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18 juin 2020 4 18 /06 /juin /2020 18:31

C'est l'un des derniers films de Jasset, tourné comme de juste pour le studio Eclair, et c'est une somme, un festival: comme Bandits en automobile, comme sa série des Nick Carter, c'est une histoire policière, ou du moins d'espionnage, mais prise délibérément sur son versant improbable et riche en péripéties: Jasset, qui avait présidé à la destinée de la série Zigomar, en avait retiré deux enseignements: 

D'une part le public appréciait particulièrement les aventures délirantes d'un maître du crime auquel rien ne résistait et qui s'adonnait aux déguisements les plus délirants, un constat que ferait aussi Feuillade à l'époque des Fantômas. D'autre part, il avait apprécié de tourner de nombreux épisodes de Zigomar avec l'actrice Josette Andriot, et avait fini par conclure qu'il lui fallait concilier ces deux atouts. Protéa est donc l'histoire d'une belle espionne, confrontée à une situation sans gravité puisque située dans des pays qui n'existent pas: Jasset aurait-il aussi inventé le MacGuffin cher à Hitchcock?

Donc le gouvernement de Méssénie, qui craint que celui de la Celtie n'utilise un traité dangereux pour ses intérêts, fait appel à l'aventurière Protéa (Josette Andriot) pour le récupérer, mais celle-ci émet une condition: elle assure qu'elle ne pourra mener à bien sa mission que si on lui adjoint les services de son associé L'anguille (Lucien Bataille), qui se morfond en prison! Dont acte, et les deux compères vont en moins d'une heure battre le record du monde de rapidité du travestissement, trouvant à chaque occasion son déguisement... 

Par ailleurs, le film promettait du plaisir en forme de cascades et autres retournements de situations, et gagne à tous les coups: Protéa n'a aucune limite, aucune barrière ne la retient, et Jasset a le bon goût de ne jamais laisser un temps mort ni de ne jamais se prendre au sérieux. Ne cherchez plus le film ultime du serial français: c'est Protéa!

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1913 Victorin-Hyppolite Jasset Eclair
4 septembre 2019 3 04 /09 /septembre /2019 18:27

Compte tenu du pedigree de Jasset, de ses Nick Carter, Zigomar et Protéa, sans parler de ses spectaculaires Bandits en automobile, le titre nous fait nous méprendre dans un premier temps: le pays des ténèbres, évoqué dans le titre, n'est en rien un mystérieux et fantastique royaume gothique, mais plus simplement et plus directement le monde de la mine, tel que l'a peint Zola: un monde partagé entre la survie au quotidien des hommes avec son lot d'espoirs et de déconvenues, et la descente dangereuse au fond de la mine de charbon... Et à en croire la copie visionnée, il s'agirait d'une adaptation de Germinal, mais j'en doute fort, d'autant qu'une quinzaine de mois plus tard, le film imposant de Capellani allait lui adapter Germinal, mais sous la forme d'un long métrage imposant...

Mais ce qui a probablement attiré Jasset, malgré tout, est présent dans le film et justifie cette référence à Emile Zola: car sous couvert de réaliser un drame de la mine, qui est aussi et avant tout un mélodrame assez compassé, il a mis en chantier une importante production, dont les extérieurs ont été tournés à Charleroi, donc en pays minier, et dont les intérieurs de studio ont nécessité la collecte d'une quantité impressionnante de charbon. Et le réalisateur a truffé son film (par ailleurs l'histoire d'une douce orpheline venue vivre en pays minier, et qui se retrouve coincée entre l'amour de son cousin, et celui d'une autre mineur, les deux manifestant leur jalousie dans une rivalité de plus en plus agressive) de visions quasi documentaires, qui ont d'ailleurs poussé la compagnie Eclair à en rajouter sur les arguments publicitaires!

Avec ses acteurs fréquents, Charles Krauss et Cécile Guyon, son chef-opérateur Lucien Andriot, Jasset n'a peut-être pas rendu justice à Germinal (mais savait-il au moins qu'il l'adaptait? Car je le répète, on en est loin), mais il est un drame de la mine, qui se résout dans un héroïsme fraternel certes un brin mélodramatique, mais qui montre de quelle façon les mineurs, chemise enlevée, couverts de poussière noire des pieds à la tête, donneraient leur vie pour trouver leurs copains en difficulté, avant qu'il ne soit trop tard. Un sujet qui reviendra, encore et encore, au cinéma, sous la responsabilité non seulement de Capellani, mais aussi de Pabst, ou encore Ford...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1911 Victorin-Hyppolite Jasset Eclair
29 août 2019 4 29 /08 /août /2019 18:44

Les archivistes du Eye Museum d'Amsterdam possèdent une formidable collection des films Eclair, qui ont été largement diffusés dans les pays Néerlandophones, et justement leur site Youtube commence à ouvrir les vannes de cette salle des trésors. On peut donc enfin voir ces films légendaires que Victorin Jasset, en particulier, a tournés...

Celui-ci, en trois bobines (qui pourraient bien avoir été diffusées au compte-gouttes puisque Jasset était l'inventeur de ce moyen de distribution qui allait tant profiter à d'autres), se promène avec bonheur entre mélodrame (un amour condamné par les parents de la jeune femme, pousse le héros à considérer le suicide) et film d'aventures à péripéties policières(sauvant un mourant de la noyade, le héros l'amène chez lui, et l'homme meurt, il lui est impossible de prouver son innocence)... Les deux amants vont donc fuir la capitale, pour les colonies, où la police ne tardera pas à retrouver leur trace.

Le dénouement est du pur mélo: placé au bagne, le héros y côtoie celui qui avait attaqué la victime du Pont Notre-Dame, et il l'exonère avant de mourir! Hautement improbable, mais l'Eclair avant sans doute tout prévu, confiant cette réalisation à l'auteur des improbables Zigomar et Nick Carter, et du reste, le titre ne situe-t-il pas l'action à l'endroit même où Javert se serait suicidé? A partir de là, je pense que tout est permis, non?

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Published by François Massarelli - dans Victorin-Hyppolite Jasset Muet 1912 Eclair
18 août 2019 7 18 /08 /août /2019 14:08

Les deux enfants du titre, un garçon d'une dizaine d'années et une jeune adolescente presque femme, s'allient à un noble et son épouse qui ont eu par un marin qu'ils emploient que le Capitaine Grant, disparu en mer, serait toujours vivant: une bouteille a été trouvée, avec un message mystérieux dedans. Aidés d'un scientifique un peu excentrique, ils vont parcourir la Cordillère des Andes, l'Amérique du Nord, l'Australie et la Nouvelle-Zélande à la recherche du marin disparu...

En quatre bobines, les aventuriers imaginés par Jules Verne, sorte de panel idéal pour une aventure tous publics, et sans arrières-pensées, passent à la moulinette de toutes les péripéties, Jasset ne se privant pas d'un de ses péchés mignons, le suspense avec un train. Bien sûr, la vision de l'aventure un peu naïve, tout comme celle, odieuse, des Aborigènes, appartiennent à leur époque...

Ce film, qui est du autant à Jasset qu'au scénariste Michel Verne, le fils, illustre la façon de faire du cinéaste quand il se laissait aller à la fantaisie, sans passer par ses histoires de bandits internationaux. Ca bouge, ça part dans tous les sens et ça fait montre d'une vitalité cinématographique permanente, avec du suspense cela va sans dire. Le film, comme le roman, se résout dans un retournement des plus mélodramatiques, sans un gramme de crédibilité... Au moins il se finit bien!

Par contre c'est l'une des dernières oeuvres de Jasset, mort cette même année. Le film n'est sorti qu'en 1914, et est attribué à Jasset et l'acteur Henry Roussel, qui a très certainement pris le relais et fini le film à la place de son auteur d'origine.

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Published by François Massarelli - dans 1913 Muet Victorin-Hyppolite Jasset Eclair
18 août 2019 7 18 /08 /août /2019 14:04

On le dit souvent, Jasset est le précurseur du feuilleton, et avant Louis Feuillade, il a beaucoup fait pour à la fois créer un univers spécifique de l'intrigue policière à rebondissements, et fidéliser les spectateurs autour de séries qui eurent un énorme succès: Les aventures de Nick Carter d'abord, qui eut un énorme succès dans le monde entier (et c'est d'ailleurs grâce à a qu'on en possède aujourd'hui des copies), puis Zigomar et enfin Protéa. Le premier est un détective à l'ancienne: intelligent, travaillant en étroite collaboration non seulement avec la police mais aussi avec la presse, il a pignon sur rue, et est connu et craint de tous les bandits. Le deuxième, plus baroque, est son pendant malhonnête, un super-héros du crime... Enfin Protéa est une justicière dont Jasset n'aura le temps que d'esquisser les contours...

Ce film, l'un des derniers longs métrages de son auteur, est un cross-over entre les deux premiers personnages, en même temps que la conclusion aux aventures de Zigomar: sans nul doute, la censure Franaise très pointilleuse à l'époque, ne devait pas apprécier que le personnage principal d'une série de films soit un voleur quasiment intouchable, et a demandé à Eclair d'y mettre bon ordre. Le film est incomplet aujourd'hui, et difficile à résumer autrement qu'en précisant que Nick Carter et Zigomar se font une guerre sans merci, et d'escarmouche en piège, l'un d'entre eux finit par gagner...

C'est totalement délirant, hautement improbable, et les idées (qui seront d'ailleurs piquées par d'autres, en priorité bien sûr Louis Feuillade et Fritz Lang) vont chercher très loin: la toute première scène finit au bout d'une minute par une explosion spectaculaire dans laquelle un ennemi de Zigomar est mis hors d'état de nuire, justifiant l'intervention extérieure du héros d'un autre film! Et sinon, quand Zigomar tend un piège, il n'y va pas par quatre chemins: il tente d'assassiner son rival avec un...

...Piano.

Et Jasset (qui clairement ne prend absolument pas son film au sérieux) va jusqu'à utiliser l'animation image par image pour donner vie à une idée grotesque: lors d'une descente de police, Zigomar n'a qu'à appuyer sur un bouton pour donner à son tripot clandestin l'allure d'une digne salle de concert... Un type de substitution dont Fritz Lang se souviendra... Il se rappellera aussi du suicide spectaculaire en prison, le tout pour son Dr Mabuse der Spieler, en 1922.

Maintenant, on aimerait voir les autres films réalisés par Jasset dans le genre, avant que la censure ne s'en mêle et le somme de mettre son immense talent au bénéfice de l'unique bienséance avec ce film, qui contient toutefois, on s'en doute, sa dose de péripéties tournées dans le Sud (Marseille, Nice, Toulon) et son quota de morts violentes...

 

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Published by François Massarelli - dans 1912 Muet Eclair Victorin-Hyppolite Jasset
18 août 2019 7 18 /08 /août /2019 14:00

Tourné à la toute fin de sa vie, Balaoo est l'un des plus étranges films de Jasset, dont les films d'aventures et policiers ne manquaient pourtant que rarement d'une dimension baroque, voire inquiétante. Pour commencer, c'est une adaptation de Gaston Leroux, qui n'était pas le plus raisonnable des auteurs! Mais avec cette fable comique d'un genre à part, qui est prise très au sérieux par Jasset et ses interprètes, le réalisateur semble faire tout simplement le portrait d'une humanité aliénée...

Pour commencer, Balaoo le personnage est un singe-homme, plus qu'un homme-singe. Et je vus assure qu'il n'a rien d'un Tarzan! Il serait même beaucoup plus proche du monstre de Frankenstein. Venu en Europe à la demande de M. Coriolis, un vieux savant, il est 'transformé en homme' à la faveur d'un procédé 'connu de lui seul', nous dit un intertitre: Jasset ne s'embarrasse pas d'explications, et a une histoire à raconter, pas un exposé scientifique... Puis il est habillé, nourri (et fait de menus travaux sans noblesse). Mais il obéit à un sale type qui profite de lui, et qui convoite la fille de son bienfaiteur, et là, ça ne va plus... Frustré, il devient un vrai diable, semant la terreur dans tout le pays. Sévèrement grondé, il part semer la terreur en Suisse...

Alors, humain, ou pas humain? C'est intéressant de constater que quand sa «créature» s'enfuit, l'homme qui l'a relégué au rang d'animal cherche à le récupérer, et feuillette les journaux à la recherche d'indices qui seraient plutôt dans la catégorie des faits divers! De son côté, Balaoo est un animal élevé en homme: il vole des œufs dans les poulaillers, mais... les déguste avec du sel! Mais dans la nature, il est un vrai acrobate et se rit du vertige...

Le film est incomplet, seule une bobine a survécu, et il n'est pas sûr qu'on en ait la fin. Abîmée par le séjour dans la glace (on a retrouvé Balaoo à Dawson City), la pellicule n'est pas des plus aisées à regarder, mais d'autres fragments d'une copie Française ont aussi été retrouvés: c'est un film qui a le ton de la comédie dans sa situation et son intrigue, mais dont le jeu des acteurs est résolument fait de tension dramatique. Jasset a demandé à tous ses interprètes le plus grand sérieux, ce qui fait à mon sens le prix de cet étrange film qui dépasse le cadre de la pochade (on imagine le chaos boueux qu'en aurait fait un George Monca ou un Jean Durand...) pour aborder celui de la fable ironique.

 

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Published by François Massarelli - dans Victorin-Hyppolite Jasset Muet Comédie Eclair
18 août 2019 7 18 /08 /août /2019 12:30

Le capitaine Delord et la jeune mademoiselle de Breteuil s'aiment, et vont se marier... sauf que le jeune militaire est gravement blessé, ce qui va entraîner la fin de leurs fiançailles. Vingt années plus tard, la jeune femme est devenue la veuve d'un comte, et leur fils Raoul se lance dans la vie: il est reporter, et écrit un article très critique sur le vieux général Delord... Celui-ci voit rouge et décide de provoquer le jeune paltoquet en duel, ignorant qu'il s'agit du fils de son ancienne bonne amie... Celle-ci va devoir intervenir.

S'il s'agit d'un mélodrame poids lourd, voir le résumé, ce petit film d'une bobine, encore un survivant miraculé du studio Eclair, est plein de qualités. Et pour commencer, il est fort bien interprété, dans une mise en scène qui varie entre un sens du raccourci (qui est assez courant semble-t-il chez Jasset) et une tendance à laisser les émotions s'exprimer. De plus, il se situe à part des tendances contemporaines du cinéma naissant (notamment chez Gaumont) à développer un point de vue assez réactionnaire. Ici, le metteur en scène donne finalement le meilleur rôle à ce jeune reporter qui accepte à cotre-coeur de se battre en duel, pour défendre l'honneur de la presse. Le statut du héros blessé dans sa jeunesse, vieille baderne dans son âge mur, est bien moins enviable...

Ensuite, le metteur en scène aime à utiliser la profondeur de champ et réussit à masquer les illusions théâtrales en évitant les entrées à gauche et à droite. Les premières scènes qui voient le capitaine Delord arriver au fond de la pièce (et il vient de dehors, la luminosité du fond en fait foi) ou encore la formidable scène de duel où le point de vue de Raoul, le fils, nous est donné par le biais de l'arrivée au fond de l'écran de son rival, sont autant d'occasions pour Jasset de faire un cinéma totalement différent, et qui justifie pleinement son enviable réputation de grand précurseur.

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Published by François Massarelli - dans Victorin-Hyppolite Jasset Muet Eclair
18 août 2019 7 18 /08 /août /2019 12:25

C'est un petit film, ramassé sur les deux tiers d'une bobine, mais ses qualités sont évidentes, et jouent sur deux tableaux: d'un côté, un don incroyable pour installer en très peu de moyens, toute une atmosphère, et de l'autre un talent de conteur qui se paie le luxe de mobiliser cinq personnages, et de créer un suspense dense en jouant constamment sur le point de vue...

C'est le soir, un cafetier va fermer, et il ne prête pas attention aux deux hommes qui viennent d'arriver pour boire chez lui: ils sont au premier plan, et pendant qu'il s'affaire à mettre son café en ordre, et monte et descend à la cave, les deux malfaiteurs eux n'en manquent pas une miette et échafaudent un plan. Puis ils quittent apparemment les lieux, quand deux gendarmes habitués des lieux arrivent: ils prennent un dernier verre puis s'en vont. Quand ils sont partis et que le cafetier ferme boutique, les deux hommes reviennent, l'assomment et vont à la cave pour le mettre à l'abri avant de tout dévaliser... Mais les gendarmes reviennent, et s'installent pour manger!

Le café est le lieu unique, dont nous verrons trois décors: la salle principale, la chambre du patron, brièvement, et surtout la cave, le lieu où le suspense est à son comble: d'abord parce que c'est l'endroit, sombre et à l'écart, où le cafetier, nous le savons, risque la mort; et ensuite parce que paradoxalement, le premier point de vue qui ait été développé étant le leur, nous sommes amenés à partager l'anxiété des malfaiteurs quand ceux-ci se rendent compte que des gendarmes viennent d''arriver dans le café, et plus encore quand l'un d'entre eux se rend dans la cave...

La morale reprend ses droits quand le cafetier se réveille, seul dans la cave et que des inserts de l'activité des bandits dans son café, nous renseignent sur le fait que le point de vue a changé: nous sommes désormais aux côtés du patron, et la morale sera sauve à la fin de ces dix minutes...

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Published by François Massarelli - dans Victorin-Hyppolite Jasset Muet Eclair
9 août 2019 5 09 /08 /août /2019 18:19

Le Baron ruiné de Sigognac reçoit chez lui des comédiens itinérants et s'aperçoit qu'ils sont finalement mieux lotis que lui... D'autant que parmi eux il y a la belle Isabelle. Il part avec eux sur les routes et va vivre des aventures avec la troupe...

Le studio Eclair avait pour intention de rejoindre les deux frères ennemis, Pathé et Gaumont pour participer à cette guerre de concurrence, et avait en particulier engagé des cinéastes capables, issus du théâtre, et qui ont particulièrement marqué la production Eclair de leur empreinte: Emile Chautard, Maurice Tourneur et Victorin Jasset sont les grands noms de cette histoire qui ne durera finalement pas très longtemps, puisque les deux premiers sont partis aux Etats-Unis, et Jasset mourra en 1913. La décennie sera fatale au studio, et la plupart des films seront alors perdus... On en retrouve aujourd'hui, notamment chez Lobster, à la cinémathèque française, et au Eye Museum d'Amsterdam qui possède un important fonds Eclair...

Ce Capitaine Fracasse restauré en collaboration avec Lobster est incomplet. Il ne subsiste que les fragments d'une bobine, mais il ne devait pas être beaucoup plus long. Le début manque à l'appel... C'est, selon la technique en vigueur en 1909, un film qui va à l'essentiel d'une intrigue, sans s'embarrasser d'un long développement. Mais le talent de Jasset, qui était décorateur de théâtre, est ici à trouver dans la composition d'une grande assurance, et surtout dans la décoration de son film, qui contrairement à beaucoup de films (Pathé ais aussi Gaumont, il y en aura pour tout le monde!) fait aussi authentique que possible. La multiplication des tableaux permet au cinéaste de chercher à varier les décors le plus possible...

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Published by François Massarelli - dans Muet Victorin-Hyppolite Jasset
14 juin 2015 7 14 /06 /juin /2015 14:47

Jasset fait partie de cette poignée de cinéastes pionniers qui n'ont pas survécu aux années 10, les Bauer, Tucker ou Jasset, tous décédés encore jeunes, tous considérés dans leurs pays respectifs comme des maîtres à l'influence considérable. On a coutume de donner une place de premier plan à Louis Feuillade pour le développement du film policier, et du serial criminel, mais Feuillade a probablement été influencé par Jasset, comme d'ailleurs tous les cinéastes du monde: c'est qu'à la compagnie Eclair où il travaillait, on n'avait ni l'esprit bourgeois de la Gaumont qui souhaitait toujours privilégier le point de vue des honnêtes gens et des forces de l'ordre (Phlippe Guérande dans Les Vampires, Juve et Fandor dans les Fantomas) quelques que soient les turpitudes des bandits, ni le tempérament revendicatif des films de Capellani à la Pathé, qui se situaient clairement à gauche. L'Eclair, à bien des égards, et en particulier les films de Tourneur et ceux de Jasset, se situait là ou le film devenait excitant: c'st dans les films de Jasset qu'est née une conception dynamique du film de genre, qu'on n'appelait pas encore film de gangsters, mais c'est une appellation qui aurait collé sans problèmes...

Bandits en automobile est inspiré de façon évidente par l'épisode sanglant de "La bande à Bonnot, du nom de son chef, Jules Bonnot, qui venait de défrayer la chronique avec une série d'actions illégales spectaculaires; leur spécialité, c'était le hold-up rapide en automobile, en pleine rue. Ils étaient animés d'un esprit anarchique évident, dont Bonnot a souvent largement usé pour donner une publicité à ses propres crimes. D'une crapulerie violente, qui passait souvent par la mort de leurs antagonistes (Policiers, courriers, gardiens, etc), les malfrats de la bande à Bonnot prétendaient être passés à une forme de lutte armée pour la liberté absolue... C'est dire s'ils étaient sulfureux en cette période durant laquelle la bourgeoisie et le paternalisme semblent régner. Le film fait donc la part belle à des actions coup-de-poing, menées par un certain "Bruno", qui ressemble d'ailleurs clairement à son modèle. La plupart des représentants des forces de l'ordre, du gouvernement, voire les victimes de la bande sont en revanche assez anonymes, le point de vue étant celui des bandits. leur cavale nous est montrée, de leur premier coup jusqu'à un assaut de la police sur la retraite de Bonnot, et Jasset nous détaille avec expertise tout leur parcours, en filmant parfois au plus près des corps. Le film joue la carte de la modernité, en filmant avec dynamisme les poursuites en voiture, et les spectaculaires fusillades. De quoi nous faire regretter que tant de films de Jasset aient été perdus...

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Published by François Massarelli - dans Muet Victorin-Hyppolite Jasset Eclair 1912