'air enchanté... Mais une étrange tempête, violente et inhabituelle, se déroule alors, et l'électricité du petit logis de Ray, situé sous le Bayonne Bridge à New York, est coupée. Ray se rend dehors, et assiste à une scène hallucinante: un tripode gigantesque sort du sol, et commence à avancer, tuant tous les humains qu'il peut. Ray retourne à la maison, emporte ses enfants et fuit son quartier pour déposer les enfants chez leur mère. Ce qu'il ne sait pas, c'est que cette "attaque" est mondiale, et qu'il n'est pas au bout de ses peines...

On revient une fois de plus à Close encounters, non seulement avec l'arrivée d'extra-terrestres (Mais nettement moins sympathiques, cela va sans dire), mais aussi avec le personnage de Ray réminiscent de celui de Roy Neary, jusque dans son prénom transparent. d'une certaine façon, Ray prolonge l'histoire de Roy, en montrant des années après un divorce un adulte qui s'évertue à rester un enfant, d'ou une scène assez douteuse durant laquelle Tom Cruise se laisse aller à la joie de conduire sa voiture de m'as-tu-vu comme un irresponsable, alors qu'il vit dans un taudis... Mais c'est dans la difficulté de faire face à sa paternité que le personnage est le plus convaincant: le film va nous raconter comment face à un évènement incroyable Ray va devenir un parent responsable et se rapprocher de ses enfants en prenant les bonnes décisions, enfin. Pour le reste, le film suit leur parcours, celui de Ray, Rachel et Robbie, avant que ce dernier ne bifurque, et ne laisse les deux autres ensemble. Trois scènes-clé nous permettent de comprendre les principes de mise en scène à l'oeuvre dans ce film: la première est bien sûr l'arrivée des Tripodes, vue du point de vue de Ray et des autres habitants du quartier (modeste, c'est un atout: le film nous parle du petit peuple Américain d'abord et avant tout): on va de surprise en surprise, et Spielberg utilise les ressources de la caméra à l'épaule, mais aussi d'un grand nombre d'objets optiques secondaires afin de cadrer aussi souvent que possible Ray qui voit et ce qu'il voit: réflection dans la vitrine d'un magasin, caméra vidéo lâchée par un passant, etc.

La deuxième scène est le départ des trois héros, qui "empruntent" un véhicule à un copain garagiste, lequel n'a pas encore réalisé la situation. Le suspense est lié au fait que Ray doit partir mais aussi tenter d'expliquer la situation, pendant que l'angoisse de Rachel monte. Dans le fond, vu à travers le pare-brise, on assiste à la destruction du Bayonne bridge, tellement réaliste...

Enfin, après celle-ci, la dernière scène notable prend le parti-pris d'un long plan séquence (Ils sont nombreux et générateurs de tension) durant lequel Spielberg et sa caméra vont et viennent hors de la voiture, au gré des mouvements du conducteur. On assiste à des bribes de conversation, et on n'aura que ce qu'on peut entendre quand on est dans la voiture. Cette impression frustrante est un prolongement du parti-pris de réalisme du réalisateur. Ce qui explique un long passage, d'environ une demi-heure, durant lequel Spielberg laisse de coté l'extérieur et son invasion qui progresse, pour nous montrer Ray et Rachel, réfugiés dans une cave avec un homme douteux (Tim Robbins), qui représente une menace d'un autre genre pour la jeune fille... Durant cette digression, une rencontre directe avec les extra-terrestres aura lieu, avec comme d'habitude cette menace sur le quotidien, puisqu'ils s'introduisent dans la cave même...

Lors de la fuite, Rachel demande: "Est-ce que ce sont les terroristes?". On est en 2005, et désormais, on sait que les Etats-Unis ne sont à l'abri de rien. Bien sûr, cet état d'esprit, qui a par ailleurs mené à des débordements politiques et guerriers bien connus, est présent dans ce film, qui en est un commentaire. Pour Spielberg, la menace extérieure est une réalité, mais son choix est clair: il ne s'agit pas ici de stigmatiser au nom des Etats-unis les autres civilisations, mais de montrer l'être humain, générique, en proie à une attaque. Tout parallèle entre ce film et la situation post-11 septembre doit passer par l'idée que c'est l'humanité qui est attaquée dans un attentat comme celui des tours jumelles, et non une nation. L'insistance sur les autres pays attaqués (On apprend ainsi que l'Europe a été attaquée avant les Etats-Unis, par exemple) va de pair avec la représentation d'une armée inutile, mais engagée malgré tout dans un combat improbable. Et la fameuse morale choisie par H. G. Wells est là, comme dans les autres adaptations: cela ne regarde même pas l'homme; cette invasion est vouée à l'échec, à cause de tous les microbes qui vont faire le travail de défense de la planète à notre place. En attendant, donc, il n'y a qu'à se laisser massacrer, toute résistance est inutile, et toute tentative de se venger (L'impulsion adolescente de Robbie, qui désire s'engager pour les combattre, renvoie au réflexe patriotico-westernien de Bush en 2002, tout en étant après tout légitime: le garçon veut exister, et faire ce qu'il estime être un devoir) vouée à l'échec. Spielberg rend ses allusions à l'incident du 11 septembre claires en montrant les conséquences d'un accident d'avion, tombé sur la maison dans laquelle Ray et ses enfants se sont réfugiés. Il prolonge ainsi d'une allusion aux images traumatisantes renvoyées quatre ans plus tôt par les médias, sa réflexion sur le pouvoir de montrer ou de ne pas montrer, puisque le crash est vécu de l'intérieur d'une cave, à travers des bruits et des lumières. Mais la vision de l'avion éventrée soulève finalement de façon froide les mêmes questions que si on avait assisté à l'accident, le pop-corn en moins...

Le film de 1953 reposait sur un réflexe conservateur, en même temps que sur une bien légitime tentation de vouloir distraire, en fournissant une inévitable adaptation de l'oeuvre emblématique d'un genre à la mode. Mais le film de Byron Haskin participait de la méfiance des films Américains à l'égard de "l'autre" et de ses volontés d'invasion des corps et des âmes. Si Spielberg, en artiste respectueux et connaisseur, rend hommage de multiples façons au film qui a précédé le sien, ne serait-ce qu'en en faisant revenir les héros pour un cameo, ou en s'inspirant du design des machines du premier film pour le sien, son propos est nettement plus sain, lui permettant d'ajouter une nouvelle pierre à sa réflexion globale sur le passage à l'age adulte et la découverte des responsabilités, tout en livrant un constat sans appel sur la vanité de vouloir prendre un drapeau et se lancer en croisade pour quoi que ce soit. War of the worlds est non seulement un grand film de science fiction, un grand film moral, c'est un aussi un grand film humaniste.

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg Science-fiction
22 juin 2023 4 22 /06 /juin /2023 23:51

Le titre l'indique assez clairement: ce court métrage est en fait dans le sillage du chef d'oeuvre d'Andrew Stanton, Wall-E, et d'ailleurs ce dernier en a proposé l'argument. C'est une idée de génie, partagée avec Marvel qui un temps a fait la même chose: proposer des courts métrages qui puissent développer des moments potentiels des coulisses d'un film de long métrage. Ainsi ce film est-il situé dans les coulisses du dernier acte de Wall-E, et on verra d'ailleurs de nombreux moments tirés du film qui nous permettent de contextualiser celui-ci...

En gros, ça concerne les mésaventures d'un petit robot dont la fonction essentielle est de veiller que les lampes extérieures du vaisseau qui l'emploie, soient toujours fonctionnelles. Les aventures débridées de Wall-E et Eve, situées en marge de sa fonction, empêchent clairement sa mission et il en développe une intense frustration...

Les longs métrages de Pixar donnent souvent satisfaction, mais les courts sont très couramment encore plus réjouissants. Disons que celui-ci prolonge efficacement le propos du long qu'il accompagne, en en développant la comédie de caractères, et la poésie burlesque visuelle. Et comme d'habitude, il faut le voir pour comprendre... Mais même si ce serait dommage, on n'a pas vraiment besoin de voir Wall-E pour prendre du plaisir à ce film...

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Published by François Massarelli - dans Disney Pixar Science-fiction
21 juin 2023 3 21 /06 /juin /2023 09:06

Dans un futur très proche, Theodore (Joaquin Phoenix) travaille en tant qu'écrivain public dans une entreprise spécialisée: tous les employés y rédigent pour d'autres personnes des lettres, des simulacres de manuscrits, car les gens ne savent plus faire cette tâche... il est doué, et ses clients sont généralement très contents de son style. Il est en instance de divorce, et cette situation le déchire, car il aime encore Catherine (Rooney Mara), son épouse. Il retarde sans cesse la signature des papiers pour mettre fin à son mariage... 

Quasiment dépressif, il passe beaucoup de temps à jouer à des jeux vidéos proches de la réalité virtuelle, et il s laisse convaincre par une nouvelle technologie, un système dexploitation personnalisé auquel il donne une voix féminine, et qui va devenir sa confidente, l'aider, et... finalement ils vont tomber amoureux. Elle s'appelle Samantha (Scarlett Johansson). Et comme Theodore ne peut pas faire les choses simplement, ce sera évidemment compliqué...

C'est donc de l'anticipation, mais Jonze, qui ne fait a priori rien comme tout le monde, a pris la décision de se passer d'effets spéciaux, jusqu'à un certain point, bien entendu. Il s'en sert pour montrer les jeux vidéos auxquels s'adonnent les protagonistes, Thodore bien sûr, mais aussi son amie Amy (Amy Adams), une voisine qui elle aussi a des difficultés sentimentales. Les deux personnages, sont vraiment les plus présents dans le film, et on y voit clairement la représentation d'un monde dans lequel la solitude naît d'un plus grand accès à la technologie avancée, notamment les intelligences artificielles.

Jonze prend d'ailleurs le pari de faire de Samantha un vrai personnage, ce qui est souvent troublant. Si beaucoup de personnes sont perturbés du fait que le principal personnage ait une relation amoureuse avec son ordinateur, il en est aussi pour l'accepter sans trop s'en soucier. La technologie nous est présentée ici comme quotidienne, indispensable. Non qu'elle ne soit invasive, c'est juste que cette invasion a déjà eu lieu... Une approche subtile, et qui permet au film de ne jamais être un pamphlet tout en lissant la porte ouverte à une interprétation critique...

Car principalement, Jonze ici nous parle de sentiments, de l'amour et de la solitude. De la communication amoureuse, aussi, avec ces gens qui souvent sont seuls... ensemble. Un beau, un très beau sujet même, qui n'est pas éloigné d'autres films sensibles et provocants, on pense, dans un mode évidemment différent, à l'un des chefs d'oeuvre du jeune 21e siècle, Eternal sunshine of the spotless mind, de Michel Gondry, qui lui aussi imaginait une technologie de pointe (assez farfelue en dépit de la gravité du sujet) pour parler de l'amour et de ses errements... Mais le monde du futur est impitoyable de ce point de vue, on y voit Theodore s'adonner au phone sex dans une scène à la fois hilarante et profondément choquante, et un rendez-vous tourne au fiasco: une jeune femme (Olivia Wilde) se rend à un rendez-vous avec lui, et brûle les étapes: complicité trop rapide, suivie de soucis de communication et de pressions trop fortes. Il n'y a pas que theodore qui ne sache pas y faire...

Touchant ou perturbant, le film avane en douceur vers une conclusion vraiment amère, et montre un visage assez affolant des IA, même si je le répète, ce n'est pas le vrai sujet du film, juste un excellent prétexte... C'est aussi une performance toute en nuances et en subtilité de Joaquin Phoenix. Quant à Scarlett Johansson, dont la voix a été ajoutée après coup, elle est tout bonnement parfaitement crédible en intelligence artificielle amoureuse... mais de façon compliquée.

 

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Published by François Massarelli - dans Spike Jonze Science-fiction
14 juin 2023 3 14 /06 /juin /2023 17:54

Entre Artificial Intelligence et Catch me if you can, Spielberg réalise cette adaptation d'une nouvelle de Philip K. Dick. Il y crée de façon impressionnante un monde futur plausible, dans lequel un écho de notre présent se fait jour... Et il y reprend un projet qu'on devine piloté à la base essentiellement par la star, le scientologue Tom Cruise. Celui-ci a sérieusement envisagé de faire de ce film sa première réalisation... Mais recule, après avoir côtoyé Spielberg durant le tournage du film Vanilla Sky, le naufrage abyssal du remake par Cameron Crowe d'un film Espagnol de Alejandro Amenabar. Autant dire que Spielberg n'est que très superficiellement l'auteur de ce film... Et d'ailleurs, il s'en amuse beaucoup! j'irais même jusqu'à avancer l'hypothèse que de tous les films mineurs, voire alimentaires, de l'auteur de Jaws, celui-ci est le plus brillant.

Divorcé suite à la disparition de son fils Sean, John Anderton (Tom Cruise) est l'un des chefs de la division "pré-crime", une organisation située à Washington qui a profité de la découverte par une scientifique géniale de trois enfants pré-cognitifs (En clair, il ont la faculté de voir certains aspects du futur, en particulier la violence meurtrière) pour lancer l'expérience d'une justice pré-criminelle: on arrête les meurtriers avant qu'ils ne commettent leurs délits. Ca fonctionne tant et si bien qu'il est envisagé d'étendre l'organisation au pays tout entier. Mais un grain de sable se glisse dans la machine: un policier, Danny Witwer (Colin Farrell), appelé à collaborer avec l'organisation, commence à fouiner partout, et John Anderton va de fil en aiguille être confronté à une affaire douteuse du passé. Il va aussi goûter à sa propre médecine puisqu'il apprend qu'il va commettre, dans les 48 heures, un meurtre. Deux problèmes pour lui: d'une part, il ne connait absolument pas sa victime; d'autre part, son unité est précisément d'une diabolique efficacité, il lui sera donc d'autant plus difficile d'y échapper.

K. Dick décrivait son système de 'pré-crime' différemment; on y gardait un certain flou sur le mode de prévision, et surtout l'organisation était déjà étendue à ou le pays. Cette idée de montrer l'installation du truc comme étant encore en cours permet au moins de laisser le spectateur dans le doute quant à la possibilité d'une dictature future, là où le romancier était bien plus clair: sa société futuriste était précisément gangrenée par l'abandon total de la notion de libre-arbitre. Le film nous laisse le doute, tout en nous montrant dans des scènes étonnantes John Anderton trahi par ses yeux: partout où il avance, les affiches mouvantes des publicités, le reconnaissant en scannant automatiquement son regard, l'appellent par son nom; cet abandon de l'anonymat n'est bien sûr pas fait pour surveiller les hommes, juste les faire consommer, mais le doute est bien sûr permis, d'autant que le lieu ou son entreposés les criminels potentiels (Donc innocents) est une grande bâtisse, dans laquelle on les endort pour les déshumaniser totalement.

Mais Spielberg s'amuse, disais-je: il sort, après tout, d'un tournage tendu qui fut difficile, puisqu'il a mis en scène le projet A.I. de Stanley Kubrick récemment décédé... Et il y a peu de thèmes qui lui permettent de s'accrocher à ce film. Bien sur, il y a le jeu du regard, son péché mignon, qui est bien mis en valeur par la notion de "point de vue" des "pré-cogs", les trois humains qui voient l'avenir, ou encore par l'omniprésence de l'oeil comme motif identitaires, sans parler la nécessité pour Anderton de changer ses yeux, ce qui passe par une scène d'aveuglement total pour metteur en scène sadique... On verra plus de Spielberg dans le film suivant, et sa métaphore d'une vie de famille ratée, ou ses problèmes de filiation symboliques entre DiCaprio et Hanks, sans parler de la recréation des années de jeunesse du metteur en scène. Surtout, il y a Cruise. Le film est une montagne russe d'émotions, d'action et de suspense, dans un cadre ultra-défini, où le spectateur va se perdre le temps de 145 minutes d'échappatoire bien mérité...

Mais pas Cruise: regardez-le, en chef d'orchestre de la technologie du futur, faire des gestes à la Stokowski devant des écrans... Peut-on être plus ridicule? Donc oui, le film est brillant, superbement rythmé, grand luxe et tout confort, mais il faudra peut-être un jour dire à Tom Cruise qu'il n'est pas la plus belle création de Dieu, ou de L. Ron Hubbard. Ca n'enlève pas grand-chose au film, remarquez: il se laisse voir, avec un grand plaisir, et anticipe de façon troublante, avec une scène mémorable de suspense dans un lieu clos, sur un futur film de science-fiction, très important celui-ci, de Spielberg, avec un Tom Cruise pour une fois acceptable: War of the worlds. Acceptable, mais intense, on ne se refait pas...

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg Science-fiction
11 juin 2023 7 11 /06 /juin /2023 15:35

Dans un futur lointain et troublé, la place manque sur terre après la montée spectaculaire des eaux, et les naissances sont limitées. Les hommes ont donc recours à des "méchas", des robots afin de remplir des tâches subalternes, des imitations ultra-perfectionnées de l'être humain dont on n'hésitera pas à se débarrasser le moment venu. Cybertronics, l'une des entreprises à la pointe de cette technologie sophistiquée, envisage d'aller plus loin en fournissant à des parents en mal d'affection des faux-enfants, et teste le procédé sur un couple, pas vraiment choisi au hasard: Henry et Monica ont tous deux perdu un enfant, ou presque: Martin est dans le coma, il n'y a que peu de chances qu'il en sorte... Ils se retrouvent donc les "parents" de David (Haley Joel Osment), un super-robot qui va dans un premier temps être très difficile à accepter pour Monica (Frances O'Connor), avant que celle-ci commence à s'attacher à lui. Elle va aller jusqu'à commettre une action irréversible: en le verrouillant, elle le rend pour toute la durée de son existence quasi asservi à l'amour qu'il porte pour sa "mère", devenu obsédé par le lien spécial qui a été formé avec elle. Mais Martin sort du coma, et à partir du moment ou le vrai fils des Swinton revient, les ennuis commencent pour David: d'une part, la jalousie féroce de Martin va pousser ce dernier à intriguer contre l'androïde, et d'autre part les parents ne peuvent faire autrement que de prendre parti pour Martin contre David. Les apparences (provoquées par Martin) vont mener Henry (Sam Robards) à prendre la décision de se débarrasser de David. Ce qui se traduit, dans cette société du futur, par un retour à l'usine ou le robot va être détruit. Ne pouvant se résoudre à accepter cette éventualité, Monica emmène David dans la forêt, et le laisse en plan. Pour David, laissé seul face aux multiples dangers qui attendent les robots en liberté, une seule chose compte désormais: retrouver celle qu'il a naturellement été amené à appeler "Maman"...

Il est aujourd'hui encore impossible d'aborder ce film de Steven Spielberg, tourné entre Saving private Ryan et Minority report, sans à un moment ou un autre être confronté à l'argument le plus médiatique du projet: la filiation, en quelque sorte, de Kubrick à Spielberg et le passage de témoin entre le metteur en scène New Yorkais reclus et son jeune disciple si ouvert, affable et expansif. Si on s'en tient à la version de Spielberg, d'ailleurs relayé par Jan Harlan, beau-frère de feu Stanley Kubrick, et producteur exécutif sur A.I., Kubrick souhaitait adapter Supertoys last all summer long, de Brian Aldiss, depuis le milieu des années 80. Il avait privilégié Full metal jacket, nettement plus facile à mettre en chantier, avant de se replonger dans son projet de retour à la science-fiction, dont il aurait décidé après avoir vu Jurassic Park que Spielberg était sans doute plus qualifié que lui pour le tourner. N'étant pas dans le secret des dieux, je dirais que c'est plausible, et s'il y avait dans ce film qui tourne donc comme l'indique clairement le titre autour de la notion d'intelligence artificielle suffisamment de thèmes propres à mobiliser Kubrick, le film convient bien à Spielberg, qui a trouvé matière à réflexion personnelle. Pourtant, ce martèlement par la production du film du glorieux parrainage, fut-il posthume, ressemble à un coup, et oblige tant les commentateurs à se pencher sur la réalité de cette bi-paternité interlope, qu'on ne va pas y couper...

Spielberg va multiplier les appels du pied, les références, les plans "à la manière de...", et va même jusqu'à copier ça et là le style du maitre en matière de travelling avant à la poursuite d'un véhicule: qu'on se rappelle les fameux plans de Danny sur son tricycle, faisant le tour de l'hôtel Overlook dans The Shining... Revenant à la Science-fiction des années après E.T. , dans une histoire qui fait intervenir des extra-terrestres confrontés à l'extinction de la race humaine, Spielberg se plait à montrer une initiative de "préservation" qui renvoie à l'énigmatique final de 2001 dans lequel une sorte de zoo qui contient un seul animal, le spationaute Frank Poole, trouve ici une continuation à travers cette copie de l'univers dans lequel David a été heureux, recréé par des Aliens soucieux de préserver à travers le robot David, une trace de l'héritage disparu des humains. De même, le parcours de David, mâtiné de conte de fées ironique, n'est pas loin d'une picaresque quête d'un être à la recherche de son identité, et confronté à l'ingratitude de ses créateurs. Ceux-ci l'ont créé, et s'en désintéressent. Son oubli et sa douleur (être séparé de sa mère mortelle lorsqu'on peut soi-même durer des millénaires sans trop s'abimer!) font partie de son lot, et la façon dont les humains se retournent contre leurs créations, les détruisant dans des mises en scène de cirque apocalyptique, rappellent encore une fois le destin de l'humanité vu par 2001, cette filiation de l'intelligence, du monolithe mystérieux aux hominidés, des primates à la conquête spatiale, et de la conquête spatiale à la confrontation avec une intelligence artificielle supérieure qui est décidément trop perfectionnée: meurtrière dans 2001, destinée à nous supplanter dans A.I.

Pourtant, là où Kubrick laissait libre cours à sa façon essentiellement cérébrale de tourner, multipliant les prises jusqu'à virtuellement disposer d'absolument toutes les options de jeu possibles, aussi infimes soient les différences et nuances, Spielberg est un instinctif, qui obtient vite et efficacement ce qu'il cherche. Les deux styles ne se confondent pas, loin de là... Et Spielberg ne se confronte pas ici à un film qui lui est étranger. D'ailleurs il prolongera des éléments et motifs de ce film dans ses deux productions suivantes de science-fiction, Minority report et The war of the worlds: dans Minority report, il fait de nouveau reposer une large partie de son film sur le lien fragile et disparu entre un adulte et un enfant, mais du point de vue de l'homme cette fois. Il y invente également un monde bigarré, mais bien moins exotique que celui d'AI. Après tout, son adaptation de Philip K. Dick est supposée se situer une dizaine d'années dans l'avenir... On peut presque imaginer que le monde d'AI est un prolongement de celui de Minority Report... Quant à The war of the worlds, Spielberg y reprend de façon troublante l'assujettissement par la terreur aperçu ici, lorsque David, Gigolo Joe (Un robot d'amour, sorte de sex-toy ultra-perfectionné qui fuit un piège qu'on lui a tendu, interprété de façon splendide par Jude Law) et d'autres "méchas" laissés pour compte, doivent fuir l'apparition d'un ballon dirigeable imitant la lune, dont les occupants sont décidés à les récupérer pour les sacrifier dans un spectacle de cirque. Dans son adaptation de Wells, Spielberg prête cette terreur de l'annihilation aux humains, mais reprend essentiellement les mêmes ingrédients de suspense... Et surtout, le film, qui passe par le conte de fées (Le petit poucet, bien sur, mais aussi le fait qu'une partie importante de la conscience identitaire de David passe par Pinocchio dont l'histoire le fascine, ce qui en fait sa bible pour le reste du film: il souhaite lui aussi rencontrer la fée qui le rendre petit garçon afin que sa mère l'aime), dérive souvent dans le quasi-sadisme de Spielberg, qui pousse une situation jusque dans ses derniers retranchements. Le metteur en scène ne se prive d'ailleurs pas de signer son film: il a recours à plusieurs variations autour du regard, son obsession première, comme lorsque David et Gigolo Joe consultent un oracle, en fait un personnage holographique qui débite de façon mécanique des réponses à des questions. La caméra passe derrière l'hologramme du "Dr Know", nous montrant ainsi David et Joe à travers l'oeil de l'image... Une façon ironique de nous montrer les deux personnages comme nos étrangers, tout en assimilant l'être humain à une création sans aucune vie. Il replace aussi, comme souvent, des plans iconiques: une vision de David dans un rétroviseur de voiture quand Monica fuit l'endroit où elle l'a abandonné rappelle bien sur Jurassic Park, et la vision du reflet dans une flaque d'eau du ballon dirigeable en forme de lune renvoie non seulement à E.T. (Le satellite) mais aussi une fois de plus à ses films de dinosaure. Une preuve que pour respectueux qu'il ait été, le passage de témoin n'a pas empêché Spielberg de s'approprier le film. Heureusement, d'ailleurs.

Reste que AI est une déception. Coincé dans son argumentaire en forme d'équation magique, visant essentiellement à récupérer une partie de l'impressionnante vogue pour les films de Kubrick après sa mort en 1999, le film représente après tout le retour de Spielberg dans le monde de la science-fiction, son renvoi à la rencontre entre l'homme et l'extra-terrestre, qui aurait pu déboucher sur plus qu'une illustration sage du destin tragique d'un robot créé pour des besoins ciblés, et devenu tout à coup le dernier représentant de toute la civilisation et d'une race dont il ne fait d'ailleurs même pas partie. En essayant de mettre ses pas dans ceux de illustre collègue, Spielberg trahi un peu son propre univers, lui qui à cette époque n'a pas l'habitude de la lenteur, celle-ci devient pesante, et la tension qu'il installe avec son suspense finit par être exaspérante. Il aurait convenu de couper A.I., qui est bien un film de Spielberg, mais qui semble vouloir furieusement ressembler à autre chose... ambitieux, mais inachevé, dans lequel la rencontre d'un être paradoxal avec son créateur est presque escamotée. Un film attachant mais qui laisse un goût de regret.

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg Stanley Kubrick Science-fiction
28 mai 2023 7 28 /05 /mai /2023 17:10

Passons un peu de temps avec ce qui apparait souvent comme le film-popcorn le plus totalement vide de sens de toute l'histoire du cinéma, le bien fait mais aussi le plus décérébré des films-jouets de l'oncle Spielberg. On ne va pas s'attarder à raconter l'histoire, ni proférer des stupidités sur l'efficacité ou non des effets spéciaux ou de l'animation 3D. L'intrigue est passe-partout et permet essentiellement une spirale de l'incident, grâce à la simultanéité de deux facteurs: dans le "Jurassic Park" en pleine finition, le milliardaire John Hammond a convoqué des scientifiques qui cautionneront son projet fou de recréer des dinosaures par clonage d'une part, et d'autre part l'un de ses informaticiens sabote le parc le temps de partir avec des tubes contenant des cellules-souches pour créer d'autres dinos, qu'il va vendre à des compagnies véreuses. La rencontre des deux facteurs est bien sur l'idéal pour faire en sorte que les bébêtes trouvent en leurs visiteurs un confortable garde-manger...

Donc, le film est notable pour un certain nombre d'aspects, et pour commencer, avec son parc-dans-le-film, Spielberg rend possible pour la première fois à ma connaissance la présence visible à l'écran des objets de merchandising qui vont réellement être proposés au vrai public lors de la sortie triomphale du film, lors de scènes situées dans les boutiques encore fermées du parc... Un monument de cynisme selon les uns, une amusante mise en abyme selon les autres. Il explore aussi, même si en mineur, un thème qui était déjà présent de façon éclatante dans The last crusade: la paternité, à travers les complexes de Sam Neill face à tout ce qui a moins de dix ans, et bien sûr il doit passer des heures seul à seul avec des enfants... La cellule familiale fragile et excentrique, thème Spielbergien habituel, passe ici par de nouvelles variations avec les humains qui sont regroupés et séparés au gré des évènements. L'éclatement du groupe, avec ses nombreuses variations face à tous les dangers, est un thème fréqent chez Spielberg, et il l'explore avec une grande gourmandise ici.

Sinon, bien sûr, le suspense de Jurassic Park est une nouvelle preuve de la maîtrise de Spielberg, mais qui en douterait? La construction rigoureuse de fameuses scènes ici, est une nouvelle occasion de réjouissances, de l'introduction magistrale du T-Rex à la magnifique scène de la cuisine, qui additionne deux enfants et trois vélociraptors... Et Spielberg continue de faire sienne en la perfectionnant la philosophie cinématographique d'Hitchcock, qui place la vision et le fait de faire voir aux autres au coeur du processus cinématographiques. A ce titre, la scène dans laquelle Jeff Goldblum, Sam Neill et Laura Dern découvrent les dinos est impressionnante, dans la façon dont le metteur en scène nous fait attendre longuement la révélation en nous permettant d'anticiper la vue par le biais des réactions de ceux qui voient... Il nous montre, littéralement, les différentes étapes de la découverte et de l'émerveillement, en ajoutant un important facteur de suspense pour le spectateur qui n'a qu'une seule hâte, qu'on le mette aussi au parfum.

Le film est aussi, dans la carrière de Spielberg, l'un des plus durs avec les nerfs de son public: comme le font remarquer les scientifiques, Man creates dinosaurs, dinosaurs eat man... La contruction des péripéties ici fait sans doute écho à une soif du public pour les sensations fortes, elle a aussi comme immense avantage de créer un équilibre bienvenu dans l'entreprise, entre merveilleux, humour, suspense, horreur... et caca. 

car enfin Jurassic Park restera aussi dans l'histoire comme la plus grande collection de scènes dédiées aux fluides corporels de toute l'histoire du cinéma mainstream... De la fameuse scène durant laquelle Laura Dern enfonce son bras d'une main experte à l'intérieur d'une gigantesque pile des excréments d'un triceratops malade afin de déterminer la cause de son mal, jusqu'à cette scène particulièrement osée durant laquelle une jeune adolescente effarouchée tente de caresser le cou oblong d'un brachiosaure et se fait glorieusement éternuer dessus, en passant par la réaction d'un avocat devant l'apparition d'un T-Rex, dont la vision le fait se réfugier dans les toilettes... Mais la bestiole, d'ailleurs, n'est pas bégueule, puisque l'avocat va se faire bouffer. Tout ça n'est sans doute pas très sérieux, certes, mais au moins Spielberg, qui avait sans doute la tête ailleurs durant le tournage des scènes avec acteurs (Il préparait Schindler's list), s'est certainement beaucoup amusé... Moi aussi.

Et la façon dont ce film, commencé avec un principe de réalité (que le maximum de bestioles soient faites avec des moyens tangibles, donc animatronique, stop-motion, etc...) a dévié vers la révolution numérique, changeant une bonne fois la face du cinéma, est aussi un rappel qu'on peut changer le cours des choses avec parcimonie et le résultat est sans appel: on y croit. Pas parce que c'est de l'animation 3D, mais parce que le numérque a été utilisé afin de compléter l'univers de marionnettes, au lieu de s'y substituer...

Reste une intéressante ironie: si Spielberg croyait au film et avait souhaité le faire, il était aussi engagé sur une autre production folle, celle de Schindler's List, le film qui lui rapporterait d'ailleurs l'Oscar pour 1993. Il n'a pas désiré établir de hiérarchie entre les deux, ce qui est noble. Mais je pense qu'il y  a fort à parier qu'il ait considéré le deuxième film (incidemment, sorti quelques semaines seulement après le précédent) comme son ticket pour la postérité; mais aujourd'hui, les jeunes ne connaissent pas Schindler's list, qui ferait sans doute partie, à leurs yeux, des espèces disparues: un film historique sur la solution finale, en noir et blanc, qui fait plus de trois heures? 

Non, pour nos adolescents, la postérité, c'est Jurassic Park. C'est comme ça.

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg Science-fiction
30 avril 2023 7 30 /04 /avril /2023 09:23

Une famille désemparée, un alien mais pas du genre à vous bouffer tout cru, un suspense lié à la présence d'ombres inquiétantes mais qui s'avèrent en réalité être des humains, ce qui ne les rend pas potentiellement moins dangereux, tout est finalement en place pour que Spielberg nous donne à voir un film qui va asseoir définitivement son style et son univers. Je ne reviens pas sur l'intrigue, à la fois simple et riche, et globalement parfaitement structurée: elle est suffisamment connue pour qu'on n'ait pas besoin d'y revenir. Disons toutefois qu'elle est sans doute ce qui pêche le plus aujourd'hui à revoir le film: on y voit, surtout dans la dernière partie (après la révélation de la condition critique de l'extra-terrestre, et l'intervention des forces spéciales), la volonté de rendre le film aussi prenant pour le jeune public, dans une Disneyisation qui est parfois gênante. Peu importe, Spielberg a montré dans le reste sa maîtrise indéniable, en un prologue muet parfaitement construit, qui installe de façon plus que convaincante toute la démarche: c'est du point de vue de ce petit alien que nous allons voir sa fuite vers le quartier ou habite son futur ami Elliott, et du coup on n'aura pas besoin de trop nous guider pour que nous aussi nous voyions ces êtres humains qui sont à sa recherche comme de sérieux dangers...

La mise en scène de Spielberg, post-Close encounters est comme d'habitude portée vers le regard, qui reste le principal axe de sa narration, mais il a su tirer de son évocation mystérieuse des aliens un art de la lumière qui était nouveau dans son cinéma. Lui qui avait su trouver le moyen de montrer de façon frontale et provocante, s'échine désormais à suggérer, ou du moins à délayer au maximum sa révélation. Ce faisant, il utilise donc la lumière, avec ou sans source visible, pour construire son suspense dans des plans à couper le souffle: l'anecdote de la cabane dans laquelle le petit être venu d'ailleurs se réfugie, qui va être la première rencontre avec Elliott, est à ce niveau remarquable: Elliott va vérifier vers la cabane de jardin ce qui se trame, et il apporte une lampe torche, mais Spielberg nous montre en plan large Elliott comme paralysé par ce qu'il voit, la lampe en main, avec face à lui la cabane étrangement illuminée de l'intérieur. Pour ajouter à la beauté de la scène, la brume et un croissant de lune complètent la composition...

La famille dans laquelle arrive E.T., comme Elliott l'appelle bientôt, est un univers en crise: la maman (Dee Wallace) et ses trois enfants Michael (Robert MacNaughton), Elliott (Henry Thomas) et la petite Gertie (Drew Barrymore) ont en effet à gérer l'absence du papa, parti au Mexique suite à une séparation. La mère de toute évidence, est incapable de tempérer ses enfants, qui mènent leur vie comme ils l'entendent, il suffit de voir l'état de la maison, des chambres dans lesquels les jouets, les objets les plus divers, s'amoncellent, ce qui va paradoxalement permettre aux trois gosses de dissimuler un alien ventripotent pendant quelques jours, sans que la mère ne s'aperçoive de quoi que ce soit... Spielberg sait parfaitement rendre cette impression de vie intérieure phénoménale, due à un manque affectif, et c'est probablement le plus remarquable de la première moitié de ce film; car quelle que soit notre tolérance à la saccharine contenue dans la deuxième moitié, la motivation pour tous ces bons sentiments, est elle au moins assurée... Et le film raconte la lente mais inévitable recomposition de la cellule familiale, comme Close encounters à sa façon, et comme tant d'autres films depuis...

Qu'il ait mérité son succès est une évidence, que le film soit un peu une tricherie de la part d'un metteur en scène qui sait parfaitement ce qu'il fait, et qui sait tout faire, me parait également avéré. On peut l'admettre sans pour autant rejoindre le choeur des pleureuses (la critique Européenne, sans pour autant tomber à bras raccourcis, avait critiqué cet aspect tire-larme du film à sa sortie), tant E.T. apparaît comme un classique sur lequel Spielberg va désormais refonder toute sa carrière. Un film dans lequel il nous rappelle à son univers qu'il va s'efforcer d'élargir de film en film, en laissant par exemple des enfants rouler à vélo dans une zone de banlieue en construction. Il nous fait, à sa façon, le tour du propriétaire dans son propre jardin.

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg Science-fiction
22 avril 2023 6 22 /04 /avril /2023 18:43

Dans les années 50, à la suite du formidable mais alarmiste film The thing, de Howard Hawks et Christian Niby, le mot d'ordre du cinéma Américain était "Watch the skies!". Et, de War of the worlds (Byron Haskin, 1953) en Invasion of the body snatchers (Don Siegel, 1956), la confirmation d'un danger potentiel représenté par les extra-terrestres, métaphores grossières d'un danger communiste d'infiltration, était partout. Le pari de Spielberg, en cette fin d'une décennie durant laquelle les cinéastes ont plus ou moins pris brièvement le pouvoir à Hollywood derrière Coppola et Scorsese, était donc de renverser la tendance, tout en se permettant de s'approprier les formes classiques et spectaculaires de la science-fiction. A ce titre, son film visionnaire est encore là pour faire école, 36 ans après... Même si son fondamental optimisme n'a pas résisté à la fin des années Carter, à des 80s qui se sont avérées sanglantes en matière d'idéal, et au 11 septembre: voir à ce sujet le dernier film que Spielberg a consacré au phénomène extra-terrestre en 2005, nouvelle version du War of the worlds de H.G. Wells actualisé à l'aune des attentats terroristes du XXIe siècle.

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Il faudrait néanmoins se garder d'imaginer que le film ne soit finalement qu'une pièce de musée, dépassé par les évènements, la technologie numérique ou les nouveaux développements en matière de narration cinématographique, ou quoi que ce soit d'autre. D'une part, même si le Spielberg de 1977 croyait dur comme fer à l'hypothèse d'une rencontre à venir entre les humains et les extra-terrestres, motivant  ainsi son désir de faire ce film, il faut bien dire que Close encounters ne se réduit pas à cette lecture au premier degré... D'autre part, tout son cinéma en découle d'une manière ou d'une autre, à commencer bien sûr par les deux 'suites' de sa trilogie extra-terrestre, soit E.T. (1982) et War of the worlds déjà cité. Spielberg n'a sans doute pas fini de s'abreuver à la source de ce qui reste l'un de ses meilleurs films.

Indiana, 1977. Roy Neary et un certain nombre d'autres habitants de cet état sont "visités" par une rencontre extra-terrestre, à des degrés divers: certains en ont gardé la séquelle d'une intense brûlure façon coup de soleil, certains sont marqués par l'intrusion d'un thème musical dans leur tête. Tous sont aussi visités par l'image obsessionnelle d'une montagne mystérieuse. Tous sont également amenés à avoir un comportement obsessionnel, de plus en plus erratique, ce qui se traduit pour Roy, un père et mari déjà pas vraiment parfait, par un licenciement dont il n'a rien à faire, puis par un comportement de plus en plus inexplicable vis-à-vis de sa famille. Pour Jillian, une jeune peintre qui vit seule avec son fils Barry, la rencontre va se traduire par l'enlèvement de ce dernier par des aliens... De son côté, un ufologue Français, le professeur Lacombe, semble mener une opération de grande envergure pour comprendre le message laissé par les extra-terrestres à a plupart des populations de la planète... Tout ce petit monde se retrouvera au Wyoming, à l'abri d'une montagne aux formes légendaires.

http://www.theofantastique.com/wp-content/uploads/2011/01/close-encounters-of-the-third-kind.jpg

Roy Neary, interprété par Richard Dreyfuss, partage finalement avec le petit Barry une confiance assez inexplicable en ce qui pourrait lui arriver auprès des extra-terrestres, c'est l'une des leçons optimistes de ce film, dont Spielberg voulait faire un rappel du fait qu'à cette époque lointaine, on pouvait sans doute partir de chez soi, en laissant la porte ouverte! Le monde n'était pas uniquement fait de dangers. Roy et Barry, bien sûr, sont des enfants; l'un d'entre eux a environ 5 ans, et l'autre se comporte en tous points comme un gosse, ce que le film nous rappelle souvent: il joue, répare des jouets, se laisse happer par le moindre prétexte, et n'assume absolument pas sa condition de père, voire de mari. Il se séparera de sa famille (Ce qui ne semble pas l'affecter tant que ça, d'ailleurs) au milieu du film. Le personnage de Ray (Roy, Ray...) dans War of the worlds en est une variation à peine déguisée à la base, même si l'enjeu sera pour lui de retrouver sa famille et de la maintenir vivante, justement! On retrouvera aussi le schéma d'une mère célibataire dans E.T., confirmant cette hypothèse d'un portrait d'une Amérique dont les valeurs morales se sont ouvertes de façon considérables en un siècle. Mais l'idée d'un homme-enfant apte à reconnaître la tentative de rapprochement opérée par les aliens dans ce film pour ce qu'elle est, est prolongée par l'enthousiasme enfantin du professeur Lacombe, et par de nombreux collaborateurs de ce dernier, comme le prouve une scène: les responsables en costume et cravate font l'assaut d'une salle où trône une superbe mappemonde géante pour en déloger la reproduction de  la terre, qu'ils récupèrent en la faisant rouler comme un ballon! Le corollaire de ces enfantillages, c'est bien sûr le désir de désobéissance, observé par Roy qui ignore les avertissements de danger, mais aussi la saleté, dans laquelle tous les "visités" s'installent lorsqu'ils essaient de reproduire dans de la matière molle la vision mystérieuse d'un monticule signifiant. Il n'est pas interdit d'y voir l'appel de la matière fécale, ce qui nous envoie d'ailleurs vers Jurassic Park et son abondance de monticules de crotte (Un des témoins de la rencontre finale dans Close encounters a d'ailleurs devant l'arrivée d'un vaisseau géant le même problème que l'avocat de Jurassic Park lorsqu'il voit un T-Rex: il lui faut se précipiter aux toilettes!). Entre humour, clins d'oeil, et mise en scène de l'émerveillement (qui passe par le regard, notamment celui d'un enfant), Spielberg accomplit quoi qu'il en soit un hommage complet à l'ouverture d'esprit des enfants... Ce qui, à trois ans de l'enfer Reaganien, ne manquait pas de sel.

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Et puis, je m'en voudrais de ne pas mentionner cette mise en scène toute en contrôle permanent de l'émotion du spectateur, mené par le bout du nez dans le sillage de Roy et Jillian, auquel on montre les préparatifs exaltés d'une rencontre entre l'homme et l'extra-terrestre, sans jamais la nommer. Cette façon qu'a Spielberg de nous préparer à une image inédite, souhaitée mais jamais crue possible, et de ne nous l'asséner qu'une fois les personnages mis à leur tour au courant: Jillian entendant derrière elle un bruit sourd, se retournant lentement, et voyant... ce que nous ne voyons pas encore mais pouvons deviner, un vaisseau grandiose. Le désir de le voir, l'incontrôlable volonté de profiter de l'image hallucinante désormais à notre portée, et la réalisation enfin de ce désir dans un déluge de musique contrôlé par un maestro (John Williams, bien sur): Spielberg optimiste, c'est la promesse d'un cinéma de la jouissance!! Une science du regard, de la mise en scène du regard, et du savoir montrer. 

C'est d'ailleurs le regard qui semble faire ici de sérieux pieds de nez à la communication: entre le français qui a de sérieuses difficultés dans la langue de Shakespeare, et l'incommunicabilité entre Roy, sa femme et ses enfants, on voit bien que le fait de parler ne résoud rien... Et Spielberg accumule les preuves, en montrant par exemple la presse incapable d'avoir des réponses à ses questions. Et si Lacombe orchestre bien une rencontre, grâce à des indices, ils n'ont pas été communiqués par le langage, et malgré tous ces éléments, l'Armée réussit encore à se vautrer, électionnant ses meilleurs surhommes-et-femmes surentraîné(e)s, mais les petits rigolos d'aliens leur préféreront ce brave Roy Neary, lui qui ne sait même pas ce qu'il fait là, pour l'inviter à l'intérieur de leur carosse magique.

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Published by François massarelli - dans Steven Spielberg Science-fiction